La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°21/06480

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 c, 06 juin 2024, 21/06480


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 21/06480 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WFQX

Jugement du 06 Juin 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
la SELARL ACTIVE AVOCATS - 896
la SELARL ISEE - 228






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 06 Juin 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement contradict

oire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 09 Octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 08 Février 2024 devant :

Delphine SAILLOFEST, Président,
siégeant en ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 21/06480 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WFQX

Jugement du 06 Juin 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
la SELARL ACTIVE AVOCATS - 896
la SELARL ISEE - 228

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 06 Juin 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 09 Octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 08 Février 2024 devant :

Delphine SAILLOFEST, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Monsieur [W] [L]
né le 09 Avril 1950 à [Localité 4] (TUNISIE),
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Valérie MOULIN de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocats au barreau de LYON

Madame [K] [M] épouse [L]
née le 11 Avril 1952 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Valérie MOULIN de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.C.C.V. M3 SUD CONFLUENCE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Yann GUITTET de la SELARL ISEE, avocats au barreau de LYON
EXPOSE DU LITIGE

Selon acte authentique du 10 janvier 2017, Monsieur [W] [L] et son épouse Madame [K] [M] ont acquis en l’état futur d’achèvement au sein de l’ensemble immobilier dénommé [Adresse 6] sis à [Localité 3], un appartement de type T1 et un appartement de type T2.

Le délai de livraison était fixé au deuxième trimestre 2018.

La livraison de l’appartement A 503 est intervenue le 1er octobre 2019 et celle de l’appartement A 904 a eu lieu le 2 avril 2019.

Compte tenu du report de la date de livraison des appartements, des protocoles d’accord ont été régularisés avec le promoteur vendeur la SCI M3 SUD CONFLUENCE en date du 5 avril 2019 et des indemnités forfaitaires ont été versées.

Les époux [L] ont ainsi obtenu le paiement d’une indemnité de 2000 euros en ce qui concerne l’appartement A 503 et 2500 euros en ce qui concerne l’appartement A 904.

Considérant que la SCI M3 SUD CONFLUENCE n’a pu obtenir la régularisation de ces deux protocoles qu’en raison du vice de leur consentement, les époux [L] lui ont donné assignation devant le tribunal judiciaire de LYON par exploit du 28 septembre 2021.

Dans le dernier état de leurs écritures notifiées le 10 février 2023, Monsieur [W] [L] et son épouse Madame [K] [M] sollicitent qu’il plaise :

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
Vu les articles 1130, 1131, 1137, 1217, 1609 et 1611 du Code Civil,
Vu les articles 2044 du code civil et suivants,
Vu les pièces versées au débat,
Vu la jurisprudence,

DECLARER recevables et fondées les demandes de Monsieur et Madame [L],
DEBOUTER la société SCCV M3 SUD CONFLUENCE de l’ensemble de ses demandes,

A titre principal,
DECLARER que le consentement de Monsieur et Madame [L] a été vicié,
CONSTATER que les deux protocoles transactionnels ne comportent pas des concessions réciproques,
DECLARER que la SCCV M3 SUD CONFLUENCE a manqué à son obligation de délivrance conforme,
DECLARER nuls les protocoles d’accord régularisés par les parties,
CONDAMNER la SCCV M3 SUD CONFLUENCE à verser à Monsieur et Madame [L] la somme de 28 225 euros en indemnisation du préjudice subi du fait du retard de livraison des appartements A 503 et A 904,

A titre subsidiaire,
DECLARER que la société SCCV M3 SUD CONFLUENCE a commis une faute engageant sa responsabilité,
CONDAMNER la société SCCV M3 SUD CONFLUENCE à indemniser Monsieur et Madame [L] du préjudice subi,
CONDAMNER la société SCCV M3 SUD CONFLUENCE à verser à Monsieur et Madame [L] la somme de 7 795 euros,
CONDAMNER la société SCCV M3 SUD CONFLUENCE à verser à Monsieur et Madame [L] la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la même aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL ACTIVE AVOCATS, représentée par Maître Valérie MOULIN.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 10 mai 2023 la SCI M3 SUD CONFLUENCE sollicite qu’il plaise :

