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19/03/2024 | FRANCE | N°21/08424

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 19 mars 2024, 21/08424


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 19 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 21/08424 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZGIU


AFFAIRE : M. [S] [D] ( Me Virginia DUMONT-SCOGNAMIGLIO)
C/ SDC [Adresse 2] (Me Dominique DI COSTANZO) - SARL [W] (Me Alain DE ANGELIS)


DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'issue de laquelle, la d

ate du délibéré a été fixée au 19 Mars 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE,...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 19 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 21/08424 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZGIU

AFFAIRE : M. [S] [D] ( Me Virginia DUMONT-SCOGNAMIGLIO)
C/ SDC [Adresse 2] (Me Dominique DI COSTANZO) - SARL [W] (Me Alain DE ANGELIS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 19 Mars 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [S] [D]
né le 17 Février 1990 à [Localité 3], de nationalité française, kinésithérapeute, domicilié et demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Virginia DUMONT-SCOGNAMIGLIO, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exerice, le Cabinet [W], inscrit au RCS de Marseille sous le numéro 344 406 848 et dont le siège social est [Adresse 1], pris en la personne de son représentant légal en exercice

représenté par Maître Dominique DI COSTANZO, avocat au barreau de MARSEILLE

LA S.A.R.L. CABINET [W], inscrite au RCS de Marseille sous le numéro 344 406 848 et dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Alain DE ANGELIS de la SCP DE ANGELIS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART-MELKI-BARDON, avocats au barreau de MARSEILLE

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [S] est propriétaire d’un bien au sein de la copropriété située [Adresse 2], gérée par le syndic CABINET [W].

Lors de l’assemblée générale extraordinaire en date du 22 juillet 2021, l’interdiction de toutes locations de courte durée dans l’immeuble a été votée en résolution n°3.

M. [D] s'est plaint de ce que cette résolution a été votée à la majorité des copropriétaires présents et représentés et non à l’unanimité de l’article 26.

***

Par acte d'huissier du 21 septembre 2021, M. [D] a assigné, devant le Tribunal judiciaire de Marseille, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble et le syndic aux fins d'annulation de l'assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2021 dans son intégralité.

Par ordonnance du 12 août 2022, le Juge de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir formulées à l'encontre de M. [D] tirées du défaut de droit et d'intérêt à agir,

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 12 mai 2023, M. [D] demande au Tribunal de :

Vu les articles 11, 12, 25 du règlement de copropriété,
Vu l’article 1240 du code de civil,
Vu l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété,
Vu l’article 544 Code civil,
Vu la jurisprudence,

- DECLARER la demande de Monsieur [D] recevable et bien fondée,
- DEBOUTER le Syndic et le Syndicat des copropriétaires de l’ensemble de leurs fins de non-recevoir, demandes, et conclusions,
- DIRE ET JUGER que le Syndic, le cabinet [W], a commis une faute dans l’exercice de son mandat,
- ANNULER l’assemblée générale extraordinaire en date du 22 juillet 2021 dans son intégralité,
- A tout le moins, ANNULER les résolutions 3 et 4 de l’assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2021,
- En tout état de cause, s’agissant du préjudice, A titre principal, CONDAMNER le syndic de copropriété, le cabinet [W], à verser à Monsieur [D] la somme de 10.450 euros au titre de son préjudice de jouissance et financier pour la période comprise entre l’AG litigieuse et l’AG prononçant l’annulation de cette dernière, soit entre le 22 juillet 2021 et le 25 octobre 2021,
- A titre subsidiaire, CONDAMNER le syndic de copropriété, le cabinet [W], à verser à Monsieur [D] la somme de 7.315 euros au titre de la perte de chance de louer son bien sur cette période, estimée à 70% compte tenu des caractéristiques et de la situation idéale du bien,
- A titre infiniment subsidiaire, CONDAMNER le syndic de copropriété, le cabinet [W], à verser à Monsieur [D] la somme de 3.960 euros au titre de son préjudice de jouissance et financier, pour la période du 22 juillet au 27 août 2021 durant laquelle il a été effectivement en vacances et en déplacement et où il a été privé de louer son bien (36 jours à 110 euros),
- A titre infiniment subsidiaire, CONDAMNER le syndic de copropriété, le cabinet [W], à verser à Monsieur [D] la somme de 2.772 euros au titre de la perte de chance de louer son bien sur cette période, estimée à 70% compte tenu des caractéristiques et de la situation idéale du bien,
- En toutes hypothèses, CONDAMNER le syndic de copropriété, le cabinet [W], à verser à Monsieur [D] la somme de 1.500 euros au titre de son préjudice moral,
- CONDAMNER le cabinet [W] à verser à Monsieur [D] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Il indique que le vote doit être pris à l’unanimité en ce qui concerne une restriction du droit de propriété, notamment l’interdiction de toutes locations de courte durée et que la résolution 4 est dépendante du vote de la résolution 3. Il souligne qu’à la date de l’assignation, la nouvelle assemblée n’avait pas encore eu lieu et la convocation à ladite assemblée n’avait pas encore été réceptionnée par M. [D], son action était donc recevable à la date de l’assignation.
Il précise que le Syndic n’a pas alerté l’assemblée générale des copropriétaires de la nécessité que la résolution soit votée à l’unanimité mais a seulement rappelé le vote négatif de M. [D] et Mme [I].
Il affirme que le syndic est responsable des potentielles irrégularités dans la convocation des copropriétaires à l’assemblée générale, dans la rédaction des procès-verbaux, mais également des erreurs de majorité, aussi en permettant le vote de l’interdiction des locations de courte durée dans l’immeuble à la simple majorité, et dans la mesure où il est notamment chargé d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale, le Syndic a accepté de mettre en œuvre une décision illégale. Selon lui, l’interdiction des locations de courte durée ne rentre dans aucun des cas de figure prévus par la loi du 10 juillet 1965 dans lesquels le vote doit se faire à la majorité simple (article 24), majorité absolue (article 25) ou double majorité (article 26). Il ajoute que c’est seulement si le règlement de copropriété exclut expressément toute activité commerciale et inclut une clause d’habitation exclusive que la jurisprudence considère que la rotation de courtes périodes de location n’est pas compatible avec la destination de l’immeuble, or en l’espèce l’immeuble est « à usage commercial et d’habitation ».
Il mentionne que l’alinéa 2 de l’article 12 du règlement de copropriété ni vise que les « contestations sur la nature d’une occupation », et non pas l’interdiction pure et simple des locations de courte durée, qui revient à imposer à un copropriétaire une modification de la destination de ses parties privatives à laquelle il doit nécessairement consentir, ce qui suppose donc un vote à l’unanimité. Il affirme qu’aucun trouble anormal de voisinage n’est démontré et détaille son préjudice financier, ayant été privé en plein période estivale de la possibilité de louer son bien en Airbnb, bénéficiant d’une situation géographique idéale. A titre subsidiaire, il sollicite l’indemnisation au titre de la perte de chance de louer son bien sur cette période.
Enfin, il fait état de son préjudice moral, ayant été contraint de diligenter la présente procédure pour faire valoir ses droits avec la crainte que cela nuise aux bons rapports avec les autres copropriétaires, ce qui est source de stress.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 18 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires demande au Tribunal de :

Vu la loi du 10 juillet 1965 et ses articles 23 et 42,
Vu les articles 32 et 122 du Code de procédure civile,
Vu les articles 815-2 et 815-3 du Code civil,
Vu les articles 514 et suivants du Code civil,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu les pièces produites aux débats,

-DEBOUTER Monsieur [S] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- DONNER ACTE que Monsieur [D] ne formule plus aucune demande pécuniaire à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
-DONNER ACTE que Monsieur [D] se désiste de ses demandes au titre des dommages et intérêts, de l’article 700 du Code de procédure civile et des dépens à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
-CONDAMNER Monsieur [S] [D] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens,
-DIRE y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.

Il soutient que l’assemblée générale du 25 octobre 2021 a annulé celle du 22 juillet 2021, la demande d’annulation de cette assemblée générale étant donc sans objet. Il expose que M. [D] ne formule aucun grief contre les résolutions 1 et 2, aussi sa demande d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2021 dans son intégralité ne peut prospérer.
Ensuite, les locations de courte durée de type AIRBNB causent d’importantes nuisances aux copropriétaires, or l’article 12 du règlement de copropriété prévoit que seule les professions et les commerces ne nuisant pas à la tranquillité des autres copropriétaires sont autorisés dans l’immeuble.
Il ajoute que M. [D] ne rapporte pas la preuve que ces résolutions auraient dû être votées à l’unanimité puisqu’elles ne tendaient pas à le priver de la jouissance de ses parties privatives mais à faire cesser les nuisances et à faire respecter le règlement de copropriété.
Il estime que M. [D] s’abstient de faire la démonstration de ses préjudices et que l’appartement est son domicile principal, en outre il restait libre de louer son logement de manière plus pérenne et ne produit aucun justificatif concernant le préjudice financier.
Il indique que le demandeur ne rapporte pas la preuve d’être parti en vacances avec sa famille durant cette période et qu’il aurait refusé des réservations pour ce motif, en sus il évalue la nuitée à 110 euros sans aucun justificatif.
***
Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 20 février 2023, la SARL CABINET [W] demande au Tribunal de :

Vu les dispositions des articles 4, 5, 31, 122 et suivants du code de procédure civile,
Vu les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du 17 mars 1967,
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats ;

- JUGER que les demandes de M. [S] [D] tendant à l’annulation de l’assemblée générale du 22 juillet 2021 ou des résolutions n° 3 et 4 de ladite assemblée générale sont irrecevables,
- REJETER en conséquence la demande principale d’annulation de ladite assemblée générale ou encore la demande subsidiaire d’annulation des résolutions n° 3 et 4,
- JUGER que les demandes de Monsieur [S] [D] visant à « dire et juger » ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 du code de procédure civile,
- DEBOUTER conséquemment Monsieur [S] [D] desdites demandes,
- En tout état de cause, JUGER que Monsieur [S] [D] manque radicalement à rapporter la preuve d’un quelconque manquement de la SARL CABINET [W], susceptible d'engager sa responsabilité, celui-ci ne justifiant pas d'un préjudice actuel et certain, en lien avec les fautes prétendues,
- DEBOUTER en conséquence Monsieur [S] [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et mal fondées,
- CONDAMNER Monsieur [S] [D] à payer la somme de 3 000 euros à la SARL CABINET [W] sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que M. [D] ne justifie d’aucun intérêt à agir dans la mesure où l’assemblée générale litigieuse a déjà été annulée le 25 octobre 2021. Elle ajoute qu’il ne rapporte pas la preuve d’une quelconque faute de la part du syndic, et que les « dire et juger » ne constituent pas des prétentions.
Elle affirme qu’elle a parfaitement rappelé au sein de la résolution n°3 de l’assemblée générale du 22 juillet 2021 le vote négatif de M. [D] et Mme [I] et que rien ne permet d’affirmer que la majorité applicable à un tel vote ne soit pas celle de l’article 26.
Elle rappelle que M. [D] se doit en revanche de jouir de ses parties privatives dans le respect du règlement de copropriété et des dispositions légales applicables, la location devant être conforme au règlement de copropriété, lequel ne prévoit pas de clause d’habitation bourgeoise exclusive mais encadre strictement les autorisations d’occupation en son article 12. En outre, les locations de courte durée impliquent des occupations vacancières nuisant nécessairement à la tranquillité des copropriétaires et toute contestation sur la nature d’une occupation est soumise à un vote des copropriétaires comme en matière de décision relative au gros oeuvre de l’immeuble, soit 75 % des copropriétaires présents au vote.
Elle conclut que M. [D] manque à rapporter la preuve du lien de causalité entre la faute alléguée à l’encontre du syndic et son prétendu préjudice, lequel n’est au demeurant justifié ni en son principe ni en son quantum, étant précisé qu’il jouit de son domicile et peut parfaitement en percevoir les fruits, en le louant conformément à ce qui a été prévu par le règlement de copropriété.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 16 janvier 2024 et la décision a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes visant à « dire », « juger » ou « dire et juger », tout comme les demandes de « constater » ou de « donner acte », dès lors qu’elles ne visent pas à obtenir une décision sur un point précis en litige, ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31, 768 et 954 du code de procédure civile, mais de moyens et arguments au soutien des véritables prétentions. Le tribunal ne statuera donc pas sur celles-ci.

I/ Sur l’irrecevabilité des demandes de M. [D]

En application de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Il sera rappelé à la SARL CABINET [W] que le juge de la mise en état a déjà tranché les fins de non-recevoir opposées à M. [D] et que la recevabilité d’une action s’apprécie au jour de l’assignation en justice.

Dès lors, la SARL CABINET [W] ne peut présenter à nouveau cette même demande au juge du fond, incompétent pour statuer sur cette fin de non-recevoir. Sa demande en ce sens sera donc jugée irrecevable.

II/ Sur l'annulation de l'assemblée générale du 22 juillet 2021

En application de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1965, un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes.
Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.

L'article 9 de la même loi prévoit que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

Il est de jurisprudence constante que la location meublée touristique de type Airbnb constitue une activité commerciale et que le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.

Il est admis que la notion de courte durée s'entend de toute location inférieure à un an.

Par ailleurs, en application de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Elle ne peut, sauf à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider l'aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble ou la modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble.

Il doit être observé que si M. [D] formule en premier lieu une demande d'annulation de l'intégralité de l'assemblée générale du 22 juillet 2021, il ne vise aucun moyen précis à l'encontre des résolutions n°1 et 2, l'affirmation selon laquelle ladite assemblée n'avait pour objet que de restreindre le droit de propriété n'étant pas de nature à justifier la nullité des deux premières résolutions qui sont seulement relatives à l'élection du président et du secrétaire de séance. Par conséquent, une telle demande ne peut aboutir.

