MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS:
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
16 Août 2024
Martin JACOB, président
Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
En l'absence d'un assesseur, le Président a statué seul après avoir recueilli l'avis des parties et de l'assesseur présent, en application des article L218-1 et L211-16 du code de l'organisation judiciaire.
assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Maëva GIANNONE, greffiere
tenus en audience publique le 07 Juin 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 16 Août 2024 par le même magistrat
CARSAT RHONE-ALPES C/ Madame [D] [S]
N° RG 22/01327 - N° Portalis DB2H-W-B7G-W7WJ
DEMANDERESSE
CARSAT RHONE-ALPES, dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 2]
représentée par Madame [G], audiencière munie d’un pouvoir,
DÉFENDERESSE
Madame [D] [S], demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]
représentée par Maître Henry-Louis PENANT, avocat au barreau de l’Ardèche,
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
CARSAT RHONE-ALPES
[D] [S]
Me Henry-Louis PENANT
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CARSAT RHONE-ALPES
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSE DU LITIGE
[F] [S] percevait une pension de vieillesse depuis le 1er janvier 1999 ainsi qu'une allocation supplémentaire du fonds national de solidarité depuis le 1er novembre 2000.
Par un courrier daté du 20 octobre 2011, la CARSAT Rhône-Alpes a informé [F] [S] de la suspension du versement de l'allocation supplémentaire en raison des ressources de son ménage.
Le 26 mai 2018, [F] [S] est décédé.
Par un courrier daté du 19 septembre 2018, la CARSAT Rhône-Alpes a informé [Z] [T], notaire en charge de la succession de [F] [S], qu'elle faisait opposition à la liquidation de la succession, dans le but de récupérer les sommes versées au titre de l'allocation supplémentaire dès lors que la succession présenterait un actif net supérieur à 39 000 euros.
Par un courrier daté du 29 octobre 2018, [Z] [T], notaire, a informé la CARSAT Rhône-Alpes de la composition de l'actif de communauté (une maison située à [Localité 5] ainsi que des sommes placées sur des comptes et livrets pour un total de 34 038,01 euros).
Par un courrier daté du 22 janvier 2019, [K] [S], veuve de [F] [S], a informé la CARSAT Rhône-Alpes que le bien immobilier concerné par la succession était estimé à hauteur de 290 000 euros.
Le 26 novembre 2019, la CARSAT Rhône-Alpes a reçu l'acte de notoriété daté du 27 octobre 2018 qui précisait que la dévolution successorale de [F] [S] se faisait au profit de [K] [S] (veuve de [F] [S]), [J] [S] et [D] [S] (filles de [F] [S]).
Par un courrier daté du 26 novembre 2019, la CARSAT Rhône-Alpes a informé [D] [S] qu'elle était redevable d'une somme de 6 443,88 euros au titre du recouvrement des sommes versées à son père au titre de l'allocation supplémentaire.
Par un courrier daté du 22 janvier 2020, [D] [S] a saisi la commission de recours amiable de la CARSAT Rhône-Alpes.
Par un courrier daté du 8 septembre 2020, la CARSAT Rhône-Alpes a mis en demeure [D] [S] d'avoir à régler la somme de 6 443,88 euros au titre du recouvrement de l'allocation supplémentaire versée à son père.
Par un courrier recommandé avec avis de réception daté du 1er février 2022 et reçu le 10 mars 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a mis en demeure [D] [S] de payer la somme de 6 443,88 euros.
Par un courrier daté du 29 mars 2022, [D] [S] a saisi la commission de recours amiable.
Par un courrier daté du 9 juin 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a délivré une contrainte à [D] [S] de payer la somme de 6 443,88 euros.
* * * *
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 2 juillet 2022, [D] [S] a saisi le tribunal judiciaire de Lyon d'une opposition à la contrainte qui a été délivrée par la CARSAT Rhône-Alpes le 9 juin 2022 et notifiée par lettre recommandée avec avis de réception signé le 20 juin 2022, relative au recouvrement des sommes versées au titre de l'allocation supplémentaire à [F] [S], pour un montant total de 6 443,88 euros.
L'affaire a été fixée à l'audience du 19 janvier 2024 et renvoyée successivement aux audiences des 15 mars 2024 et 7 juin 20024.