DEBOUTER Monsieur [W] [L] et Madame [K] [L] née [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
REJETER la demande d’exécution provisoire, et à défaut l’assortir d’une garantie réelle ou personnelle d’un montant correspondant aux condamnations qui viendraient à être prononcées à l’encontre de la SCCV M3 SUD CONFLUENCE,
CONDAMNER Monsieur [W] [L] et Madame [K] [L] née [M] à payer à la SCCV M3 SUD CONFLUENCE une somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [W] [L] et Madame [K] [L] née [M] aux entiers dépens de procédure.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 9 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité des deux protocoles du 5 avril 2019

L’article 2044 du code civil dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Sur la nullité pour vices du consentement

En vertu de l’article 1130 du code civil l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »

L’article 1131 du code civil précise que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat.

L’article 1137 du même code énonce que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Les demandeurs sollicitent à titre principal la nullité des deux protocoles d’accord régularisés avec la société M3 SUD CONFLUENCE, pour vice du consentement. Ils soutiennent que la société M3 SUD CONFLUENCE a procédé à des manœuvres dolosives afin de les contraindre à signer les deux protocoles ; qu’ils ne les auraient jamais signés ou n’auraient à tout le moins jamais accepté ces indemnisations s’ils avaient su qu’ils ne prendraient possession des lots que le 7 août 2019 pour le lot A904 et le 1er octobre 2019 pour le lot A503 et s’ils avaient eu connaissance de leur état réel.

En ce qui concerne l’appartement A904, les époux [L] connaissaient nécessairement son état lors de la signature du protocole le 5 avril 2019 puisqu’ils ont régularisé « un procès-verbal de remise des clés » le 2 avril 2019 après visite et état contradictoire des lieux. Si la clé a pu être conservée par le promoteur vendeur le temps de la levée des réserves et qu’elle a finalement été remise le 7 août 2019, il n’en demeure pas moins que les acquéreurs avaient connaissance de son état au jour de la signature du protocole.

Les demandeurs font grief à la société M3 SUD CONFLUENCE d’avoir acté un achèvement au 21 décembre 2018 alors que les travaux n’ont été réceptionnés avec réserves par les entreprises que le 29 mars 2019.

Outre le fait que l’attestation d’achèvement des travaux datée du 21 décembre 2018 émane du maître d’œuvre d’exécution la société CARDINAL REALISATION, il n’y avait rien de mensonger à déclarer l’ouvrage achevé à cette date puisqu’il s’agit de l’achèvement au sens de l’article R261-1 du code de la construction et de l’habitation. L’existence de réserves à livraison ou à réception ne remet pas en cause l’achèvement de l’immeuble et son habitabilité.

Monsieur et Madame [L] ne versent aucune pièce de nature à établir que le promoteur vendeur aurait cherché à dissimuler la gravité et la date du dégât des eaux survenu au lot A503 pour éviter qu’ils refusent de payer le solde du prix alors que le lot A503 n’était pas livré le 02 avril 2019. La mention du procès-verbal de réception : « 16-MENUISERIES INTERIEURES-SLMEF changer huisserie et porte gorgée d’eau suite à dégât des eaux » ne fait pas en effet la démonstration de ce que le promoteur vendeur leur a fait croire qu’il s’agissait d’un petit dégât des eaux survenu dans la nuit du 1er au 2 avril 2019, alors qu’il était antérieur au 29 mars 2019 et qu’il était d’importance. 

Aucune pièce versée au débat n’établit par ailleurs que l’acquisition d’un troisième lot A 1104 au sein du même programme immobilier, projetée par les consorts [L], était conditionnée à la signature des deux protocoles litigieux, laquelle aurait donc été contrainte.

Il s’ensuit que Monsieur et Madame [L] échouent à démontrer que la société M3 SUD CONFLUENCE s’est livrée à des manœuvres dolosives les ayant déterminés à signer les protocoles litigieux et que partant leur consentement a été vicié.

La demande de nullité pour vice du consentement ne peut donc prospérer. Elle sera rejetée.

Sur la nullité pour absence de contrepartie

L’article 1169 du code civil dispose qu’un contrat à titre onéreux est nul, lorsqu’au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire.

