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19/03/2024 | FRANCE | N°22/01693

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 19 mars 2024, 22/01693


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 19 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 22/01693 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZWED


AFFAIRE : Mme [E] [G] ( la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ Mme [S] [H] épouse [T] (la SELARL CARLINI-WUST-KAMBOUA) - M. [L] [N] (Me Béatrice GASPARRI LOMBARD)



DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

>A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 19 Mars 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024

Par Mada...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 19 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 22/01693 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZWED

AFFAIRE : Mme [E] [G] ( la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ Mme [S] [H] épouse [T] (la SELARL CARLINI-WUST-KAMBOUA) - M. [L] [N] (Me Béatrice GASPARRI LOMBARD)

DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 19 Mars 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [E] [G]
née le 18 Février 1935 à [Localité 19], de nationalité française, domiciliée et demeurant [Adresse 13]

représentée par Maître Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Madame [S] [H] épouse [T], de nationalité française, domiciliée et demeurant [Adresse 13]

représentée par Maître Laurence CARLINI de la SELARL CARLINI-WUST-KAMBOUA, avocats au barreau de MARSEILLE

Monsieur [L] [N], domicilié et demeurant [Adresse 13]

représenté par Maître Béatrice GASPARRI-LOMBARD de l’ASSOCIATION GASPARRI LOMBARD ASSOCIEES, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] est propriétaire d’un terrain et d’une maison situés [Adresse 13], cadastrés section [Cadastre 15], [Cadastre 11] et [Cadastre 12].

La parcelle [Cadastre 11] comprend un chemin privé appartenant à Mme [G] à partir de [Adresse 16].

A proximité de sa propriété se trouvait une propriété dénommée « Campagne [I] », cadastrée [Cadastre 14], [Cadastre 10], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 8], divisée en 1962 entre :
- les parcelles cadastrées [Cadastre 14], [Cadastre 10] et [Cadastre 2], détachées de la propriété [I] et vendues à M. [M],
- les parcelles cadastrées [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 6], [Cadastre 5], restées la propriété de M. [I].

Par acte du 23 septembre 1963, M. [G] a consenti à M. [M] à titre perpétuel à un droit de passage sur le chemin privé cadastré [Cadastre 11] lui appartenant, prenant naissance [Adresse 17] (actuellement[Adresse 16]4) et prenant fin à l’extrémité de ce chemin là où débute la parcelle [Cadastre 9].

M. [M] a vendu sa propriété à M. [V] en 1990, puis à Mme [F].

Au décès de M. [I], ses héritiers, les époux [A]-[C], propriétaires des parcelles cadastrées [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 5], ont usé du passage sur le chemin [Cadastre 11] pour accéder à la voie publique depuis leur propriété.

Les époux [A]-[C] ont ensuite divisé leur fonds en deux propriétés : l’une appartient aujourd’hui à Mme [H]-[T], et l’autre à M. [N].
Mme [H]-[T] a ainsi acquis, par acte notarié en date du 7 août 2012, la propriété sise [Adresse 16] – [Localité 1], cadastrée [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 4].

M. [N] est quant à lui propriétaire des parcelles [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 8].

Estimant que l’état d’enclave n’était plus existant en l’état de l’accès à la voie publique par le Parc des [18], par acte en date du 14 décembre 2012, Mme [G] a assigné Mme [F] devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de voir supprimer la concession de passage.

Le tribunal a fait droit à sa demande par jugement du 26 mai 2016, confirmé par arrêt du 1er mars 2018 de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en toutes ses dispositions.

Mme [G] a ensuite saisi par acte du 28 juin 2019 le président du tribunal judiciaire de Marseille statuant en référé d’une demande d’expertise judiciaire au contradictoire de Mme [H].

Par ordonnance du 29 novembre 2019, le président du tribunal judiciaire Marseille a rejeté la demande en l’absence de motif légitime.

Par arrêt en date du 18 mars 2021, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a confirmé l’ordonnance.

