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14/03/2024 | FRANCE | N°23/05067

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 14 mars 2024, 23/05067


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 14 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 23/05067 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3N3D

AFFAIRE : M. [I] [T] (Me Frédéric PASCAL)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats :

BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureure, Procureur de la République


Vu le rapport fait à l’audienc...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 14 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 23/05067 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3N3D

AFFAIRE : M. [I] [T] (Me Frédéric PASCAL)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureure, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [I] [T]
né le 10 Juillet 1966 à [Localité 3] (COMORES)
demeurant et domicilié [Adresse 1]

représenté par Me Frédéric PASCAL, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
en son Parquet sis [Adresse 2]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [I] [T] est né le 10 juillet 1966 à [Localité 3] (Comores).

Le 19 novembre 2014 le directeur de greffe du tribunal d'instance de Marseille a refusé de lui délivrer un certificat de nationalité française, au motif qu'un tel certificat lui avait déjà été refusé par le directeur de greffe du tribunal d'instance de Villejuif le 2 mai 2001.

Par acte d'huissier du 10 février 2022 monsieur [T] a fait assigner le procureur de la République.
Le récépissé prévu par l'article 1040 du code de procédure civile a été délivré le 6 avril 2022.

L'affaire a été radiée par jugement du 13 avril 2023, puis remise au rôle le 22 mai 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 juin 2023 monsieur [T] demande au tribunal de dire qu'il est français et d'ordonner la délivrance à son profit d'un certificat de nationalité française.
Il soutient être français en application de l'article 18 du code civil comme étant le fils de M'[J] [T], né en 1927 à [Localité 3] (Grande Comore), de nationalité française et époux de [O] [E]. Il ajoute qu'il s'est vu délivrer le 12 juillet 2001 un carte d'identité française.
Subsidiairement il invoque la possession d'état de français, dès lors qu'il est en possession de titre d'identité français, que son père possède un acte de naissance et un acte de mariage français, qu'il est inscrit sur les listes électorales depuis 2011, et que ses propres enfants possèdent des cartes d'identité françaises.
Sur son état civil, il soutient que seule doit être prise en considération la copie légalisée de son acte de naissance, peu important que les copies non légalisées portent des mentions différentes. Sur la nationalité de son père, il indique que celui-ci a souscrit en 1977 une déclaration de nationalité.
Sur le jugement supplétif d'acte de naissance du 9 juin 1988 monsieur [T] expose avoir lui-même déposé la requête en vue de sa délivrance, qu'il a bien été délivré en copie conforme et légalisé.

Le procureur de la République a conclu le 15 novembre 2022 au rejet des demandes de monsieur [T] et à la constatation de son extranéité aux motifs qu'il a produit devant le directeur de greffe du tribunal d'instance Villejuif des actes de l'état civil non légalisés et non conformes à la législation comorienne, émanent de surcroît de plusieurs centres d'état civil, et une copie d'un jugement supplétif rendu en 1988, non légalisé, intervenu après sa majorité, et affecté de fautes d'orthographes le rendant douteux. Il ajoute que ce jugement a été rendu au visa d'une loi abrogée et sans respect du contradictoire. Il fait encore observer que monsieur [T] est en possession de deux actes de naissance, l'un dressé sur déclaration de son père et l'autre au vu d'un jugement supplétif.
Le procureur de la République fait encore valoir que sont désormais produits un acte certifié conformé délivré en 2009, dépourvu de n° de registre, non légalisé, non accompagné du jugement ordonnant la rectification de son numéro et de sa date. Il fait encore observer que le jugement supplétif produit n'est pas celui mentionné dans l'acte, et que les deux copies du même acte produites aux débats mentionnent deux officiers d'état civil ayant dressé l'acte différents. Il se prévaut des mêmes irrégularités affectant les copies délivrées le 23 août 2021 et 9 août 2021 de l'acte de naissance et du jugement.
Enfin sur les nouvelles copies de l'acte de naissance délivrée le 13 juin 2022 et du jugement délivrée le 9 juin 2022, il fait observer que monsieur [T] est en possession de trois actes de naissance différents dressés soit sur déclaration du père, soit sur jugement supplétif, soit sur sa propre déclaration, par trois officiers de l'état civil, et de deux jugements supplétifs n°90 du 3 juin 1988 et n°99 du 9 juin 1988, ce dernier n'étant pas produit en expédition conforme et légalisé.
Sur la filiation, il expose que celle-ci n'est pas démontrée dès lors que l’acte de mariage malgache de M’[J] [T] non seulement ne porte pas de numéro (mention substantielle de l’acte), ni le nom de l’officier d’état civil qui a dressé l’acte (autre mention substantielle de l’acte), mais encore il mentionne que le mariage a eu lieu le 22/06/63 (et non le 2/06/63).
Sur la possession d'état, il fait observer que monsieur [T] n'a pas souscrit de déclaration de nationalité.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article 30 du code civil la charge de la preuve, en matière de nationalité, incombe à celui dont la nationalité est en cause.

Monsieur [I] [T] n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, il doit donc rapporter la preuve de sa qualité de français.

Le demandeur à l'enregistrement d'une déclaration de nationalité doit en premier lieu produire des pièces d’état civil fiables au sens de l’article 47 du code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Selon la coutume internationale les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet. La France n’a conclu aucune convention avec les Comores afin de dispenser ce pays de telles formalités.

La légalisation est l’attestation écrite par un agent public compétent de la véracité de la signature apposée sur un acte, et, s’il s’agit d’un acte public, de la qualité de celui qui l’a établi.

