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12/06/2024 | FRANCE | N°23/00412

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 12 juin 2024, 23/00412


MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :
ASSESSEURS :




DÉBATS :

PRONONCE :

NUMÉRO RG :

AFFAIRE :










12 Juin 2024

Martin JACOB, président
Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Florence ROZIER, greffière

tenus en audience publique l

e 12 Avril 2024

jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, le 12 Juin 2024 par le même magistrat

N° RG 23/00412 - N° Portalis DB2H-W-B7G-XWTV

Madame [Z] [U] C/ CAF DU ...

MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :
ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

NUMÉRO RG :

AFFAIRE :

12 Juin 2024

Martin JACOB, président
Caroline LAMANDE, assesseur collège employeur
Fouzia MOHAMED ROKBI, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Florence ROZIER, greffière

tenus en audience publique le 12 Avril 2024

jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, le 12 Juin 2024 par le même magistrat

N° RG 23/00412 - N° Portalis DB2H-W-B7G-XWTV

Madame [Z] [U] C/ CAF DU RHONE

DEMANDERESSE
Madame [Z] [U], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne assistée de Me Florent LABRUGERE, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 3239

DÉFENDERESSE
CAF DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
comparante en la personne de Madame [C] [O], munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

[Z] [U]
CAF DU RHONE
Me Florent LABRUGERE, vestiaire : 3239
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [U] est née le 1er janvier 1960.

Par une décision du 22 mai 2019, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) a reconnu à [Z] [U] un taux d'incapacité d'au moins 50 % et inférieur à 80 %, du 1er août 2019 au 31 juillet 2024, justifiant l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

La CAF du Rhône a ainsi versé l'AAH à [Z] [U] pour un montant de 903,60 euros.

Le 1er janvier 2022, [Z] [U] a atteint l'âge légal de départ à la retraite. La CAF du Rhône a interrompu le versement de l'AAH à son profit.

Par un courriel du 9 février 2022, [Z] [U] a demandé à la CAF du Rhône des explications quant à l'absence de paiement de l'AAH.

Par un courriel du 16 février 2022, la CAF du Rhône a indiqué à [Z] [U] qu'elle devait faire valoir ses droits à la retraite. Il lui était demandé une copie de la notification de sa retraite.

Par un courrier daté du 28 février 2022, la CAF du Rhône a informé [Z] [U] que son droit à l'AAH ne pouvait pas reprendre et la caisse l'invitait à déposer une demande de RSA.

Par un courriel du 8 mars 2022, [Z] [U] a saisi la commission de recours amiable de la CAF du Rhône en vue du rétablissement du paiement de l'AAH.

Par un courrier daté du 23 mars 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a confirmé à [Z] [U] avoir reçu sa demande de retraite personnelle et d'allocation de solidarité aux personnes âgées.

Par un courrier daté du 28 mars 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a informé la CAF du Rhône du dépôt par [Z] [U] d'une demande de retraite avec allocation de solidarité aux personnes âgées.

Par un courrier daté du 5 avril 2022, la CAF du Rhône a demandé à [Z] [U] de compléter son dossier en vue de l'obtention du RSA.

Le 22 avril 2022, la CARSAT Rhône-Alpes a versé à [Z] [U] l'équivalent de 3 mois de pension de retraite correspondant au paiement des mois de janvier à mars 2022. Des versements ont ensuite été effectués chaque mois au titre des mois d'avril 2022 et suivants.

Le 3 mai 2022, [Z] [U] a déposé une demande de RSA. La CAF du Rhône lui a versé cette prestation sociale de mai à juillet 2022.

Par un courrier recommandé daté du 25 octobre 2022 et reçu le 9 novembre 2022, la CAF du Rhône a informé [Z] [U] du rejet de son recours amiable.

****

Par requête déposée au greffe le 8 décembre 2022, [Z] [U] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de condamnation de la CAF du Rhône à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

L'affaire a été appelée à l'audience du 15 mars 2024 et a été renvoyée à l'audience du 12 avril 2024.

À cette dernière audience, [Z] [U] et la CAF du Rhône ont comparu, de sorte que le jugement sera contradictoire.

