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11/03/2024 | FRANCE | N°22/08527

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 11 mars 2024, 22/08527


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/105 DU 11 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 22/08527 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2MAI

AFFAIRE : S.A.S. KIOTI FRANCE ( Me Claire FLAGEOLLET)
C/ Etablissement RECETTE INTERREGIONALE DES DOUANES DE [Localité 3]

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'i

ssue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Mars 20...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/105 DU 11 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 22/08527 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2MAI

AFFAIRE : S.A.S. KIOTI FRANCE ( Me Claire FLAGEOLLET)
C/ Etablissement RECETTE INTERREGIONALE DES DOUANES DE [Localité 3]

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Mars 2024

Jugement signé par BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

S.A.S. KIOTI FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Claire FLAGEOLLET, avocat au barreau de MARSEILLE

CONTRE

DEFENDERESSES

LA RECETTE INTERREGIONALE DES DOUANES DE [Localité 3] Prise en la personne de Madame La Receveuse interrégionale des douanes, dont le siège social est sis [Adresse 1]

LA DIRECTION REGIONALE DES DOUANES DE [Localité 3] Prise en la personne de M. Le Directeur Régional, Pôle d’orientation des contrôles (POC), Service du contentieux, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentées par Madame [F] [O], inspectrice des douanes, munie d’un pouvoir spécial

EXPOSE DU LITIGE :

La société KIOTI FRANCE est une entreprise spécialisée dans le commerce de machines agricoles. Dans le cadre de son activité, cette société importe depuis la Corée des véhicules utilitaires tout-terrain (« Utility Terrain Vehicle » en anglais, ci-après «UTV») complets mais non montés, ayant pour référence : K9 2400, MEC 2210 et MEC 3000.
Afin d’assurer un service après-vente, la société importe également diverses pièces entrant dans la confection de ces UTV.
L’intégralité de ces pièces sont présentées au dédouanement en même temps que les UTV.

Par procès-verbal du 27 septembre 2021, le service ex-post du bureau de [2] notifiait à la société KIOTI FRANCE une infraction de fausse déclaration et lui remettait un avis de paiement d’un montant de 235 800 € correspondant aux droits dus du fait des différents reclassements tarifaires opérés par l’administration, taxes et intérêts de retard (dont 191.887 € de droits de douane, 32.980 € de TVA et 10.933 € d’intérêts de retard).

Un avis de mise en recouvrement n°0898/21-1386 était émis le 4 novembre 2021.

Le 13 janvier 2022, la société KIOTI FRANCE contestait l’AMR N°0896/21-1386.

Le 5 juillet 2022, l’administration rejetée la contestation amiable de l’AMR.

La société KIOTI FRANCE, qui n’avait pas sollicité le sursis de paiement, a procédé au paiement du montant mis en recouvrement.

C’est dans ces circonstances que suivant exploit en date du 1er septembre 2022, la société KIOTI FRANCE a assigné devant le tribunal de céans La Recette lnterrégionale des Douanes de Marseille et la Direction Régionale des Douanes de [Localité 3] aux fins de :
- Juger qu’il existe des discordances existantes entre les conclusions de la Douane et le tableau liquidatif communiqué à la société pour les marchandises référencées U3230-96751, UD28-905AD, UD28-905AC, U3305-A10002 et UD 3230-97911 consistant en des toiles de protection et des protections arrières et dessus de cabine ;
- Annuler les avis de résultat de contrôle des 26 octobre 2020 et 17 juin 2021, le procès-verbal de notification d'infraction du 27 septembre 2021, l'AMR n°0898/21-1386 du 4 novembre 2021 et la décision de rejet du 5 juillet 2022 ;
- Ordonner le dégrèvement et le remboursement par la Recette interrégionale et la Direction régionale des douanes de [Localité 3] des droits de douane d'un montant de 792€, ainsi que les taxes et intérêts de retard afférents mis en recouvrement, le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter de leur règlement à la Douane ;
- Juger que les UTV importés relèvent de la position n°8701 91 10 00 ;
- Juger que les pneumatiques importés et non destinés à être montés sur les UTV relèvent de la sous-position n' 4011 70 00 00 ;
- Juger que les prises pour attelage relèvent de la sous-position n°8716 90 90 90 ;
- Juger que le distributeur hydraulique relève de la sous-position n°8701 90 11 00 ;
- Annuler les avis de résultat de contrôle des 26 octobre 2020 et 17 juin 2021, le procès-verbal de notification d'infraction du 27 septembre 2021, l'AMR n°0898/21-1386 du 4 novembre 2021 et la décision de rejet du 5 juillet 2022 ;
- Ordonner le dégrèvement et le remboursement par la Recette interrégionale et la Direction régionale des douanes de [Localité 3] à la société KIOTI FRANCE des droits de douane d'un montant de 191.095 €, ainsi que la TVA et les intérêts de retard mis en recouvrement, le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter de leur règlement à la Douane ;
- Condamner la Recette interrégionale et la Direction régionale des douanes de [Localité 3] à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 09 juin 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions, la société KIOTI FRANCE maintient ses demandes.

