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28/03/2024 | FRANCE | N°23/05352

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 28 mars 2024, 23/05352


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 28 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 23/05352 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3HF4

AFFAIRE : M. et Mme [T] (Me Olivia SETBON)
C/ ETUDE MAUBE NOTAIRES et MMA IARD (SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS)


DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente



Greffier lors des débats : BERARD Béatrice


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avi...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 28 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 23/05352 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3HF4

AFFAIRE : M. et Mme [T] (Me Olivia SETBON)
C/ ETUDE MAUBE NOTAIRES et MMA IARD (SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [E] [T]
né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 10] (13)
de nationalité Française, demeurant et domicilié [Adresse 7]

Madame [C] [O] épouse [T]
née le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 10] (13)
de nationalité Française, demeurant et domiciliée [Adresse 7]

représentés par Maître Linda KRIBECHE, avocat au barreau de MARSEILLE, puis selon acte de constitution du 23 février 2024 par Maître Olivia SETBON, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Société ETUDE MAUBE NOTAIRES
SELARL immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 442 733 556, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Société MMA IARD
SA au captal de 537 052 368 € immatriculée au RCS de LE MANS sous le numéro 440 048 882, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentées par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

Par acte reçu le 22 septembre 2022 par maître [Y] [L], notaire au sein de l’étude MAUBÉ, Titulaire d’un Office Notarial situé à [Localité 10], avec la participation de maître [R] [W], Notaire à [Localité 9], monsieur [E] [T] et madame [C] [O] épouse [T] ont promis de vendre à monsieur [N] [H] et à madame [J] [G] épouse [H] une maison d’habitation avec jardin et piscine à l’extérieur située à [Localité 11] [Adresse 6], cadastrée [Cadastre 8] Section M n°[Cadastre 5] moyennant le prix de 560.000 €.

La promesse de vente était consentie pour une durée expirant le 31 janvier 2023 et les parties avaient convenu de la soumettre à la réalisation de différentes conditions suspensives et, notamment, l’obtention d’une note d’urbanisme qui ne révèlerait aucune contrainte ou servitude susceptible de déprécier la valeur de l’immeuble. Dans le cadre de l’instruction du dossier, le notaire instrumentaire a sollicité la délivrance d’une note d’urbanisme qui lui a été transmise le 31 octobre 2022 révélant l’existence d’un emplacement réservé pour la création d’une voie MRS-012.

Par courriel en date du 3 novembre 2022, maître [L] transmettait cette note d’urbanisme aux vendeurs en leur précisant que cet emplacement réservé empiétait sur la parcelle vendue et leur demandait s’ils disposaient d’informations complémentaires.

Par courriel du 20 décembre 2022, le notaire des acquéreurs informait maître [L] que le notaire de la banque prêteuse, pour valider le déblocage des fonds, demandait à ce qu’un nouveau délai de rétractation de 10 jours soit ouvert aux acquéreurs compte-tenu de l’existence de cet emplacement réservé. Une nouvelle notification SRU leur a donc été adressée mais les acquéreurs se sont rétractés le 23 décembre 2022.

Par acte de commissaire de justice du 24 mars 2023 monsieur et madame [T] ont fait assigner la SELARL ETUDE MAUBÉ NOTAIRES et son assureur la société MMA IARD.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 28 juillet 2023 monsieur et madame [T] demandent au tribunal de condamner la SELARL MAUBÉ NOTAIRES et la société MMA IARD, in solidum, à leur payer la somme de 71.000 € de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal depuis la signification du jugement capitalisés, outre 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes ils font valoir que maître [L] n'a pas réalisé les investigations nécessaires préalablement à la signature du compromis le 22 septembre 2022, alors qu'il était en possession des éléments lui permettant de conclure à l'existence d'une servitude publique. Il rappellent que la même étude avait, le 6 juin 2002, reçu l'acte authentique aux termes duquel ils sont devenus propriétaires du bien immobilier en cause, auquel était annexé une note d'urbanisme du 1er juin 2001 faisant apparaître la même servitude et un arrêté de permis de construire du 4 avril 2002 faisant état de la création de la voie nouvelle U410. Ils en déduisent qu'en ne délivrant pas cette information aux parties, le notaire a commis une faute conduisant à ce qu'un nouveau délai de rétractation soit ouvert aux acquéreurs.
Ils rappellent qu'il appartient au notaire de révéler l'existence de cette servitude, d'en analyser la portée et d'informer les parties, en particulier l'acquéreur, sur ses conséquences au regard de son projet de construction ; qu'en s'abstenant d'une telle vérification et d'une telle information lors de l'établissement du compromis de vente, le notaire commet une faute. Les consort [T] exposent également que les acquéreurs n'auraient pas signé le compromis s'ils avaient eu connaissance en temps utile de l'existence de cette servitude, et qu'ils ont subi un préjudice résultant à la fois de l'immobilisation de leur bien, soit 56.000 € comme stipulé au compromis, et les frais liés à la non réalisation de la vente (déménagement et réenménagement, soit 5.000 €). Ils soutiennent également avoir subi un préjudice moral, qu'ils estiment à 10.000 €, résultant de la rétractation soudaine des acquéreurs.

