MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU :
MAGISTRAT :
ASSESSEURS :
DÉBATS :
PRONONCE :
AFFAIRE :
NUMÉRO R.G :
26 JUIN 2024
Jérôme WITKOWSKI, président
Stéphanie DE MOURGUES, assesseur collège employeur
Guy PARISOT, assesseur collège salarié
Assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Alice GAUTHÉ, greffière
Tenus en audience publique le 27 mars 2024
Jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, le 26 juin 2024 par le même magistrat
Monsieur [M] [I] C/ CPAM DU RHONE
N° RG 19/01335 - N° Portalis DB2H-W-B7D-TZGI
DEMANDEUR
Monsieur [M] [I]
Demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]
Comparant en personne, assisté de son époux Monsieur [L] [D]
DÉFENDERESSE
CPAM DU RHONE
Service contentieux général - [Localité 3]
Représentée par Madame [X] [U], munie d’un pouvoir
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
M. [M] [I]
CPAM DU RHONE
Une copie revêtue de la formule exécutoire :
CPAM DU RHONE
Une copie certifiée conforme au dossier
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [M] [I] est titulaire d'une pension d'invalidité de catégorie 2 depuis le 30 août 2014.
Par courrier du 5 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a notifié à l'assuré un indu de 3 087,39 euros au titre de la période du 1er novembre 2017 au 31 janvier 2018.
Par courrier du 27 mars 2018, monsieur [M] [I] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM du Rhône afin de contester le bien-fondé de l'indu notifié.
Par décision du 27 décembre 2018, la commission de recours amiable de la CPAM du Rhône a confirmé le bien-fondé de l'indu.
Par requête du 1er avril 2019, réceptionnée par le greffe le 10 avril 2019, monsieur [M] [I] a saisi du litige le pôle social du tribunal de grande instance de Lyon, devenu tribunal judiciaire de Lyon.
Aux termes de sa requête soutenue oralement lors de l'audience du 27 mars 2024, monsieur [M] [I] demande au tribunal d'annuler l'indu de pension d'invalidité qui lui est réclamé par la [4].
Au soutien de cette prétention, le requérant indique que les sommes retenues au titre de ses ressources par la CPAM du Rhône pour calculer l'indu ne correspondent pas à la réalité des sommes qu'il a effectivement perçues.
Monsieur [M] [I] indique également que la CPAM du Rhône tient compte de revenus perçus à partir du 1er mai 2017, alors que l'indu litigieux concerne la période du 1er novembre 2017 au 31 janvier 2018.
Aux termes de ses conclusions, déposées et soutenues oralement lors de l'audience du 27 mars 2024, la CPAM du Rhône demande au tribunal de confirmer l'indu et, à titre reconventionnel, de condamner monsieur [M] [I] à lui payer la somme de 3 087,39 euros.
La [4] rappelle qu'en application des articles R 341-14 et R. 341-15 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité n'est due que si les gains issus de l'activité professionnelle ajoutés aux montants de la pension telle que définie par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale ne dépassent pas pendant deux trimestres consécutifs le salaire trimestriel moyen de comparaison de la dernière année civile précédant la mise en invalidité.
Elle expose également le calcul sur lequel elle fonde sa demande d'indu et précise que celui-ci prend en compte les bulletins de salaires, les indemnités journalières de la sécurité sociale versées mais également les montants de la pension d'invalidité dont elle s'est acquittée auprès de l'assuré et dont elle justifie le paiement par un aperçu des décomptes qu'elle verse aux débats.
Elle indique que monsieur [M] [I] a ainsi perçu 1 233,33 euros au titre de l'échéance du mois de novembre 2017 ; 1 305,55 euros au titre de l'échéance du mois de décembre 2017 et 921,80 euros au titre du mois de janvier 2018 soit un indu total de 3 087,39 euros sur la période concernée.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 341-12 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que le service de la pension d'invalidité peut être suspendu en tout ou partie en cas de reprise du travail, en raison du salaire ou du gain de l'intéressé.
