La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/08/2024 | FRANCE | N°20/00968

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 22 août 2024, 20/00968


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :





DÉBATS :

PRONONCE :



AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :









22 Août 2024

Martin JACOB, président

Alain MARQUETTY, assesseur collège employeur
Yasmina SEMINARA, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Maëva GIANNONE, greffière

t

enus en audience publique le 22 Mai 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Août 2024 par le même magistrat


Société [3] C/ CPAM DU RHONE

N° RG 20/00968 - N° Portalis DB2H-W-B7...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

22 Août 2024

Martin JACOB, président

Alain MARQUETTY, assesseur collège employeur
Yasmina SEMINARA, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Maëva GIANNONE, greffière

tenus en audience publique le 22 Mai 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 22 Août 2024 par le même magistrat

Société [3] C/ CPAM DU RHONE

N° RG 20/00968 - N° Portalis DB2H-W-B7E-U3XQ

DEMANDERESSE

Société [3], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DÉFENDERESSE

CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Madame [D] [S], audiencière munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [3]
CPAM DU RHONE
la SELARL CEDRIC PUTANIER AVOCATS, vestiaire : 2051
Une copie revêtue de la formule exécutoire :

CPAM DU RHONE
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Le 25 avril 2016, [O] [W] a été engagée par la société [4] en tant que conductrice receveur.

Le 19 septembre 2018, la société [4] a établi une déclaration d'accident du travail relative à l'accident de [O] [W] survenu le 17 septembre 2018 en émettant des réserves.

Le certificat médical initial, établi le 18 septembre 2018, fait état de " cervicalgies de type NCBD ". Le médecin a prescrit un arrêt de travail à [O] [W] jusqu'au 23 septembre 2018 inclus et la salariée a ensuite bénéficié d'arrêts de travail de prolongation.

La CPAM du Rhône a diligenté une enquête administrative, envoyé un questionnaire à l'employeur et à l'assurée auquel ils ont répondu.

A la demande de l'assurée, une expertise médicale a été diligentée. [O] [W] a été examinée le 30 septembre 2019 par le docteur [K], agissant à titre de médecin expert. Dans son rapport, il estimait que l'état de l'assurée ne pouvait pas être considéré comme consolidé le 24 juillet 2019 et qu'il était consolidé à la date de l'expertise soit le 30 septembre 2019.

Par courrier du 19 octobre 2018, la CPAM du Rhône a informé la société [4] de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction.

Par courrier du 19 novembre 2018, la CPAM du Rhône a informé la société [4] de la clôture de l'instruction et que, préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de l'accident devant intervenir le 10 décembre 2018, elle avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier.

Par courrier du 19 novembre 2018, la CPAM du Rhône a informé la société [4] de l'avis du médecin-conseil selon lequel la salariée était apte à reprendre une activité professionnelle à la date du 29 novembre 2018.

Par courrier du 10 décembre 2018, la CPAM du Rhône a informé la société [4] de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 17 septembre 2018 et dont a été victime [O] [W].

Par courrier du 8 février 2019, la société [4] a formé un recours gracieux devant la commission de recours amiable (la CRA) de la CPAM du Rhône en contestation de cette décision.

Lors de sa réunion du 15 janvier 2020, la CRA de la CPAM du Rhône a confirmé l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident dont a été victime [O] [W] le 17 septembre 2018 ainsi que de la durée de l'arrêt de travail à compter du 18 septembre 2018, et a ainsi rejeté la demande de la société [4].

* * * *

Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 12 mars 2020, reçue au greffe le 16 mars 2020, la société [4] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon aux fins d'inopposabilité de l'accident dont a été victime [O] [W] le 17 septembre 2018, ainsi que des arrêts et soins qui ont suivi et d'une demande d'expertise médicale.

L'affaire a été appelée à l'audience du 22 mai 2024.