***

Par exploit du 17 février 2022, Mme [E] [G] a fait citer M. [L] [N] et Mme [S] [T] [H] devant le tribunal judiciaire de céans aux fins de les voir condamnés à ne plus emprunter le chemin AV35 sous astreinte et à remettre en état le chemin objet de la servitude et le mur de clôture sous astreinte.

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 19 septembre 2023, Mme [G] demande au Tribunal de :

Vu les articles 682, 684 et 685-1 du Code civil,
Vu les pièces versées au débat,

- JUGER Mme [G] recevable et bien fondée,
- JUGER que l’état d’enclave n’existe plus pour Mme [H] comme pour M. [N],
- En conséquence, CONDAMNER Mme [H] et M. [N] à ne plus emprunter le chemin cadastré [Cadastre 11] sur la commune d’[Localité 1] et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,
- CONDAMNER Mme [H] et M. [N] à remettre en état le chemin objet de l’assiette de la servitude cadastré [Cadastre 11] sur la Commune d’[Localité 1] et le mur de clôture sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du Jugement à intervenir,
- CONDAMNER Mme [H] et M. [N] au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle indique que c’est en contravention des dispositions de l’article 684 du code civil qu’est utilisé le chemin dont elle est propriétaire dans la mesure où à l’occasion des divisions parcellaires, le passage aurait dû intervenir sur les fonds objets de la division puisque, avant la première division parcellaire, le fonds [I] disposait d’un accès à la voie publique par un chemin coutumier. Elle affirme que depuis la suppression du droit de passage de Mme [F] et son désenclavement à l’occasion de la création du parc des [18], un autre passage existe pour desservir les fonds [H] et [N], qui ne sont donc pas enclavés.
Elle ajoute que le chemin litigieux n’est pas le plus aisé dès lors que les camions peuvent y rester coincés, qu’elle voit régulièrement son mur de clôture endommagé et que l’accès sur [Adresse 16] est particulièrement dangereux.
Elle mentionne qu’il ne saurait être fait état d’une prescription en application de l’article 685-1 du code civil, le propriétaire n’étant pas limité dans le temps dès lors qu’il constate l’absence d’enclavement du fonds dominant et la configuration des lieux ayant évolué avec l’accès au Parc des [18] facilité.
Elle fait état de la dégradation du mur de clôture et de sa nécessaire remise en état.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 16 novembre 2023, M. [N] demande au Tribunal de :

- Débouter Madame [G] de l’ensemble de ses réclamations et l’en dire non fondée,
- Constater l’état d’enclave du fonds [N],
- Reconventionnellement, venir Madame [G] s’entendre condamner au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il soutient que l’accès que Mme [G] souhaite voir emprunté désormais par M. [N] n’est pas un accès public à la voie publique, mais un accès privé passant par la propriété de Mme [F]. Il souligne que l’accès actuel à sa propriété et celle de Mme [H] [T] résulte à la fois d’une décision judiciaire et de l’usage de ce chemin depuis plus de 30 ans.
Il ajoute que le tribunal de grande instance de Marseille, par jugement du 25 novembre 1980 et la cour d’appel d’Aix-en-Provence, par arrêt confirmatif du 3 mars 1982, ont confirmé que le fonds des époux [A] ne disposait pas d’un accès direct à la voie publique et leur ont accordé ainsi qu’à leurs ayant-droits une servitude de passage sur le chemin [G], moyennant une indemnité proportionnelle aux dommages pouvant être occasionnés.
Selon lui, Mme [G] ne justifie pas que le passage des véhicules sur la servitude causerait des dégradations au mur de clôture, le mur étant dégradé par son manque d’entretien.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 8 mars 2023, Mme [H] demande au Tribunal de :

Vu l’article 682 du Code civil,
Vu l’article 684 du Code civil,
Vu l’article 685-1 du Code civil,

- CONSTATER que Mme [H]-[T] bénéficie d’une servitude de passage sur le chemin cadastré [Cadastre 11] conférée par décisions de justice définitives et par prescription trentenaire ;
- DEBOUTER Madame [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER Madame [G] à payer à Mme [H]-[T] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER Madame [G] aux dépens.

