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26/03/2024 | FRANCE | N°19/06504

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 26 mars 2024, 19/06504


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 26 MARS 2024



Enrôlement : N° RG 19/06504 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WPM4

AFFAIRE : M. [V] [C] (la SCP FOURNIER & ASSOCIES)
C/ M. [A] [R] (Me KTORZA)





DÉBATS : A l'audience Publique du 12 décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 27 février 2024 puis prorogé

e au 26 mars 2024



PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 26 MARS 2024

Enrôlement : N° RG 19/06504 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WPM4

AFFAIRE : M. [V] [C] (la SCP FOURNIER & ASSOCIES)
C/ M. [A] [R] (Me KTORZA)

DÉBATS : A l'audience Publique du 12 décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 27 février 2024 puis prorogée au 26 mars 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [V] [C]
né le 8 juin 1946 à [Localité 7] (13)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Pascal FOURNIER de la SCP FOURNIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDEURS

Monsieur [F], [E] [R]
né le 25 août 1941 à [Localité 8] (ALGÉRIE)
décédé le 14 mars 2022 à [Localité 7] (13)

Madame [J], [P] [G] épouse [R]
née le 16 avril 1956 à [Localité 8] (ALGÉRIE)
décédée le 31 octobre 2019 à [Localité 7] (13)

Monsieur [A] [R]
né le 3 juillet 1980 à [Localité 9]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 6]

Monsieur [W] [R]
né le 21 octobre 1982 à [Localité 9]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]

Madame [X] [R]
née le 24 décembre 1984 à [Localité 9]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]

Monsieur [K] [G]
né le 26 décembre 1957 à [Localité 8] (ALGÉRIE)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 5]

tous représentés par Maître Ronny KTORZA, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte du 28 avril 2011, Monsieur [F] [R], Madame [J] [R] et Monsieur [K] [G] ont confié à Monsieur [V] [C] la maîtrise d’oeuvre de conception et de direction des travaux pour la réalisation de deux villas voisines à construire sur des parcelles sises [Adresse 2].

Monsieur [F] [R] et Madame [J] [R] ont réceptionné leur villa le 24 janvier 2014.

Monsieur [K] [G] a réceptionné sa villa le 31 juillet 2014.

L’entreprise DT BOIS a été chargée de l’édification des maisons en qualité d’entreprise générale. Les travaux ont connu d’importants retards.

Compte tenu de ces retards et difficultés de chantier, les parties ont signé une nouvelle convention de maîtrise d’oeuvre le 18 juin 2014 stipulant une indemnité de 10.000 € HT au profit de Monsieur [V] [C].

Par courrier du 23 juin 2017, Monsieur [V] [C] a réclamé à Monsieur [F] [R], Madame [J] [R] et Monsieur [K] [G] le paiement de cette somme.

*

Suivant exploit du 27 mai 2019, Monsieur [V] [C] a fait assigner devant le présent tribunal Monsieur [F] [R], Madame [J] [R] et Monsieur [K] [G].

Madame [J] [R] est décédée le 31 octobre 2019.

Suivant exploits du 16 juin 2020, Monsieur [V] [C] a fait assigner devant le présent tribunal Monsieur [A] [R], Monsieur [W] [R] et Madame [X] [R] en qualité d’héritiers de Madame [J] [R].

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 12 janvier 2021.

Monsieur [F] [R] est décédé le 14 mars 2022. Ses héritiers étaient déjà dans la cause suite au décès de Madame [J] [R].

*

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 septembre 2023, Monsieur [V] [C] demande au tribunal, sur le fondement des anciens articles 1134, 1104, 1111 et suivants du code civil, de :
- constater la régularité et la validité de la convention d’architecture signée le 18 juin 2014 et la prescription de la nullité invoquée par les consorts [R] et Monsieur [K] [G],
- condamner solidairement les consorts [R] et Monsieur [K] [G] au paiement de la somme de 12.000 € TTC en application de cette convention,
- rejeter les demandes reconventionnelles formulées par les consorts [R] et Monsieur [K] [G],
- condamner les consorts [R] et Monsieur [K] [G] à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 25 mai 2023, Monsieur [A] [R], Monsieur [W] [R] et Madame [X] [R] en qualité d’héritiers de Monsieur [F] [R] et de Madame [J] [R], et Monsieur [K] [G] demandent au tribunal, sur le fondement des articles 1106, 1109, 1111 à 1115, 1131 et 1147 dans leurs versions applicables au présent litige, de :
- rejeter la demande de retrait de pièce n°8,
- débouter Monsieur [V] [C] de toutes ses demandes,
- condamner Monsieur [V] [C] au paiement de la somme de 609.066,28 € au titre des préjudices subis par les consorts [R],
- ordonner l’exécution provisoire,
- condamner Monsieur [V] [C] au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de retrait de la pièce 8 des défendeurs

