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10/07/2024 | FRANCE | N°18/00256

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 10 juillet 2024, 18/00256


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :





DÉBATS :
PRONONCE :


AFFAIRE :


NUMÉRO R.G :









10 Juillet 2024

Monsieur Jérôme WITKOWSKI, président

Madame Flore MAUNIER, assesseur collège employeur
Madame Emmanuelle GIRAUD, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Madame Isa

belle BELACCHI, greffiere

tenus en audience publique le 07 Mai 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 10 Juillet 2024 par le même magistrat

Monsieur [B] [K] C/ S.A.S. [4...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :
PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

10 Juillet 2024

Monsieur Jérôme WITKOWSKI, président

Madame Flore MAUNIER, assesseur collège employeur
Madame Emmanuelle GIRAUD, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Madame Isabelle BELACCHI, greffiere

tenus en audience publique le 07 Mai 2024
jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 10 Juillet 2024 par le même magistrat

Monsieur [B] [K] C/ S.A.S. [4]

N° RG 18/00256 - N° Portalis DB2H-W-B7C-STHV

DEMANDEUR
Monsieur [B] [K], demeurant [Adresse 2]
représenté par la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 189

DÉFENDERESSE
S.A.S. [4], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 2

PARTIES INTERVENANTES
CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 6]
non comparante - moyens exposés par écrit (article R. 142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale)
S.A.S. [5], dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par la SELARL ADK, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 1086
Notification le :
Une copie certifiée conforme à : [B] [K] ; S.A.S. [4] ; CPAM DU RHONE ;
S.A.S. [5] ; la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, vestiaire : 2 ; la SELARL ADK, vestiaire : 1086 ; la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, vestiaire : 189
Une copie revêtue de la formule exécutoire : [B] [K] ; la SELARL CABINET CLAPOT - LETTAT, vestiaire : 189
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [K], salarié intérimaire de la société [5], a été victime d’un accident du travail le 4 février 2014 alors qu’il était mis à la disposition de la société [4] en qualité d’électricien.

Par jugement du 16 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a notamment :

Déclaré recevable l’action de Monsieur [K] ;Dit que la société [4], entreprise utilisatrice substituée dans sa direction à la société [5], a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident dont Monsieur [K] a été victime le 4 février 2014 ;Rejeté la demande de majoration de la rente en l’absence de fixation par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’un taux d’IPP suite à la fixation de la guérison des lésions ;Fixé à 1 000,00 euros la provision de Monsieur [K] à valoir sur l’indemnisation de son préjudice, dont la Caisse Primaire d’Assurance Maladie devra faire l’avance ;
Statuant avant dire droit sur l’indemnisation :
Ordonné une expertise médicale de Monsieur [K] ;Désigné pour y procéder le Docteur [G] [P] (…)Dit que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie doit faire l’avance des frais de l’expertise ainsi que de la provision ;Ordonné l’exécution provisoire ;Condamné La société [5], garantie par la société [4], à payer à Monsieur [B] [K] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 30 septembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant sur requête en omission de statuer, a jugé que la société [4] devra relever et garantir la société [5] de l’ensemble des condamnations mises à sa charge, y compris les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 10 mai 2022, le docteur [F] [I] a été désigné aux lieu et place du docteur [G] [P].

Le docteur [F] [I] a rendu son rapport d’expertise le 9 décembre 2022.

Sur les postes de préjudices examinés, les conclusions de l’expert sont les suivantes :
Incapacité totale de travail : du 04 février 2014 au 21 mars 2014 ; Déficit fonctionnel temporaire total : 04 février 2014 au 10 février 2014 ; Déficit fonctionnel temporaire partiel de 50% : du 11 février 2014 au 21 mars 2014 ; Assistance tierce personne : du 11 février 2014 au 21 mars 2014 à hauteur de 2 heures par jour ; Absence d’aménagement de domicile ou de véhicule ; Absence de perte de chance de promotion professionnelle ; Souffrances physiques et morales consécutives à l’accident : 3,5/7 Préjudice esthétique consécutif à l’accident : 0,5/7 Préjudice d’agrément caractérisé par la survenance d’un pneumothorax post-traumatique avec contre-indication à la plongée sous-marine ; Absence de préjudice sexuel ; Absence de perte de chance de réalisation d’un projet familial ; Absence de préjudice exceptionnel ;
Par jugement du 4 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné un complément d’expertise afin d’apprécier l’existence d’un déficit fonctionnel permanent et, le cas échéant, d’en évaluer le taux.

Le docteur [F] [I] a rendu son rapport d’expertise le 28 septembre 2023 et a conclu à l’existence d’un déficit fonctionnel permanent, évalué à 6%.

Par conclusions déposées et soutenues oralement lors de l’audience du 7 mai 2024, monsieur [B] [K] demande au tribunal de lui allouer les sommes suivantes :

1 500 euros de frais divers ; 1 716 euros au titre de l’assistance tierce personne ; 20 000 euros au titre de la perte de chance promotionnelle ; 795 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; 20 000 euros au titre des souffrances endurées ; 2 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ; 48 656,88 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; 18 000 euros au titre du préjudice d’agrément ; 8 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
Il demande également au tribunal de prononcer l’exécution provisoire, de déclarer la décision opposable à la CPAM du Rhône et enfin de condamner la société [4] et la société [5] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées et soutenues oralement au cours de l’audience du 7 mai 2024, la société [4] demande au tribunal de :

Statuer sur la demande formulée au titre des frais d’assistance à l’expertise ; Limiter l’indemnisation au titre de l’assistance tierce personne à 1 170 euros ; Rejeter la demande formulée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ; Limiter l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 662,50 euros ; Limiter l’indemnisation au titre des souffrances endurées à 8 000 euros ; Débouter monsieur [B] [K] de sa demande d’indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire ; Rejeter la demande formulée au titre de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent telle qu’évaluée par monsieur [B] [K] et en tout état de cause, le limiter à hauteur de 13 530 euros ; Limiter l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 500 euros ; Débouter monsieur [B] [K] de sa demande formulée au titre du préjudice d’agrément et subsidiairement, de la limiter à hauteur de 1000 euros ; Débouter monsieur [B] [K] de sa demande au titre du préjudice sexuel ; Limiter à de plus justes proportions la somme allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Par conclusions déposées et soutenues oralement au cours de l’audience du 7 mai 2024, la société [5] demande au tribunal de :

Débouter monsieur [B] [K] de ses demandes formulées au titre de la perte de chance professionnelle, du préjudice esthétique temporaire, du préjudice d’agrément et du préjudice sexuel ; Limiter l’indemnisation au titre de l’assistance tierce personne à 1 170 euros ; Limiter l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 662,50 euros ; Limiter l’indemnisation au titre des souffrances endurées à 8 000 euros ; Limiter l’indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent à 13 530 euros ; Déduire de la somme finale la provision de 1000 euros déjà allouée ; Rappeler que la CPAM doit faire avance des indemnités ; Rappeler que la société [4] devra garantir la société [5] de l’intégralité des sommes mises à sa charge, en ce compris des indemnités allouées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les frais d’expertise.
Aux termes de ses observations transmises au tribunal le 3 mai 2024 et soumises au débat contradictoire en application de l’article R. 142-10-4 alinéa 2 du code de la sécurité sociale, la CPAM du Rhône s’en remet à l’appréciation du tribunal sur le quantum des sommes allouées et demande qu’il soit rappelé que les sommes avancées par elle à la victime seront recouvrées auprès de l’employeur, en ce compris des frais relatifs à la mise en œuvre de l’expertise.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur peut prétendre à l'indemnisation des souffrances physiques et morales, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Par décision n  2010-08 QPC du 18 juin 2010, le conseil constitutionnel a en outre reconnu au salarié victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l'employeur, le droit de réclamer devant les juridictions de sécurité sociale, outre la réparation des préjudices susvisés, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

Monsieur [B] [K], né le 9 décembre 1989, était âgé de 24 ans au jour de l’accident survenu le 4 février 2014.

Aux termes de son rapport, le docteur [F] [I] indique que l’accident du travail a entraîné un traumatisme pneumothorax droit avec 6 jours de drainage en deux temps, complété par de la kinésithérapie respiratoire et une antalgie adaptée, il précise par ailleurs que le 21 mars 2014, le docteur [N] [V], médecin traitant de monsieur [B] [K] indiquait des douleurs séquellaires de fractures de côtes ainsi qu’un essoufflement associé à une appréhension post-traumatique.

Après guérison fixée par la CPAM le 21 mars 2014, l’expert indique que monsieur [B] [K] conserve pour séquelles deux lésions centimétriques au niveau de la partie supérieure du thorax droit, une contre-indication à la plongée du fait de cette lésion et un essoufflement possible lors des actes sexuels, étant précisé que le dossier médical de monsieur [B] [K] laisse apparaitre un tabagisme actif à 15 PA.

Sur les frais divers

Monsieur [B] [K] produit les notes d’honoraires de son médecin conseil et justifie ainsi avoir exposé des frais à hauteur de 960 euros afin d’être assisté par le docteur [D] dans le cadre des opérations d’expertises du 9 décembre 2022.

Le requérant justifie également avoir exposé des frais à hauteur de 540 euros afin d’être assisté par le docteur [D] dans le cadre des opérations d’expertises complémentaires du 5 juillet 2023.

Ces frais sont indemnisables, dès lors qu’ils ne sont pas couverts par les dispositions du Livre IV du code de la sécurité sociale.

Il y a donc lieu de faire droit à sa demande et de lui allouer la somme de 1 500 euros.

Sur les frais d’assistance tierce personne

Dans le cas où la victime a besoin, du fait de son incapacité temporaire totale ou partielle, d'être assistée avant la consolidation par une tierce personne, elle a le droit à l'indemnisation du coût du recours à cette tierce personne.

Les frais d’assistance tierce personne à titre temporaire ne sont pas couverts au titre du livre IV et doivent être indemnisés sans être pour autant réduits en cas d'assistance d'un membre de la famille, ni subordonnés à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert judiciaire a retenu la nécessité d’une tierce personne pour assister monsieur [B] [K], assistance qui s’est concrétisée par l’aide apportée par la compagne de la victime sur la période du 11 février 2014 au 21 mars 2014 à hauteur de deux heures par jours.

Les parties sont en accord sur le nombre de jours devant être retenus, toutefois, monsieur [B] [K] sollicite à ce titre un taux horaire de 22 euros et la société [4] et la société [5] pour leur part sollicitent la fixation d’un taux horaire de 15 euros.

Il convient de retenir un taux horaire de 16 euros soit :

16 € x 2 heures x 32 jours = 1 024 euros ;

Il sera par conséquent alloué à monsieur [B] [K] la somme de 1 024 euros au titre de l’assistance par une tierce personne.

Sur le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale prévoit la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, à condition que la victime démontre que de telles perspectives préexistaient à la date de l’accident.

La perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle est distincte de l'incidence professionnelle, définie comme un dommage touchant à la sphère professionnelle en raison de la dévalorisation de la victime sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle, de la nécessité d’abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.

Il convient de rappeler que la rente majorée servie à la victime d’un accident du travail présente un caractère viager et répare de manière forfaitaire l'incidence professionnelle définie ci-dessus, ainsi que les pertes de gains professionnels futurs, y compris la perte des droits à la retraite.

En l’espèce, monsieur [B] [K] indique qu’il exerce la profession d’électricien depuis 2009 et que les séquelles qu’il conserve de l’accident du 4 février 2014 l’ont empêché d’accepter certains postes, ne pouvant plus travailler en hauteur depuis le sinistre.

Monsieur [B] [K] fournit à ce titre une offre de contrat de travail qui lui a été adressée par la société [7] le 5 juillet 2017 sur un poste de chef d’équipe, offre qu’il a été contraint de décliner du fait des travaux en hauteur trop importants. Cette offre de promotion est donc postérieure de plus de trois ans et demi à l’accident.

Ainsi, les répercussions de l’accident sur la vie professionnelle du requérant exposées, qui sont parfaitement comprises par le tribunal, relèvent davantage de l’incidence professionnelle et éventuellement de la perte de gains professionnels futurs, qui sont des postes de préjudice déjà indemnisés forfaitairement par la rente majorée d’accident du travail servie par la caisse primaire d'assurance maladie à compter de la date de consolidation.

En effet, Monsieur [B] [K] ne démontre pas qu'il a subi un préjudice professionnel spécifique caractérisé par la privation d’une promotion professionnelle qui lui était acquise au moment de l’accident ou, à tout le moins pour laquelle il était sérieusement pressenti compte tenu de son ancienneté, de sa formation, de ses qualifications et de ses aptitudes professionnelles.

Il ne justifie pas non plus qu’il avait prévu de s’engager dans une formation qualifiante de nature à lui permettre d’accéder à une promotion professionnelle certaine, dont il aurait été privé du fait de la survenance de son accident de travail.

En conséquence, la demande d’indemnisation au titre de la perte ou la diminution de chance de promotion professionnelle ne pourra qu’être rejetée.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu’à sa consolidation. Cette invalidité correspond aux périodes d’hospitalisation de la victime, mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la convalescence, la privation temporaire des activités privées ou d’agrément auxquelles la victime se livrait habituellement et le préjudice sexuel avant consolidation.

Aux termes de son rapport, le docteur [F] [I] a retenu une incapacité totale de poursuivre des activités personnelles du 4 février 2014 au 10 février 2014 et qui correspond à la période d’hospitalisation (7 jours).

L’expert retient également une période d’incapacité partielle de 50 % de poursuivre ses activités personnelles du 10 février 2014 au 31 mars 2014 (49 jours).

Monsieur [B] [K] indique que jusqu’à la période de guérison, il n’a pas pu pratiquer les activités notamment sportives qu’il pratiquait antérieurement à l’accident de travail et demande donc à ce que soit intégré dans le cadre du déficit fonctionnel temporaire la prise en compte son préjudice d’agrément temporaire compte tenu de l’impossibilité qui a été la sienne de pratiquer une quelconque activité sportive pendant la période susvisée.

Monsieur [B] [K] sollicite également une majoration du déficit fonctionnel temporaire au titre d’un préjudice sexuel temporaire attesté par une déclaration de madame [T] [Y], sa conjointe qui indique que l’accident de monsieur [B] [K] a eu un impact sur la vie sexuelle du couple.

Monsieur [B] [K] indique de ce fait retenir un taux journalier de 30 euros par jour constitué de 27 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 euros au titre du préjudice sexuel temporaire et 1 euros au titre du préjudice d’agrément temporaire.

Pour leur part la société [5] et la société [4] demandent au tribunal de retenir le montant journalier de 25 euros, sans que soient appliquées les majorations demandées au titre du préjudice d’agrément temporaire ou du préjudice sexuel temporaire.

Vu l’ensemble des éléments débattus par les parties, le tribunal retient un taux journalier de 25 euros, majoré à 28 euros par jour afin de tenir compte du préjudice d’agrément temporaire enduré par monsieur [B] [K] ainsi que de son préjudice sexuel temporaire.

Le tribunal étant tenu par les demandes des parties, il sera par conséquent alloué à monsieur [B] [K] la somme de 795 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Sur les souffrances endurées 

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime par suite de l'atteinte à son intégrité physique jusqu’à la consolidation, étant précisé que les souffrances endurées après la consolidation sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent.

En l’espèce, l’expert a évalué les souffrances endurées à 3,5/7 tenant compte notamment de l’historique douloureux retracé.

Monsieur [B] [K] sollicite une indemnisation au titre des souffrances endurées qu’il évalue à 20 000 euros, tenant compte notamment du bilan lésionnel initial qui faisait état d’un pneumothorax droit, une commotion cérébrale, des fractures costales K8 à K12, un emphysème sous cutané ainsi qu’une dermabrasion tibiale droite tel que relaté par le certificat médical initial.

La société [5] et la société [4] demandent au tribunal de limiter l’indemnisation au montant 8 000 euros.

Au vu de l’ensemble des éléments médicaux et des souffrances endurées évalués par l’expert judiciaire, il convient d’allouer à monsieur [B] [K] la somme de 10 000 euros au titre des souffrances endurées.

Sur le préjudice esthétique

Ce poste de préjudice a pour objet de réparer l’altération de l’apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Ainsi, le préjudice esthétique temporaire est un préjudice distinct du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l'état de la victime.

Sur le préjudice esthétique temporaire
Le préjudice esthétique temporaire subi de l’accident à la date de guérison, n’a pas été quantifié par l’expert dans le cadre de l’évaluation des préjudices.

Monsieur [B] [K] demande toutefois que soit pris en compte un préjudice esthétique temporaire, préjudice qu’il évalue à 2 000 euros.

La société [4] et la société [5] s’opposent pour leur part à l’indemnisation de ce préjudice, celui-ci n’ayant pas été retenu par l’expert.

Sur ce, le tribunal relève qu’un préjudice esthétique permanent étant caractérisé par la présence de deux cicatrices centimétriques au niveau de la partie supérieure du thorax, il est effectivement paradoxal que l’expert ne retienne pas un préjudice esthétique temporaire caractérisé par la lésion cutanée ayant nécessairement existé avant cicatrisation.

Eu égard à la position des cicatrices qui se situent en partie supérieure droite du thorax, partie du corps essentiellement couverte et peu visible de la vue des tiers dans la sphère sociale, hors lieux spécifiques d’agrément, il y a lieu de faire droit à la demande d’indemnisation du préjudice esthétique temporaire à hauteur de 300 euros.

Sur le préjudice esthétique permanent
Le préjudice esthétique permanent (après consolidation) a été évalué par l’expert à 0,5 sur une échelle de 7, caractérisé par « deux lésions centimétriques au niveau de la partie supérieure du thorax », qui est une partie du corps peu visible de la vue des tiers dans la sphère sociale, hors lieux spécifiques d’agrément.

Monsieur [B] [K] demande l’indemnisation à ce titre à hauteur de 2 000 euros, de son côté la société [5] et la société [4] demandent de ramener à 500 euros cette indemnisation.

Monsieur [B] [K] indique que dans le cadre de sa mission, le docteur [F] [I] a omis de prendre en compte le pectus excavatum constaté lors de l’examen clinique et il verse aux débats des photographies attestant de l’aspect de son torse. 

Cependant, l’expert n’indique à aucun moment que le pectus excavatum serait une conséquence de l’accident, ce que le requérant n’a au demeurant pas argué au stade de l’expertise.

Il convient dès lors d’indemniser le préjudice esthétique permanent à hauteur de 500 euros.

Sur le déficit fonctionnel permanent

Aux termes de deux arrêts rendus en assemblée plénière, la Cour de cassation a jugé que le capital ou la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle en application des articles L.434-1 ou L.434-2 du code de la sécurité sociale, ainsi que la majoration prévue à l’article L.452-2 du même code, ne réparent pas le déficit fonctionnel permanent subi par la victime (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 21-23.947 et n° 20-23.673, publiés).

En cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime est donc fondée à solliciter l’indemnisation complémentaire du déficit fonctionnel permanent en application des dispositions de l’article L.452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu’interprété par le conseil constitutionnel par décision du 18 juin 2010.

Ce préjudice résulte de la réduction définitive après consolidation du potentiel physique et psychosensoriel ou intellectuel du fait de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales de la victime.

En l’espèce, Monsieur [B] [K] demande au tribunal d’appliquer une méthode de calcul alternative de l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent, sur la base d’indemnités journalières décapitalisées appliquées à son espérance de vie à la date de sa guérison.

Il prétend que le taux défini par l’expert a été fixé par application du barème du concours médical de droit commun, lequel évalue exclusivement l’atteinte physiologique sans tenir compte ni des douleurs permanentes ressenties, ni de l’atteinte à la qualité de vie et les troubles des conditions d’existence, qui sont les deux autres composantes du déficit fonctionnel permanent.

Or, l’évaluation réalisée par l’expert tient d’ores et déjà compte expressément, en sus de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, des douleurs physiques et des souffrances psychologiques, ainsi que la perte de qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.

En effet, le docteur [F] [I] retient, aux termes de son expertise du 28 septembre 2023 un déficit fonctionnel permanent de 6% qu’il justifie par des signes de souffrances psychologiques estimées à 3%, l’existence de douleurs thoraciques chronicisées estimées à 2-3%, outre la présence d’une dyspnée sine materiae associée.

Le déficit fonctionnel permanent sera donc indemnisé par multiplication du taux de déficit fonctionnel permanent à la valeur du point, soit 2 255 euros.

L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent est donc fixée à 13 530 euros.

Sur le préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu’elle pratiquait antérieurement au dommage et par la limitation ou la difficulté, y compris d’ordre psychologique, à poursuivre la pratique antérieure de ladite activité.

Il est précisé que le préjudice d’agrément temporaire, c’est-à-dire antérieur à la consolidation, est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Enfin, la prise en compte d’un préjudice d’agrément n’exige pas la démonstration d’une pratique de l’activité en club, une pratique individuelle antérieure étant suffisante à partir du moment où elle est justifiée par tout moyen.

En l’espèce, monsieur [B] [K] fait valoir qu’antérieurement à l’accident de travail, il s’adonnait à la plongée sous-marine ainsi que de multiples activités sportives qu’il exerçait parmi lesquelles le football, le vélo, le ski, la course à pied, les activités de haute altitude ou du bricolage.

Il indique avoir été contraint d’arrêter le football du fait des risques de chocs intercostaux inhérents à cette pratique sportive, il indique de plus avoir été contraint d’arrêter le cyclisme du fait d’une gêne respiratoire résultant de l’accident.

Il relate également de ne plus pouvoir pratiquer d’activités en altitude, dont le ski, du fait notamment d’une acrophobie développée à la suite de l’accident de travail.

Enfin, il fait valoir qu’il lui est désormais contre-indiqué de pratiquer de la plongée sous-marine qu’il pratiquait précédemment à la survenance de l’accident de travail.

Pour leur part, la société [5] et la société [4] exposent que monsieur [B] [K] ne démontre pas de l’antériorité des pratiques sportives alléguées, celui-ci ne produisant aucune licence sportive de nature à confirmer ses déclarations.

En l’espèce, monsieur [B] [K] verse aux débats de nombreuses attestations de la part de ses proches qui insistent sa pratique sportive très importante et diversifiée antérieurement à la survenance de l’accident de travail.

Ces attestations précisent unanimement que monsieur [B] [K] pratiquait, avant la survenance de l’accident, du football, du cyclisme, de la course à pied, du ski alpin ainsi que de la plongée sous-marine.

Il est également attesté par des photographies que monsieur [B] [K] pratiquait notamment le ski alpin, de la randonnée ainsi que de la plongée sous-marine.

Enfin, le docteur [F] [I] confirme que les séquelles décrites sont de nature à contre-indiquer l’activité de plongée sous-marine.

Monsieur [B] [K] justifie donc que du fait de ses séquelles, monsieur [B] [K] ne peut plus pratiquer dans les mêmes conditions les activités sportives susmentionnées.

Aussi, compte tenu du jeune âge de monsieur [B] [K] au jour de la consolidation et du fait qu'il avait des activités de loisirs anciennes et régulières, il lui sera alloué de ce chef une somme de 10 000 euros.

Sur le préjudice sexuel permanent

Le préjudice sexuel s’entend d’une altération partielle ou totale de la fonction sexuelle dans l’une de ses composantes :

Atteinte morphologique des organes sexuels ;Perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;Difficulté ou impossibilité de procréer.
L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

En l’espèce, l’expert évoque une absence de préjudice sexuel consécutif à l’accident.

Cependant, il résulte de l’expertise que monsieur [B] [K] indique « avoir l’impression d’être essoufflé, y compris pendant l’acte sexuel », ce qui est confirmé par sa compagne madame [T] [Y] qui relate les effets de l’accident sur la vie intime du couple et indique notamment que monsieur [B] [K] a des douleurs lors des rapports sexuels et a développé une appréhension à l’idée d’avoir mal.

Le docteur [F] [I] fait en outre mention d’une dyspnée sine materiae ainsi qu’un fort retentissement psychologique du fait de l’accident associé aux douleurs thoraciques chroniques qui peuvent avoir également un retentissement sur l’activité sexuelle de monsieur [B] [K].

Ainsi, le retentissement de l’accident sur l’activité sexuelle de monsieur [B] [K] est démontrée par ces éléments tangibles et concordants, qui conduisent le tribunal à retenir ce chef de préjudice indemnisé à hauteur de 5 000 euros.

Sur l'action récursoire de la caisse primaire d’assurance maladie

La caisse primaire d’assurance maladie du Rhône, qui assure l’avance des frais d’expertise et des indemnisations ci-dessus allouées à monsieur [B] [K], sous déduction de la provision de 1 000 euros précédemment accordée, pourra en poursuivre le recouvrement à l’encontre de la société [5] sur le fondement de l’article L.452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale.

Sur la garantie de la société [4]

Il sera rappelé au dispositif qu’en exécution du jugement du 30 septembre 2021, la société [4] devra relever et garantir la société [5] de l’ensemble des condamnations mises à sa charge, y compris les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, les frais d’expertise.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société [5] sera condamnée aux dépens de l’instance.

L'équité commande de condamner celle-ci à payer à monsieur [B] [K] une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale.

Compte tenu des circonstances de l’espèce et de l’ancienneté du litige, le tribunal ordonne l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur des deux tiers des sommes allouées au titre de l’indemnisation des divers postes de préjudice.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 16 mars 2021,
Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 30 septembre 2021,
Vu le rapport d’expertise du docteur [F] [I] du 9 décembre 2022,
Vu le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lyon du 4 avril 2023,
Vu le rapport d’expertise du docteur [F] [I] du 28 septembre 2023,

DEBOUTE monsieur [B] [K] de sa demande au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;

FIXE le montant des indemnités revenant à monsieur [B] [K] aux sommes suivantes :

1 500 euros au titre des frais divers ; 1 024 euros au titre de l’assistance par une tierce personne ;795 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;10 000 euros au titre des souffrances endurées ;300 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;13 530 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;10 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;5 000 euros au titre du préjudice sexuel permanent ;
DIT qu’il convient de déduire la provision allouée à hauteur de 1 000 euros, soit un solde à régler de 41 649 euros ;

DIT que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône doit faire l'avance du solde des sommes revenant à la victime en réparation de ses préjudices ainsi que des frais d’expertise et qu’elle en recouvrera le montant auprès de la société [5] ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens ;

CONDAMNE la société [5] à payer à monsieur [B] [K] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la société [4] devra relever et garantir la société [5] de l’ensemble des condamnations mises à sa charge, y compris les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, les frais d’expertise.

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement à hauteur des deux tiers des sommes allouées au titre de l’indemnisation des divers postes de préjudice.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 10 juillet 2024, et signé par le président et la greffière.

LA GREFFIERE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 18/00256
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-10;18.00256 ?
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