Elle soutient que son titre de propriété mentionne expressément que sa parcelle est enclavée et qu’une servitude de passage est acquise par jugement définitif en page 4, l’accès à ladite propriété se faisant à partir de la voie communale par la parcelle cadastrée [Cadastre 11] depuis plus de trente ans et le jugement rendu le 25 novembre 1980, confirmé par un arrêt rendu le 3 mars 1982, ayant accordé à Mme [A] née [C] un droit de passage tant en surface qu’en tréfonds sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 11] appartenant alors aux époux [G], du fait de son état d’enclave.
Elle explique que la création d’un autre passage au travers de la propriété de laquelle le fonds [A] a été autrefois détaché est impossible compte tenu de très fortes déclivités, aussi la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait clairement écarté l’application de l’article 684 § 1 du code civil. Elle expose que la servitude accordée ne saurait donc être sérieusement remise en cause et que depuis le 11 décembre 1978, soit 45 ans, les propriétaires successifs des parcelles ayant appartenu aux époux [A] bénéficient d’un droit de passage reconnu judiciairement sur le chemin [Cadastre 11], la prescription étant acquise.
Elle souligne que le jugement du tribunal judiciaire de Marseille de 2016 concerne seulement Mme [F] et ne lui est pas opposable, en outre l’état d’enclave du fonds [F] a disparu du fait de la création d’un accès par le Parc des [18], Mme [F] étant propriétaire d’une villa lot n°18 au sein même de ce Parc des [18], ce qui n’est pas son cas.
Elle estime que l’existence du lotissement du Parc des [18] ne change rien à la situation d’enclave de son fonds, puisqu’il se trouve de l’autre côté de la propriété [F]. Aussi, le passage par le Parc des [18] ne constituerait pas un accès direct à la voie publique puisqu’il nécessiterait de passer par un chemin privé appartenant à un lotissement privé doté d’un portail sécurisé, pour accéder à la propriété [F] qu’il faudrait ensuite pouvoir traverser pour accéder à sa propre parcelle.
Enfin, le trajet le plus court entre la propriété de Mme [H]-[T] et la voie publique est bien le chemin [Cadastre 11], le rapport établi le 24 janvier 2022 par le cabinet [U] ayant été réalisé à la seule demande de Mme [G] pour les besoins de la cause de façon non contradictoire et comportant de fausses informations.
S’agissant de la remise en état du chemin et du mur, le seul incident qui a eu lieu avec un camion de fioul sur le chemin s’est déroulé en mars 2013 et la preuve des dégradations du mur n’est pas rapportée.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 16 janvier 2024 et la décision a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

L’article 684 du même code prévoit que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes. Toutefois, dans le cas où un passage suffisant ne pourrait être établi sur les fonds divisés, l'article 682 serait applicable.

Enfin, l’article 685-1 du code civil dispose qu’en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682. A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice.

Il est constant qu’en l’absence de convention ou d’une décision judiciaire devenue irrévocable, ce dernier article permet d’accueillir une demande de suppression de la servitude légale de passage en cas d’enclave après la cessation de cet état, bien que l’exercice de cette servitude se soit prolongé pendant plus de trente ans.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’ensemble des parcelles [Cadastre 14], [Cadastre 10], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 8] sont issues d’une propriété divisée en 1962 entre M. [M] (parcelles [Cadastre 14], [Cadastre 10] et [Cadastre 2]) et M. [I] (parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 7], [Cadastre 4], [Cadastre 8], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]) et que la servitude conventionnelle de passage a été consentie en 1963 par M. [G] sur la parcelle [Cadastre 11] aux seuls fonds appartenant à M. [M], désormais propriété de Mme [F].
Les fonds propriété de M. [I] sont devenus ceux des époux [A]-[C] qui les ont ensuite divisés en deux propriétés, les parcelles [Cadastre 3], [Cadastre 7] et [Cadastre 4] appartenant à ce jour à Mme [H], les parcelles [Cadastre 8], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] appartenant à M. [N].