Par conclusions déposées en vue de la mise en état du 23 octobre 2023 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens et prétentions, l’Administration des douanes et droits indirects demandent au tribunal de :
– rejeter l’affirmation selon laquelle des discordances entre les conclusions de l’administration des douanes et le tableau liquidatif communiqué à la société aurait empêché cette dernière d’exercer son droit d’être entendu ;
– rejeter la demande d’annulation des avis de résultat de contrôle des 26 octobre 2020 et 17 juin 2021, du procès-verbal de notification d’infraction du 27 septembre 2021, de l’AMR N°089/21-1386 du 4 novembre 2021 et de la décision de rejet du 5 juillet 2022;
– déclarer irrecevable la demande de dégrèvement et de remboursement de la somme de 792€ correspondant aux droits de douane, taxes et intérêts de retard mis en recouvrement, le tout augmenté des intérêts au taux légal à compter de leur règlement;
– Juger que les UTV importés relèvent de la position tarifaire 8704 21 91 00 ;
– Déclarer sans objet la demande de la société de classer les pneumatiques importés et non destinés à être montés sur les UTV à la sous-position N°4011 70 00 00 ;
– Juger que les prises pour attelage relèvent de la position tarifaire 9536 69 90 99 ;
– Juger que les distributeurs hydrauliques relèvent de la position tarifaire 8708 99 97 90;
– Rejeter la demande d’annulation des avis de résultat de contrôle des 26 octobres 2020 et 17 juin 2021, du procès-verbal de notification d’infraction du 27 septembre 2021, de L’AMR N°0898/21-1386 du 4 novembre 2021 et de la décision de rejet du 5 juillet 2022;
– Déclarer irrecevable la demande de dégrèvement et de remboursement de la somme de 191 095 €ainsi que de la TVA et les intérêts de retard mis en recouvrement, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de leur règlement par la douane ;
– La condamner à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 octobre 2023.

En l’état il y a lieu de rejeter les conclusions de l’administration des douanes notifiées postérieurement à l’ordonnance de clôture.

MOTIFS :

Sur les demandes principales :

1/ Sur la demande d’annulation des avis de résultats de contrôle des 26 octobre 2020, et 17 juin 2021, du procès-verbal de notification d’infraction du 27 septembre 2021, L’AMR N°0898/21-1386 du 4 novembre 2021 et la décision de rejet du 5 juillet 2022 et sur la demande de dégrèvement et de remboursement de la somme de 792 € ainsi que les taxes et intérêts de retard afférent à cette mise en recouvrement, pour défaut du principe du contradictoire :

Aux termes de l’article 67 A du code des douanes « en matière de droits et taxes perçus selon les règles, garanties, privilèges et sanctions prévus au présent code, toutes constatations susceptibles de conduire à une taxation donnent lieu à un échange contradictoire préalable entre le redevable et l’administration. En ce qui concerne les droits et taxes dont le fait générateur est constitué par l’importation ou l’exportation de marchandises, l’échange contradictoire préalable se déroule selon les modalités prévues au paragraphe 6 de l’article 22 et à l’article 29 du règlement (UE) N°952/2013 du Parlement européen et du conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union (...)»

