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14/05/2024 | FRANCE | N°19/12217

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 c, 14 mai 2024, 19/12217


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 19/12217 - N° Portalis DB2H-W-B7D-URW5

Jugement du 14 Mai 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-
RINCK - 719
la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL - 666





REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab

03 C le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 10 Janvier 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 03 Octobre 2023 devant :

Delphine SAILLOFE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 19/12217 - N° Portalis DB2H-W-B7D-URW5

Jugement du 14 Mai 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-
RINCK - 719
la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL - 666

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 10 Janvier 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 03 Octobre 2023 devant :

Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Julien CASTELBOU, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

Société civile SOCIÉTÉ POUR LA PERCEPTION DE LA RÉMUNÉRATION ÉQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE - SPRE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 3]

représentée par Maître Sandrine MOLLON de la SELARL CABINET RATHEAUX SELARL, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Jean MARTIN, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

DEFENDERESSE

S.A.R.L. PATA [Localité 4],
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 4]

représentée par Maître Stéphane CHOUVELLON de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Lucie WALKER, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)

EXPOSE DU LITIGE

La société PATA [Localité 4] exploite à [Localité 4] (05) un établissement de restauration à l’enseigne [5]. Elle y diffuse de la musique pour l’agrément de la clientèle et de son personnel.

Faute de paiement de la rémunération due au titre de cette diffusion, la Société Pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes, ci-après dénommée la SPRE, a déposé une requête en injonction de payer devant le tribunal de commerce de Gap.

Par ordonnance en date du 13 novembre 2018, signifiée le 2 janvier 2019, le président du tribunal de commerce de Gap a enjoint à la société PATA [Localité 4] de payer à la SPRE la somme de 2 633,56 € en principal, 263€ au titre des frais accessoires outre la somme de 100€ en application de l’article 700 du code procédure civile.

Saisi sur opposition à cette ordonnance d'injonction de payer formée par la société PATA [Localité 4], le tribunal de commerce de GAP s'est déclaré incompétent par jugement du 4 octobre 2019 et s’est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Lyon.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 4 octobre 2021, la SPRE sollicite qu'il plaise:

Vu les articles L. 331-1 et 214-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle,
Vu les décisions réglementaires du 5 janvier 2010 et du 30 novembre 2011,

1- Juger la société PATAGAP débitrice de la rémunération prévue par l’article L214-1 du code de la propriété intellectuelle au titre de l’exploitation de l’établissement [5] situé [Adresse 1] à [Localité 4],

2- Condamner la société PATAGAP à verser à la SPRE la somme de 4 081,73 € due à la date du 31 janvier 2021,

3- Condamner la société PATAGAP à payer à la SPRE la somme de 3 500 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

4- Prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 3 mai 2021, la société PATA [Localité 4] sollicite qu'il plaise :

Vu les articles 73 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 82 et suivants du Code de Procédure Civile,
Vu l’article L 331-1 alinéa 1er du Code de la Propriété Intellectuelle
Vu l’article 378 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles L 214-1 et L 214-5 du Code de la Propriété Intellectuelle,

Rétracter l’Ordonnance d’injonction de payer entreprise,
Dire prescrites les demandes de la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes pour la période de juin 2013 à mai 2014,
Débouter la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Dans tous les cas,

Condamner la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes à payer à la Société PATA [Localité 4] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription partielle de la demande de la SPRE

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La société PATA [Localité 4] excipe d'une fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en paiement de la société SPRE pour les sommes réclamées antérieures au 9 novembre 2013, considérant que le point de départ de la prescription quinquennale se situe au 9 novembre 2018, date à laquelle la requête en injonction de payer est parvenue au tribunal.

En application de l’article 2224 du code civil, la prescription applicable aux réclamations de la SPRE commence à courir à partir du moment où elle dispose des éléments pour calculer sa créance.

En l’espèce, la SPRE a émis une note de débit le 28 octobre 2013 pour une période de droits comprise entre le 1er juin 2013 et 31 mai 2014.

Au 28 octobre 2013, la SPRE connaissait donc les éléments lui permettant de procéder au calcul de sa créance envers la société PATA [Localité 4] pour la période susmentionnée. Elle disposait donc d’un délai de 5 ans à compter de cette date pour former sa réclamation, ce délai expirant le 28 octobre 2018.