L'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par la loi du 28 mars 2011 énonce qu'en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.
Ces dispositions ne font pas obstacle, à compter de la conclusion d'un contrat de fiducie, à l'application à l'avocat qui a la qualité de fiduciaire, de la réglementation spécifique à cette activité, sauf pour les correspondances, dépourvues de la mention " officielle ", adressées à cet avocat par un confrère non avisé qu'il agit en cette qualité.
Le présent article ne fait pas obstacle à l'obligation pour un avocat de communiquer les contrats mentionnés à l'article L. 222-7 du code du sport et le contrat par lequel il est mandaté pour représenter l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un de ces contrats aux fédérations sportives délégataires et, le cas échéant, aux ligues professionnelles qu'elles ont constituées, dans les conditions prévues à l'article L. 222-18 du même code.

En l’espèce, les consorts [R] et Monsieur [K] [G] produisent un courrier adressé par Me FOURNIER à son client, Monsieur [V] [C], le 9 février 2016.

Ce courrier est soumis au secret professionnel.

Les défendeurs n’expliquent pas en quoi Monsieur [V] [C] a levé le secret professionnel sur ce courrier.

Il convient de l’écarter des débats.

Sur la prescription de la demande de nullité de la convention du 18 juin 2014

L’article 1304 du code civil dispose que dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.
Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s'il n'a commencé à courir auparavant.

Il est constant que l’exception de nullité d’une convention est perpétuelle sauf si cette convention a reçu un commencement d’exécution.

En l’espèce, alors que les parties étaient liées par une convention de maîtrise d’oeuvre signée le 28 avril 2011, elles ont signé un nouvel acte intitulé “convention” le 18 juin 2014 suivant laquelle “Monsieur [V] [C] s’engage à terminer sa mission de direction des travaux dans les deux maisons avec notamment :
- terminer la direction des travaux de la maison [G],
- vérifier les factures TCE,
- la reprise des marchés de l’entreprise SOMEPRO, défaillante, par des entreprises tierces,
- la préparation des AOR et des procès-verbaux des AOR (TCE) des deux maisons,
- le bilan financier des travaux par corps d’état incluant notamment :
- le calcul des pénalités de retard,
- l’imputation des frais occasionnés par les prestations réalisées par d’autres intervenants, du chef de la carence des entreprises DT BOIS et SOMEPRO,
- les propositions de décomptes sur la base des marchés avec l’entreprise SOMEPRO à opposer au liquidateur Me [S],
- le compte des levées de réserves.

En contre-partie les maîtres d’ouvrage s’engagent à régler dès la concrétisation de cet accord :
- les honoraires en cours :
- ceux du grand drain de Monsieur et Madame [R] : 1.000 € HT,
- ceux du grand drain de Monsieur [K] [G] : 1.000 € HT,
- et par Monsieur [K] [G] dès son entrée dans les lieux la dernière échéance de direction des travaux restant due, d’un montant de 629,92 € TTC,
- ils acceptent que le préjudice financier que le maître d’oeuvre invoque avoir subi lié à l’allongement de l’exécution des travaux résultant des très importants retards dont l’entreprise DT BOIS est majoritairement responsable, soit pris en compte à hauteur d’un montant qu’il évalue forfaitairement à 10.000 € HT, qui seront déduits de la facture définitive de l’entreprise DT BOIS, retards actuellement qu’il estime d’environ 8 mois pour Monsieur [F] [R] et Madame [J] [R] et de 12 mois pour Monsieur [K] [G] (après calcul des indemnités de retard).”

