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12/07/2024 | FRANCE | N°19/00763

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 12 juillet 2024, 19/00763


MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :





DÉBATS :

PRONONCE :



AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :









12 Juillet 2024

Jérôme WITKOWSKI, président

Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie PONTVIENNE, greffière<

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tenus en audience publique le 06 Mai 2024

jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, le 12 Juillet 2024 par le même magistrat


URSSAF ILE-DE-FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV ...

MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

12 Juillet 2024

Jérôme WITKOWSKI, président

Dominique DALBIES, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Sophie PONTVIENNE, greffière

tenus en audience publique le 06 Mai 2024

jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, le 12 Juillet 2024 par le même magistrat

URSSAF ILE-DE-FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV C/ Monsieur [P] [U]

N° RG 19/00763 - N° Portalis DB2H-W-B7D-TUL4

DEMANDERESSE

URSSAF ILE-DE-FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV
dont le siège social est sis [Localité 3]

représentée par la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 1733

DÉFENDEUR

Monsieur [P] [U]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 2]

non comparant représenté par Maître Ugo GARZON, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 530

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

URSSAF ILE-DE-FRANCE VENANT AUX DROITS DE LA CIPAV
[P] [U]
la SELAS EPILOGUE AVOCATS, vestiaire : 1733
Me Ugo GARZON, vestiaire : 530
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [U] a été affilié à compter du 1er juillet 2010 à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) en qualité d’associé unique et gérant de l’EURL [4], exerçant une activité d’ingénieur conseil.

Par lettre recommandée du 15 février 2019, réceptionnée par le greffe le 20 février 2019, monsieur [P] [U] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, devenu tribunal judiciaire de Lyon, d’une opposition à la contrainte émise par le directeur de la CIPAV le 28 janvier 2015 et signifiée le 4 février 2019.

Cette contrainte d’un montant de 4 356,12 euros vise les cotisations au régime de retraite de base, au régime de retraite complémentaire et au régime invalidité-décès dues au titre des années 2011, 2012 et 2013 (3 914,50 euros) ainsi que les majorations de retard y afférentes (441,62 euros).

Aux termes de ses conclusions n°2 déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 6 mai 2024, l’Union de recouvrement des cotisations sociales et d'allocations familiales Île-de-France, venant aux droits de la CIPAV, demande au tribunal de valider la contrainte pour un montant actualisé de 2 289 euros et de condamner monsieur [P] [U] au paiement de cette somme, outre les frais de recouvrement nécessaires à la bonne exécution de la contrainte contestée. Elle demande également la condamnation de monsieur [P] [U] au paiement d’une somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.

Sur la régularité de la procédure de recouvrement, l’URSSAF Ile-de-France indique que la contrainte litigieuse a été précédée de l’envoi d’une mise en demeure du 23 juin 2014, à laquelle la contrainte fait expressément référence ; que ladite mise en demeure précise la nature des sommes sollicitées, les périodes auxquelles elles se rapportent, le montant des cotisations et des majorations réclamées, ainsi qu’un décompte des déductions éventuellement applicables et leurs motifs. Elle en conclut que la mise en demeure, puis la contrainte qui y renvoie expressément, ont permis au débiteur de connaître la nature, l’étendue et la cause de ses obligations, conformément aux dispositions des articles L.244-2, R.244-1 et R.133-3 du code de la sécurité sociale.

Sur la prescription invoquée par monsieur [P] [U], l’URSSAF Île-de-France expose :

S’agissant de la prescription des cotisations, que selon l’article L. 244-3 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi du 21 décembre 2011 applicable au litige, la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois dernières années civiles qui précèdent l’année de son envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l’année de son envoi, précisant que pour apprécier la prescription d’une régularisation, il convie de se reporter à sa date d’exigibilité ;
S’agissant de la prescription de l’action recouvrement, que sous l’empire de l’ancien article L. 244-11 du code de la sécurité sociale, l’action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard se prescrit par cinq ans à compter de l’expiration du délai de régularisation d’un mois imparti par la mise en demeure, précisant que la réduction de ce délai à trois ans par la loi du 23 décembre 2016 n’est applicable qu’aux cotisations au titre desquelles une mise en demeure a été notifiée à compter du 1er janvier 2017 ;
Sur le montant recouvré, l’URSSAF Île-de-France expose les modalités de calcul des cotisations recouvrées et indique qu’en toute hypothèse, le cotisant ne fournit pas d’éléments de nature à contester les sommes dues.

Sur la demande de remise de majorations formulée par le cotisant, l’URSSAF Ile-de-France rappelle que la demande de remise totale ou partielle des majorations de retard relève de la compétence exclusive du directeur de l’organisme de recouvrement et doit être formée selon la procédure gracieuse visée à l’article R.243-20 du code de la sécurité sociale. Elle n’est en outre recevable qu’après règlement de la totalité des cotisations ayant donné lieu à l’application des majorations contestées.