Les seules autorités habilités à y procéder demeurent le consul de France aux Comores ou celui des Comores en France.

Pour justifier de son état civil monsieur [I] [T] produit aux débats en originaux :
la copie d'un acte de naissance délivrée le 30 octobre 2009, avec mention d'un jugement supplétif n°99 du 3 juin 1988 rendu par le cadi de Badjini. Cet acte n'a pas été légalisé conformément à la coutume internationale rappelée ci-dessus par le consul des Comores en France.la copie d'un acte de naissance délivrée le 23 août 2021, avec mention d'un jugement supplétif n°99 du 9 juin 1988 rendu par le cadi de Badjini. Cet acte n'a pas été légalisé conformément à la coutume internationale rappelée ci-dessus par le consul des Comores en France.la copie d'un acte de naissance délivrée le 30 juin 2022, avec mention d'un jugement supplétif n°99 du 9 juin 1988 rendu par le cadi de Badjini. La signature de l'officier de l'état civil qui a délivré cet acte a été légalisé le 2 (ou le 12) juillet 2022 par le conseiller chargé des affaires consulaires de l'ambassade des Comores en France.la copie d'un acte de naissance délivrée le 14 mars 2023, avec mention du même jugement supplétif n°99 du 9 juin 1988. La signature de l'officier de l'état civil qui a délivré cet acte a été légalisé le 17 mai 2023 par le conseiller chargé des affaires consulaires de l'ambassade des Comores en France.Il convient de relever qu'il existe une divergence entre les mentions de ces deux derniers actes, qui sont pourtant censés être la copie du même original. En effet la copie intégrale du 30 juin 2022 ne fait pas mention de l'heure de la naissance, alors que cette mention est présente sur la copie délivrée le 14 mars 2023.

La mention de l'heure de la naissance, qui a pu être faite dans la copie du 14 mars 2023, ne figure pourtant sur aucun des trois exemplaires du jugement n°99 du 9 juin 1988 produit aux débats.

Dans la mesure où ce jugement a été porté en marge de l'acte de naissance, il fait corps avec lui et doit, pour faire foi de l'état civil de monsieur [T], être également légalisé.

Sur ces trois exemplaires, l'un (pièces n°22 du bordereau) n'a pas été légalisé conformément à la coutume internationale par le consul des Comores en France. Par ailleurs il n'y est pas indiqué qu'il s'agit d'une expédition conforme aux minutes dont le greffier est dépositaire, de sorte que le tribunal ne peut s'assurer de son authenticité.

Les deux autres exemplaires (pièces n°37 et 39) portent bien la mention « copie certifiée conforme » avec la date de délivrance, respectivement les 9 juin 2022 et 3 avril 2023.
S'agissant cependant de deux copies d'un même original, il s'y trouve pourtant des différences, certes minimes, mais qui sont de nature à remettre en cause leur sincérité. Ainsi il est écrit dans l'exposé sur litige de la copie délivrée le 9 juin 2022 : « c'est pourquoi il ou elle sollicite l'établissement d'un jugement supplétif de naissance, conforme à la loi n°84-10/AF du 15 mai 1984 en ses articles 69 et suivants », alors que dans la copie délivrée le 3 avril 2023 la même phrase est complétée par les termes « pour pouvoir établir l'acte de naissance », sans qu'il soit fait mention d'une rectification d'erreur matérielle de la minute.
En outre la copie du 3 avril 2023 est affectée de fautes d'orthographe, y compris dans les mentions pré-imprimées (« ministère publique », « première ressort »).

L'existence de divergences entre les différentes copies d'un même acte est de nature à ôter toute valeur probante à chacune d'elle. Dès lors ces copies de jugement, même certifiées conformes, ne peuvent faire foi de l'état civil de monsieur [T], pas plus que les différentes copies intégrales de l'acte de naissance en raison de la présence sur l'une d'elles de la mention de deux heures de naissance (9h40 et 10h), les autres en étant dépourvues.

En outre la légalisation d'un jugement ne peut porter que sur la signature du greffier qui, détenteur des minutes, en a délivré l'expédition, afin de permettre au tribunal de s'assurer que cette expédition est bien conforme à la minute.
Elle ne peut donc porter ni sur la signature du juge ni sur celle du greffier qui a tenu la plume à l'audience, de telles mentions étant indifférentes quant au but recherché par la formalité de la légalisation qui est de d'assurer de l'authenticité d'un acte et de sa conformité à l'original s'il s'agit d'une copie. Ainsi, un jugement étant produit en copie, la légalisation des signatures figurant sur la minute est par définition inefficace.

Or la légalisation de la copie du jugement du 3 avril 2023 porte sur la signature du cadi, tandis que celle de la copie du 9 juin 2022 porte sur la signature du greffier qui a tenu la plume à l'audience. Il convient donc de constater qu'aucune des copies du jugement supplétif n'est correctement légalisée.

Dès lors monsieur [T] ne rapporte pas la preuve de son état civil. Il devra être débouté de ses demandes et son extranéité constatée.

Succombant à l'instance, il en supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Constate qu'il a été satisfait aux formalités de l'article 1040 du code de procédure civile ;

Déboute monsieur [I] [T] de ses demandes ;

Constate l'extranéité de monsieur [I] [T], né le 10 juillet 1966 à [Localité 3] (Comores) ;

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

Condamne monsieur [I] [T] aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/05067
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.05067 ?
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