Monsieur et Madame [L] demandent à entendre annuler les deux protocoles pour absence de réelles concessions réciproques. Ils soutiennent à cette fin que les retards ne sont que partiellement justifiés comme le reconnaît la société M3 SUD CONFLUENCE, qu’ils étaient de presque 12 mois à la date des protocoles eu égard au délai de livraison annoncé dans l’acte authentique et que l’indemnité proposée correspondait à un peu plus de deux mois de loyers pour le lot A503 et à un mois et demi de loyers pour le lot A904.

Or, il apparaît que l’indemnité transigée correspond précisément à l’indemnisation des acquéreurs pour la période durant laquelle le promoteur vendeur n’aurait pas été en mesure de justifier d’un retard de livraison par des causes légitimes de suspension du délai de livraison telles que prévues contractuellement au cahier des charges des ventes du 21 juillet 2016.

Dans ces conditions, les indemnités allouées à hauteur de 2 000€ pour l’appartement A503 et de 2 500€ pour l’appartement A904 ne constituent pas une contrepartie illusoire ou dérisoire.

Partant, la demande de nullité des protocoles pour absence de réelles concessions réciproques ne saurait prospérer. Elle sera rejetée.

Sur la responsabilité contractuelle du promoteur vendeur pour le retard de livraison

En vertu de l’article 1217 du code civil la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L’article 1609 du code civil dispose que la délivrance doit se faire au lieu où était, au temps de la vente, la chose qui en a fait l’objet, s’il n’en a été autrement convenu.

L’article 1611 du même code énonce quant à lui que dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

En ne respectant pas le délai de livraison postérieurement à la signature des protocoles, il est indéniable que la société M3 SUD CONFLUENCE a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle envers les époux [L].

Le préjudice qu’ils ont subi du fait de la faute du promoteur vendeur ne correspond cependant qu’à une perte de chance de percevoir les loyers et non pas à une perte effective du montant des loyers. L’indemnisation d’une perte de chance ne peut en effet se confondre avec la réalisation de l’évènement escompté.

Sur la base des estimations produites émanant de deux agences immobilières, le loyer mensuel escompté pour le lot A503 s’élève à un montant de l’ordre de 945€ et celui pour le lot A904 à un montant de l’ordre de 1325€.

Il convient d’évaluer cette perte de chance à environ 65% du montant de ces loyers, soit :

- pour le lot A503, une indemnisation de 614€ (945 x 65 :100) x 6 mois (entre le 2 avril 2019 et le 30 septembre 2019, date de remise effective des clés), soit 3 684€,
- pour le lot A904, une indemnisation de 861€ (1 325 x 65 :100) x environ 4 mois (entre le 2 avril 2019 et le 07 août 2019, date de la remise effective des clés), soit 3 444€.

La société M3 SUD CONFLUENCE sera condamnée à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 7 128€ (3 684€ +3 444€). Il n’y a pas lieu de déduire de cette somme celle de 4 500€ déjà versée, puisque cette indemnité réparait le préjudice lié au retard de livraison avant la signature des protocoles le 2 avril 2019.

Sur les demandes accessoires

La société M3 SUD CONFLUENCE, qui succombe, sera condamnée aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Valérie MOULIN, avocat sur son affirmation de droit, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile, et à payer la somme de 2 000€ aux époux [L] en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire est de droit. Il n’a pas lieu de l’assortir d’une garantie réelle ou personnelle d’un montant correspondant aux condamnations prononcées à l’encontre de la SCCV M3 SUD CONFLUENCE. Cette demande sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

REJETTE la demande tendant à entendre prononcer la nullité des deux protocoles d’accord du 2 avril 2019 ;

CONDAMNE la société M3 SUD CONFLUENCE à payer à Monsieur [W] [L] et Madame [K] [M] la somme de 7 128€ ;

CONDAMNE la société M3 SUD CONFLUENCE aux dépens ;

AUTORISE Maître Valérie MOULIN à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société M3 SUD CONFLUENCE à payer à Monsieur [W] [L] et Madame [K] [M] la somme de 2 000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

REJETTE le surplus des demandes.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, Mme SAILLOFEST, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le Greffier Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 c
Numéro d'arrêt : 21/06480
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;21.06480 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award