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19/03/2024 | FRANCE | N°21/06957

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 19 mars 2024, 21/06957


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 19 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 21/06957 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y6VS


AFFAIRE : S.D.C. de l’ensemble immobilier [Adresse 4] situé [Adresse 6] ( la SELARL TATARIAN JOUREAU)
C/ VILLE DE [Localité 5] (l’ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON)



DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBES

SERIAN,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 19 Mars 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 19 Mars ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 19 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 21/06957 - N° Portalis DBW3-W-B7F-Y6VS

AFFAIRE : S.D.C. de l’ensemble immobilier [Adresse 4] situé [Adresse 6] ( la SELARL TATARIAN JOUREAU)
C/ VILLE DE [Localité 5] (l’ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON)

DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 19 Mars 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 19 Mars 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Le Syndicat des Copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé [Adresse 4] situé [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice, la SARL SOLAFIM, inscrite au RCS de Marseille sous le numéro 349 995 399 et dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représenté par Maître Hélène JOUREAU de la SELARL TATARIAN JOUREAU, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSE

LA VILLE DE [Localité 5], prise en sa Direction des Affaires Juridiques et des Assemblées, sise [Adresse 1], prise en la personne de son maire en exercice

représentée par Maître Jean DE VALON de l’ASSOCIATION DE VALON / PONTIER DE VALON, avocats au barreau de MARSEILLE

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [W] épouse [A], décédée le 19 juin 1984 à [Localité 5], était propriétaire d’un appartement avec cave constituant les lots n°141 et 123 dans un ensemble immobilier en copropriété dénommé [Adresse 4] situé [Adresse 3].

Sa succession n’a jamais été réglée.

Par courrier en date du 20 décembre 2019, la Ville de [Localité 5] a indiqué qu’« une investigation était mise en place dans le cadre de la procédure de bien vacant et sans maître».

Par lettre recommandée du 23 mars 2021, la Ville de [Localité 5] a été mise en demeure de régler les charges de copropriété.

***

Par acte d'huissier en date du 9 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires a assigné la ville de Marseille devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de paiement des charges de copropriété.

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 3 avril 2023, le syndicat des copropriétaires demande au Tribunal :

Vu la loi du 10 juillet 1965,
Vu l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

DE CONDAMNER la VILLE DE [Localité 5] à payer au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé [Adresse 4] la somme 30.215,58 euros selon décompte en date 7 juillet 2022, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 23 mars 2021,
DE CONDAMNER la VILLE DE [Localité 5] à payer au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé [Adresse 4] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
DE CONDAMNER la VILLE DE [Localité 5] à payer au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé [Adresse 4] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DE CONDAMNER la VILLE DE [Localité 5] aux entiers dépens.

Il indique que le transfert de propriété s’opère de plein droit à l’expiration d’un délai de 30 ans courant à compter de l’ouverture de la succession. Or, suite au décès de Mme [W] épouse [A] survenu le 19 juin 1984, la succession n’a nullement été revendiquée et aucune attestation immobilière après décès n’a été publiée au service de la publicité foncière, peu important que le bien ait été un temps manifestement occupé par M. [Z]. En outre, l'article 713 du code civil retient une appropriation de plein droit par les communes n'impliquant à ce titre l'accomplissement d'aucune formalité préalable de leur part. Il fait état des charges impayées et sollicite des dommages et intérêts puisqu'il est privé d'une partie des fonds nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble alors que la ville de [Localité 5] est avertie de la situation depuis 2019 et n’a réglé aucune charge de copropriété.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 11 mai 2022, la ville de [Localité 5] demande au Tribunal de :

Vu l’article L1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques,
Vu la loi du 10 juillet 1965,
Vu le décret du 17 mars 1967,