Il est constant que Monsieur [V] [C] a poursuivi sa mission jusqu’à la réception et au delà. Cette convention a reçu exécution, de sorte que l’exception de nullité n’est pas perpétuelle. Le point de départ du délai de prescription de la demande de nullité de cette dernière court à compter de sa signature.

Les défendeurs invoquent une violence de Monsieur [V] [C] dans le cadre de la signature de cette convention. Cette dernière est susceptible de décaler le point de départ du délai de prescription à la fin de la manifestation de cette dernière. Les défendeurs indiquent que la violence résulte du rapport de force entre les parties et que Monsieur [V] [C] menaçait de quitter le chantier.

Or, la définition de la violence morale en droit des contrats est définie comme un vice du consentement permettant d’obtenir la nullité d’un contrat dans lequel une personne s’est engagée sous la menace d’un mal faisant naître chez elle un sentiment de crainte.

La lecture des échanges entre les parties avant cette convention montre que cette dernière a été conclue alors que la réception de la maison [R] avait été réalisée avec nombreuses réserves et que celle de la maisons [G] était sur le point d’être réceptionnée dans des conditions difficiles compte tenu de la défaillance de l’entreprise générale DT BOIS.

Dans le courant du mois d’avril 2014, alors que les travaux avaient un important retard, les parties ont échangés des mails montrant que Monsieur [V] [C] était sur le point de résilier son contrat compte tenu de la rupture de dialogue avec ses clients et de l’ambiance très tendue entre les parties.
Par courriel du 27 avril 2014, Monsieur [F] [R] reconnaît que chaque partie s’est emportée.

Le 10 mai 2014, Monsieur [V] [C] a écrit à ses clients pour leur indiquer que tout le monde était exaspéré par l’attitude de l’entreprise générale DT BOIS, défaillante en ses engagements depuis septembre 2013. Monsieur [V] [C] décrit une altercation survenue sur le chantier le 25 avril 2014 et son souhait d’arrêter le chantier. Il prend acte du souhait des maîtres d’ouvrage de poursuivre avec lui le chantier et les informe du fait que le retard de chantier lui cause un important préjudice financier. Il leur propose une compensation financière afin de poursuivre le suivi des travaux.

Madame [J] [R] a répondu à ce courriel en indiquant qu’elle estimait que cette demande constituait un chantage en l’absence de légitimité de cette demande.

Monsieur [V] [C] lui a répondu qu’il n’était pas possible de continuer sans aucun terrain d’entente.

Ces échanges montrent que la convention litigieuse a été signée à la suite d’une négociation entre les parties dont l’objectif était de ne pas parvenir à une rupture contractuelle définitive sur un chantier non achevé. La violence invoquée par les défendeurs n’est pas caractérisée.

Le point de départ du délai de prescription de la demande de nullité de la convention doit être fixé au jour de sa signature le 18 juin 2014.

Dans ces conditions, la première demande de nullité de la convention présentée par conclusions notifiées par RPVA le 10 mai 2021. Cette demande est alors irrecevable.

Sur la demande en paiement d’honoraires par Monsieur [V] [C]

Monsieur [V] [C] réclame l’application de la clause suivante : les maîtres d’ouvrage “acceptent que le préjudice financier que le maître d’oeuvre invoque avoir subi lié à l’allongement de l’exécution des travaux résultant des très importants retards dont l’entreprise DT BOIS est majoritairement responsable, soit pris en compte à hauteur d’un montant qu’il évalue forfaitairement à 10.000 € HT, qui seront déduits de la facture définitive de l’entreprise DT BOIS, retards actuellement qu’il estime d’environ 8 mois pour Monsieur [F] [R] et Madame [J] [R] et de 12 mois pour Monsieur [K] [G] (après calcul des indemnités de retard).”

Cette clause instituait une indemnité pour le maître d’oeuvre pour le temps supplémentaire passé sur le chantier. Toutefois, cette somme devait être déduite du montant de la facture finale de l’entreprise DT BOIS compte tenu des indemnités de retard que cette dernière devrait payer aux maîtres d’ouvrage.

Cette clause est un accord de rétrocession par les maîtres d’ouvrage d’une partie des indemnités de retard versées par la société DT BOIS.