Le paragraphe 6 de l’article 22 CDU dispose que : « avant de prendre une décision susceptible d’avoir des conséquences défavorables pour le demandeur, les autorités douanières informent le demandeur des motifs sur lesquels elle compte fonder leur décision, lequel a la possibilité d’exprimer son point de vue dans un délai déterminé à compter de la date à laquelle il reçoit ou à laquelle il est réputé avoir reçu cette communication desdits motifs. À la suite de l’expiration de ce délai, le demandeur est informé dans la forme appropriée, de la décision. »

Or, en l’espèce, il est établi par les pièces versées aux débats qu’au mois de juillet 2020, le service ex-post du bureau de [2] initiait un contrôle sur 23 déclarations d’importation de la société KIOTI FRANCE.

Le 26 octobre 2020, l’Administration communiquait à la société un avis de résultat de contrôle portant sur 23 déclarations d’importation estimant que la société avait commis des erreurs tarifaires sur des marchandises importées : elle estimait que les UTV modèles K9 2400 et MEC 2210 relevaient de la sous-position n°8704 21 91 00 («Véhicules automobiles pour le transport de marchandises - Autres, à moteur à piston à allumage par compression (diesel ou semi-diesel) - d’un poids en charge maximal n’excédant pas 5 tonnes - Autres - A moteur d’une cylindrée n’excédant pas 2500 cm3 - neufs»), soumise au taux de droits de douane de 10 %.

Concernant l’UTV MEC 3000 importé, l’Administration considèrait qu’il relèvait de la sous-position n°8704 90 00 00 «Véhicules automobiles pour le transport de marchandises – autres», taxée à 10 %.
Elle considèrait que la société s’était également trompée en classant les prises pour attelage de remorque en sous-position n°8716 90 90 90 « Remorques et semi-remorques pour tous véhicules ; autres véhicules non automobiles ; leurs parties (...) »), supportant un taux de droits de douane de 1,7 %.
Elle considérait que ces prises pour attelage de remorque relevaient de la sous-position N°8536 69 90 99 « Appareillage pour la coupure, le sectionnement, la protection, le branchement, le raccordement ou la connexion des circuits électriques (interrupteurs, commutateurs, relais, coupe-circuit, parasurtenseurs, fiches et prises de courant, douilles pour lampes et autres connecteurs (...)», soumise à un taux de droits de douane de 2,3%.

La société KIOTI FRANCE présentait ses observations le 26 novembre 2020.

Par courrier en date du 21 mai 2021, la Douane maintenait et justifiait les reclassements tarifaires invoqués.

Le 17 juin 2021, elle notifiait à la société KIOTI FRANCE un avis de résultat de contrôle complémentaire suite à l’examen de 6 nouvelles déclarations d’importation de la société.

Ces reclassements portaient plus précisément sur les marchandises suivantes :
- UTV modèle K9 2400 : l’Administration estimait que ces UTV ne relevaient pas de la sous-position n°8701 91 10 00 exemptée de droits de douane mais de la sous-position n°8704 21 91 00 taxée à 10 %.
- Pièces de rechange : l’Administration considérait que : « Toutes les marchandises présentées en même temps que les UTV K9 2400 lors du dédouanement sont destinées à être assemblées pour constituer un UTV K92400-EU en capacité de fonctionnement immédiat. Les véhicules étant présentés non montés et en capacité de fonctionnement dès le montage réalisé, il conviendra en application de la RG 2 a), de considérer les différentes pièces destinées à être assemblées comme un ensemble commun pour former un véhicule UTV K92400-EU. Cet ensemble doit se classer à la position retenue pour l’UTV K92400-EU ».

La Douane reclassait en sous-position n°8704 21 91 00 l’intégralité des pièces de rechange importées en même temps que les UTV K9 2400 qu’elles estimaient être soumises au taux de 10 % de droits de douane.

L’Administration contestait ainsi les codes douaniers retenus à l’importation pour ces marchandises en ce qu’elles avaient été déclarées à leur position propre, à savoir :
- n°4011 70 00 00, laquelle est taxée à 4 %
- n°8425 42 00 00, laquelle est exemptée de droits de douane
- n°8431 41 00 00, laquelle est exemptée de droit de douane
- n°8708 10 90 90, laquelle est taxée à 4,5 %
- n°8708 29 90 00, laquelle est taxée à 4,5%
- n°8708 99 97 90, laquelle est taxée à 3,5 %

Le 15 juillet 2021, la société transmettait ses observations sur ce nouvel avis de résultat de contrôle du 17 juin 2021.