Sur la demande de délais de paiement formulée par le cotisant, l’URSSAF Ile-de-France rappelle que l’article R.243-21 du code de la sécurité sociale confère au directeur de l'organisme chargé du recouvrement des cotisations la possibilité d'accorder des échéanciers de paiement et des sursis à poursuites pour le règlement des cotisations et contributions sociales, des pénalités et des majorations de retard, ces dispositions spéciales excluant l’octroi de délais de paiement par la juridiction de sécurité sociale sur le fondement des dispositions générales de l'article 1244-1, devenu l'article 1343-5, du code civil.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement au cours de l’audience du 6 mai 2024, monsieur [P] [U] demande au tribunal, outre le rejet des prétentions de l’URSSAF Ile-de-France, à titre principal d’annuler la contrainte litigieuse, à titre subsidiaire, d’annuler les majorations de retard et de lui octroyer un échéancier de paiement. Il demande en tout état de cause la condamnation de l’URSSAF Ile-de-France à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour conclure à l’annulation de la contrainte litigieuse, monsieur [P] [U] invoque :

En premier lieu, la prescription de l’action en recouvrement diligentée par l’URSSAF Ile-de-France au motif qu’en signifiant la contrainte le 4 février 2019, l’URSSAF Ile-de-France a excédé le délai triennal prévu à l’article L.244-8-1 du code de la sécurité sociale, qui court à compter de l’expiration du délai de régularisation d’un mois prévu par la mise en demeure du 23 juin 2014.
En second lieu, la mention, sur l’acte de signification de l’huissier de justice en date du 4 février 2019, d’un montant recouvré de 3 536,70 euros au titre de la contrainte du 28 janvier 2015, alors que ladite contrainte, comme la mise en demeure à laquelle elle renvoie, mentionnent un montant différent de 4 356,12 euros. Il souligne que ce différentiel n’est pas expliqué et qu’en conséquence, la contrainte signifiée ne respecte pas les dispositions réglementaires en ce qu’elle ne lui permet pas de connaitre l’étendue de son obligation.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’annulation de la contrainte
Il résulte de l’article L.244-2 du Code de la sécurité sociale que « Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par l'employeur ou le travailleur indépendant.

Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ».

L’article R.244-1 alinéa 1, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2017, précise que la mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

Selon l’article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, la contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

Comme la mise en demeure, la contrainte émise par l’URSSAF doit préciser, à peine de nullité, la nature, l’étendue et la cause de l’obligation du débiteur, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice, étant précisé que la contrainte peut cependant se contenter de renvoyer à la mise en demeure concernant la nature de la cotisation ou la cause de recouvrement.

Enfin, un acte de signification de contrainte pour un montant différent de celui figurant sur la contrainte elle-même, sans comporter d’éléments permettant d’expliquer cette différence, est de nature à faire obstacle à la validation de la contrainte (Cass. Civ. 2ème, 15 juin 2017 n°16-10.788).

En l’espèce, le tribunal constate d’une part que la contrainte émise par l’organisme le 28 janvier 2015, comme la mise en demeure du 23 juin 2014 à laquelle elle renvoie, indiquent que monsieur [P] [U] est redevable d’une somme de 4 356,12 euros.

Le tribunal constate d’autre part que l’acte de signification de la contrainte, dressé par l’huissier de justice le 4 février 2019, fait état d’une dette de 3 536,70 euros coût de signification compris, alors même que dans la colonne « crédit », il ne fait état d’aucune régularisation ni d’aucun versement d’acompte. L’absence totale d’explication quant à la différence entre le montant visé dans la contrainte et celui mentionné dans l’acte de signification est de nature à obérer la connaissance par le cotisant de la nature de la cause et de l’étendue de son obligation.

Dès lors, et sans qu’il ne soit nécessaire de statuer sur les autres moyens développés par les parties, il y a lieu d’annuler la contrainte émise le 28 janvier 2015 et signifiée à monsieur [P] [U] le 4 février 2019, d’un montant de 4 356,12 euros, correspondant aux cotisations au régime de retraite de base, au régime de retraite complémentaire et au régime invalidité-décès dues au titre des années 2011, 2012 et 2013 (3 914,50 euros) ainsi que les majorations de retard afférentes (441,62 euros).

Sur les demandes accessoires
Selon l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale, « Les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions prévues à l'article R. 133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur sauf lorsque l'opposition a été jugée fondée ».

En l’espèce, l’opposition étant fondée, les frais de signification de la contrainte du 4 février 2019 seront laissés à la charge de l’URSSAF Île-de-France.

Les dépens seront également laissés à la charge de l’URSSAF Île-de-France.

L’équité ne commande pas de condamner l’URSSAF Île-de-France au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En outre, l’URSSAF Île-de-France sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement par jugement contradictoire et en dernier ressort,

ANNULE la contrainte émise le 28 janvier 2015 et signifiée à monsieur [P] [U] le 4 février 2019, d’un montant de 4 356,12 euros, correspondant aux cotisations au régime de retraite de base, au régime de retraite complémentaire et au régime invalidité-décès dues au titre des années 2011, 2012 et 2013 (3 914,50 euros) ainsi que les majorations de retard y afférentes (441,62 euros) ;

LAISSE A LA CHARGE de l’URSSAF Île-de-France les frais de signification de la contrainte litigieuse ;

DEBOUTE l’URSSAF Île-de-France de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE monsieur [P] [U] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que la décision du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire et que tous les actes de procédure nécessaires à l’exécution de la contrainte sont à la charge du débiteur ;

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Lyon le 12 juillet 2024 et signé par le président et la greffière.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/00763
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;19.00763 ?
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