A l'audience, la société [4] demande au pôle social du tribunal judiciaire de Lyon :
à titre principal,

- constater l'absence de fait accidentel,
- constater l'absence de preuve de la matérialité d'un accident du travail,
en conséquence, dire et juger que la décision de prise en charge par la CPAM de l'accident déclaré par Madame [W] lui est inopposable,
à titre subsidiaire,
- constater que la CPAM ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien direct et exclusif entre les arrêts de travail prescrits et les lésions initiales,
- dire et juger que la société rapporte un commencement de preuve suffisant de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail,
en conséquence, ordonner une expertise médicale judiciaire sur pièces et nommer un expert conformément à la mission figurant dans les conclusions.

La CPAM du Rhône demande au tribunal de :

- déclarer la décision de prise en charge de l'accident du 17 septembre 2018 opposable à la société [4],
- constater que la caisse rapporte la preuve de la continuité des soins et arrêts en lien avec l'accident du 17 septembre 2018 et par conséquent déclarer l'ensemble des arrêts opposable à la société,
- rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire formulée par la société [4],
- débouter la société [4] de son recours.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions visées pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

L'affaire a été mise en délibéré au 22 août 2024.

MOTIFS

Sur la matérialité de l'accident

L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Ce texte édicte une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au temps et au lieu du travail, laquelle s'applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse mais également en cas de litige entre l'employeur et la caisse.
Il appartient donc à l'employeur qui conteste le caractère professionnel de l'accident de détruire la présomption d'imputabilité s'attachant à toute lésion survenue au temps et au lieu du travail, en apportant la preuve que cette lésion a une cause totalement étrangère au travail.

En l'espèce, selon la déclaration d'accident du travail, l'accident de travail s'est produit le 17 septembre 2018 à 12h30 alors que les horaires de travail de la victime le jour de l'accident était 11h48-14h16 et 16h30-20h50.

La société [4] fait valoir qu'il n'existe pas d'événement traumatique susceptible d'avoir contribué à l'apparition d'une lésion et qu'il n'existe aucun témoin des faits.

L'employeur ajoute que la salariée a été vue aux urgences le soir même de l'accident et qu'il a été diagnostiqué une déchirure musculaire et non une nevralgie cervicobrachiale, lésion qui survient progressivement et non soudainement.

La CPAM du Rhône soutient, pour sa part, que l'employeur affirme lui-même dans son questionnaire que les conditions de travail expliquent l'absence de témoin puisque la salariée est un personnel de conduite et qu'elle est seule sur son poste de travail.

La caisse souligne que les lésions décrites sur le certificat médical initial ont été constatées dans un temps proche de l'accident et qu'elles sont en parfaite concordance avec le fait accidentel décrit sur la déclaration d'accident du travail. La CPAM précise qu'aucun élément ne détruit la présomption d'imputabilité.

Le 14 novembre 2018, le médecin conseil a confirmé l'imputabilité des lésions à l'accident du travail. Le 7 janvier 2019, le médecin conseil a estimé l'arrêt justifié. Le 16 octobre 2019, le médecin conseil a estimé l'état de [O] [W] consolidé avec séquelles indemnisables à la date du 30 septembre 2019. Le 28 octobre 2019, le médecin conseil a attribué un taux d'IPP de 5 % à l'assurée.

A cet égard, selon la déclaration d'accident du travail, alors que la victime assurait son service de transport, elle a ressenti une douleur à l'épaule droite. L'accident a été inscrit au registre d'accidents du travail bénins le 17 septembre 2018 sous le numéro 4.

Il ressort des éléments produits aux débats que la lésion décrite dans le certificat médical initial concorde avec le fait accidentel décrit dans la déclaration d'accident du travail, nonobstant l'absence de témoin.

L'accident de [O] [W] survenu le 17 septembre 2018 est donc bien survenu aux temps et lieu du travail et aucune cause totalement étrangère au travail n'est établie.

Les déclarations de la société [4], qui ne démontre pas l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, ne peuvent faire échec à la présomption d'imputabilité.

Ainsi, il résulte des éléments précités qu'il existe un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes permettant d'admettre la réalité des faits allégués et de retenir valablement le caractère professionnel de l'accident litigieux.

La décision de prise en charge de l'accident de travail de [O] [W] survenu le 17 septembre 2018 sera donc déclarée opposable à la société [4].