En saisissant le tribunal d’une requête en injonction de payer le 9 novembre 2018, la SPRE a agi hors délai.

Il s’ensuit qu’elle est prescrite pour la période de droits comprise entre le 1er juin 2013 et le 31 mai 2014. Elle n’est donc pas recevable à réclamer le paiement de la somme de 406, 75€ telle que portée sur sa note de débit (pièce n°10).

Sur le bien-fondé de l'action

L'article L214-1 du code de la propriété intellectuelle confère une autorisation légale aux utilisateurs de phonogrammes pour en faire une communication au public, à laquelle les titulaires des droits voisins d'artistes interprètes et producteurs de phonogrammes du commerce ne peuvent s'opposer, en contrepartie du versement d'une rémunération dite rémunération équitable.

En vertu de l'article L214-5 du code de la propriété intellectuelle cette licence légale fait l'objet d'une gestion collective obligatoire par un organisme de gestion collective. La SPRE est un organisme de gestion collective des droits voisins du droit d'auteur des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes prévu par l'article L214-5.
La SPRE a pour objet de percevoir et de répartir entre les ayants droit la rémunération équitable destinée aux artistes-interprètes et aux producteurs de phonogrammes utilisés.

L'article L214-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit que le barème de cette rémunération est fixé en commission paritaire par voie de décision règlementaire.

Le barème applicable en l'espèce à l'activité de café-restaurant de l'établissement PATA [Localité 4] est fixé par la décision règlementaire du 30 novembre 2011. En application de ce barème, les établissements assujettis sont redevables d'une somme déterminée en fonction du nombre de places assises de l'établissement et du nombre d'habitants de la ville dans laquelle il est situé (à défaut de connaître le nombre de places, l'établissement peut être facturé selon la tranche « 31-60 places »).

Il est établi et non contesté par la défenderesse qu’elle ne s’est jamais acquittée de la rémunération équitable due au titre de la diffusion de musique.

La société PATA [Localité 4] conteste la créance de la SPRE aux motifs de l'absence des mentions légales obligatoires sur les notes de débit émises et de l'absence de fondement aux pénalités et frais de recouvrement réclamés.

Sur l'irrégularité alléguée des notes de débit de 2014 à 2018

Vu les articles L214-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;

Soutenant qu’il n’existe pas de prescriptions légales quant aux mentions que doivent contenir les notes de débit, la société PATA [Localité 4] considère qu’elles s’apparentent à des factures au sens de l’article L441-3 du code de commerce et qu’à ce titre elles doivent mentionner le prix unitaire hors TV des produits vendus ou des services rendus, la date de la vente ou de la prestation de services, la quantité et la dénomination des produits ou services, la date d’échéance et les pénalités en cas de retard. Elle ajoute que les notes de débit émises par la SPRE font mention d’« un contrat », alors qu’aucun contrat ne les lie. Elle en conclut que les réclamations de la SPRE sont opaques et doivent en conséquence être rejetées.

La SPRE poursuit le recouvrement d’une créance fondée sur une licence légale et un barème règlementaire. L’argument tenant à comparer les notes de débit de la SPRE à des factures au sens du code de commerce pour lui en imposer les mentions obligatoires s’avère donc inopérant. De même que celui tenant à la mention « d’un contrat » dans les notes de débit, qui correspond semble-t-il à une référence interne de la SPRE et qui, au vu des mentions portées tant au recto qu’au verso des notes de débit (pièces n°10 à 18 demandeur), n’est pas de nature à induire la société PATA [Localité 4] en erreur.

En effet, chaque note de débit comporte la mention de :

- l’objet de la facture : la rémunération équitable prévue par l’article L214-1 du code de la propriété intellectuelle, destinée à rémunérer les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes,
- la cause de la dette et sa qualité de débiteur du fait qu’elle communique des phonogrammes au public, sa clientèle,
- l’origine légale de la créance, qui est la contrepartie du droit de diffuser des phonogrammes auprès de sa clientèle, sans autorisation préalable,
- la fixation réglementaire de cette rémunération,
- la période couverte par chaque facture, ainsi que son montant,
- la date d’échéance du règlement.