La SELARL MAUBÉ NOTAIRES et la société MMA IARD ont conclu le 11 juillet 2023 au rejet des demandes formées à leur encontre et à la condamnation des consorts [T] à leur payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs qu'il ne pouvait pas, au moment de la rédaction du compromis, informer les acquéreurs de l'existence d'une servitude sans avoir obtenu les éléments lui permettant d'en confirmer l'existence, les documents en sa possession étant anciens. Ils ajoutent qu'à cette fin les parties ont stipulé comme condition suspensive l’obtention d’une note d’urbanisme ne révélant aucune contrainte ou servitude susceptible de déprécier la valeur de l’immeuble au plus tard le jour de la réitération authentique de l’acte de vente.
Ils soutiennent encore que le préjudice n'est pas justifié, puisque les bénéficiaires de la promesse de vente se sont rétractés lorsqu'ils ont eu connaissance de la servitude conformément au contrat, que la preuve n'est pas rapportée d'une perte de chance de vendre l'immeuble à un tiers pendant la période de trois mois pendant laquelle il est resté indisponible, et que les autres postes de préjudice ne sont pas prouvés ou sans lien avec les griefs allégués.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il ne résulte pas des dispositions de l'article 1231-1 du code civil que puisse être imposé au notaire d'obtenir la délivrance d'un état de l'immeuble préalablement à la conclusion d'une promesse de vente, dès lors que cet avant-contrat est précisément destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l'expiration des délais utiles à l'obtention des documents administratifs et hypothécaires nécessaires à la perfection de la vente.

En l'espèce la SELARL MAUBÉ NOTAIRES avait eu connaissance, tout comme les époux [T], d'une note d'urbanisme du 1er juin 2001 révélant l'existence d'une servitude de voirie sur le bien vendu et d'un arrêté de permis de construire du 4 avril 2002.

Toutefois il ne saurait être sérieusement soutenu que ces documents vieux de plus de vingt ans au jour de la conclusion du compromis de vente en cause, le 22 septembre 2022, auraient conservé une quelconque pertinence. En effet, selon l'article R*424-17 du code de l'urbanisme, un permis de construire est en principe caduc si les travaux qu'il vise n'ont pas été commencés dans les trois années de sa délivrance. Un certificat d'urbanisme ne garantit pour sa part les renseignements qu'il fournit que pour une durée de dix huit mois conformément à l'article L410-1 du code de l'urbanisme.

Il s'ensuit que l'obtention de nouveaux documents d'urbanisme était nécessaire à l'occasion de la conclusion de la promesse de vente du 22 septembre 2022. Ainsi qu'il vient d'être dit, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir cherché à obtenir ces renseignements avant la conclusion de cet acte préparatoire à la vente, en raison d'une part de la nature même de cet acte destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l'expiration des délais utiles à l'obtention des documents administratifs et hypothécaires nécessaires à la perfection de la vente, et d'autre part de l'impossibilité où le notaire se trouve de préparer in abstracto, par avance et hors de tout acte préparatoire une vente dont il ignore à la fois l'objet, le prix et les conditions.

Les conditions dans lesquelles maître [L] a obtenu les renseignements d'urbanisme et rédigé la promesse de vente ne sont donc pas fautives et la rétraction des acquéreurs pressentis, faites dans les conditions prévues au contrat, ne saurait donc donner lieu à une quelconque indemnisation de sa part.

Monsieur et madame [T] seront en conséquence déboutés de leurs demandes.

Succombant à l'instance, il en supporteront les dépens. Ils seront encore condamnés in solidum à payer à la SELARL ETUDE MAUBÉ NOTAIRES et à la société MMA IARD la somme totale de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute monsieur [E] [T] et madame [C] [O] épouse [T] de leurs demandes ;

Condamne in solidum monsieur [E] [T] et madame [C] [O] épouse [T] à payer à la SELARL ETUDE MAUBÉ NOTAIRES et à la société MMA IARD la somme totale de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum monsieur [E] [T] et madame [C] [O] épouse [T] aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/05352
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;23.05352 ?
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