Le 12 août 2021, l’Administration répondait aux observations formulées par la société KIOTI FRANCE. Elle reconnaîssait que les pièces de rechange importées en même temps que les UTV devaient être classées selon leur régime propre, à l’exclusion toutefois du classement tarifaire de canopys, protections pour cabines et d’un distributeur hydraulique.

Le 10 septembre 2021, la société KIOTI FRANCE formulait de nouvelles observations sur les positions tarifaires des UTV.

Le 14 septembre 2021, l’Administration répondait aux remarques de la société KIOTI FRANCE et maintenait ses constatations à l’exception d’une modification concernant la déclaration 2007754063 du 15 novembre 2020 générant une faible diminution des droits dus. La société était invitée à se présenter au service le 27 septembre 2021.

Il résulte des faits susvisés que la demanderesse a été, à chaque étape, mise en mesure de présenter ses observations dans le cadre de son droit à être entendu contrairement à ce qu’elle soutient.

Le deuxième avis de résultat comme les courriers en date des 12 août 2021 et 14 septembre 2021 démontrent la réalité d’un échange constant entre la société KIOTI et l’administration, la prise en compte de chacun des arguments soulevés, et des éléments de réponse dûment argumentés et motivés qui ont d’ailleurs permis à l’administration de rectifier sa position sur un certain nombre de points.

Le tableau récapitulatif de liquidation communiqué par l’administration dans ses avis de résultat de contrôle, dans les réponses apportées aux contestations de la société KIOTI FRANCE, et dans le procès-verbal de notification d’infraction synthétise les conclusions de l’administration telle qu’elles étaient développées dans chacun de ces documents.

Ce tableau reprend, pour chaque déclaration en douane, les positions déclarées initialement par la société KIOTI FRANCE avec leur valeur en douane et celle reconnue par l’administration ; il retranscrit les modifications apportées par l’administration au regard des rectificatifs opérés, le numéro de déclaration d’importation permettant à la société KIOTI FRANCE de retrouver les factures et références concernées par chaque ligne de liquidation.

En conséquence, le non-respect du principe du contradictoire n’est pas caractérisé et l’exception de nullité sera rejetée.

2/ Sur le reclassement tarifaire des UTV :

L’article 57 du Code des douanes de l’Union relatif au classement tarifaire des marchandises dispose que :
“1. Aux fins de l'application du tarif douanier commun, on entend par classement tarifaire de marchandises la détermination d'une des sous-positions ou autres subdivisions de la nomenclature combinée dans laquelle les marchandises doivent être classées.
2. Aux fins de l'application de mesures non tarifaires, on entend par classement tarifaire de marchandises la détermination d'une des sous-positions ou autres subdivisions de la nomenclature combinée ou d'une autre nomenclature établie par des dispositions de l'Union et reprenant la nomenclature combinée en totalité ou en partie ou y ajoutant éventuellement des subdivisions, dans laquelle les marchandises doivent être classées.
3. La sous-position ou l'autre subdivision déterminée conformément aux paragraphes 1 et 2 est utilisée aux fins de l'application des mesures liées à cette sous-position.
4. La Commission peut adopter des mesures en vue de déterminer le classement tarifaire de marchandises conformément aux paragraphes 1 et 2.”

Le critère décisif pour le classement tarifaire des marchandises au moment de l’importation doit être recherché dans leurs caractéristiques et propriétés objectives telles que définies par les libellés de position et sous position, ainsi que par les notes de section et de chapitre, en se référant à ce qui lui confère son caractère essentiel.
La destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente aux produits, l’inhérence s’appréciant en fonction des caractéristiques et propriétés objectives de celui-ci.

