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12/03/2024 | FRANCE | N°23/04710

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 12 mars 2024, 23/04710


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 12 MARS 2024



Enrôlement : N° RG 23/04710 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3ECR

AFFAIRE : M. [C] [T] (la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES)
C/ M. [I] [K], Mme [N] [P]





A l'audience Publique du 27 février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 12 mar

s 2024





PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Mad...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 12 MARS 2024

Enrôlement : N° RG 23/04710 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3ECR

AFFAIRE : M. [C] [T] (la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES)
C/ M. [I] [K], Mme [N] [P]

A l'audience Publique du 27 février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 12 mars 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [C] [T]
né le 14 novembre 1945 à [Localité 7] (13)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]

Madame [U] [R] épouse [T]
née le 31 août 1948 à [Localité 8] (05)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]

tous deux représentés par Maître Olivier BURTEZ-DOUCEDE de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDEURS

Monsieur [I] [K]
né le 19 janvier 1966 à [Localité 6] (63)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]

défaillant

Madame [N] [P]
née le 28 septembre 1958 à [Localité 5] (ALGÉRIE)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4]

défaillante

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date du 26 septembre 1991, les époux [T] ont acquis auprès de Madame [B] épouse [X] une parcelle de terrain cadastrée section S numéro [Cadastre 1], sis [Adresse 3] d'une superficie de 2.000m² selon mesurage réalisé par Monsieur [A].

La parcelle était issue de la division d'une parcelle plus vaste appartenant à Madame [D].

La division de la propriété en 3 parcelles avait été opérée par Monsieur [A].

Madame [X] avait acquis la parcelle numéro [Cadastre 1] issue de ladite division selon un acte de partage transactionnel en date du 12 avril 1991 en contrepartie d'une soulte réglée à ses deux sœurs.

Suite à leur achat les époux [T] ont commencé les travaux de construction de leur maison en septembre 1992, qui se sont achevés en juillet 1993 en respectant la clôture Sud de leur propriété, telle qu'établie au moment de leur acquisition.

Cette propriété est contiguë au Sud de la parcelle cadastrée numéro [Cadastre 2], sis [Adresse 4], laquelle appartient en indivision à Monsieur [I] [K] et à Madame [N] [P] qui en ont fait l'acquisition auprès de Monsieur [J] selon acte de vente en date du 16 juillet 1991.

Monsieur [I] [K] est propriétaire à hauteur de 60%, et Madame [N] [P] est propriétaire à hauteur de 40%.

Un différend est né entre les voisins à la suite des travaux d'aménagement extérieur réalisés par les consorts [K]-[P].

Le 24 mai 2016, les époux [T] mandataient un huissier pour faire constater la mise à bas de la clôture et une pénétration des travaux d'excavation à l'intérieur de la propriété des requérants sur une soixantaine de centimètres.

Les consorts [T] sollicitaient la remise en état des lieux.

Le 13 juin 2016, Monsieur [T] déposait plainte pour dénoncer les faits litigieux.

En juillet 2016, les consorts [K]-[P] coulaient une dalle en béton sur la plateforme emprise sur le terrain des requérants.

Le conseil des époux [T] sollicitait par courrier recommandé en date du 19 septembre 2022 la remise en état des lieux. Ce courrier restait sans réponse.

*

Par assignation en date du 6 avril 2023, [C] [T] et [U] [R] épouse [T] ont attrait devant le tribunal judiciaire de MARSEILLE Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] aux fins de voir entendre :

Vu les articles 544, 545, et 1240 du code civil,

Condamner in solidum Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] à remettre en état la propriété de Monsieur [C] [T] et [U] [T] en procédant à la démolition de tout ouvrage empiétant sur ladite propriété, au comblement de terres excavées sur ladite propriété et à la remise en état de la clôture grillagée sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir,

Condamner in solidum Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] à payer Monsieur [C] [T] et [U] [T] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice de jouissance,

Condamner in solidum Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] à payer Monsieur [C] [T] et [U] [T] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

L'assignation a été signifiée à étude à [I] [K] et à [N] [P]. Ils n’ont pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée le 23 novembre 2023. Une procédure sans audience a été proposée aux consorts [T] qui l'ont acceptée. Ces derniers ont déposé leur dossier de procédure le 15 décembre 2023.
L'affaire a fait l’objet d’un jugement de réouverture des débats du 22 février 2024 compte tenu de l’indisponibilité du magistrat en charge de l’affaire. L’affaire a été mise en délibéré au 12 mars 2024.

MOTIFS

En application de l'article 472, alinéa 2, du Code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En application des dispositions de l'article 9 il sera rappelé aux demandeurs qu'il leur incombe de rapporter la preuve de leur argumentation.

Sur la demande de démolition des ouvrages empiétant la propriété des consorts [T], du comblement des excavations et la remise en état de la clôture

Les demandeurs agissent au visa de la théorie du trouble anormal de voisinage et de la responsabilité délictuelle.

Conformément aux dispositions de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Il découle de ce texte que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est néanmoins limité par l'obligation qu'il a de ne causer à la propriété d'autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.

Ainsi, le propriétaire d'un fonds qui cause à son voisin un dommage ou un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage en est responsable de plein droit, sans qu'il y ait faute de sa part, et doit le réparer. La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage implique de caractériser un rapport de voisinage, un trouble anormal, un préjudice et un lien de causalité entre ce trouble et le préjudice.

Le caractère anormal du dommage doit s'apprécier in concreto compte tenu des circonstances de la cause.

En revanche, la responsabilité délictuelle résultant de l'application des dispositions de l'article 1240 du code civil, dont il ressort que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, est une responsabilité pour faute prouvée.