L'article R. 341-17 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, prévoit que " la pension doit être suspendue, en tout ou partie, par la caisse primaire d'assurance maladie lorsqu'il est constaté que le montant cumulé de la pension d'invalidité, calculée conformément aux dispositions de la section 3 du présent chapitre, et des salaires ou gains de l'intéressé excède, pendant deux trimestres consécutifs, le salaire trimestriel moyen de la dernière année civile précédant l'arrêt de travail suivi d'invalidité.
Pour l'application de ces dispositions, il est tenu compte du salaire tel que défini au quatrième alinéa de l'article R. 341-4 effectivement versé, augmenté des avantages susceptibles de donner lieu au versement des cotisations et affecté des coefficients de revalorisation (…).
Le montant des arrérages de chaque mois ultérieur est réduit à concurrence du dépassement constaté au cours du trimestre précédent. ".
L'article R. 341-14 du code de la sécurité sociale en sa version applicable au litige prévoit que le contrôle des droits est effectué trimestriellement lorsque le titulaire d'une pension d'invalidité exerce une activité salariée.
En l'espèce, il n'est pas contesté par monsieur [M] [I] que le salaire trimestriel de comparaison revalorisé est de 8.862,18 euros par trimestre pour la période en litige, ce qui correspond à son salaire trimestriel moyen de la dernière année civile précédant l'arrêt de travail suivi d'invalidité, après revalorisations intervenues au 1er avril de chaque année.
En application de l'article R. 341-17 du code de la sécurité sociale précité, la pension d'invalidité doit être suspendue, en tout ou partie, lorsqu'il est constaté que le montant cumulé de la pension d'invalidité et des salaires ou gains de monsieur [M] [I] excède, pendant deux trimestres consécutifs, le salaire trimestriel de comparaison de 8.862,18 euros.
Pour effectuer cette comparaison :
- Le montant de la pension d'invalidité à retenir au sens de l'article R.314-17 du code de la sécurité sociale est le montant dit " théorique " de la pension, soit en l'espèce 3 916.65 euros par trimestre (ce qui correspond à 3 x 1.305,55 euros bruts par mois pour la période d'avril 2017 à mars 2018) et non le montant effectivement perçu par l'assuré au cours du mois considéré ;
- A ce montant " théorique " de la pension, il faut ajouter les salaires et gains perçus par l'intéressé " tels que définis au quatrième alinéa de l'article R. 341-4 ", c'est-à-dire " ceux qui donnent lieu, lors de chaque paie, au versement de la fraction de cotisation d'assurances sociales afférente aux risques maladie, maternité, invalidité et décès ", ce qui désigne en réalité le salaire brut servant de base au calcul desdites cotisations.
Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la caisse, en cas de salaire brut négatif, ce n'est pas un montant nul mais le montant débiteur qu'il convient de retenir, dès lors que, ce salaire brut négatif a donné lieu au calcul d'un crédit de cotisations, comme c'est le cas en l'espèce (ainsi pour le mois de juin 2017 : salaire brut négatif de - 6 273,81 euros servant de base à un crédit de cotisations).
S'agissant des gains prétendument perçus par l'assuré au titre des indemnités journalières, la caisse ne justifie pas des règlements qu'elle prétend avoir effectués directement au profit de monsieur [M] [I]. Les indemnités journalières ne seront donc pas reprises dans les calculs.
Il en est de même des allocations chômage, que monsieur [M] [I] reconnaît avoir perçues à partir du mois de janvier 2018 uniquement et dont la [4] ne justifie pas pour le mois de décembre 2017.
Au regard pièces justificatives versées aux débats par les parties, seront retenus les salaires et gains suivants :
Bulletin de salaire
Indemnités journalières
Allocations chômage
Total
Mai 2017
2 806,78 €
2 802,78 €
Juin 2017
- 6 273,81 €
- 6 273,81 €
Juillet 2017
3 683,07 €
3 863,07 €
Août 2017
0 €
0 €
Septembre 2017
1 530,68 €
1 530,68 €
Octobre 2017
11 605,92 €
11 605,92 €
Novembre 2017
0 €
0 €
Décembre 2017
0 €
0 €
S'agissant de l'échéance du mois de novembre 2017 :
Il convient de vérifier si, pendant deux trimestres consécutifs (mai/ juin/ juillet 2017 d'une part et août/ septembre/ octobre 2017 d'autre part), le montant cumulé de la pension d'invalidité théorique et des salaires ou gains de monsieur [M] [I] excède le salaire trimestriel de comparaison de 8.862,18 euros.
Période
PI Théorique
(PI)
Salaires et gains (SG)
Total
(T) = (PI) + (SG)
Salaire de comparaison (SC)
Dépassement
(D) = (SC) – (T)
Mai/juin/juillet 17
3 916,65 €
392,04 €
4 308,69 €
8 862,18 €
NON
Août/sept/oct 17
3 916,65 €
13 136,60 €
17 053,25 €
8 862,18 €
+ 8 191,07 €
Faute de dépassement du salaire de comparaison durant deux trimestres consécutifs, la pension d'invalidité réglée en novembre 2017 était due à l'assuré.
L'indu du mois de novembre 2017 doit donc être annulé.
S'agissant de l'échéance du mois de décembre 2017 :
Il convient de vérifier si, pendant deux trimestres consécutifs (juin/juillet/août 2017 d'une part et septembre/ octobre/ novembre 2017 d'autre part), le montant cumulé de la pension d'invalidité théorique et des salaires ou gains de monsieur [M] [I] excède le salaire trimestriel de comparaison de 8.862,18 euros.
Période
PI Théorique
(PI)
Salaires et gains (SG)
Total
(T) = (PI) + (SG)
Salaire de comparaison (SC)
Dépassement
(D) = (SC) – (T)
Juin/juill/août 17
3 916,65 €
-2 590,74 €
1 325,91 €
8 862,18 €
NON
Sept /oct/nov 17
3 916,65 €
13 136,60 €
17 053,25 €
8 862,18 €
+ 8 191,07 €
Faute de dépassement du salaire de comparaison durant deux trimestres consécutifs, la pension d'invalidité réglée en décembre 2017 était due à l'assuré.
L'indu du mois de décembre 2017 doit donc être annulé.
S'agissant de l'échéance du mois de janvier 2018 :
Il convient de vérifier si, pendant deux trimestres consécutifs (juillet/août/septembre 2017 d'une part et octobre/ novembre/ décembre 2017 d'autre part), le montant cumulé de la pension d'invalidité théorique et des salaires ou gains de monsieur [M] [I] excède le salaire trimestriel de comparaison de 8.862,18 euros.
Période
PI Théorique
(PI)
Salaires et gains (SG)
Total
(T) = (PI) + (SG)
Salaire de comparaison (SC)
Dépassement
(D) = (SC) – (T)
Juill/août/ sept 17
3 916,65 €
5 213,75 €
9 130,40 €
8 862,18 €
+ 268,22 €
Oct/ nov/déc 17
3 916,65 €
11 605,92 €
15 522,57 €
8 862,18 €
+ 6 660,39 €
En raison du dépassement du salaire de comparaison durant deux trimestres consécutifs, la pension d'invalidité réglée en janvier 2018 est indue.
L'indu correspondant, d'un montant de 837,91 euros selon le décompte produit par la caisse (pièce n°2-versement du 2 février 2018) est donc confirmé.
PAR CES MOTIFS
Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement par jugement contradictoire et en dernier ressort,
- ANNULE l'indu réclamé à monsieur [M] [I] au titre des échéances de pension d'invalidité réglées pour les mois de novembre et décembre 2017 ;
- CONFIRME l'indu réclamé à monsieur [M] [I] au titre de l'échéance de pension d'invalidité réglée pour le mois de janvier 2018 ;
- CONDAMNE monsieur [M] [I] à payer à la [4] la somme de 837,91 euros au titre de l'indu de pension d'invalidité du mois de janvier 2018 ;
- CONDAMNE monsieur [M] [I] aux dépens ;
Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Lyon le 26 juin 2024, et signé par le président et la greffière
LA GREFFIERE LE PRESIDENT