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14/03/2024 | FRANCE | N°22/07467

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 14 mars 2024, 22/07467


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/116 DU 14 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 22/07467 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2GYT

AFFAIRE : M. [W] [T]( Me David-andré DARMON)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédi

cte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les p...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/116 DU 14 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 22/07467 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2GYT

AFFAIRE : M. [W] [T]( Me David-andré DARMON)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Emmanuelle PORELLI, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [W] [T]
né le 25 Décembre 1990 à [Localité 3] (ALGÉRIE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me David-andré DARMON, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 619

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est [Adresse 4]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Le 15 mars 2021, Monsieur [W] [T], se disant né le 25 décembre 1990 à [Localité 3] (Algérie), a souscrit une déclaration acquisitive de nationalité française au titre de l’article 21-2 du code civil, en raison de son union célébrée le 30 décembre 2013 à [Localité 2] (Algérie) avec Madame [Z] [E].

Par décision du 1er février 2022, le Ministère de l’Intérieur a refusé l’enregistrement de cette déclaration aux motifs que :
“Depuis votre mariage, vous n 'avez pas vécu continuellement avec votre conjointe. En effet, vous avez eu des domiciles distincts pendant une période comprise entre le 30 décembre 2013 et le 04 mai 2015, date de votre arrivée en France. Cette séparation n'était pas purement géographique mais témoignait d'une rupture de votre communauté de vie affective. Votre déclaration ne satisfait donc pas l'une des conditions fixées par les dispositions de l'article 21-2 du code civil et j'en ai refusé l’enregistrement”

Suivant exploit en date du 1er août 2022, Monsieur [W] [T] a assigné le Procureur de la République devant le tribunal de céans aux fins notamment :
- ANNULER la décision du Ministre de l’Intérieur du 1er février 2022 ;
- JUGER qu’il remplit les conditions d'acquisition de la nationalité française au sens de l’article 21 -2 du code civil en justifiant d”une résidence sur le territoire français de plus de 6 ans au moment de la demande de nationalité ;
A titre Principal :
- ORDONNER la délivrance de ladite nationalité à son profit ;
- ORDONNER que soit dressé un acte de naissance avec mention de sa nationalité française dans le délai d'un mois de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
A titre subsidiaire :
- ORDONNER un nouvel examen de sa demande dans les mêmes conditions ;
-CONDAMNER l'Etat à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 juin 2023, Monsieur [W] [T] maintient ses demandes principales et renonce à sa demande subsidiaire.

Il fait valoir qu’il est ressortissant algérien et réside en France depuis 2015 ; qu’il bénéficie d’une carte de résident ; qu’il résidait auparavant en Algérie ; qu’en 2009, il a fait la rencontre de Madame [Z] [E] ressortissante française vivant à cette époque en Algérie avec laquelle il s’est marié au consulat de France en Algérie le 30 décembre 2013 ; que compte tenu de ses contraintes professionnelles en sa qualité de militaire, il n’a pu rejoindre son épouse en France qu’en date du 04 mai 2015 ; que le couple a eu un enfant ; que la communauté de vie n’a jamais cessé entre les époux, et ce même lorsqu’ils ont été contraints pour des raisons professionnelles de vivre géographiquement éloignés pendant un certain temps ; que sa résidence habituelle est bien fixée en France depuis près de 7 ans ; qu’il justifie de son état civil et a communiqué à cet effet la copie intégrale de son acte de naissance ; qu’il justifie de la connaissance de la langue française requise par la règlementation ; que la communauté de vie avec son épouse ne peut être contestée ; qu’elle existait bien avant la date de la déclaration acquisitive de nationalité et continue à se poursuivre à ce jour ; qu’à la date de signification des conclusions, les époux justifient être mariés depuis 9 ans.

Par conclusions signifiées le 04 avril 2023, le Procureur de la République demande au tribunal de :
- DIRE la procédure régulière au sens de l’article 1043 du code de procédure civile, devenu l’article 1040 du même code ;
- JUGER irrecevables les demandes de Monsieur [W] [T] tendant à l’annulation de la décision de refus d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française et la demande subsidiaire tendant à voir ordonner un nouvel examen de la demande de M.[W] [T] dans les mêmes conditions ;
- JUGER que les conditions de recevabilité de la déclaration souscrite par Monsieur [W] [T], se disant né le 25 décembre 1990 à [Localité 3] (Algérie), ne sont pas satisfaites ;
- JUGER que Monsieur [W] [T] n'est pas Français ;
- DÉBOUTER Monsieur [W] [T] de Pensemble de ses demandes ;
- ORDONNER la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
- STATUER ce que de droit quant aux dépens.

