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14/03/2024 | FRANCE | N°23/01077

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 14 mars 2024, 23/01077


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 14 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 23/01077 - N° Portalis DBW3-W-B7H-24EH

AFFAIRE : M. [S] [M] (Maître Alice ARCHENOUL de la SELARL CARLINI & ASSOCIES)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente



Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureur, Procureur de la Républiq...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 14 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 23/01077 - N° Portalis DBW3-W-B7H-24EH

AFFAIRE : M. [S] [M] (Maître Alice ARCHENOUL de la SELARL CARLINI & ASSOCIES)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [S] [M]
né le 10 Octobre 2004 à [Localité 2] (GUINEE)
de nationalité Guinéenne, domicilié [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C48095/2023/000079 du 25/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Mende)

représenté par Maître Alice ARCHENOUL de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
en son Parquet sis [Adresse 3]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [S] [M] est né le 10 octobre 2004 à [Localité 2] (Guinée).

Le 27 juillet 2022 il a souscrit une déclaration de nationalité française devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Mende en application de l'article 21-12 du code civil, dont l'enregistrement a été refusé le même jour.

Par acte d'huissier du 20 janvier 2023 monsieur [M] a fait assigner le procureur de la République.

Le récépissé prévu à l'article 1040 du code de procédure civile a été délivré le 28 février 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 27 octobre 2023 monsieur [M] demande au tribunal de dire qu'il est français en application de l'article 21-12 du code civil depuis le 27 juillet 2022 et de condamner le Trésor Public à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il expose être entré en France et avoir été confié à l'Aide sociale à l'enfance de Nîmes le 6 mai 2019, date d'un arrêt de la cour d'appel de Nîmes qui a jugé que l'acte de naissance produit a été rédigé selon les formes usitées en Guinée. Il ajoute qu'aucun fondement juridique n'exige une double légalisation des actes de l'état civil par les autorités étrangères et françaises, et qu'en tout état de cause il a procédé à une légalisation de son acte de naissance par l'ambassade de Guinée en France.
Sur l'acte de naissance délivré par l'ambassade de Guinée le 6 août 2021, au vu d'un jugement supplétif du 3 août 2020, il expose que celui-ci contient le nom de l'officier de l'état civil qui a reçu l'original et celui qui en a délivré copie, et qu'une autorité consulaire étrangère peut agir en qualité d'officier de l'état civil pour ses ressortissants, en application de l'article 187 du code civil de Guinée.
Monsieur [M] se prévaut encore des mentions de légalisation apposées sur le jugement supplétif d'acte de naissance du 3 août 2020, et soutient que ce jugement est suffisamment motivé.
Enfin il expose qu'il ne peut lui être reproché, en raison de son jeune âge à l'époque, d'avoir remis lors de son entrée en France des documents falsifiés, dès lors qu'il a par la suite entrepris des démarches en vue d'obtenir des actes réguliers.

Le procureur de la République a conclu le 3 octobre 2023 au rejet des demandes de monsieur [M] et à la constatation de son extranéité aux motifs qu'il ne démontre pas l'exactitude de son état civil, dès lors que l'acte délivré par l'ambassade de Guinée ne mentionne pas le nom de l'officier de l'état civil qui l'a délivré, ni le centre de l'état civil où est conservé l'original, et qu'une ambassade n'est pas une autorité habilitée à dresser des actes de naissance.
Sur la légalisation des actes, il fait valoir que celle-ci n'a pas été faite par une autorité compétente en ce qui concerne l'extrait d'acte de naissance, et le jugement supplétif, qu'elle ne porte pas sur la signature du greffier qui a délivré l'expédition du jugement supplétif, et qu'elle est absente sur l'acte de naissance délivré par l'ambassade de Guinée.
Il ajoute que ces actes ne sont pas réguliers, l'extrait de naissance et l'acte de naissance n'ayant pas le même numéro ni les mêmes mentions, et le jugement supplétif n'étant pas motivé. Il rappelle encore que monsieur [M] est entré en France à l'aide de documents falsifiés et que l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes ne statue pas sur la régularité de son état civil mais seulement sur la question du placement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l’article 30 du code civil la charge de la preuve, en matière de nationalité, incombe à celui dont la nationalité est en cause.

Monsieur [S] [M] n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française, il doit donc rapporter la preuve de sa qualité de français.

Le demandeur à l'enregistrement d'une déclaration de nationalité doit en premier lieu produire des pièces d’état civil fiables au sens de l’article 47 du code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Selon la coutume internationale les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet. La France n’a conclu aucune convention avec la Guinée afin de dispenser ce pays de telles formalités.

La légalisation est l’attestation écrite par un agent public compétent de la véracité de la signature apposée sur un acte, et, s’il s’agit d’un acte public, de la qualité de celui qui l’a établi.

Les seules autorités habilités à y procéder demeurent le consul de France en Guinée ou celui de Guinée en France.