Sur la demande d'inopposabilité des arrêts et soins et la demande d'expertise

L'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose qu'est considéré comme accident du travail, qu'elle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
Ce texte édicte une présomption d'imputabilité au travail d'un accident survenu au temps et au lieu du travail, laquelle s'applique dans les rapports du salarié victime avec la caisse mais également en cas de litige entre l'employeur et la caisse.
La présomption d'imputabilité des soins et arrêts de travail délivrés à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Lorsque la caisse démontre qu'il y a continuité de symptômes et de soins à compter de l'accident initial, les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

En l'espèce, la société [4] invoque le caractère disproportionné de l'arrêt de travail et sollicite la mise en œuvre d'une expertise médicale judiciaire. L'employeur s'interroge par ailleurs sur l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte qui serait à l'origine des arrêts de travail et soins prescrits à [O] [W].

Pour sa part, la CPAM du Rhône fait valoir qu'elle a diligenté une enquête et que, faute pour la société d'apporter la preuve que la lésion résulte d'une cause totalement étrangère au travail, l'employeur ne détruit pas la présomption d'imputabilité, s'attachant à toute lésion survenue brusquement au temps et au lieu du travail, qui a donc vocation à s'appliquer à l'ensemble des soins et arrêts.

A cet égard, le certificat médical initial, établi le 18 septembre 2018, fait état de " cervicalgies de type NCBD ". Le médecin a prescrit un arrêt de travail à [O] [W] jusqu'au 23 septembre 2018 inclus et la salariée a ensuite bénéficié d'arrêts de travail de prolongation.

La CPAM du Rhône fournit le certificat médical initial, les fiches de liaisons médico administratives et une attestation du versement des indemnités journalières, ces documents étant tous rattachés à l'accident du 17 septembre 2018.

Le médecin conseil avait initialement fixé la date de consolidation des lésions de [O] [W] au 24 juillet 2019 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %. La salariée ayant contesté cette date de consolidation, une expertise médicale technique a été mise en œuvre le 30 septembre 2019. L'expert a conclu que la date de consolidation devait être fixée à la date de l'expertise soit au 30 septembre 2019. Dès lors, la salariée a bénéficié sans discontinuité d'arrêts de travail et de soins jusqu'au 30 septembre 2019.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, les arrêts et soins prescrits au titre de l'accident dont a été victime l'assurée bénéficient de la présomption d'imputabilité, étant en outre précisé que la continuité des symptômes et des soins est parfaitement caractérisée.

Si l'employeur peut solliciter l'organisation d'une expertise médicale pour vérifier l'imputabilité à l'accident des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse, il doit cependant justifier de l'utilité d'une telle mesure en apportant au soutien de cette demande des éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses. L'expertise judiciaire ne doit pas permettre de pallier la carence probatoire d'une partie. De simples doutes fondés sur la longueur de l'arrêt de travail ne sont pas de nature à étayer les prétentions de l'employeur.

Or, la société ne démontre pas l'existence d'une cause totalement étrangère au travail et ne peut faire échec à la présomption d'imputabilité.
De plus, il revient aux professionnels de santé d'adapter la durée des arrêts de travail aux cas qu'ils rencontrent et à leurs spécificités, dans le cadre de leur connaissance et de leur expérience.

En conséquence, la demande de mise en œuvre d'une expertise médicale judiciaire sera rejetée, aucun élément ne permettant de remettre en cause l'avis du médecin ayant établi le certificat médical initial ainsi que les avis du médecin-conseil.

Les arrêts de travail et soins consécutifs à l'accident du travail de [O] [W] du 17 septembre 2018 seront donc déclarés opposables à la société.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, après en avoir délibéré, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition,

Déclare opposables à la société [4] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident du travail de [O] [W] survenu le 17 septembre 2018 ainsi que les arrêts et soins prescrits au titre dudit accident ;

Déboute la société [4] de sa demande d'expertise médicale judiciaire et de ses demandes subséquentes ;

Condamne la société [4] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 20/00968
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;20.00968 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award