Débouter le syndicat des copropriétaires [Adresse 4] de ses demandes à l’encontre de la Ville de [Localité 5], celle-ci n’étant pas propriétaire des lots 141 et 123 dans la copropriété concernée,
Subsidiairement, annuler les assemblées générales des 15 décembre 2016, 20 décembre 2017, 13 décembre 2018, 14 janvier 2020 et 19 mars 2021,
Débouter en conséquence le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre du paiement des charges à l’encontre de la Ville de [Localité 5],
Reconventionnellement, condamner le syndicat des copropriétaires à la somme de 25 495,85 euros à titre de dommages et intérêts et ordonner la compensation avec les charges de copropriété,
Condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la situation juridique du bien n’est pas claire en ce que M. [Z] en a pris possession et en a acquitté les impositions en ce y compris les taxes foncières, de sorte que le présent litige relève des dispositions de l’article L1123 2° plutôt que de l’article L 1123 1°. En outre, l’incorporation dans le patrimoine communal ne pourrait intervenir qu’à la suite d’une délibération du Conseil municipal, laquelle à ce jour n’a pas eu lieu.
Par ailleurs, elle n'a pas été convoquée aux assemblées générales des 15 décembre 2016, 20 décembre 2017, 13 décembre 2018, 14 janvier 2020 et 19 mars 2021, les procès-verbaux d’assemblée générale ne lui ont pas été notifiés pour faire courir le délai de recours et la nullité est encourue. Il estime que le syndicat des copropriétaires n’a effectué aucune diligence pour recouvrer les sommes dues, sa carence ayant conduit à la création d'une dette importante de sa seule faute.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 16 janvier 2024 et la décision a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

Par note en date du 25 janvier 2024, le tribunal a accordé aux parties un délai de 15 jours pour présenter leurs observations par voie de note en délibéré sur l'éventuelle irrecevabilité des demandes de nullité d'assemblées générales par voie de conclusions.

Par courrier adressé par RPVA le 30 janvier 2024, la ville de [Localité 5] indique que déniant sa qualité de propriétaire, elle ne pouvait assigner le syndicat des copropriétaires en nullité des assemblées générales, puisqu'elle ne disposait pas de la qualité pour le faire. Elle ajoute que les procès-verbaux d’assemblée et comptes individuels opposés à la Ville, non propriétaire et non convoquée aux assemblées, devraient être dits inopposables et ne fonder aucune condamnation financière.

Par courrier adressé par RPVA le 8 février 2024, le syndicat des copropriétaires rappelle que la Ville de [Localité 5] a la qualité de copropriétaire depuis 2014 et est redevable des charges quand bien même elle n’aurait pas été convoquée à l’intégralité des assemblées générales depuis cette date. Elle précise que les demandes de nullité d’assemblée générale ne peuvent être introduites que par voie d’assignation et nullement à titre reconventionnel à l’occasion d’une procédure en recouvrement de charges.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les demandes présentées sous la forme de « dire et juger » et « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code civil.

I/ Sur la propriété des lots n°44 et 123

Aux termes de l'article L.1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques, sont considérés comme n'ayant pas de maître les biens autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 et qui:
1o Soit font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté. Ce délai est ramené à dix ans lorsque les biens se situent dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme au sens de l'article L. 312-3 du code de l'urbanisme ou d'une opération de revitalisation de territoire au sens de l'article L. 303-2 du code de la construction et de l'habitation, dans une zone de revitalisation rurale au sens de l'article 1465 A du code général des impôts ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville au sens de l'article 5 de la loi no 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine; la présente phrase ne fait pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription;
2o Soit sont des immeubles qui n'ont pas de propriétaire connu et pour lesquels depuis plus de trois ans les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application des règles de droit civil relatives à la prescription.

L'article L.1123-2 du même code ajoute que les règles relatives à la propriété des biens mentionnés au 1o de l'article L. 1123-1 sont fixées par l'article 713 du code civil.

Cet article 713 du code civil prévoit que les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés. Par délibération du conseil municipal, la commune peut renoncer à exercer ses droits, sur tout ou partie de son territoire, au profit de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elle est membre. Les biens sans maître sont alors réputés appartenir à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Si la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre renonce à exercer ses droits, la propriété est transférée de plein droit:
1o Pour les biens situés dans les zones définies à l'article L. 322-1 du code de l'environnement, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres lorsqu'il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d'espaces naturels agréé au titre de l'article L. 414-11 du même code lorsqu'il en fait la demande ou, à défaut, à l'État;
2o Pour les autres biens, après accord du représentant de l'État dans la région, au conservatoire régional d'espaces naturels agréé au titre du même article L. 414-11 lorsqu'il en fait la demande ou, à défaut, à l'État.

En l'espèce, il résulte des pièces communiquées que Mme [W], propriétaire des lots n°123 et 44 dans l'ensemble immobilier [Adresse 4] est décédée le 19 juin 1984. Le relevé de propriété transmis par le syndicat des copropriétaires mentionne toujours Mme [W] en qualité de propriétaire des lots et fait état de M. [Z] [V]. Toutefois ce seul relevé de propriété n'est pas de nature à démontrer que M. [Z] s'est effectivement acquitté du paiement de la taxe foncière relative à ces lots ni à quelle date. Ce document permet en effet aux services fiscaux de calculer les impôts dont le propriétaire est redevable mais ne permet pas de s'assurer que les taxes foncières ont bien été réglées par M. [Z].

Il s'ensuit que la ville de [Localité 5] ne peut valablement invoquer le second paragraphe de l'article L.1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques, la présente situation correspondant en réalité à celle d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté.

Or en application des articles L.1123-2 du code général de la propriété des personnes publiques et 713 du code civil, il doit être considéré que la ville devient de plein droit propriétaire du lot non réclamé par un héritier à l'issue d'un délai de trente ans à compter de l'ouverture de la succession. En effet, seule la renonciation à exercer ses droits sur le bien exige une délibération du conseil municipal. Aussi, comme le souligne justement le syndicat des copropriétaires, l'acquisition d'un tel bien sans maître par la commune n'implique l'accomplissement d'aucune formalité préalable. Aucune délibération préalable du conseil municipal n'est requise pour l'appropriation du lot, contrairement à la renonciation.
Au surplus, l'article L.1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques n'apparaît pas applicable aux faits d'espèce, puisque le deuxième paragraphe de l'article L.1123-1 a été expressément écarté par le tribunal.

Force est de constater que la succession de Mme [W] est vacante depuis plus de 30 ans et n'a été nullement revendiquée depuis 1984.

Par conséquent, la ville de [Localité 5] est bien, de plein droit et depuis le 19 juin 2014, propriétaire des lots n°44 et 123 situés dans l'immeuble en copropriété [Adresse 4].

II/ Sur la nullité des assemblées générales

En application de l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale.

Sur le fondement de ce texte d'ordre public et en vertu du principe d'autonomie de chaque assemblée générale, il est constant que toute contestation introduite à l'encontre d'une assemblée générale par voie de conclusions est irrecevable. En effet, une demande d'annulation d'une assemblée générale ne peut intervenir que par voie d'assignation et non par voie de demande incidente ou additionnelle. Elle ne peut constituer qu'une demande principale.

Or en l'espèce, la ville de [Localité 5] sollicite dans ses dernières écritures l'annulation des assemblées générales du 15 décembre 2016, 20 décembre 2017, 13 décembre 2018, 14 janvier 2020 et 19 mars 2021 sans justifier avoir précisément assigné le syndicat des copropriétaires à cette fin dans le délai légal et ce au titre de cinq instances distinctes.

Il doit être rappelé qu'en application des textes susvisés, la ville de [Localité 5] est automatiquement devenue propriétaire des lots de copropriété le 19 juin 2014, sa qualité de copropriétaire n'étant pas déterminée par la présente décision. Il lui appartenait donc de solliciter la communication des convocations et procès-verbaux d'assemblées générales auprès du syndicat des copropriétaires et de contester la régularité des assemblées générales litigieuses par voie d'assignation, étant précisé que le syndicat des copropriétaires lui a fait état de la situation en 2019 et lui réclame le paiement des charges de copropriété depuis mars 2021.