Les résolutions n°3 et 4 de l'assemblée générale du 22 juillet 2021 ont adopté, à la majorité des voix des copropriétaires présents et représentés au visa de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, l'interdiction de toutes locations de courte durée dans l'immeuble de type « Airbnb » et le mandat donné au syndic de faire « procéder à l'enregistrement de ladite décision » auprès d'un notaire.

Le syndicat des copropriétaires a finalement produit, dans le cadre de l'instance au fond, la convocation des copropriétaires en date du 21 septembre 2021 à l'assemblée générale du 25 octobre 2021, destinée à annuler les résolutions adoptées lors de l'assemblée du 22 juillet 2021 suite à la présente assignation délivrée par M. [D].
Il résulte du procès-verbal correspondant que par une résolution n°3, l'unanimité des copropriétaires présents et représentés a bien décidé de l'annulation des résolutions adoptées lors de l'assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2021.

Aussi, il est désormais justifié de l'annulation par les copropriétaires des résolutions adoptées lors de l'assemblée générale du 22 juillet 2021, de sorte que les décisions n°3 et 4 litigieuses ne font plus partie de l'ordonnancement juridique depuis l'assemblée générale du 25 octobre 2021, visiblement non contestée.

Par conséquent, la demande d'annulation des résolutions n°3 et 4 de l'assemblée générale extraordinaire du 22 juillet 2021 ne peut valablement aboutir, étant devenue sans objet depuis l'acte introductif d'instance.

III/ Sur les demandes indemnitaires de M. [D]

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'engagement de la responsabilité délictuelle du syndic impose de caractériser une faute de ce dernier, directement à l'origine d'un préjudice subi par le copropriétaire.

Le règlement de copropriété de l'immeuble en date du 15 février 1954 fait état, en page 3 et dans le paragraphe « Désignation », d'une « maison à usage commercial et d'habitation » élevée de cinq étages sur rez-de-chaussée et caves, cette mention faisant donc référence à une destination mixte de l'immeuble d'habitation et commercial.
Le règlement ne contient aucune clause d'habitation bourgeoise interdisant la location des appartements de façon ponctuelle ou prolongée. Au contraire, l’article 12 prévoit que la location totale d’un appartement meublé ou d’une chambre par appartement est permise. Les professions et commerces ne nuisant pas à la tranquillité des autres copropriétaires y sont autorisés, sauf les cliniques médicales, chirurgicales ou d’accouchement, les cours de danse, de musique et de chant.
Il doit être rappelé que la destination générale de l'immeuble imposée par le règlement de copropriété et devant être respectée par les copropriétaires, ne se confond pas avec l'affectation particulière des lots qui demeure libre sous réserve d'une atteinte aux stipulations du règlement de copropriété.

L'article 25 dudit règlement de copropriété ajoute qu'il ne pourra être modifié, s'agissant de la répartition des droits et charges des copropriétaires, que si l'assemblée en décide à l'unanimité.

Or, l'assemblée générale des copropriétaires a décidé le 22 juillet 2021, par des résolutions n°3 et 4, d'interdire les locations de courte durée dans l'immeuble et de procéder à l'enregistrement de cette décision par notaire à la majorité des voix des copropriétaires présents et représentés et en dépit du vote négatif de M. [D] et de Mme [I], alors même que de telles résolutions revenaient à modifier les stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble, étant précisé que les règles de majorité prévues par l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 sont impératives et d'ordre public.
En ce sens, la majorité de 75 % prévue par l’article 12 du règlement de copropriété n’apparaît pas applicable aux faits d’espèce, dans la mesure où la modification de la destination des parties privatives et du règlement de copropriété ne pouvait intervenir qu’à l’unanimité.

Par ailleurs, le syndic ne démontre pas que la location de type Airbnb de l’appartement de M. [D] est source de nuisances et d’atteintes à la tranquillité des copropriétaires.

En outre, la seule précision apportée par la résolution n°3 rappelant le vote négatif de M. [D] et Mme [I] et la décision de l'assemblée générale de « quand même voter la présente résolution et d'attendre les délais légaux de contestation » ne correspond qu'à la retranscription des votes des copropriétaires et ne démontre pas que le syndic a dûment alerté les copropriétaires de la nécessité d'un vote unanime à ce titre, alors même qu'il est chargé, en application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et d'administrer l'immeuble.
En effet, le syndic, investi du pouvoir d'administrer et conserver l'immeuble en copropriété, est responsable, à l'égard de chaque copropriétaire, sur le fondement quasi délictuel, des fautes commises dans l'exercice de sa mission. Aussi, il est responsable des erreurs de majorité affectant les résolutions votées et du non-respect du règlement de copropriété.

