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14/03/2024 | FRANCE | N°23/01555

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 14 mars 2024, 23/01555


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE


PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 14 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 23/01555 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3BKF

AFFAIRE : M. et Mme [W] (Me Jean-Philippe FAIVRE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des

débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureure, Procureur de la République


Vu le rapport fait à ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 14 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 23/01555 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3BKF

AFFAIRE : M. et Mme [W] (Me Jean-Philippe FAIVRE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureure, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [U] [W]
né le 06 Avril 1970 à [Localité 5] (ALGERIE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Madame [T] [R] épouse [W]
née le 28 Avril 1966 à [Localité 2] (77)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Jean-Philippe FAIVRE, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
en son Parquet sis [Adresse 3]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [U] [G] [W] est né le 23 juin 2012 à [Localité 1] (Algérie).

Le 11 mars 2020 monsieur [U] [W] es qualité de représentant légal de [U] [G] [W], a souscrit auprès du directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Marseille une déclaration de nationalité sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, dont l'enregistrement a été refusé par décision du 30 avril 2020.

Par acte d'huissier du 11 janvier 2021 monsieur [U] [W] et madame [T] [R], es qualités de représentants légaux de [U] [G] [W], ont fait assigner le procureur de la République.
Le récépissé prévu par l'article 1043 ancien du code de procédure civile a été délivrée le 23 mars 2021.

L'affaire a été radiée par ordonnance du jugement de la mise en état du 5 octobre 2021, puis remise au rôle le 8 février 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 16 octobre 2023 monsieur et madame [W] demandent au tribunal de dire que [U] [G] [W] est français en application de l'article 21-12 du code civil et de condamner le Trésor Public à leur payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que l'enfant, nommé à sa naissance [U] [D] [C], a été déclaré par sa mère madame [L] [C], puis a fait l'objet d'une kafala le 10 octobre 2012 au profit de monsieur [W].
Ils exposent que l'acte de naissance délivré le 6 août 2020 mentionne bien les prénoms de l'enfant, qu'un acte de naissance sur formulaire EC7 a été délivré le 9 décembre 2021. Ils produisent également les décisions de justice ordonnant les rectifications successives de l'acte de naissance de l'enfant. Sur le jugement de kafala, ils soutiennent qu'il est régulièrement motivé et délivré après qu'a été établi un certificat d'abandon par la mère biologique.
Sur la nationalité de monsieur [U] [W], ils produisent sa carte d'identité française, son acte de naissance portant mention de l'acquisition de la nationalité française selon déclaration du 1er décembre 2010 et la déclaration elle-même.

Le procureur de la République a conclu le 10 novembre 2023 au rejet des demandes de monsieur et madame [W] et à la constatation de l'extranéité de [U] [G] [W] aux motifs que son état civil n'est pas certain en ce que ne sont pas produits tous les originaux en langue arabe et toutes les traductions des différents actes de l'état civil successivement dressés et des décisions de rectification, faisant en outre observer que l’intégralité des mentions marginales ne sont pas présentes sur la copie de l’acte de naissance en date du 9 décembre 2021 : la rectification du nom de l’enfant recueilli de [I] à [Z], ordonnée par décision du 30 octobre 2012, n’y figure pas.
Sur le jugement de kefala, le procureur de la République fait observer que celui-ci n'est pas motivé en ce qu'il ne relève pas que l'enfant est de filiation inconnue ou abandonné et ne précise pas les conditions de recueil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article 30 du code civil la charge de la preuve, en matière de nationalité, incombe à celui dont la nationalité est en cause.

[U] [G] [W] n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, il doit donc rapporter la preuve de sa qualité de français.

Le requérant doit en premier lieu produire des pièces d’état civil fiables au sens de l’article 47 du code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Les demandeurs produisent une traduction en français d'un acte de recueil légal « kafala » délivré le 10 octobre 2012 par le tribunal de [Localité 1], au visa des articles 116 à 122 du code de la famille algérien.

Selon l'article 117 de ce code, « le recueil légal est accordé par devant le juge ou le notaire avec le consentement de l'enfant quand celui-ci a un père et une mère ». L'article 119 précise que l'enfant peut être de filiation connue ou inconnue.

Or le jugement de kafala précité se borne à viser la requête et l'unique pièce du dossier (une attestation de recueil légal établie par la direction de la protection sociale en date du 9 octobre 2012), sans l'analyser, ni constater qu'elle suffisait à remplir les conditions prévues par la loi algérienne pour prononcer la kafala. Il apparaît en outre que le certificat d'abandon de l'enfant, non visé par ce jugement mais produit dans la présente instance, n'a été établi que le 16 décembre 2012, soit postérieurement au jugement de kafala.

Ce jugement n'est donc pas motivé, en ce qu'il n'indique notamment pas si l'enfant est de filiation inconnue ou abandonné, ou si ses parents naturels ont consenti à son recueil, et il met le tribunal dans l'impossibilité de contrôler qu'il ne contrevient pas à l'ordre public international français et l'absence de fraude. En outre ainsi qu'il a été dit seule une photocopie de sa traduction (non certifiée conforme) est produite aux débat, et non l'original de son expédition en arabe.

Sont également produites trois traductions en français de copies intégrales de l'acte de naissance de [U] [G] [W], délivrées les 2 décembre 2014, 6 août 2020 et 9 décembre 2021, seule cette dernière étant accompagnée de l'exemplaire en arabe. Ces actes font mention en marge de trois décisions rectificatives des 30 octobre 2012 (octroi du nom), 27 novembre 2012 (modification du nom) et 23 novembre 2014 (modification du prénom).

La décision du 30 octobre 2012 n'est pas produite aux débats dans sa version française : seule une pièce en arabe portant le même numéro d'ordre est produite, mais faute de traduction le tribunal ne peut s'assurer qu'il s'agit de cette ordonnance. Dès lors qu'elle est mentionnée en marge de l'acte de naissance, elle fait corps avec lui et doit nécessairement être produite.
En revanche est produite la traduction en français d'une ordonnance portant les dates des 31 octobre et 25 décembre 2012 relative à l'octroi du nom patronymique de l'enfant, mais qui n'est pas mentionnée en marge de l'acte de naissance.

Les actes de naissance produits ne sont donc pas complets et ne peuvent faire foi de l'état civil de [U] [G] [W].

Monsieur [U] [W] et madame [T] [R], qui n'établissent pas avec certitude l'état civil de [U] [G] [W] seront donc déboutés de leurs demandes, et l'extranéité de ce dernier constatée.

Monsieur [U] [W] et madame [T] [R], qui succombent à l'instance, en supporteront les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Constate qu'il a été satisfait aux formalités de l'article 1040 du code de procédure civile ;

Déboute monsieur [U] [W] et madame [T] [R] de leurs demandes ;

Constate l'extranéité de [U] [G] [W], né le 23 juin 2012 à [Localité 1] (Algérie) ;

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

Condamne monsieur [U] [W] et madame [T] [R] aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/01555
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.01555 ?
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