L'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 6 mai 2019 a statué sur l'appel de monsieur [M] à l'encontre d'un jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Mende disant n'y avoir lieu à assistance éducative.

Le cour, qui n'était pas saisie du contentieux relatif à la nationalité de monsieur [M], ne s'est donc prononcée que sur les conditions relatives à l'ouverture d'une procédure d'assistance éducative.
Les demandes formées devant la cour d'appel de Nîmes et devant ce tribunal ne sont donc pas les mêmes et ne sont pas fondées sur la même cause. En outre le dispositif de cet arrêt ne se prononce pas sur la valeur probante de l'acte de naissance de monsieur [M].

Il ne peut donc être soutenu que l'arrêt du 6 mai 2019 aurait autorité de la chose jugée relativement à la force probante des pièces de l'état civil de monsieur [S] [M].

À l'appui de ses demandes monsieur [M] produit aux débats un extrait d'acte de naissance n°463 de l'année 2004, portant légalisation de la signature de l'officier de l'état civil qui a dressé l'acte de naissance par le chargé des affaires consulaires de l'ambassade de Guinée en France le 6 avril 2023. Il est indiqué dans cet acte que la naissance a été déclarée par le père de monsieur [S] [M].

Toutefois est également produite l’original d'un jugement supplétif d'acte de naissance rendu le 3 août 2020 par le tribunal de première instance de Boké, transcrit le 14 août 2020 sous le n°276.
Ce jugement est revêtu de la mention de la légalisation de la signature du greffier qui a tenu la plume à l'audience. Or la légalisation d'un jugement ne peut porter que sur la signature du greffier, dépositaire des minutes, qui en a délivré l'expédition conforme à celles-ci, et il ne résulte d'aucune des mentions portées sur ce jugement que cette pièce soit une copie conforme aux minutes, de sorte qu'il n'est pas possible de s'assurer de son authenticité.

Ce jugement, dès lors qu'il a été transcrit sur les registres de l'état civil pour tenir lieu d'acte de naissance, fait corps avec lui. Dès lors qu'il n'a pas été régulièrement légalisé, ni ce jugement ni l'acte de transcription ne font foi de l'état civil de monsieur [M].

En tout état de cause nul ne peut se prévaloir de deux actes de naissance distincts. Il vient d'être vu que monsieur [M] dispose de deux actes de naissance, l'un dressé en 2004 sur déclaration de son père sous le n°463, et l'autre dressé le 14 août 2020 par transcription d'un jugement supplétif sous le n°276.
Ces deux actes portent des mentions différentes puisque l'extrait d'acte de naissance de 2004 fait mention des âges des parents, de leur profession et de leur nationalité, ces éléments étant absents du jugement supplétif et de l'acte de transcription.

En outre aucune explication n'est fournie quant au fait que monsieur [M] se trouve en possession d'un acte de naissance dressé sur déclaration de son père et d'un jugement supplétif d'acte de naissance.

Par ailleurs est produit la photocopie, non certifiée conforme, de la copie intégrale d'un acte de naissance dressée par l'ambassade de Guinée en France le 6 août 2021.
Ladite ambassade n'est toutefois pas détentrice des registres de l'état civil de la commune de [Localité 2] et ne peut donc en délivrer copie. Il est d'ailleurs précisé dans ce document qu'il a été établi sur la base de l'acte de transcription du jugement supplétif d'acte de naissance n°276 ci-dessus mentionné, mais avec l'indication erronée « déclaration faite le 14 août 2020 par le père de l'enfant ».
En outre cette copie intégrale indique que le père de monsieur [M] est né le 31 décembre 1972 et sa mère le 1er mars 1978. Or l'acte de transcription n°276 ne fait pas mention de la date de naissance des parents de monsieur [M].
L'authenticité de cette pièce est donc douteuse dès lors qu'elle ne reprend pas fidèlement les mentions de l'acte qui est censé avoir servi à son établissement.

Ainsi les trois pièces censées prouver l'état civil de monsieur [M] contiennent des mentions divergentes. Dans la mesure où la naissance est un événement constaté dans un acte unique conservé dans un registre, elle ne peut pas donner lieu à délivrance de divers extraits ou copies divergents entre eux, même sur des mentions non substantielles, et a fortiori ne peut faire l'objet de plusieurs actes originaux. Cette seule circonstance est à elle seule de nature à ôter toute force probante à chacune de ces pièces.

Monsieur [M], dans ces conditions, ne rapporte pas la preuve de son état civil. Il sera donc débouté de ses demandes et son extranéité constatée.

Monsieur [M], qui succombe à l'instance, en supportera les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Constate qu'il a été satisfait aux formalités de l'article 1040 du code de procédure civile ;

Déboute monsieur [S] [M] de ses demandes ;

Constate l'extranéité de monsieur [S] [M], né le 10 octobre 2004 à [Localité 2] (Guinée) ;

Ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

Condamne monsieur [S] [M] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/01077
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;23.01077 ?
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