À cette dernière audience, la CARSAT Rhône-Alpes et [D] [S] ont comparu, de sorte que le jugement sera contradictoire.
* * * *
La CARSAT Rhône-Alpes, dûment représentée, a soutenu oralement ses conclusions et a demandé au tribunal de :
- valider la contrainte,
- condamner [D] [S] à lui payer la somme de 6 443,88 euros,
- condamner [D] [S] aux dépens de l'instance,
- condamner [D] [S] au paiement des frais d'exécution de la contrainte, y compris les éventuels frais de signification du présent jugement.
[D] [S], représentée par son conseil, a maintenu son opposition et a demandé au tribunal de :
- à titre principal, annuler la contrainte,
- à titre subsidiaire, lui accorder des délais de paiement de 36 mois et fixer le montant des mensualités à la somme de 178,99 euros,
- condamner la CARSAT Rhône-Alpes à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été mise en délibéré au 16 août 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'opposition à contrainte
Aux termes de l'article R. 133-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, l'opposition doit être formée dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification de la contrainte, elle doit être motivée et une copie de la contrainte doit lui être jointe.
Aux termes de l'article 641 du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas. Aux termes de l'article 642 du même code, tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
L'opposition doit être justifiée par des motifs de fait et de droit et le juge du fond apprécie souverainement la teneur de la motivation.
En l'espèce, la contrainte a été notifiée le 20 juin 2022 à [D] [S], qui a exercé un recours à son encontre le 2 juillet 2022.
En outre, l'opposition est motivée.
Dès lors, l'opposition est recevable, étant rappelé qu'il importe peu, au regard de la recevabilité, de savoir si les motifs de l'opposition sont bien ou mal fondés.
Sur le bien-fondé de l'opposition
À titre liminaire, il est rappelé que la charge de la preuve du caractère infondé de la contrainte litigieuse pèse sur l'opposant.
Il résulte de l'article 2 de l'ordonnance n°2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse que les personnes qui, à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance, sont titulaires de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-2, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, continuent à percevoir ces prestations selon les règles applicables avant cette entrée en vigueur, sous réserve de l'application des articles L. 815-11, L. 815-12 et R. 111-2 du code de la sécurité sociale.
Aux termes de l'article L. 815-12 du code de la sécurité sociale, selon sa version applicable à l'espèce, les arrérages servis au titre de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-2 ou à l'article L. 815-3 du code de la sécurité sociale sont recouvrés en tout ou en partie sur la succession de l'allocataire lorsque l'actif net est au moins égal à un montant fixé par décret.
Lorsque la succession de l'allocataire, en tout ou partie, comprend un capital d'exploitation agricole : terres, cheptel mort ou vif, bâtiments d'exploitation, éléments végétaux constituant le support permanent de la production, tels que arbres fruitiers, vignes, etc., ce capital n'est retenu, pour l'application de l'alinéa précédent, que pour 30 p. 100 de sa valeur.
Ces dispositions sont applicables aux successions s'ouvrant à compter de la date de publication de la présente loi.
Le recouvrement est effectué par les organismes ou services payeurs de l'allocation dans des conditions et selon des modalités fixées par décret.
Les sommes recouvrables sont garanties par une hypothèque légale prenant rang à la date de son inscription.
L'action en recouvrement se prescrit par cinq ans à compter du jour de l'enregistrement d'un écrit ou d'une déclaration mentionnant exactement la date et le lieu du décès du défunt ainsi que le nom et l'adresse de l'un au moins des ayants droit.
Aux termes du 1er alinéa de l'article D. 815-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, le recouvrement des arrérages servis au titre de l'allocation supplémentaire sur la part de succession attribuée au conjoint survivant peut être différé jusqu'au décès de ce dernier. Il en est de même en ce qui concerne les héritiers qui étaient à la charge de l'allocataire à la date de son décès et qui, à cette date, étaient soit âgés d'au moins soixante-cinq ans, ou d'au moins soixante ans en cas d'inaptitude au travail, soit en-dessous de cet âge, atteints d'une invalidité réduisant d'au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain.
En l'espèce, [D] [S] explique que [K] [S] a opté pour l'usufruit de la totalité des biens dépendant de la succession de son époux décédé, [F] [S], dans le cadre de l'acte de notoriété et option du 27 octobre 2018. [D] [S] a donc seulement hérité de la nue-propriété de ces biens.