A la lecture de chaque note de débit, la société PATA [Localité 4] a également été informée de l’application d’une pénalité de retard et de ses modalités de calcul, ainsi que de frais de recouvrement en cas de non-paiement dans les délais.

En outre, chaque note de débit contient les coordonnées d’un « contact pour toute précision ».

Les notes de débit émises par la SPRE ne recèlent donc pas d’irrégularités.

Sur l'absence de fondement des pénalités de retard et des frais de recouvrement

La société PATA [Localité 4] soutient encore que la SPRE n’est pas fondée à réclamer des pénalités de retard et des frais de recouvrement en application de l’article L441-6 ancien devenu L441-10 du code de commerce aux motifs que la SPRE n’est pas vendeur professionnel, que le montant de 10% ne figure pas dans ses conditions générales de vente, inexistantes et sur ses notes de débit.

Il est cependant de droit constant que les dispositions susvisées du code de commerce s’appliquent à toute activité économique pour les besoins professionnels et ce, sans qu’il soit nécessaire qu’elles figurent aux conditions générales.

Or, il n’est pas contesté que la société PATA [Localité 4] bénéficie des prestations fournies par les artistes interprètes et les producteurs de phonogrammes pour son activité professionnelle dont la contrepartie est le versement de la rémunération équitable instaurée par l’article L214-1 du code de la propriété intellectuelle et dont la SPRE, qui regroupe les titulaires des droits bénéficiaires, assure la perception.

Les notes de débit produites au débat mentionnent l’existence de pénalités de retard, outre une indemnité forfaitaire de 40€ automatiquement exigible (article L441-6).

Le verso des notes de débit les plus récentes comporte plus précisément la mention suivante :
« NON-PAIEMENT DANS LES DELAIS
Le non-paiement des sommes exigibles dans le délai indiqué au recto entraînera l'application d'une pénalité calculée en multipliant la somme par 3 fois le taux d'intérêt légal en vigueur au jour d'émission de la présente. Le calcul de cette pénalité s'effectuera par périodes successives de 183 jours. La pénalité afférente à la premiere période de 183 jours, c'est-à-dire celle suivant immédiatement la date à laquelle le paiement aurait dû intervenir, ne pourra être inférieure à une somme représentant 10% du montant des droits exigibles.
En outre, le non-paiement des sommes exigibles dans le délai indiqué au recto entraînera l'exigibilité d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros, sans préjudice de l'indemnisation des autres dépenses éventuellement engagées. ».

La SPRE est donc fondée à réclamer des pénalités de retard et l’indemnité pour frais de recouvrement.

Sur le montant de la créance de la SPRE

La SPRE justifie d’une créance actualisée au 31 janvier 2021 (pièce n°4) de 3 445, 06€, déduction faite d’un avoir de 2, 59€ (pièce n°9) au titre de la rémunération de l’article L214-1 du code de la propriété intellectuelle, à laquelle s’ajoute 276, 67€ de pénalités de retard.
L’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement sera ramenée à 40€ dès lors que la SPRE ne justifie que d’une seule mise en demeure adressée en lettre recommandée chaque année.

Le montant total de la créance de la SPRE s’élève donc à la somme de 3 761, 73€ de laquelle il convient de déduire la somme de 406, 75€, prescrite. La société PATA [Localité 4] sera donc condamnée à payer à la SPRE la somme de 3 354, 98€.

Sur les demandes accessoires

La société PATA [Localité 4], qui succombe, sera condamnée aux dépens et à payer à la SPRE une juste indemnité de 2 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire, compatible avec la nature de l’affaire, sera ordonnée, compte tenu de l’ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

DECLARE la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce - SPRE irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 406, 75€ au titre de sa note de débit émise le 28 octobre 2013 ;

CONDAMNE la société PATA [Localité 4] à payer à la SPRE la somme de 3 354, 98€ ;

CONDAMNE la société PATA [Localité 4] aux dépens ;

CONDAMNE la société PATA [Localité 4] à payer à la SPRE la somme de 2 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, Mme SAILLOFEST, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 c
Numéro d'arrêt : 19/12217
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;19.12217 ?
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