****

[Z] [U], assistée par son conseil, demande au tribunal de :

- condamner la CAF du Rhône à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la CAF du Rhône aux entiers dépens.

La CAF du Rhône, dûment représentée, demande au tribunal de :

- rejeter la demande formée par [Z] [U] au titre des dommages et intérêts,
- rejeter la demande formée par [Z] [U] au titre des dépens,
- rejeter l'ensemble des demandes formées par [Z] [U].

L'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la CAF du Rhône

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés.
Les personnes de nationalité étrangère, hors les ressortissants des États membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés que si elles sont en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si elles sont titulaires d'une attestation de demande de renouvellement de titre de séjour. Un décret fixe la liste des titres ou documents attestant la régularité de leur situation.
L'allocation mentionnée au premier alinéa bénéficie aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen qui en font la demande et qui résident en France depuis plus de trois mois, dans les conditions prévues au chapitre III du titre III du livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette condition de séjour de trois mois n'est toutefois pas opposable :
-aux personnes qui exercent une activité professionnelle déclarée conformément à la législation en vigueur ;
-aux personnes qui ont exercé une telle activité en France et soit sont en incapacité permanente de travailler pour raisons médicales, soit suivent une formation professionnelle au sens des articles L. 900-2 et L. 900-3 du code du travail, soit sont inscrites sur la liste visée à l'article L. 311-5 du même code ;
-aux ascendants, descendants et conjoints des personnes mentionnées aux deux alinéas précédents.
Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre ne peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés.
Le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse, à l'exclusion de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1, ou d'invalidité, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à constante d'une tierce personne visée à l'article L. 355-1, ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne mentionnée à l'article L. 434-2, d'un montant au moins égal à cette allocation.
Lorsque cet avantage ou le montant mensuel perçu au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 est d'un montant inférieur à celui de l'allocation aux adultes handicapés, celle-ci s'ajoute à la prestation sans que le total des deux avantages puisse excéder le montant de l'allocation aux adultes handicapés.
Pour la liquidation des avantages de vieillesse, les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés sont réputés inaptes au travail à l'âge minimum auquel s'ouvre le droit à pension de vieillesse.
Lorsqu'une personne bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés se voit allouer une pension de retraite en application de l'article L. 351-7-1 A du présent code ou de l'article L. 732-30 du code rural et de la pêche maritime ou fait valoir son droit à un avantage de vieillesse, d'invalidité ou à une rente d'accident du travail, l'allocation aux adultes handicapés continue de lui être servie jusqu'à ce qu'elle perçoive effectivement l'avantage auquel elle a droit. Pour la récupération des sommes trop perçues à ce titre, les organismes visés à l'article L. 821-7 sont subrogés dans les droits des bénéficiaires vis-à-vis des organismes payeurs des avantages de vieillesse, d'invalidité ou de rentes d'accident du travail.
Lorsque l'allocation aux adultes handicapés est versée en complément de la rémunération garantie visée à l'article L. 243-4 du code de l'action sociale et des familles, le cumul de cet avantage avec la rémunération garantie mentionnée ci-dessus est limité à des montants fixés par décret qui varient notamment selon que le bénéficiaire est marié ou vit maritalement ou est lié par un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à charge. Ces montants varient en fonction du salaire minimum de croissance prévu à l'article L. 141-4 du code du travail.

Aux termes de l'alinéa 1 de l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1 du présent code, à l'article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime, au 1° du I de l'article L. 24 et au 1° de l'article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite est fixé à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955.

Aux termes de l'article L. 351-7-1 A du code de la sécurité sociale, la pension de retraite de l'assuré bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et L. 821-2 est liquidée à la date à laquelle celui-ci atteint l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, sauf s'il s'y oppose dans des conditions fixées par décret. L'entrée en jouissance de la pension de retraite est fixée au premier jour du mois suivant la date à laquelle le pensionné atteint cet âge.
Le premier alinéa n'est pas applicable lorsque l'assuré bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés exerce une activité professionnelle à la date à laquelle il atteint l'âge mentionné au premier alinéa de l'article L. 351-1.

Aux termes de l'article D. 351-1-13 du code de la sécurité sociale, au plus tard six mois avant d'atteindre l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, l'assuré bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée aux articles L. 821-1 et L. 821-2 est informé par écrit par la caisse chargée de la liquidation de l'attribution automatique de sa pension de retraite en application de l'article L. 351-7-1 A et de son droit à s'opposer, par écrit avec accusé de réception, à cette attribution au plus tard quatre mois avant d'atteindre l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1.

En l'espèce, [Z] [U] considère que la CAF du Rhône a manqué à son obligation d'information. En effet, en l'absence d'activité professionnelle, le basculement entre l'AAH et le versement d'une pension de retraite est automatique, sans avoir à déposer une demande de retraite personnelle ; la CAF devait l'en informer par écrit, ce qui n'a pas été le cas.

Elle ajoute que la circulaire CNAV-CAF n°2020-26 du 13 juillet 2020 prévoit que la CAF doit signaler à la CARSAT les bénéficiaires d'AAH qui atteignent l'âge légal de départ à la retraite à deux reprises : 2 ans et demi avant l'âge légal de départ à la retraite puis 4 mois minimum avant l'âge légal de départ à la retraite.

Or, aucun basculement automatique n'est intervenu pour elle, la CAF n'ayant pas respecté son obligation d'information de la CARSAT. Si la CAF du Rhône affirme que cette information est réalisée informatiquement, elle n'en rapporte pas la preuve. De plus, [Z] [U] observe que les échanges entre les deux caisses semblent être effectués par courrier.

Elle estime que la CAF du Rhône aurait, à tout le moins, pu l'informer qu'elle devait déposer une demande de retraite, avant l'interruption du versement de l'AAH.

[Z] [U] insiste sur le fait que la CAF du Rhône n'ignorait pas son âge puisque la caisse a précisément mis un terme au versement de l'AAH au motif qu'elle avait atteint l'âge légal de départ à la retraite.

Elle souligne que le médiateur de la CAF a reconnu cette faute.

[Z] [U] explique n'avoir ainsi perçu sa pension de retraite qu'en avril 2022 et l'allocation de solidarité aux personnes âgées qu'en juillet 2022 alors que le versement de l'AAH est intervenu en janvier 2022.

En outre, [Z] [U] reproche à la CAF du Rhône d'avoir manqué à ses obligations en l'induisant en erreur quant à la possibilité de solliciter le versement du RSA. En effet, en dépit de son état de santé l'empêchant de travailler, il lui a été imposé de rechercher un emploi. Le courrier transmis à [Z] [U] ne précisait pas que des mesures spécifiques existaient pour les personnes ne pouvant pas travailler.

[Z] [U] s'offusque également qu'un indu ait été calculé sur les sommes versées au titre du RSA, après perception de sa pension de retraite. La CAF du Rhône aurait dû l'informer de cet indu à venir, qui était prévisible puisque la caisse n'ignorait pas que [Z] [U] allait bénéficier d'une retraite personnelle dans un bref délai.

Elle déclare avoir été privée de ressources pendant plusieurs mois et a dû déposer une demande de retraite en urgence. De ce fait, elle a été dans l'obligation d'emprunter de l'argent à des proches. Elle transmet plusieurs attestations en ce sens ([G] [V] lui a prêté 1 000 euros en juin 2022, [T] [N] lui remis 3 fois la somme de 150 euros de février à avril 2022, [I] [N] lui a versé 300 euros en janvier 2022 et 350 euros en février 2022 et [Y] [B] lui a prêté 500 euros en mars 2022 et 600 euros en mai 2022).

[Z] [U] soutient avoir subi un préjudice moral lorsqu'elle a été invitée à trouver un emploi, en contradiction avec son état de santé et pour avoir dû attendre le mois de juin 2022 pour percevoir l'allocation de solidarité aux personnes âgées.

Elle précise n'avoir déposé sa demande de retraite qu'en mars 2022 car il a été nécessaire de réunir l'ensemble des pièces utiles.

Elle fait valoir sa bonne foi.

Pour sa part, la CAF du Rhône explique qu'il revenait à la CARSAT d'informer [Z] [U] de l'attribution de sa pension de retraite, sur le fondement de l'article D. 351-1-13 du code de la sécurité sociale et non à la CAF.

En ce qui concerne les échanges entre la CAF et la CARSAT, pour signaler les bénéficiaires d'AAH 30 mois puis 4 mois avant l'âge de départ à la retraite, cela s'effectue de manière automatisée. Elle relève que [Z] [U] ne démontre pas de faute émanant de la CAF du Rhône sur ce point.

Or, la CAF du Rhône n'ayant pas reçu le récépissé de dépôt de la demande de pension de retraite, elle était tenue de mettre un terme au versement de l'AAH. La caisse n'a donc commis aucune faute.

S'agissant de l'orientation vers le RSA, la CAF du Rhône indique que le versement tardif provient du fait que [Z] [U] n'avait pas adressé l'ensemble des pièces nécessaires, malgré une relance de la part de la caisse.

L'indu de RSA a été calculé car [Z] [U] avait omis de déclarer la perception de sa pension de retraite, en avril 2022. Aucune erreur de gestion et aucun manquement à son obligation d'information ne peut lui être opposé.

Sur le préjudice matériel qu'aurait subi [Z] [U], la CAF du Rhône rappelle l'avoir invitée à déposer une demande de retraite dès le 16 février 2022 mais elle ne l'a réalisé que le 23 mars 2022. Elle aurait donc pu réduire la durée pendant laquelle elle a été sans ressources avec davantage de diligences.

La CAF du Rhône ajoute que le RSA aurait pu être versé plus rapidement si [Z] [U] avait effectué la démarche dès que la caisse l'y avait invitée alors qu'un délai de 2 mois s'est écoulé avant que [Z] [U] ne transmette sa demande.

En outre, la CAF du Rhône relève que [Z] [U] ne détaille pas le montant de son préjudice financier.

Sur le préjudice moral, la CAF du Rhône fait valoir que le courrier adressé à [Z] [U] au sujet du RSA portant sur le droit à un accompagnement social et professionnel se borne à rappeler les dispositions législatives prévoyant l'obligation de rechercher un emploi. Néanmoins, l'accompagnement étant personnalisé, il ne s'agit pas d'une injonction à travailler. Par ailleurs, la caisse estime que [Z] [U] ne se trouvait pas dans une impossibilité totale de travailler puisque la CDAPH avait uniquement reconnu une restriction substantielle et durable pour se procurer un emploi.

La CAF du Rhône affirme que [Z] [U] ne démontre pas l'existence et le montant de ce préjudice moral.

À cet égard, le passage de la perception de l'AAH au versement d'une pension de retraite est facilité par la législation, en prévoyant une automaticité. Ce mécanisme ne peut fonctionner qu'à la condition d'un échange d'informations entre la CAF et la CARSAT.

À ce titre, la circulaire CNAV-CAF n°2020-26 du 13 juillet 2020 prévoit que " les CAF signalent aux caisses de retraite, les bénéficiaires d'AAH qui atteignent l'âge légal de départ à la retraite, pour obtenir des informations sur leur régime d'affiliation et leurs droits à la retraite ". La circulaire précise que " pour fiabiliser les carrières des assurés en amont de l'attribution de la retraite, la CAF effectue le premier signalement deux ans et demi (30 mois) avant l'âge légal de départ à la retraite. (…) La caisse de retraite procède à la reconstitution de la carrière de l'assuré et informe la CAF dans les meilleurs délais ". " Pour déclencher l'instruction de la demande de retraite, la CAF transmet un deuxième signalement, quatre mois minimum avant l'âge légal de départ à la retraite, qui a pour objectif de déclencher l'instruction de la demande de retraite personnelle. Ce signalement déclenchera une substitution automatique à l'âge légal de la retraite ".

Ensuite, l'article D. 351-1-13 du code de la sécurité sociale impose à la CARSAT d'informer l'assuré de l'attribution automatique de la retraite.

Contrairement à ce qui est soutenu par [Z] [U], la seule obligation légale repose donc sur la CARSAT et non sur la CAF.

Les obligations de la CAF du Rhône consistaient uniquement à informer la CARSAT de la situation de [Z] [U] 30 mois avant qu'elle n'atteigne l'âge légal de départ à la retraite puis 4 mois avant cette date.