Or, un litige existe entre les parties au sujet du décompte général définitif. Monsieur [V] [C] déclare qu’il en a établi plusieurs afin de parvenir à un accord entre les parties au sujet du solde du chantier et au fur et à mesure de la levée des réserves. Il indique qu’à cette occasion il a été dit que les indemnités de retard étaient d’un montant trop élevé.
Monsieur [V] [C] reconnaît que le dernier DGD ne contient pas la compensation convenue dans la convention du 18 juin 2014 mais estime qu’il convenait que les maîtres d’ouvrage procèdent eux-même à cette compensation.

Or, la convention du 18 juin 2014 mettait à la charge de Monsieur [V] [C] l’établissement du bilan financier des travaux par corps d’état incluant notamment :
- le calcul des pénalités de retard,
- l’imputation des frais occasionnés par les prestations réalisées par d’autres intervenants, du chef de la carence des entreprises DT BOIS et SOMEPRO,
- les propositions de décomptes sur la base des marchés avec l’entreprise SOMEPRO à opposer au liquidateur Me [S],
- le compte des levées de réserves.

Monsieur [V] [C] ne peut pas reprocher à ses clients de ne pas avoir d’eux-même appliqué cette compensation alors qu’il était investi de la mission d’établir les comptes entre les parties.

Monsieur [V] [C] ne produit aucun des DGD discutés. Il se borne à verser aux débats le calcul des pénalités de retard qu’il a établi le 7 décembre 2015.

Les maîtres d’ouvrage produisent quatre versions de DGD, intitulées version 1, 2, 3 et 4, relatifs à la maison [R] uniquement. Toutefois, ces documents ne sont pas datés, ils contiennent de très nombreuses annotations, ratures et commentaires et ces tableaux sont très difficilement exploitables.

Ces DGD ne font pas état des pénalités de retard à imputer à l’entreprise DT BOIS.

Dans ces conditions, et alors qu’aucune indemnité de retard ne figure sur ce DGD, Monsieur [V] [C] défaille à démontrer que les conditions d’application de la clause de la convention du 18 juin 2014 sont réunies et qu’il est légitime à réclamer un paiement direct par les maîtres d’ouvrage alors que tel n’était pas la modalité d’indemnisation prévue par les parties.

Monsieur [V] [C] sera débouté de sa demande en paiement de l’indemnité stipulée.

Sur les demandes reconventionnelles des consorts [R]

Monsieur [A] [R], Monsieur [W] [R] et Madame [X] [R] en qualité d’héritiers de Madame [J] [R] et de Monsieur [F] [R] recherchent la responsabilité contractuelle de Monsieur [V] [C].
Ils développent des argumentations générales relatives au devoir de conseil, de renseignement, de collaboration, ainsi qu’au sujet des obligations techniques au stade de la conception du projet, de la passation des marchés, pendant l’exécution des travaux, à l’issue des travaux, puis au sujet des obligations financières et comptables, administratives et juridiques.

Ensuite, ils estiment développent différents points examinés successivement, étant observé que Monsieur [K] [G] ne présente aucune demande reconventionnelle à l’égard de Monsieur [V] [C], ayant diligenté une instance dédiée et ayant obtenu une décision par jugement du présent tribunal du 21 décembre 2023.

Les consorts [R] réclament dans leur dispositif la condamnation de Monsieur [V] [C] à leur payer la somme de 609.066,28 € au titre des préjudices subis. Cette somme n’est pas détaillée dans le dispositif, les conclusions n’établissant pas davantage de récapitulatif des différents postes.

Il convient de répondre aux argumentations suivant leur ordre de présentation dans leurs écritures.

- Sur les erreurs de surface

En premier lieu, les consorts [R] estiment que Monsieur [V] [C] a commis des fautes dans la préparation du dossier de permis de construire, avec plusieurs modifications des SHON, SHOB et SHAB des deux maisons, induisant des dépassements de budget.
Ils produisent les échanges de mails dans le courant du début de l’année 2012 au sujet de ces surfaces et Monsieur [V] [C] a effectivement rectifié les mesures indiquées sur le tableau récapitulatif à la suite d’un courriel de Madame [J] [R].
Par mail du 24 janvier 2012, Madame [J] [R] a accusé réception du dernier tableau de surfaces mais maintenait ses inquiétudes quant aux surfaces et au coût de la construction.
Le 5 mars 2012, Madame [J] [R] a réitéré ses questionnements relatifs à ces surfaces.
Ensuite, les échanges entre les parties n’abordent plus ce point, qui paraît résolu.