Par conséquent, l'inobservation de l'article 42 précité et du principe d'autonomie de chaque assemblée générale rend irrecevables les demandes d'annulation des assemblées générales formulées par la ville de [Localité 5].

III/ Sur la demande en paiement des charges de copropriété

L'article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot ainsi qu’aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots.

L’approbation des comptes du syndic par l’assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges. Le copropriétaire, qui n’a pas contesté dans les délais prévus à l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 la décision de l’assemblée générale ayant approuvé les comptes, n’est pas fondé à refuser de payer les sommes qui lui sont réclamées.

L’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 énonce que pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d’administration des parties communes et équipements communs de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel. […].

L’article 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que ne sont pas comprises dans le budget prévisionnel les dépenses pour travaux dont la liste sera fixée par décret en conseil d'État.

En l’espèce, le syndicat demandeur produit aux débats les pièces suivantes :

- le relevé de propriété des lots n° 44 et 123,
- les procès-verbaux des assemblées générales du 15 décembre 2016, 20 décembre 2017, 13 décembre 2018, 14 janvier 2020, 19 mars 2021 et 16 décembre 2021 approuvant les comptes des exercices du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017, du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 et du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021; votant le budget prévisionnel des exercices 2017, 2018, 2019, 2020, 2021, 2022 et 2023 ;
- une attestation de non recours à l'encontre des quatre premières assemblées générales susvisées,
- la reddition des comptes au titre des exercices du 1er juillet 2015 au 30 juin 2019,
- un extrait de compte des lots n°44 et 123 du 1er juillet 2015 au 1er avril 2023,
- les appels de fonds du 1er janvier 2016 au 30 juin 2023,
- le contrat de syndic du 13 décembre 2018 et celui du 16 décembre 2021,
- une mise en demeure en date du 23 mars 2021 de régler les charges de copropriété d'un montant de 22 839 euros.

La lecture de l'extrait de compte actualisé laisse apparaître un solde de 2332,77 euros à la date du 1er juillet 2015, en l'état injustifié, d'autant plus que les procès-verbaux d'assemblées générales transmis ne concernent que les comptes approuvés à compter du 1er juillet 2015. Dès lors, cette somme ne peut être imputée à la ville de [Localité 5] et doit être déduite des charges de copropriété revendiquées.

Pour le reste, s’agissant des charges de copropriété proprement dites, soit la somme de 25 324,32 euros, la créance du syndicat des copropriétaires apparaît certaine, liquide et exigible au regard des éléments versés aux débats, la production des appels de fonds n'étant en outre imposée par aucun texte, de même s'agissant de la notification des procès-verbaux aux copropriétaires.

La ville de [Localité 5] ne justifie pas avoir procédé à un quelconque paiement des charges.

En conséquence, la ville de [Localité 5] sera condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 25 324,32 euros selon décompte en date du 7 juillet 2022, au titre des charges de copropriété dues jusqu'au 2 juillet 2022, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 23 mars 2021 sur la somme de 22 839 euros et à compter de l'assignation pour le surplus.

Il ressort de ce décompte qu’une partie des sommes réclamées correspond, non à des charges de copropriété, mais à des frais de recouvrement.

L'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit ainsi que, par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire, ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur.

Les frais de toute nature visés par l'article 10-1 ne peuvent donner lieu à une condamnation du copropriétaire que s'ils apparaissent justifiés par des diligences réelles excédant la mission d’administration courante de la copropriété qui incombe au syndic.

Il en est ainsi notamment des frais de mise en demeure, de relance voire du commandement de payer ou de la sommation de payer qui constituent des diligences nécessaires, non comprises dans les dépens d’instance, qu’il est justifié de mettre à la charge du débiteur.