En l'espèce, il ressort des pièces produites et notamment du constat d'huissier établi le 24 mai 2016 que la clôture d'avec la propriété [K] a été, dans sa partie inférieure, détruite par les travaux réalisés sur le fond voisin. L'huissier précise “dans sa partie inférieure, l'on constate que les travaux sont en cours dans le fonds voisin et que ceux-ci ont consisté à mettre à bas une partie de la clôture grillagée et à pénétrer à l'intérieur de ce qui se trouvait à l'intérieur de la propriété des consorts [T], sur une soixantaine de centimètres”.

Interrogé par l'huissier, un entrepreneur présent sur le chantier des consorts [K]/[P] indiquait que c'était son donneur d'ordre qui lui avait fixé les travaux à réaliser, tout en ayant conscience qu'il allait au-delà des grillages et piquets qui formaient la limite.

Madame [P] interpellait également l'huissier mandaté, pour lui déclarer que la limite était mal positionnée, qu'elle se trouvait à l'intérieur de sa propriété, et que le plan de division dressé par Monsieur [A] ne respectait pas le plan cadastral.

Elle reconnaissait toutefois que la clôture grillagée se trouvait bien là d'où elle l'avait faite déplacer, et que l'implantation n'avait pas évolué depuis l'époque de leurs ayant-droits, les consorts [Y].

Il s'en déduit que les dégradations sur la clôture et l'empiètement sur la propriété sont établis, et ne sont pas contestés.

Les demandeurs produisent à l'appui de leur demande le plan de bornage de Monsieur [A]. Il sera à ce titre rappelé qu'un plan de bornage à une valeur juridique alors qu'un plan cadastral n'a qu'une valeur informative. Le premier prime donc sur le second. Il en ressort que depuis l'établissement du plan de bornage par Monsieur [A], il n'y a eu aucune contestation des limites de propriété.

Ils produisent également l'attestation de Madame [B], dont il ressort que la clôture litigieuse existait et était déjà implantée depuis l'acquisition de la propriété par ses parents en juin 1965, et l'acquisition de la propriété voisine par Monsieur [J].

Les demandeurs exposent que les défendeurs auraient coulé une dalle de béton sur la partie empiétée, or ces derniers n'apportent aucun élément probant en ce sens, aucun constat d'huissier postérieur à celui du 24 mai 2016 n'est produit, de sorte que le tribunal n'est pas en mesure de vérifier l'existence de cet ouvrage.

Les défendeurs, défaillants ne produisent aucun titre juridique susceptible de venir remettre en cause le plan de bornage des demandeurs, ce d'autant que lors de l'établissement du constat d'huissier Madame [P] a reconnu que l'implantation n'avait pas évolué depuis l'époque de leurs ayants droits, et que la clôture était déjà au même emplacement avant leur acquisition en 1999, et que depuis cette date elle n'avait pas été modifiée jusqu'à lors.

En conséquence, tant les dégradations sur la clôture que l'empiètement sont démontrés.

Cela caractérise donc bien une atteinte au droit de propriété constitutive d'un trouble anormal de voisinage.

Il n'est donc pas nécessaire de rechercher la responsabilité des défendeurs sur le fondement de l'article 1240 du code civil, y compris pour la construction de la dalle de béton, l'existence même de cette dernière n'étant pas démontrée par les pièces des demandeurs.

En conséquence, Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] seront condamnés in solidum à la remise en état de la clôture grillagée à l'emplacement qui était le sien avant la réalisation de leurs travaux et en conformité avec le plan de bornage de Monsieur [A], et à retirer tout ouvrage empiétant sur la propriété des consorts [T].

Compte tenu de la résistance des défendeurs à remettre en état les lieux conformément aux limites de propriété, il convient d’assortir cette condamnation d’une astreinte de 150 € par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois commençant à courir à compter de la signification du présent jugement.

Ces derniers seront déboutés du surplus de leurs demandes au titre de l'atteinte au droit de propriété.

Sur la demande d'indemnisation du préjudice de jouissance

Les consorts [T] sollicitent l'octroi de la somme de 5000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance sur le seul fondement de l'article 1240 du code civil.

Cela implique qu'ils démontrent l'existence d'une faute, d'un préjudice et du lien de causalité, s'agissant d'une responsabilité pour faute.

Force est de constater que ces derniers n'apportent aucun développement ou précision quant aux manifestations dudit préjudice de jouissance consécutif à l'empiétement.

Ils n'apportent aucun élément autre que le constat d'huissier de 2016. Aucun élément postérieur à cette date n'est produit.

Il n'appartient pas au tribunal de se substituer au demandeur.

En conséquence, la demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] succombent, ils seront donc condamnés in solidum au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant en premier ressort, après application de la procédure sans audience, par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe du tribunal :

Condamne in solidum Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] à remettre en état la clôture grillagée conformément aux limites séparatives résultant du plan de bornage de Monsieur [A] et à retirer tout ouvrage empiétant sur la propriété des consorts [T], et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute Monsieur [C] [T] et Madame [U] [R] épouse [T] du surplus de leurs demandes de condamnation à remise en état,

Déboute Monsieur [C] [T] et Madame [U] [R] épouse [T] de leur demande d'indemnisation du préjudice de jouissance,

Condamne in solidum Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] à payer à Monsieur [C] [T] et Madame [U] [R] épouse [T] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Monsieur [I] [K] et Madame [N] [P] aux entiers dépens de l'instance,

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DOUZE MARS DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 23/04710
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.04710 ?
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