[Z] [U] affirme que la CAF du Rhône n'a pas respecté cette obligation. Il doit donc être relevé qu'une circulaire n'a pas de valeur juridique et ne peut donc constituer le fondement d'une responsabilité devant le tribunal judiciaire.

De plus, [Z] [U] ne démontre pas que la CAF du Rhône ait commis un manquement en n'effectuant pas ces deux signalements auprès de la CARSAT, de sorte que le tribunal judiciaire n'est pas en mesure de déterminer avec certitude que la faute n'ait pas été commise par la CARSAT. [Z] [U] n'ayant pas attrait cette dernière à la cause, la position de la CARSAT n'est pas connue.

Il peut être souligné que le médiateur de la CAF du Rhône n'a pas reconnu une telle erreur de la part de sa caisse mais il exprime un propos nuancé et hypothétique en indiquant " je vous prie de nous excuser si un manque d'informations a eu lieu de nos services sur la démarche à effectuer avant vos 62 ans ". Il n'affirme pas qu'une faute a été commise.

En outre, [Z] [U] reproche à la CAF du Rhône de ne pas l'avoir informée qu'elle devait déposer une demande de retraite, comme cela peut parfois être effectué pour des assurés. Cependant, il ne s'agit pas d'une obligation légale. Au contraire, la CAF du Rhône avait connaissance du mécanisme d'automaticité prévu par la législation ; l'information devait provenir de la CARSAT.

[Z] [U] considère également que la CAF du Rhône a commis une erreur en l'orientant vers le RSA. Or, la caisse lui a seulement proposé une solution pour obtenir des ressources alors même que [Z] [U] faisait état de sa situation de précarité suite à la suppression du versement de l'AAH. Elle pouvait décider de ne pas solliciter cette prestation.

S'agissant de l'obligation de rechercher un emploi, dans le cadre du dispositif de RSA, [Z] [U] pouvait interroger la CAF du Rhône pour savoir si cela constituait une obligation incontournable. En s'abstenant de questionner la caisse, elle ne peut pas lui reprocher un manquement. Le courrier transmis par la caisse se contente de rappeler des dispositions législatives.

Sur l'indu de RSA, la CAF du Rhône a été contrainte de le notifier à [Z] [U] car celle-ci n'avait pas déclaré le versement effectué par la CARSAT au titre des 3 premiers mois de pension de retraite. La CAF du Rhône a minoré ses droits au RSA conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale et aucune faute ne peut être retenue à son égard.

Il ne revenait pas davantage à la CAF du Rhône de l'informer qu'un tel indu était prévisible puisque [Z] [U] n'a pas posé de question à la caisse pour se renseigner quant aux conséquences de la perception prochaine d'une pension de retraite.

Enfin, l'absence de ressources de [Z] [U] pendant plusieurs mois n'est pas la conséquence d'une faute de la CAF du Rhône mais est inhérente au délai de traitement des demandes déposées par [Z] [U] : la demande de retraite a été effectuée plus d'un mois après qu'elle y ait été invitée par la caisse et la demande de RSA a nécessité un délai de 2 mois après l'invitation de la CAF du Rhône. Si plusieurs documents et pièces justificatives devaient être transmis, [Z] [U] ne justifie de la difficulté à constituer son dossier, ce qui aurait nécessité de tels délais.

Dans ces conditions, aucune faute de la CAF du Rhône n'est démontrée par [Z] [U].

En conséquence, la demande formée par [Z] [U] sera rejetée.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, [Z] [U] sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Sur l'exécution provisoire

Aux termes du premier alinéa de l'article R. 142-10-6 du code de procédure civile, le tribunal peut ordonner l'exécution par provision de toutes ses décisions.

En l'espèce, l'ancienneté du litige justifie que l'exécution provisoire soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en dernier ressort,

Rejette la demande formée par [Z] [U] au titre des dommages-intérêts ;

Condamne [Z] [U] aux entiers dépens de l'instance ;

Ordonne l'exécution provisoire.

LA GREFFIERELE PRÉSIDENT

Florence ROZIERMartin JACOB


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00412
Date de la décision : 12/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-12;23.00412 ?
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