Le contrat de syndic conclu avec le syndicat des copropriétaires ne saurait, conformément au principe de l’effet relatif des conventions prévu par l’article 1165 du code civil, avoir pour effet d’obliger individuellement chacun des copropriétaires. Il s’ensuit que le syndicat demandeur serait mal fondé à invoquer les stipulations du contrat de syndic au soutien de sa demande en paiement à l’encontre du copropriétaire défaillant.

Concernant les frais de « remise dossier huissier », « remise dossier avocat », « frais d'ouverture de dossier », « suivi contentieux » ou « procédure bien vacant », ils relèvent de l’activité du syndic relative au recouvrement des sommes dues et constituent un acte élémentaire d’administration de la copropriété.

Par ailleurs, l'article 10-1 ne pose qu’une règle d'imputation de ces frais de toute nature. Il s’ensuit que ces différents frais ne peuvent être perçus plusieurs fois, à plusieurs titres, même lorsqu’ils sont visés par plusieurs textes. Ainsi les frais tarifés d'huissier à compter de l'assignation, et notamment les frais d’assignation, font partie des dépens. Les honoraires d'avocat ainsi que les sommes demandées au titre des frais de poursuite sont quant à eux susceptibles de donner lieu à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour les raisons exposées ci-dessus, la demande portant sur les « frais de constitution dossier avocat » et de « suivi contentieux » sera rejetée tandis que la demande portant sur les frais de procédure sera examinée au titre des frais irrépétibles de procédure et celle portant sur les frais d’huissier dans le cadre de l'assignation, au titre des dépens.

IV/ Sur la demande de dommages et intérêts

L’article 1231-6 du code civil prévoit que le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

Conformément à l’article 1353 du code civil, il appartient au syndicat des copropriétaires, qui prétend que la défaillance de l’un de ses copropriétaires lui a causé un préjudice distinct, de le prouver.

A défaut d’établir la mauvaise foi de son débiteur compte tenu de la contestation de la qualité de copropriétaire par la ville de [Localité 5], et l'existence de difficultés de trésorerie liées à la défaillance du copropriétaire, le syndicat sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

V/ Sur la demande reconventionnelle

Dans la mesure où la ville de [Localité 5] ne démontre l'existence d'aucune faute imputable au syndicat des copropriétaires, qui a bien dans le cadre de la présente procédure, effectué des diligences pour recouvrer les sommes dues, mais surtout d'aucun préjudice personnel directement causé par une telle faute, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

VI/ Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La ville de [Localité 5] succombant, elle supportera la charge des dépens liés à la présente instance et sera condamnée à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] sis [Adresse 3], pris en la personne de son syndic en exercice la société SOLAFIM, la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*
**
*

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant à juge unique publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

DECLARE IRRECEVABLE la demande de la Ville de [Localité 5] tendant à la nullité des assemblées générales des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] des 15 décembre 2016, 20 décembre 2017, 13 décembre 2018, 14 janvier 2020 et 19 mars 2021,

CONDAMNE la Ville de [Localité 5] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] sis [Adresse 3], pris en la personne de son syndic en exercice la société SOLAFIM, la somme de 25 324,32 euros selon décompte en date du 7 juillet 2022 au titre des charges de copropriété dues jusqu'au 2 juillet 2022, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 23 mars 2021 sur la somme de 22 839 euros et à compter de l'assignation pour le surplus,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] sis [Adresse 3], pris en la personne de son syndic en exercice la société SOLAFIM de sa demande de dommages et intérêts,

DEBOUTE la Ville de [Localité 5] de sa demande de dommages et intérêts et de compensation avec les charges de copropriété,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la Ville de [Localité 5] aux dépens,

CONDAMNE la Ville de [Localité 5] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 4] sis [Adresse 3], pris en la personne de son syndic en exercice la société SOLAFIM, la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 19 mars 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 21/06957
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;21.06957 ?
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