L'intervention rapide d'une nouvelle assemblée générale destinée à annuler les résolutions litigieuses n'est pas non plus de nature à exonérer le syndic de sa responsabilité mais révèle au contraire sa conscience de l'illégalité des décisions prises dans ces conditions de vote.

Une faute a donc bien été commise par le syndic.

Néanmoins, s'agissant des préjudices revendiqués par M. [D], force est de constater que celui-ci ne justifie de l'existence d’un préjudice de jouissance, d’un préjudice financier et d’une perte de chance de louer son bien entre les mois de juillet et octobre 2021 par la production d'aucune pièce. Aussi, il n’est pas contesté que le lot du demandeur constitue sa résidence principale : or, ce dernier ne rapporte pas la preuve de ce qu’il entendait proposer son appartement à la location en son absence et a été empêché de le faire notamment au cours de l’été 2021. En effet, les seules captures d’écran intégrées dans les écritures de M. [D] ne précisent ni les dates, ni le bien concernés par les demandes de location. Au surplus, le refus opposé à « [M] » et « [V] » n’est pas motivé par le propriétaire et M. [D] convient lui-même, en produisant un visa, qu’il n’a été absent de son domicile que du 17 juillet au 19 août 2021.
En définitive, M. [D] ne justifie pas avoir engagé, antérieurement à l’assemblée générale du 22 juillet 2021, des démarches de mise en location temporaire de son bien (notamment l’inscription de son appartement sur la plateforme Airbnb) et son impossibilité de donner suite aux demandes correspondant à la période d’absence de son logement en raison de la résolution n°3.

En l’absence de démonstration de l’existence d’un quelconque préjudice ou perte de chance, la responsabilité délictuelle de la SARL CABINET [W] ne peut être engagée et M. [D] doit être débouté de ses demandes indemnitaires.

S’agissant de la demande formulée au titre du préjudice moral, M. [D] n’établit pas que l’engagement de ladite procédure a eu pour effet de détériorer ses relations avec les autres copropriétaires. En outre, le préjudice lié aux contraintes générées par l’action en justice est utilement réparé par l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Cette demande sera donc également rejetée.

IV/ Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, si les prétentions de M. [D] concernant l’annulation des résolutions n°3 et 4 de l’assemblée générale n’ont pas été accueillies, il doit être constaté que sa demande, initialement fondée, n’a été rejetée qu’en raison de l’annulation postérieure de l’assemblée générale du 22 juillet 2021 par les copropriétaires. L’intervention rapide de l’assemblée générale du 25 octobre 2021 est ainsi de nature à démontrer que le syndicat des copropriétaires avait bien connaissance de l’irrégularité des résolutions critiquées et seule l’assignation en justice initiée par M. [D] a eu pour effet d’y remédier.

En conséquence, la SARL CABINET [W] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], pris en la personne de son syndic en exercice, la SARL CABINET [W], supporteront les dépens.

La SARL CABINET [W] sera condamnée à payer à Monsieur [S] [D] une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure.

Les autres demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

En application de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la présente instance, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

DECLARE IRRECEVABLE la fin de non-recevoir soulevée par la SARL CABINET [W] devant le tribunal statuant au fond,

DEBOUTE Monsieur [S] [D] de sa demande d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 22 juillet 2021 dans son intégralité,

DEBOUTE Monsieur [S] [D] de sa demande d’annulation des résolutions n°3 et 4 de l’assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 22 juillet 2021, devenue sans objet compte tenu de l’annulation des résolutions par l’assemblée générale des copropriétaires du 25 octobre 2021,

DEBOUTE Monsieur [S] [D] de ses demandes au titre de son préjudice de jouissance et financier entre le 22 juillet 2021 et le 25 octobre 2021, de la perte de chance de louer sur bien entre le 22 juillet 2021 et le 25 octobre 2021, de son préjudice de jouissance et financier entre le 22 juillet 2021 et le 27 août 2021, de la perte de chance de louer sur bien entre le 22 juillet 2021 et le 27 août 2021 et au titre de son préjudice moral,

CONDAMNE la SARL CABINET [W] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 2], pris en la personne de son syndic en exercice, la SARL CABINET [W], aux dépens.

CONDAMNE la SARL CABINET [W] à payer à Monsieur [S] [D] une somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure,

REJETTE les autres demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 19 mars 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 21/08424
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;21.08424 ?
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