Il résulte des pièces communiquées que par arrêt en date du 1er mars 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement du 26 mai 2016 ayant notamment ordonné la suppression du droit de passage accordé le 23 septembre 1963 au profit du fonds appartenant à Mme [M], désormais propriété de Mme [F], sur le chemin privé appartenant à Mme [G] prenant naissance [Adresse 17] et prenant fin à l’extrémité de ce chemin privé.
Cette décision relève que ce droit de passage conventionnel avait pour cause principale le caractère insuffisant de l’accès au fonds de M. [M] par le sentier coutumier et donc son état d’enclave ; et que la propriété de Mme [F] dispose d’une entrée donnant sur le Parc des [18] disposant de plus d’aménagements, établissant ainsi la preuve de la fin de l’état d’enclave.
Toutefois, comme le soulignent justement les défendeurs, cet arrêt ne concerne que les fonds de Mme [G] et ceux de Mme [F], de sorte qu’il ne peut être soutenu que ceux de M. [N] et de Mme [H] sont également impactés par cette décision qui ne leur est pas opposable et ne remet pas, de fait, en cause leur servitude de passage.

Si l’article 684 du code civil impose effectivement l’établissement du passage pour cause d’enclave sur les terrains issus de la division d’un fonds par la suite d’une vente, sous réserve de la suffisance de ce passage, il n’en demeure pas moins que le titre de propriété de Mme [H] en date du 7 août 2012, relatif aux parcelles cadastrées section [Cadastre 3], [Cadastre 7] et [Cadastre 4] mentionne expressément en page 4 que l’accès à la propriété « se fait à partir de la voie communale par la parcelle cadastrée [Cadastre 11] depuis plus de trente ans » et que par jugement rendu le 25 novembre 1980 par le tribunal de grande instance de Marseille, confirmé par un arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 3 mars 1982, un droit de passage en surface et en tréfonds a été accordée à Mme [A] née [C], précédente propriétaire de l’immeuble dans sa plus grande contenance, sur la parcelle cadastrée [Cadastre 11] appartenant aux époux [G] du fait de son état d’enclave. Il précise également que l’accès aux parcelles de Mme [H] s’effectue au travers de la parcelle cadastrée section [Cadastre 8], désormais propriété de M. [N], en vertu d’une servitude rappelée dans l’acte.

L’attestation notariée produite par M. [N] fait également état d’un accès à la propriété cadastrée [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 9] à partir de la voie communale par la parcelle cadastrée [Cadastre 11] en vertu du jugement du 25 novembre 1980, confirmé le 3 mars 1982.

En effet, le jugement rendu le 25 novembre 1980 entre les époux [G] et [A] par le tribunal de grande instance de Marseille, confirmé par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 3 mars 1982, a expressément accordé une servitude de passage aux époux [A] et à leurs futurs acquéreurs s’exerçant sur le chemin des époux [G], moyennant indemnisation, compte tenu de l’état d’enclave de la propriété des époux [A] et de l’absence de tout autre passage moins dommageable eu égard à la configuration des lieux établie le 6 décembre 1978 par l’expertise de M. [O], géomètre, notamment la forte déclivité des terrains et le relief avoisinant accidenté.

Il en résulte que l’accès par M. [N] et Mme [H] à leurs fonds initialement enclavés, issus de la division de la propriété des époux [A], par le chemin situé sur la parcelle [Cadastre 11], propriété de Mme [G], résulte bien d’une décision de justice définitive. Tout autre accès a été formellement écarté par les décisions de justice compte tenu de la configuration des lieux. Aussi, aucune servitude de passage ne pouvait être accordée sur les fonds de Mme [F] sur le fondement de l’article 684 du code civil qui était inapplicable en l’espèce.