Les consorts [R] déclarent que les erreurs de surface induisent pour eux d’importants sur-coûts d’imposition de taxe d’habitation et de taxe foncière, outre un sur-coût à la construction sur la base de 2.400 € du m2 et réclament le paiement de la somme de 244.007,93 € au titre de ces derniers.

Toutefois, ils ne produisent aucun relevé de surfaces effective de leur maison. Par ailleurs, la réalité de leur préjudice n’est pas démontrée dans la mesure où si les travaux de construction ont pu être plus onéreux, la maison édifiée en a obtenu davantage de valeur.

Les argumentations des consorts [R] sur ce préjudice financier ne sont étayées sur aucune pièce de nature à démontrer de la réalité de ce dernier. Ils ont fait le choix de ne pas solliciter d’expertise sur ce point et il n’appartient pas au tribunal de pallier leur carence.

Défaillants sur la preuve de l’existence de ce préjudice financier, ils seront déboutés de cette demande.

- Sur les fautes de Monsieur [V] [C] dans la direction des travaux

Les consorts [R] estiment que Monsieur [V] [C] n’a pas dirigé les travaux de manière adaptée, ce qui a induit d’importants retards.
Ils en déduisent un préjudice de 146.866,28 €, qui correspond au montant évalué par Monsieur [V] [C] au titre des pénalités de retard dues par l’entreprise générale. Ce montant n’ayant pas été inscrit par Monsieur [V] [C] dans le DGD, ils réclament la condamnation de ce dernier à leur payer cette somme.

Toutefois, Monsieur [V] [C] produit 92 comptes rendu de chantier, établis entre le 8 juin 2012 et le 11 juillet 2014.

Ces comptes rendus sont édités en moyenne toutes les semaines. La lecture de ces derniers montre que Monsieur [V] [C] a mis en demeure à de nombreuses reprises les divers intervenants de respecter les calendriers.

Il n’est pas réellement contesté par les maîtres d’ouvrage que le chantier a pris d’importants retards du fait de la défaillance de l’entreprise DT BOIS, ainsi que d’autres sous-traitants.

Si ces derniers lui ont reproché en cours de chantier un certain laxisme, les pièces montrent que Monsieur [V] [C] a mis en demeure les entreprises de respecter les délais lors des réunions de chantier mais également par courriers recommandés.

Il n’est pas démontré que Monsieur [V] [C] a failli dans son obligation de diriger les travaux.

Ils seront déboutés de la demande présentée à ce titre.

- Sur la surveillance du chantier

Les consorts [R] déclarent que compte tenu des carences de Monsieur [V] [C] ils ont dû conclure avec Monsieur [M] une mission d’assistance le 27 mars 2013, moyennant une rémunération de 1.000 € par mois.

Cette convention n’est pas produite aux débats. Ils versent uniquement un projet de convention non signé.

Les consorts [R] produisent un courriel de Monsieur [M] du 23 avril 2021, dans lequel ce dernier déclare qu’il est intervenu en qualité d’assistant et de conseil face à la carence de l’architecte et à l’incompétence de l’entreprise.

Cet unique mail ne peut pas pallier la carence probatoire des consorts [R], qui n’établissent nullement avoir engagé la somme de 1.000 € par mois pendant 18 mois.

En effet, une seule une note d’honoraires de Monsieur [M] du 4 juillet 2013 est produite aux débats, pour la somme de 1.000 € au titre d’une mission d’assistance à maitre d’ouvrage.
Toutefois d’une part cette pièce n’est pas visée au bordereau de pièces. Elle est annexée à la pièce 25 intitulée “procès-verbal de Maître [L] du 29 octobre 2014" et il n’est pas démontré qu’elle a été régulièrement communiquée aux débats. Est également agrafé à la pièce n°25 un courriel de Monsieur [M] du 10 juin 2013. La question du respect du principe du contradictoire se pose également concernant cette pièce.
Ces deux pièces doivent nécessairement être écartées des débats.

Par ailleurs et à titre surabondant, le choix des maîtres d’ouvrage de conclure une mission d’assistance à maître d’ouvrage ne résulte pas nécessairement d’une défaillance du maître d’oeuvre.
Il peut s’agir d’un choix opportun pour mener à bien des projets complexes, comme en l’espèce.