En l’espèce la société KIOTI FRANCE considère que les UTV qu’elle importe relève de la position tarifaire 8701 91 10 00, exemptée des droits de douane, en raison de leurs caractéristiques et notamment de la puissance de moteur de leur destination.
L’administration des douanes considère à l’inverse que cette position tarifaire n’est pas applicable aux UTV importés par la société KIOTI FRANCE qui relèveraient selon elle de la position tarifaire 8704 21 91 00 pour laquelle un taux de droits de douane de 10 % est fixé.

La position tarifaire 8701 91 10 00 revendiquée par la demanderesse concerne les «tracteurs agricoles ayant les caractéristiques suivantes : roues motrices avec un moteur de puissance inférieure à 18 kW, transmisson mécanique (...) Le cadre arrière est modulaire et fonctionne comme base de support pour l’installation d’accessoires (...)».

Les règles générales définies au chapitre 87 note 2 du tarif douanier de l’Union définit les tracteurs sous la nomenclature 8701 91 10 00 comme : « les véhicules moteurs essentiellement conçus pour tirer ou pousser d’autres engins… même s’ils comportent certains aménagements accessoires permettant le transport, en corrélation avec leur usage principal, d’outils, de semences, d’engrais, etc (...)».
Le tracteur ainsi défini est “essentiellement conçu pour tirer ou pousser d’autres engins, qui comporte des aménagements ou des accessoires. Il est équipé
-d’un moteur essence d’une puissance de 13,5 ch (10,1 kw) autorisant une vitesse de 0-20,3km et tourne à un régime plafonné à 3600 tr/min.
-de deux roues motrices bénéficiant de série de blocage de différentiel,
-de pneus avec sculptures profondes et adaptées pour circuler sur le sol sableux,
-d’un siège réglable à dossier surélevé,
-du relevage électrique du râteau arrière,
-d’un système d’attelage,
-d’un essieu avant et d’un essieu arrière. Les roues ne sont pas jumelées.
-d’une transmission deux roues motrices.
Tracteur specialement conçu pour une utilisation dans les espaces verts y compris sableux et notamment pour les bunkers de golf (fosses de sable)”.

De plus, les notes explicatives du système harmonisé (NESH) et les notes explicatives de la nomenclature combinée (NENC) qui contribuent à l’interprétation de la portée des différentes positions tarifaires considèrent notamment s’agissant de la position 8701 et des sous positions 8701 91 10, 8701 92 10, 8701 93 10, 8701 94 10 et 8701 95 10, d’une part, qu’il y a lieu d’entendre par tracteurs, les véhicules à roues ou à chenilles conçus essentiellement pour pousser d’autres engins véhicules ou charges, et d’autre part, qu’il s’agit d’engins agricoles ou forestiers destinés à être utilisés dans les exploitations agricoles, horticoles, forestières dont le moteur est capable de délivrer une force de traction maximale.

Les NENC relatives aux sous positions 8701 91 10 à 8701 95 90 stipulent que les véhicules tout-terrain conçus pour être utilisés en tant que tracteurs possédent notamment les caractéristiques suivantes :
– un moteur spécialement conçu pour une utilisation sur des terrains difficiles et suffisamment puissants en rapport court pour remorquer l’équipement fixé ;
– un dispositif de connexion de tout type, par exemple un crochet de remorquage, conçu pour permettre au véhicule de tirer ou pousser au moins deux fois son poids à sec ;
– une capacité de traction non freinée d’au moins deux fois le poids à sec du véhicule.

Ces définitions permettent sans conteste de considérer que les véhicules classés à la position 8701 doivent avoir pour fonction principale la traction ou la propulsion d’engins, charges ou véhicules. Si la fonction transport est tout à fait admise, elle demeure cependant accessoire par rapport à la fonction principale susvisée.

En l’espèce, à l’examen des documentations techniques et commerciales produites par la demanderesse, il apparaît que la fonction essentielle des véhicules importés par la société KIOTI FRANCE consiste à transporter des personnes et des marchandises bien qu’il soient dotés de dispositifs d’attelage permettant de tirer accessoirement une remorque ou une autre charge.
Les UTV litigieux ne sont pas décrits comme des tracteurs à vocation agricole ou forestière.
Leur fonction essentielle n’est pas caractérisée par la traction d’engins mais par le transport de marchandises au moyen d’une benne basculante.