En outre, il n’est pas contesté que M. [N] et Mme [H] ou leurs prédécesseurs usent de cet accès depuis plus de trente ans.

Mme [G] ne démontre aucunement que l’état d’enclave des fonds des défendeurs a disparu du fait de la création d’un nouvel accès à la voie publique moins dommageable par le Parc des [18].

Il doit être rappelé que le jugement du 26 mai 2016 et l’arrêt du 1er mars 2018 ne sont nullement opposables aux défendeurs qui, au demeurant, ne se trouvent pas dans la même situation que Mme [F].
L’analyse du plan cadastral transmis par Mme [H] laisse apparaître que les propriétés de Mme [H] et de M. [N] ne disposent pas d’un accès direct au Parc des [18] qui nécessiterait un passage préalable par les fonds de Mme [F] ou d’autres parcelles contiguës. Il apparaît en outre que Mme [F] est propriétaire du lot n°18 au sein de l’ASL PARC DES [18], l’autorisant ainsi à user des voies du lotissement privé pour accéder à la voie publique, ce qui n’est pas le cas des défendeurs.
Aucune pièce ne permet d’affirmer que la création de ce lotissement laisse la possibilité à M. [N] et Mme [H] d’accéder à la voie publique de façon plus directe et aisée, alors même que ce chemin apparaît bien plus long sur les plans communiqués. Surtout, Mme [G] n’établit pas que la forte déclivité des terrains constatée par le géomètre en 1978 n’existe plus à ce jour, ceci permettant un accès à la voie publique plus aisé et commode par l’ouest.
Il résulte en outre des clichés du procès-verbal de constat du 12 septembre 2018 que l’accès à la voie publique par le Parc des [18] est fermé par un portail motorisé.

Le rapport dressé par le cabinet [U] le 24 janvier 2022 a été établi de façon non contradictoire à la demande de Mme [G] et comporte plusieurs erreurs et inexactitudes s’agissant de la référence cadastrale du chemin litigieux mais également quant à l’usage de la servitude de passage de M. [N] et de Mme [H], qualifiée de « sans droit ni titre » par M. [U] en dépit des décisions judiciaires précitées. En tout état de cause, ce rapport n’apporte aucun élément de nature à contredire les constatations précédentes, n’annexe aucunement les titres allégués et ne procède que par voie d’affirmation s’agissant du désenclavement des propriétés des défendeurs par le Parc des [18], alors même que M. [U] n’indique pas s’être rendu sur les lieux.

Par conséquent, Mme [G] ne peut valablement prétendre à la suppression de l’état d’enclave des fonds de M. [N] et de Mme [H] et doit être déboutée de sa demande d’interdiction d’emprunter le chemin cadastré [Cadastre 11] sous astreinte.

S’agissant de la remise en état du chemin litigieux et du mur de clôture, force est de constater que Mme [G] ne justifie aucunement que les dégradations alléguées ont été causées par le passage des véhicules des défendeurs. Les photographies produites par la demanderesse ne permettent pas d’établir que le passage du camion à une date particulièrement ancienne a causé des dégradations et que ce fait est imputable à l’un des défendeurs.
De même, le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 12 septembre 2018 met certes en évidence la fissuration du mur de soutènement en pierres de Mme [G] et la dégradation du chemin mais ne permet pas d’en déduire une quelconque responsabilité de M. [N] et de Mme [H] dans la survenance de ces dommages.

En conséquence, Mme [G] sera déboutée de sa demande de remise en état du chemin et du mur de clôture sous astreinte.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Madame [E] [G], qui succombe in fine, supportera les dépens et sera condamnée à verser à Monsieur [L] [N] et Madame [S] [H] la somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant à juge unique publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

DEBOUTE Madame [E] [G] de l’intégralité de ses demandes,

CONDAMNE Madame [E] [G] aux entiers dépens,

CONDAMNE Madame [E] [G] à payer à Monsieur [L] [N] et Madame [S] [H] la somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles de la procédure.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 19 mars 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 22/01693
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.01693 ?
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