Il fait valoir que Monsieur [W] [T] ne verse pas aux débats la copie intégrale de son acte de naissance ; qu’il ne justifie pas d`un état civil certain ; qu’il ne verse aucune pièce aux débats pour justifier du niveau linguistique requis pour acquérir la nationalité française ; que sur la période allant de l’entrée en France de Monsieur [W] [T], le 4 mai 2015, à la date de la souscription de la déclaration de nationalité française, le 15 mars 2021, aucune pièce n’a été produite pour justifier d’une communauté de vie, la naissance de l’enfant du couple étant postérieure à la souscription de cette déclaration ; que dès lors, Monsieur [W] [T] ne rapporte pas la preuve d’une communauté de vie affective et matérielle avec Mme [Z] [E] entre la date de leur mariage et la date de la souscription de la déclaration de nationalité française ; que par ailleurs, il ne communique pas d’extrait de son casier judiciaire ; qu’en conséquence, faute pour lui de justifier, d’une part, d’un état civil certain et, d’autre part, qu’il remplit l’ensemble des conditions cumulatives exigées par l’article 21-2 du code civil pour l’acquisition de la nationalité française à raison de son mariage avec un conjoint de nationalité française, il y a lieu de rejeter sa demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française et de juger qu’il n’est pas français.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022, et l’affaire renvoyée pour être plaidée à l’audience collégiale du 11 janvier 2024.

MOTIFS :

Sur la demande d’annulation de la décision du Ministère de l’Intérieur:

Aux termes de l'article 26 du code civil, « les déclarations de nationalité souscrites en raison du mariage avec un conjoint français, en application de l'article 21-2, sont reçues par l'autorité administrative ».
En application de l'article 26-3 du code civil, « le ministre [chargé des naturalisations] refuse d'enregistrer les déclarations qui ne satisfont pas aux conditions légales. Sa décision motivée est notifiée au déclarant qui peut la contester devant le tribunal judiciaire durant un délai de six mois ».
Ainsi, il ressort de ces textes que la décision d'enregistrement de la déclaration de nationalité française n'est pas un acte administratif et n'est donc pas soumis au contrôle du juge administratif, mais bien au juge judiciaire, lequel est seul compétent pour décider de la validité et du bien-fondé de ce refus.
En conséquence, le juge judiciaire n’a pas compétence pour statuer sur la validité de la décision administrative, de sorte que cette demande est irrecevable.
Sur la demande tendant à obtenir la nationalité française :
En vertu des dispositions de l’article 30 alinéa 1 du code civil, « la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause.››.
Nul ne peut se voir reconnaître la nationalité française, à quelque titre et sur quelque fondement que ce soit, s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par la production d’un acte de naissance répondant aux exigences de l’article 47 du code civil qui dispose que : “tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d 'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.”
En l’espèce, non seulement il est communiqué une copie de l’acte de naissance et non une copie certifiée conforme à l’original. Ni le nom du père ni le nom de l’officier d’état civil qui a délivré l’acte ne figurent dans l’acte, étant observé par ailleurs que la copie délivrée est illisible.
Dès lors, cet acte de naissance est dépourvu de tout caractère probant au sens de l’article 47 du code civil en ce qu’il ne mentionne pas le nom du père, ni le nom de l’officier d’état civil, ni d’ailleurs la qualité du déclarant, mentions substantielles devant figurer sur les copies d’acte délivrées en application de l’article 30 de l’ordonnance algérienne n°70-20 du 19 février 1970 relative à l’état civil qui stipule que : “les actes d’état civil énoncent l’année, le jour et l’heure où ils sont reçus, les prénoms, nom et qualité de l’officier d’état civil, les prénoms, noms, professions et domicile de tous ceux qui y sont dénommés, les dates et lieux de naissance des père et mère dans les actes de naissance (...)”.
***
Il sera en conséquence débouté de ses demandes, et son extranéité constatée.
Succombant à l'instance, il en supportera les dépens..

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
CONSTATE qu'il a été satisfait aux formalités de l'article 1040 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE Monsieur [W] [T] de ses demandes ;
CONSTATE l'extranéité de Monsieur [W] [T], se disant né le 25 décembre 1990 à [Localité 3] (Algérie) ;
ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
CONDAMNE Monsieur [W] [T] aux dépens.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 14 Mars 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 22/07467
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.07467 ?
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