Les consorts [R] ne pourront qu’être déboutés de cette demande de remboursement de ces sommes.

- Sur la direction technique du chantier

Les consorts [R] font valoir qu’ils ont dû en cours de chantier alerter Monsieur [V] [C] à de très nombreuses reprises sur les malfaçons qu’ils constataient et que ce dernier ne mettait rien en oeuvre pour les anticiper ou y remédier.
Ils évoquent de nombreux désordres et les réserves non levées.
Au titre de ces défaillances dans l’exécution du contrat, ils réclament une somme forfaitaire de 40.000 €, sans expliquer une telle évaluation.

Toutefois, les consorts [R] ont fait le choix de ne pas faire désigner d’expert au sujet de ces désordres, malfaçons, réserves non levées, alors même qu’ils ne versent aucune pièce au sujet de ces derniers hormis les échanges de courriers.

Les seules photographies produites sont celles issues du rapport d’expertise réalisé à la demande de Monsieur [K] [G] et qui ne concernent pas les demandes des consorts [R].

En l’absence de toute pièce techniques sur ces désordres et les reproches techniques qu’ils reprochent au maître d’oeuvre, les consorts [R] sont défaillant dans la démonstration de la responsabilité de Monsieur [V] [C] dans leur survenue. La seule lecture des courriers qu’ils ont établis en cours de chantier ne peut pallier cette carence car ces courriers ne permettent pas d’avoir une connaissance précise des désordres dénoncés.

Les consorts [R] ne pourront qu’être déboutés de leur demande, au surplus forfaitaire.

- Sur le contrôle des sous-traitants

Les consorts [R] seront également nécessairement déboutés de cette demande forfaitaire en l’absence de toute pièce technique à ce sujet et d’expertise.

- Sur le décès de Madame [J] [R]

Les consorts [R] font valoir que les tracas dus aux errements du chantier ont été à l’origine du cancer de Madame [J] [R], qui s’est déclaré en février 2016 dans le contexte de réserves non levées et qui s’est aggravé, entraînant son décès. Ils réclament la somme de 120.000 € au titre du préjudice moral de ses héritiers.

Toutefois, d’une part ils ne produisent aucune pièce médicale relative à Madame [J] [R] hormis la photocopie de deux ordonnances datées des 22 avril et 22 mai 2014 pour une pathologie lombaire sans démonstration de rapport avec le cancer.

D’autre part, ils sont totalement défaillants à démontrer du lien de causalité entre le cancer qu’ils invoquent et les soucis d’exécution du contrat de Monsieur [V] [C].

Les consorts [R] ne pourront qu’être déboutés de cette demande.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [V] [C] succombant principalement, il sera tenu des dépens de la présente procédure.

L’équité n’impose pas de faire droit aux demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice des défendeurs qui succombent en leurs demandes reconventionnelles et ont produit une pièce soumise au secret professionnel et des pièces non mentionnées dans le bordereau de pièces, ce dernier comportant de nombreuses erreurs de numérotation.

Compte tenu de la grande ancienneté du litige, il convient d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Ecarte des débats la pièce n°8 communiquée par Monsieur [A] [R], Monsieur [W] [R] et Madame [X] [R] et Monsieur [K] [G] consistant en un courrier de Maître FOURNIER à ses clients du 9 février 2016,

Ecarte d’office la note d’honoraires de Monsieur [M] du 4 juillet 2013 et le courriel de Monsieur [M] du 10 juin 2013 en l’absence de numérotation et de mention au bordereau de pièces de Monsieur [A] [R], Monsieur [W] [R] et Madame [X] [R],

Déclare irrecevable la demande de nullité de la convention du 18 juin 2014 car prescrite,

Déboute Monsieur [V] [C] de sa demande en paiement,

Déboute Monsieur [A] [R], Monsieur [W] [R] et Madame [X] [R] en qualité d’héritiers de Madame [J] [R] et de Monsieur [F] [R] de l’intégralité de leurs demandes reconventionnelles,

Condamne Monsieur [V] [C] aux dépens de la procédure,

Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-SIX MARS DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 19/06504
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;19.06504 ?
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