En outre, les véhicules importés par la société KIOTI ne répondent pas à la condition relative à la capacité de traction non freinée d’au moins deux fois leur poids à sec du véhicule : pour le modèle K9 2400, le poids brut du véhicule est de 930 kg avec une capacité de traction de 590 kg ; quant aux modèles MEC 2210 et MEC 3000, leur poids est de 565 kg alors que leur capacité de traction est également de 590 kg.

En conséquence, les UTV de la société KIOTI FRANCE ne répondant pas au critère objectif de traction sus-défini, ils ne peuvent pas être classés à la position 8701 91 10 00.

3/ Sur le reclassement tarifaire des autres marchandises :

La société KIOTI FRANCE soutient que les pneumatiques importés et non destinés à être montés sur les UTV relèvent de la sous-position 4011 70 00 00, que les prises pour attelage relèvent de la sous-position n°8716 90 90 90 et que le distributeur hydraulique relève de la sous-position n°8701 90 11 00.

S’agissant des roues, pneus et bennes importés et non destinés à être montés sur les UTV, l’administration a d’ores et déjà accepté de procéder à leur classement selon le régime propre et a ainsi accepté le classement tarifaire des pneumatiques à la sous-position 4011 70 0000.

S’agissant des prises pour attelage que l’administration a classé à la sous-position 8536 69 90 99, elles sont utilisées pour relier le système électrique du véhicule à celui de la remorque ; elles sont dotées de plots destinés au branchement ; or les machines et appareils électriques ainsi que les appareillages et accessoires électriques ne sont pas considérés comme parties ou accessoires au titre de la section XVII note 2f).
En conséquence, la demande de la société KIOTI FRANCE sera rejetée.

S’agissant du classement tarifaire des distributeurs hydrauliques la société considère qu’il convient d’utiliser la règle générale interprétative 2a) qui prévoit que le classement des parties et accessoires de véhicules s’effectue sous la même nomenclature que les véhicules importés en même temps, à savoir les UTV MEC2210. Elle considère en effet que les distributeurs hydrauliques doivent être classés à la même position tarifaire que les bennes puisqu’ils auraient pour finalité exclusive d’assurer leurs fonctions hydrauliques.
Or, le classement tarifaire des UTV MEC2210 étant celui retenu par l’administration à la position 8704 21 91 00 et non à la position souhaitée par la société KIOTI FRANCE 8701 90 11 00, ces distributeurs hydrauliques doivent alors, si l’on suit le raisonnement de la société KIOTI FRANCE, suivre la même nomenclature que les véhicules importés; en outre, et dans l’hypothèse où ces distributeurs hydrauliques ne seraient pas automatiquement montés sur les véhicules avec lesquels ils ont été présentés lors du dédouanement, il doit alors être considéré que ces marchandises suivent leur régime propre, ainsi que l’a retenu l’administration des douanes.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les demandes de la société KIOTI FRANCE et de dire et juger que les véhicules importés, les pneumatiques, les prises pour attelage, et les distributeurs hydrauliques relèvent des positions tarifaires retenues par l’administration des douanes dans son procès-verbal de notification d’infraction du 27 septembre 2021 et dans son avis de mise en recouvrement N°0898/21-1386 en date du 4 novembre 2021.

La société KIOTI FRANCE sera déboutée du surplus de ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

La société KIOTI FRANCE qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.
Il n’est pas inéquitable de la condamner à payer à l’Administration des douanes et droits indirects la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

REJETTE l’exception de nullité pour défaut de respect du principe du contradictoire;

DÉBOUTE la société KIOTI FRANCE de l’ensemble de ses demandes ;

DIT que que les véhicules importés, les pneumatiques, les prises pour attelage, et les distributeurs hydrauliques relèvent des positions tarifaires retenues par l’administration des douanes dans son procès-verbal de notification d’infraction du 27 septembre 2021 et dans son avis de mise en recouvrement N°0898/21-1386 en date du 4 novembre 2021.

CONDAMNE la société KIOTI FRANCE à payer à l’Administration des douanes et droits indirects la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société KIOTI FRANCE aux entiers dépens.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 Mars 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 22/08527
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;22.08527 ?
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