Or, la succession de [F] [S] est essentiellement constituée d'un bien immobilier d'une valeur estimée de 290 000 euros. Si [D] [S] devait régler dès à présent la somme exigée par la CARSAT Rhône-Alpes, cela reviendrait à porter atteinte à son patrimoine personnelle puisqu'elle n'a perçu aucune somme d'argent de la succession.
Elle précise ne pas contester le montant réclamé par la caisse mais uniquement le principe du paiement immédiat, au regard de l'option choisie par sa mère, [K] [S].
Pour sa part, la CARSAT Rhône-Alpes répond à des moyens soulevés par [D] [S] dans son opposition à contrainte.
La caisse rappelle également que la succession de [F] [S] s'est ouverte au jour de son décès, les héritiers ayant vocation à la recueillir sauf renonciation à la succession.
Elle ajoute que le report du recouvrement n'est envisagé que dans des conditions limitatives fixées à l'article D. 815-3 du code de la sécurité sociale.
À cet égard, il convient d'examiner les seuls moyens développés à l'audience par [D] [S]. Le conseil de l'intéressée ayant déposé son dossier, seuls les moyens contenus dans ses conclusions sont débattus.
[D] [S] a été désignée héritière dans l'acte de notoriété et option établi par le notaire en charge de la succession de [F] [S].
Aucune dérogation n'est prévue par les dispositions du code de la sécurité sociale au principe du recouvrement de l'allocation supplémentaire en cas d'option pour un droit d'usufruit par le conjoint survivant.
La réglementation prévoit uniquement une possibilité de report pour le conjoint survivant ou des héritiers qui étaient à la charge du défunt. Or, [D] [S] ne soutient pas avoir été à la charge de son père au moment du décès.
La CARSAT Rhône-Alpes peut ainsi demander le paiement des sommes dues par [D] [S] dès à présent.
Dès lors, l'opposition formée par [D] [S] sera rejetée et la contrainte validée pour un montant de 6 443,88 euros.
En conséquence, [D] [S] sera condamnée à verser à la CARSAT Rhône-Alpes la somme de 6 443,88 euros.
Sur la demande de délais de paiement
Aux termes du 1er alinéa de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l'espèce, [D] [S] sollicite des délais de paiement sur 36 mois.
Pour sa part, la CARSAT Rhône-Alpes indique ne pas être opposée à accorder un échelonnement pour le règlement de sa dette.
À cet égard, le tribunal ne peut accorder des délais de paiement que dans la limite de 2 ans.
Il est donc préférable que la CARSAT Rhône-Alpes accorde un échéancier plus adapté à la situation personnelle et financière de [D] [S].
En conséquence, la demande formée par [D] [S] sera rejetée. Cette décision ne l'empêche pas de prendre contact avec la CARSAT Rhône-Alpes pour organiser des délais de paiement.
Sur les dépens
Aux termes de l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale, les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions prévues à l'article R. 133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l'opposition a été jugée fondée.
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, [D] [S] succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'instance.
[D] [S] sera également condamnée au paiement des frais de notification de la contrainte.
En revanche, la demande formée par la CARSAT Rhône-Alpes relative au paiement des frais de signification éventuels du jugement sera rejetée, le montant n'étant pas connu.
Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'État.
En l'espèce, [D] [S] succombant, elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur l'exécution provisoire
L'exécution provisoire du présent jugement est de droit par application des dispositions de l'article R. 133-3 alinéa 4 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,
Déclare l'opposition à la contrainte datée du 9 juin 2022 délivrée à [D] [S] recevable ;
Valide la contrainte datée du 9 juin 2022 et notifiée le 20 juin 2022 à [D] [S] pour la somme de 6 443,88 euros pour le recouvrement des sommes versées au titre de l'allocation supplémentaire à [F] [S], et condamne [D] [S] à payer à la CARSAT Rhône-Alpes la somme de 6 443,88 euros ;
Rejette la demande de délais de paiement et de fixation des mensualités formée par [D] [S] ;
Condamne [D] [S] aux dépens de l'instance ;
Condamne [D] [S] au paiement des frais de notification de la contrainte ;
Rejette la demande formée par la CARSAT Rhône-Alpes relative aux frais de signification du présent jugement ;
Rejette la demande formée par [D] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de droit par provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT