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09/07/2024 | FRANCE | N°22/08250

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Quatrième chambre, 09 juillet 2024, 22/08250


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 22/08250 - N° Portalis DB2H-W-B7G-XDL6

Jugement du 09 Juillet 2024

Minute Numéro :






















Notifié le :




1 Grosse et 1 Copie à


Me Laurelenn FLANDRINCK, vestiaire : 3542

Me Jacques VITAL-DURAND de la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES,
vestiaire : 1574



Copie Dossier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant

publiquement et en premier ressort, a rendu par mise à disposition au greffe, en son audience de la Quatrième chambre du 09 Juillet 2024 le jugement réputé contradictoire suivant,

Le dossier initialement mis en ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 22/08250 - N° Portalis DB2H-W-B7G-XDL6

Jugement du 09 Juillet 2024

Minute Numéro :

Notifié le :

1 Grosse et 1 Copie à

Me Laurelenn FLANDRINCK, vestiaire : 3542

Me Jacques VITAL-DURAND de la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES,
vestiaire : 1574

Copie Dossier
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu par mise à disposition au greffe, en son audience de la Quatrième chambre du 09 Juillet 2024 le jugement réputé contradictoire suivant,

Le dossier initialement mis en délibéré au 18 Juin 2024 a été prorogé au 09 Juillet 2024

Après que l’instruction eut été clôturée le 23 Janvier 2024, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 26 Mars 2024 devant :

Président : Véronique OLIVIERO, Vice-Président
Siégeant en formation Juge Unique
Greffier : Karine ORTI,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Monsieur [T] [X]
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 9] (83)
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]

représenté par Maître Laurelenn FLANDRINCK, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, Maître Frédéric LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

Madame [L] [O] épouse [X]
née le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 2] (13)
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 2]

représentée par Maître Laurelenn FLANDRINCK, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, Maître Frédéric LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocats au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSES

La CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE RHÔNE-ALPES AUVERGNE DÉNOMMÉE GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE, entreprise régie par le Code des Assurances, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 5]
[Localité 7]

représentée par Maître Jacques VITAL-DURAND de la SELARL VITAL-DURAND ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

La Caisse Primaire d’Assurance Maladie des BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège social est
[Adresse 6]
[Localité 1]

défaillante n’ayant pas constitué avocat

EXPOSE DU LITIGE

Le 30 mai 2016, Monsieur [T] [X], qui circulait pour un motif professionnel sur l’autoroute A6 au niveau de [Localité 10], a été percuté par l’arrière par un camion assuré auprès de GROUPAMA. Il a présenté des douleurs cervicales et une fracture des ostéophytes antérieurs de C5 et C7.

Insatisfait des conclusions de l’expertise amiable diligentée par son assureur dans le cadre de la convention IRCA, Monsieur [X] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon. Par décision du 17 décembre 2019 une expertise médicale a été ordonnée et confiée au Docteur [P] [H]. La société GROUPAMA RHONE ALPES a été condamnée à verser la somme provisionnelle de 3 000 euros à valoir sur la liquidation définitive du préjudice.

L’expert a achevé son rapport le 25 mars 2021.

En dépit d’offres, aucune issue amiable n’a été trouvée concernant la liquidation définitive du préjudice corporel de Monsieur [X].

Par acte d'huissier signifié le 1er et le 27 septembre 2022, Monsieur [T] [X] et Madame [L] [O] épouse [X] ont fait assigner la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES et la CPAM des Bouches du Rhône devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins d’indemnisation de leurs préjudices.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2023, Monsieur [T] [X] et Madame [L] [O] épouse [X] sollicitent du tribunal de :

Déclarer [T] [X] bien fondé en ses demandes et y faisant droit,

Condamner GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à indemniser intégralement [T] [X] de ses préjudices,

Condamner GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à payer à [T] [X] les sommes suivantes :
- 550,99 € au titre des frais médicaux restés à sa charge
- 2.655,97 € au titre des frais divers
- 3.553,05 € au titre des Pertes de Gains Professionnels Actuels
- 75.058,98 € au titre des Pertes de Gains Professionnels Futurs
- 164.788,14 € au titre de l’incidence professionnelle
- 792,00 € au titre du Déficit Fonctionnel Temporaire
- 4.000,00 € au titre des Souffrances Endurées
- 1.000,00 € au titre du préjudice esthétique temporaire
- 15.000,00 € au titre du Déficit Fonctionnel Permanent
- 10.000,00 € au titre du préjudice d’agrément
- 10.000,00 € au titre du préjudice sexuel
- 6.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Anne-Claire MASSON, en application des dispositions de l’article 699 du même code.

Condamner GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES au doublement des intérêts légaux sur les sommes allouées par le tribunal à [T] [X], créances des organismes sociaux incluses et provisions non déduites, à compter du 19 septembre 2021 et jusqu’à ce que la décision à intervenir devienne définitive, par application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

Ordonner la capitalisation des sommes allouées au titre du doublement des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du code civil,

Déclarer [L] [O] bien fondée en ses demandes et y faisant droit,

Condamner GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à payer à [L] [O], épouse de la victime, les sommes suivantes :
- 10.000,00 € au titre du préjudice moral
- 10.000,00 € au titre du préjudice sexuel
- 800,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Anne-Claire MASSON, en application des dispositions de l’article 699 du même code,

Rejeter toute demande tendant à écarter l’exécution provisoire de droit,

Ordonner qu’à défaut d’exécution des condamnations par la compagnie, le taux de l'intérêt légal applicable sera majoré de 50 % à l'expiration d'un délai de deux mois et doublé à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du jour de la décision à intervenir, si celle-ci est contradictoire et, dans les autres cas, du jour de la notification de la décision, en application de l’article L. 211-18 du code des assurances,

Ordonner qu’à défaut d’exécution des condamnations par la compagnie, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, dont les frais seront supportés par la compagnie en sus de l’article 700 du code de procédure civile,

Rendre le jugement opposable à la CPAM des Bouches du Rhône.

Monsieur [X] sollicite la liquidation de son préjudice corporel, sur le fondement de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985, avec l’application du barème 2022 au taux de -1% de la Gazette du Palais. En outre, il considère que GROUPAMA n’a pas respecté les dispositions des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances et réclame la sanction du doublement des intérêts.

Par ailleurs, son épouse conclut à l’indemnisation de ses préjudices en qualité de victime indirecte.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées le 26 avril 2023, la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES (ci-après GROUPAMA) sollicite du tribunal de :

HOMOLOGUER le rapport d’expertise du Docteur [H],

ALLOUER à Monsieur [P] [X] les sommes suivantes, en indemnisation des préjudices subis :

Préjudices patrimoniaux
Préjudices patrimoniaux temporaires
- Dépenses de santé actuelles : 550, 99 €
- Frais divers : 1 067, 97 €
- Pertes de gains professionnels actuels : 139, 67 €

Préjudices patrimoniaux permanents
- Pertes de gains professionnels futurs : REJET
- Incidence Professionnelle : REJET

Préjudices extrapatrimoniaux
Préjudices extrapatrimoniaux temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire total et partiel : 792, 00 €
- Souffrances endurées : 3 000, 00 €
- Préjudice esthétique temporaire : 200, 00 €
Préjudices patrimoniaux permanents
- Déficit fonctionnel permanent : 11 400, 00 €
- Préjudice d’agrément : 5 000, 00 €
- Préjudice sexuel : REJET

DEDUIRE de l’indemnisation allouée à Monsieur [X] la somme de 4 600 € d’ores et déjà perçue à titre provisionnel,

DEBOUTER Monsieur [X] de sa demande relative au doublement des intérêts légaux sur le fondement de l’article L. 211-9 du code des assurances,

DEBOUTER Madame [L] [O] épouse [X] de l’ensemble de ses demandes,

DEBOUTER Monsieur [T] [X] et Madame [L] [O] épouse [X] de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou, à tout le moins, les REDUIRE à de plus justes proportions,

STATUER ce que de droit sur les dépens.

GROUPAMA ne conteste pas le droit de Monsieur [X] à une indemnisation intégrale, mais discute certaines de ses prétentions indemnitaires. L’assureur conclut au rejet de la sanction du doublement des intérêts, ainsi que des demandes de Madame [X].

***

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône n'a pas constitué avocat. La décision sera réputée contradictoire.

MOTIFS

Le droit à indemnisation de Monsieur [X], en application de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985, n’est pas contesté.

Sur la liquidation du préjudice de Monsieur [T] [X]

Le tribunal prend pour base le rapport d’expertise judiciaire, sous réserve des observations des parties et de l’appréciation de celles-ci. La date de consolidation y a été fixée au 31 janvier 2017.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Frais médicaux

Ce poste de préjudice vise à indemniser les frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la partie demanderesse; ce poste inclut notamment les frais d’orthèse, de prothèse, paramédicaux, d’optique.

Les parties s’accordent sur un montant de 550,99 euros au titre des dépenses de santé restées à la charge de Monsieur [X].

Frais divers

Ce poste de préjudice vise à indemniser les frais autres que médicaux restés à la charge de la partie demanderesse.

*GROUPAMA donne son accord pour le remboursement des frais de déplacement à concurrence de 1 067,97 euros.

*L’assureur n’émet aucune observation sur les frais de péage, générés par certains déplacements, pour lesquels une fiche récapitulative du trajet est fournie. Il est fait droit à la demande formée à hauteur de 88 euros.

*Contrairement à ce qu’indique Monsieur [X], GROUPAMA ne s’oppose pas, par principe, au remboursement des honoraires du médecin conseil. L’assureur relève au cas particulier qu’il n’est pas établi qu’ils aient été réglés par le demandeur lui-même, en présence d’une garantie défense recours souscrite auprès de la société AXA.

La note d’honoraires produite au débat ne comporte aucun destinataire. Compte-tenu de la contestation élevée par GROUPAMA, il appartient à Monsieur [X] de rapporter la preuve qu’il a personnellement supporté cette facture. Or il n’en justifie pas. Par suite, cette demande doit être écartée.

*En définitive, les frais divers s’élèvent à la somme de (1067,97+88=)1155,97 euros.

Pertes de gains professionnels

Ce poste de préjudice vise à indemniser le préjudice économique subi par la partie demanderesse pendant la durée de son incapacité temporaire, qu'elle soit totale ou partielle.

*L’expert judiciaire retient des arrêts de travail imputables à l’accident du 30 mai 2016 au 8 août 2016, puis du 29 août 2016 au 30 janvier 2017. La consolidation est intervenue le 31 janvier 2017. Il indique que la reprise de l’activité professionnelle s’est effectuée le 1er février 2017, sans restriction particulière.

Les dates et durées des arrêts de travail ne sont pas débattues par les parties.

*Monsieur [X] a perçu, en net imposable :
- en 2013 : 24 740 euros
- en 2014 : 23 188 euros
- en 2015 : 23 947 euros (et non 23 876 euros comme indiqué dans ses écritures)
- en 2016 : (9402,18 – 1813,05=) 7589,13 pour la période du 1er janvier au 29 mai, soit 5 mois.
Cela équivaut à une moyenne mensuelle de : ((24 740+23 188+23 947+7589,13 = 79 464,13) /41 mois =) 1938,15 euros.

*Au cours des arrêts de travail, Monsieur [X] aurait dû percevoir :
- premier arrêt de travail : ((1938,15/31j x 2 j, du 30 au 31 mai 2016 = 125,04) + (1938,15 x 2 mois, du 1er juin au 31 juillet 2016 = 3876,30) + (1938,15/31 j x 8 j, du 1er au 8 août 2016 = 500,17) =) 4501,51 euros
- second arrêt de travail : ((1938,15/31 j x 3 j, du 29 au 31 août 2016 = 187,56) + (1938,15 x 5 mois, du 1er septembre 2016 au 31 janvier 2017 = 9690,75 euros) = 9878,31 euros
- Total : (4501,51+ 9878,31 =) 14 379,82 euros.

*Il a perçu (1289,40+2546,46+9458,28 =) 13 294,14 euros d’indemnités journalières brutes, soit avec un taux de CGS et CRDS de 6,7%, (13 294,14 – (13 294,14 x 6,7% = 890,71) =) 12 403,43 euros d’indemnités journalières nettes.

*La perte de gains professionnels actuels s’élève à (14 379,82 – 12 403,43 =) 1 976,39 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux définitifs

Pertes de gains professionnels à venir

Ce poste de préjudice vise à indemniser la perte ou la diminution de revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation.

Monsieur [X] fait valoir que ses séquelles l’ont empêché d’effectuer le même nombre de missions de convoyage qu’auparavant, impliquant une diminution des primes kilométriques. Il affirme également être parti à la retraite à l’âge de 60 ans alors qu’il comptait travailler jusque 65 ans.

GROUPAMA relève à juste titre que l’expert judiciaire, qui a réalisé son accedit le 3 décembre 2020 et achevé son rapport le 25 mars 2021, ne note aucune restriction lors de la reprise de l’activité professionnelle le 1er février 2017, ni les années suivantes. De plus, si l’employeur de Monsieur [X] atteste en avril 2019 que celui-ci ne parvient plus à enchaîner les missions avec le même rythme, ce qui pose « quelques problèmes » d’organisation du planning et de réactivité à l’égard de la clientèle, cette assertion n’est confortée par aucune autre pièce. A cet égard, les bulletins de paie de Monsieur [X] postérieurs au 1er février 2017 révèlent des salaires supérieurs à la moyenne retenue pour le calcul des pertes de gains professionnels actuels. Les revenus parfois inférieurs correspondent à des congés, des arrêts maladie dont l’imputabilité à l’accident du 30 mai 2016 n’est pas établie, ou du chômage partiel en lien avec la crise sanitaire de 2020. Par suite, les attestations complémentaires des collègues du demandeur ne suffisent pas à contredire ces données objectives. Il n’est donc pas suffisamment établi que Monsieur [X] a diminué ses missions et perdu des primes kilométriques consécutivement à l’accident en cause.

De la même manière, aucun élément ne permet d’objectiver un lien de causalité certain et exclusif entre l’accident survenu le 30 mai 2016 et le départ à la retraite de Monsieur [X] le 1er juillet 2021, qu’il qualifie d’anticipé. A tout le moins, la seule allégation de son employeur suivant laquelle il entendait poursuivre son exercice professionnel au-delà « de l’âge légal » est insuffisant à établir qu’il aurait nécessairement travaillé jusque 65 ans.

Par conséquent, l’existence de pertes de gains professionnels futurs n’est pas démontrée. La prétention indemnitaire afférente doit être rejetée.

Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice vise à indemniser les séquelles qui limitent les possibilités professionnelles ou rendent l'activité professionnelle antérieure plus fatigante ou plus pénible.

Monsieur [X] fait valoir que les séquelles de l’accident ont rendu son exercice professionnel plus pénible. Il ajoute que son départ à la retraite à 60 ans, qu’il estime anticipé, l’a exclu du monde du travail. Enfin, il réclame l’indemnisation de la perte de droits à la retraite, par rapport au revenu qu’il aurait dû percevoir avec un départ à 65 ans.

GROUPAMA soutient qu’il n’est pas démontré que la cessation d’activité à l’âge de 60 ans soit en lien de causalité avec l’accident du 30 mai 2016. En outre, l’assureur considère que la pénibilité accrue au travail n’est pas établie.

Comme précédemment, le tribunal estime que la preuve d’un départ contraint à la retraite dès l’âge de 60 ans consécutivement à l’accident du 30 mai 2016 n’est pas rapportée. De même, il n’est pas établi avec certitude que Monsieur [X] envisageait de prolonger son activité professionnelle jusque l’âge de 65 ans. Dès lors les demandes au titre de la perte de droits à la retraite et de l’exclusion du monde du travail doivent être écartées.

En revanche, si l’expert judiciaire n’a pas retenu de pénibilité accrue, il a mis en évidence un déficit fonctionnel permanent de 8% compte tenu de la persistance d’un traumatisme cervical et lombaire sans signe de gravité radio-clinique avec une décompensation d’une cervicarthrose et d’une discopathie L5S1. La description de l’activité de convoyage de véhicules industriels exercée par Monsieur [X] indique qu’il réalisait sans cesse des déplacements dans lesdits véhicules ou en train (pour rejoindre le client ou rentrer à son domicile), qu’il devait conduire sur de longues distances, qu’il lui fallait opérer un certain nombre de contrôles visuels et techniques nécessitant de mobiliser son rachis cervical et lombaire. Dès lors, il n’est pas inconcevable que le métier de Monsieur [X] lui soit devenu plus pénible suite à l’accident du 30 mai 2016. Cette pénibilité caractérise une incidence professionnelle. A ce titre, il y a lieu de lui allouer une somme de 8 000 euros.

Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, ainsi que, le cas échéant, le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire.

Classiquement les experts considèrent que la personne est en déficit fonctionnel temporaire total (DFTT) lorsqu'elle est hospitalisée. En dehors de cette hypothèse le déficit temporaire est partiel et divisé en quatre classes (classe 4 : 75% du DFTT ; classe 3 : 50% du DFTT ; classe 2 : 25% du DFTT ; classe 1 : 10 % du DFTT)

L’expertise judiciaire fixe les périodes de :
- déficit fonctionnel temporaire total du 30 au 31 mai 2016
- déficit fonctionnel temporaire partiel de classe 1du 1er juin au 30 janvier 2017.

Les parties s’accordent sur une indemnisation à hauteur de 792 euros.

Souffrances endurées

Ce poste de préjudice vise à indemniser les souffrances tant physiques que morales subies par la partie demanderesse.

Il résulte des certificats médicaux établis lors des faits et de l’expertise que Monsieur [X] a été victime d’un accident de la circulation à haute cinétique, ayant occasionné un traumatisme cervical et lombaire sans signe de gravité radio-clinique, avec notamment une fracture des ostéophytes antérieurs de C5, C6 et C7, outre la décompensation d’une cervicarthrose et d’une discopathie L5S1. Il a dû porter un collier cervical pendant un mois et suivre plusieurs dizaines de séances de kinésithérapie.

Les souffrances endurées sont évaluées par l’expert à 2 sur 7. Elles seront réparées par une indemnité d’un montant de 4 000 euros.

Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de préjudice est caractérisé par une présentation physique à la vue des tiers particulièrement altérée et directement consécutive aux faits en cause.

Monsieur [X] indique avoir porté un collier cervical pendant un mois dans les suites immédiates de l’accident. GROUPAMA ne s’oppose pas au principe de l’indemnisation mais conclut à la réduction de la prétention chiffrée.

Si le port d’un collier cervical est visible, il ne peut être considéré qu’il altère particulièrement la présentation physique. De plus, sa durée a été limitée. Dans ces conditions, l’offre de GROUPAMA à hauteur de 200 euros est satisfactoire.

Sur les préjudices extra patrimoniaux définitifs

Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales, sociales).

L’expert judiciaire retient un taux de déficit fonctionnel permanent de 8 % compte tenu de la persistance d’un traumatisme cervical et lombaire sans signe de gravité radio-clinique avec décompensation d’une cervicarthrose et d’une discopathie L5S1.

Au vu de l’âge de Monsieur [X] à la date de consolidation (55 ans au 31 janvier 2017), il y a lieu de fixer l’indemnité à la somme de (1560x8 =) 12 480 euros.

Préjudice d’agrément

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'impossibilité pour la partie demanderesse de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs, ou, le cas échéant, les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités. Il importe de rappeler que ce chef de préjudice est distinct de celui indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent.

L'expert ne donne qu'un avis médical sur la possibilité d'exercer une activité ou un loisir, en se fondant sur les seules déclarations de la victime quant à leur réalité. Il appartient donc à cette dernière de rapporter la preuve de la pratique effective des activités ou loisirs dont elle est désormais privée en tout ou partie.

En l’espèce, Monsieur [X] déplore ne plus pouvoir pratiquer la moto et le parapente, outre des sorties occasionnelles en hors-bord. L’expert judiciaire retient ce préjudice d’agrément dans ses conclusions. GROUPAMA émet une offre, en soulignant que les pièces relatives à la pratique du parapente ne sont pas contemporaines à l’accident.

De fait, la qualification d’instructeur remonte à 1987 et la dernière licence à la fédération française de vol libre date de l’année 2014. Les licences 2015 et surtout 2016, permettant de corroborer une pratique régulière et contemporaine à l’accident, ne sont pas produites. Par ailleurs, Monsieur [X] ne démontre pas avoir revendu sa moto en suite de l’accident. Par conséquent, l’offre de GROUPAMA à hauteur de 5 000 euros est retenue, comme étant satisfactoire.

Préjudice sexuel

Ce type de préjudice peut revêtir trois acceptions à savoir un préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi, un préjudice lié à l'acte sexuel consistant en la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel en lui-même (perte de libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte ou perte de la capacité d'accéder au plaisir) ou un préjudice lié à une difficulté ou une impossibilité à procréer ; ce poste de préjudice vise à indemniser une ou plusieurs de ces acceptions.

Monsieur [X] expose que ses douleurs cervicales et lombaires gênent ses positions et/ou pratiques sexuelles. De plus, elles impactent sa libido. Pour conclure au rejet de la prétention, GROUPAMA objecte que le traumatisme cervical et lombaire persistant ne présente pas de signe de gravité radio-clinique.

En dépit du déficit fonctionnel permanent, l’expert judiciaire ne conclut pas à un préjudice sexuel. Dans ce contexte, la démonstration de son existence ne repose que sur les déclarations du demandeur, lesquelles sont insuffisantes. Dans ces circonstances, la prétention indemnitaire doit être rejetée.

***

En définitive, le préjudice de Monsieur [T] [X] s'établit de la manière suivante :
- Frais médicaux, dépenses de santé actuelles : 550,99 euros
- Frais divers : 1155,97 euros
- Pertes de gains professionnels actuels : 1976,39 euros
- Pertes de gains professionnels futurs : rejet
- Incidence professionnelle : 8 000 euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 792 euros
- Souffrances endurées : 4 000 euros
- Préjudice esthétique temporaire : 200 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 12 480 euros
- Préjudice d’agrément : 5 000 euros
- Préjudice sexuel : rejet

Total : 34 155,35 euros

Provisions : (600+1000+3000=) 4600 euros
TOTAL : 29 555,35 euros.

GROUPAMA sera donc condamnée au paiement de cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement s’agissant d’une créance indemnitaire.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée, dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur le doublement des intérêts

L'article L. 211-9 du code des assurances dispose que, quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.
Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.
En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.
En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres.

Il appartient à l'assureur tenu de faire une offre d'établir qu'il a satisfait à cette obligation.

En vertu de l'article L. 211-13 du même code, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Monsieur [X] fait grief à GROUPAMA de lui avoir adressé le 19 avril 2021 une offre ne comportant pas de proposition relative aux dépenses de santé actuelles, aux frais divers, aux pertes de gains professionnels actuels et à l’incidence professionnelle.

Toutefois l’assureur ne peut émettre une offre sur des postes de préjudices dont il n’a pas connaissance. En l’espèce, l’expert judiciaire a précisé que les dépenses de santé devaient être prises en charge sur présentation par Monsieur [X] des justificatifs des montants restés à sa charge. Il n’est pas établi qu’il les ait transmis à GROUPAMA entre l’achèvement du rapport d’expertise et l’offre de l’assureur. Il en va de même pour les pertes de gains professionnels actuels et les frais divers. Par ailleurs, dès lors que l’expert n’a retenu aucune incidence professionnelle, il ne peut être reproché à l’assureur de ne pas avoir formalisé de proposition sur ce chef de préjudice. Par suite, l’offre de GROUPAMA du 19 avril 2021 ne peut être qualifiée d’insuffisante. La sanction de doublement des intérêts doit être écartée.

Sur les prétentions indemnitaires de Madame [O] épouse [X]

Madame [X] sollicite l’indemnisation de son préjudice moral tenant au choc de l’accident, à l’accompagnement de son époux aux consultations médicales et dans les actes de la vie courante, à la modification de caractère de son époux suite au syndrome post-traumatique. Elle indique également avoir renoncé aux balades à moto. Par ailleurs elle réclame l’indemnisation de son préjudice sexuel, en regard de celui subi par son conjoint.

GROUPAMA conclut au rejet des deux prétentions, considérant qu’elles ne sont pas fondées au vu des conclusions expertales.

La prétention au titre du préjudice sexuel doit d’emblée être rejetée, dès lors que l’indemnisation de ce préjudice au bénéfice de Monsieur [X] est écartée. Par ailleurs, s’il est tout à fait concevable que Madame [X] a soutenu et accompagné son époux dans les suites de l’accident, il doit être relevé que l’hospitalisation n’a duré qu’une journée, qu’aucune assistance par tierce personne temporaire ou définitive n’a été retenue, que l’existence d’un syndrome post-traumatique n’a pas été caractérisée par l’expert judiciaire et n’est pas documentée, que la revente de la moto n’est pas établie. Dans ce contexte, il est alloué une somme de 500 euros à Madame [X] en réparation de son préjudice moral.

Sur les demandes accessoires

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, est partie à la procédure de sorte que la décision lui est commune de droit.

Il convient de condamner GROUPAMA aux dépens, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire, conformément aux articles 695 4° et 696 du code de procédure civile.

GROUPAMA sera également condamnée à payer au titre des frais de procédure non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
A Monsieur [T] [X] la somme de 2 500 eurosA Madame [L] [O] épouse [X] la somme de 500 euros.
L'article 514 du code de procédure civile applicable aux instances introduites depuis le 1er janvier 2020 dispose que les décisions de première instance sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Les demandeurs rappellent à juste titre que l’article L. 211-18 du code des assurances dispose qu’en cas de condamnation résultant d'une décision de justice exécutoire, même par provision, le taux de l'intérêt légal est majoré de 50 pour 100 à l'expiration d'un délai de deux mois et il est doublé à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du jour de la décision de justice, lorsque celle-ci est contradictoire et, dans les autres cas, du jour de la notification de la décision. Il n’y a toutefois pas lieu au prononcé d’une condamnation sur ce fondement.

Enfin, il n’y pas lieu d’ordonner qu’à défaut d’exécution des condamnations par la compagnie, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, dont les frais seront supportés par la compagnie en sus de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, et en premier ressort

CONDAMNE la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 29 555,35 euros, provisions déduites, en réparation de son préjudice corporel consécutif à l’accident du 30 mai 2016, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

ORDONNE la capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil

DEBOUTE Monsieur [T] [X] de sa demande de sanction en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances

CONDAMNE la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES à payer à Madame [L] [O] épouse [X] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision

REJETTE le surplus des demandes de Madame [L] [O] épouse [X]

CONDAMNE la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES aux dépens, en ce compris les honoraires de l'expert judiciaire

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE la caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles GROUPAMA AUVERGNE RHONE ALPES à payer au titre des frais non répétibles de l'instance
A Monsieur [T] [X] la somme de 2 500 eurosA Madame [L] [O] épouse [X] la somme de 500 euros
REJETTE toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Véronique OLIVIERO, vice-président,

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le Président, Véronique OLIVIERO, et Karine ORTI, Greffier, présent lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 22/08250
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;22.08250 ?
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