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14/05/2024 | FRANCE | N°19/00072

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 c, 14 mai 2024, 19/00072


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 19/00072 - N° Portalis DB2H-W-B7C-TPKK

Jugement du 14 Mai 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Me Guillaume BELLUC - 659
Maître Alexia CONVERSET de la SELARL RC AVOCATS - 1519






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab

03 C le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 15 Novembre 2021, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 09 Janvier 2024 devant :

Marc-Emmanuel GO...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 19/00072 - N° Portalis DB2H-W-B7C-TPKK

Jugement du 14 Mai 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Me Guillaume BELLUC - 659
Maître Alexia CONVERSET de la SELARL RC AVOCATS - 1519

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 15 Novembre 2021, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 09 Janvier 2024 devant :

Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [J] [S],
demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]

représenté par Maître Alexia CONVERSET de la SELARL RC AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

Association LA SALESIENNE, dénommée Lycée privé [5],
prise en la personne de son représentant légal
domiciliée [Adresse 2] - [Localité 6]

représentée par Maître Guillaume BELLUC, avocat au barreau de LYON

Un contrat de maîtrise d’œuvre de conception et de réalisation a été passé le 22 juillet 2014 entre l’association OGEC LA SALESIENNE DU LYCEE [5] et les architectes [J] [S] et [U] [T] en vue de la restructuration et la mise en conformité du bâtiment B du lycée [5] situé à [Localité 6].

Par courrier recommandé du 9 décembre 2016, l’association LA SALESIENNE a notifié à Monsieur [S] la résiliation de son contrat pour défaut d’accomplissement des diligences sollicitées par courrier du 26 octobre, à savoir « finaliser pour le 16 novembre 2016 le traitement de la fin des travaux, notamment le traitement des DGD, ainsi que faire parvenir son solde d’honoraires » ; elle considère ses honoraires « comme soldés ».

Par courrier recommandé du 18 mars 2017, Monsieur [J] [S] a mis en demeure l’association LA SALESIENNE de lui payer la somme de 64.478,48€ en règlement de ses prestations d’architecture, portant sur la rénovation du bâtiment B et du bâtiment annexe [7] et la constitution d’un dossier AD’AP.

Par courrier recommandé du 23 mars 2017, l’association LA SALESIENNE a fait part à Monsieur [S] de ses griefs dans l’exécution de son contrat : absence de décompte final des différents lots, absence de dossier des ouvrages exécutés, réserves à lever avant réunion avec la commission de sécurité, abandon de chantier du 17 septembre au 21 octobre 2016, organisation d’une réception auprès des entreprises le 16 septembre 2016 malgré un refus de réception par le maître de l’ouvrage, absence de gestion de problèmes graves tels que la malfaçon de la pose des portes coupe-feu, avis défavorable de la commission de sécurité en 2014 par défaut de déclaration de travaux, absence de transmission des attestations d’assurance.

Par exploit du 27 décembre 2018, Monsieur [S] a donné assignation à l’association LA SALESIENNE devant le tribunal de grande instance en vue du paiement de ses prestations.

Par ordonnance du 15 novembre 2021, le juge de la mise en état a clôturé la procédure et l’affaire a été fixée à l’audience du 2 mai 2023, puis à l’audience du 9 janvier 2024.

Par conclusions notifiées n°2 notifiées le 8 juin 2021, Monsieur [J] [S] demande qu’il plaise :

Vu les articles 1103 et 1231-1 du Code Civil,

CONDAMNER l’association LA SALESIENNE du Lycée [5] à verser à Monsieur [J] [S] la somme de 65.014,48€ au titre de ses honoraires restant impayés à ce jour, outre intérêt au taux légal courant sur la somme de 64.478,48€ à compter de la mise en demeure du 18 mars 2017,
CONDAMNER l’association LA SALESIENNE du Lycée [5] à verser à Monsieur [J] [S] au titre des revalorisations des notes n°9 et 10 jusqu’à leur complet règlement et a minima au montant actuel de 6.506,87 € TTC outre intérêts au taux légal sur la somme de 6.264,42 € TTC à compter de la notification de ses conclusions du 14 septembre 2020,
ORDONNER la capitalisation des intérêts par année entière conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil,
DIRE ET JUGER injustifiée, brutale et abusive la résiliation unilatérale du contrat de maîtrise d’œuvre par l’ASSOCIATION LA SALESIENNE,
CONDAMNER en conséquence l’association LA SALESIENNE du Lycée [5] à verser à Monsieur [J] [S] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire,

ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution,
DEBOUTER l’association LA SALESIENNE de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER l’association LA SALESIENNE du Lycée [5] à verser à Monsieur [J] [S] la somme de 4.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER la même aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [S] fait valoir :
- qu’il demeure 2536 € TTC à régler sur sa note d’honoraires n°6 du 5 décembre 2014 (tranche A du bâtiment B, niveaux 3 et 4)
- qu’il demeure 44.830,80€ TTC à régler de note d’honoraires n°9-7 du 30 décembre 2016 (tranche B du bâtiment B, niveaux 1 à 4)
- qu’il demeure 7503,60€ TTC à régler de note d’honoraires n°10-1 du 30 décembre 2016 (tranche C du bâtiment B, niveaux 1 à 4)
- qu’il demeure 3244,08€ TTC à régler de note d’honoraires n°11-8 du 30 décembre 2016 portant sur la revalorisation de ses notes d’honoraires n°1 à 8, outre 6506,87€ TTC de revalorisation des notes n°9 et 10
- qu’il demeure 6360€ TTC à régler de note d’honoraires n°1 [7] du 30 décembre 2016, conformément à la mission reçue par courriel du 28 mai 2014 pour la constitution du dossier de changement de destination et d’accessibilité PMR, réalisée le 11 mai 2015
- qu’il demeure 540€ TTC à régler de de note d’honoraires n°1 AD’AP du 30 décembre 2016, conformément à la mission reçue par courriel du 16 décembre 2014 en vue d’une demande de délai de mise en conformité aux normes d’accessibilité et réalisée le 24 septembre 2015
- que par courrier recommandé du 26 octobre 2016, l’association LA SALESIENNE a manifesté sa volonté de suspendre les travaux au prétexte de difficultés financières sans faire état de prestations inexécutées
- que la résiliation unilatérale du contrat au motif de l’absence de transmission des notes d’honoraires réclamées le 26 octobre, notifiée sans préavis par lettre recommandé du 9 décembre 2016, est abusive et justifie réparation
- qu’il prouve avoir assuré le suivi du chantier entre le 17 septembre et le 21 octobre, mises à part deux semaines de vacances, malgré les affirmations contraires de l’association, et indique être intervenu auprès des entreprises en vue des finitions comme il a été rapporté à l’association par courriel du 14 décembre 2016
- que les rapports du bureau de contrôle APAVE en dates des 4 et 7 janvier 2017 pointant des anomalies ne lui sont pas opposables au regard de la résiliation antérieure de son contrat ne lui permettant plus d’intervenir, alors qu’auparavant, pour le bâtiment A, il avait obtenu l’avis favorable de la commission de contrôle sécurité, incendie et accessibilité le 18 juin 2015
- qu’au sujet des documents dont l’association lui reproche désormais la rétention : la déclaration de travaux, la déclaration d’intention de travaux et la convocation de la commission de sécurité sont du ressort du maître de l’ouvrage et non du maître d’oeuvre, le permis de construire, le permis de construire modificatif ou la déclaration d’ouverture de chantier n’existent pas car le chantier était soumis à une simple déclaration, les plans d’architecte, les marchés par lots, les attestations d’assurance et le décompte général définitif sont déjà en possession du maître de l’ouvrage ; il admet la rétention du dossier des ouvrages exécutés jusqu’au paiement des honoraires
- que ne lui sont pas imputables le coût de recherche d’un nouveau maître d’oeuvre, qui de surcroît n’a réalisé aucune prestation, ni le coût de conseil en matière de démarches juridiques, ni le coût d’intervention d’un bureau de contrôle supplémentaire
- que les prétendus reports exceptionnels de subventions sollicités auprès de la Région en raison de manquements commis par Monsieur [S] ne sont pas démontrés.

Par conclusions n°2 notifiées le 20 décembre 2021, l’association LA SALESIENNE demande qu’il plaise :

Vu l’article 1353 alinéa 1er du Code civil,
Vu l’article 1134 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016,
Vu le Code de déontologie des Architectes,

JUGER que Monsieur [J] [S] est défaillant dans la remise des documents nécessaires à la poursuite du chantier,
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [J] [S] de sa demande en paiement du solde de ses honoraires,
A titre subsidiaire,
JUGER que le solde des honoraires de Monsieur [J] [S] s’élève à 29.732,84 euros € TTC,
JUGER que Monsieur [J] [S] est débiteur à l’égard de l’OGEC LA SALESIENNE - LYCEE [5] d’une indemnité de 29.732,84 euros € TTC au titre de la réparation de ses défaillances contractuelles,
JUGER que les créances réciproques des parties entreront en compensation,
REJETER le surplus des demandes de Monsieur [J] [S],
En tout état de cause,
CONDAMNER Monsieur [J] [S] à payer à l’OGEC LA SALESIENNE - LYCEE [5] une indemnité de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [J] [S] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Guillaume BELLUC, Avocat, sur son affirmation de droit,
ORDONNER l’exécution provisoire.

Au soutien de ses prétentions, l’association LA SALESIENNE fait valoir :
- que les déclarations de travaux contractuellement décomptés au titre de la tranche A du bâtiment B n’ont pas été établies suffisamment tôt pour permettre leur validation par l’administration avant le démarrage des travaux et que la somme de 12.000€ réclamée à ce titre sur le fondement du contrat d’architecte doit être rejetée
- que les pourcentages d’honoraires n’ont pas lieu d’être revalorisés puisqu’ils ont été établis sur la base d’un montant réel de travaux comme le prévoit le contrat
- qu’elle admet un montant d’honoraires de 6300€ TTC relativement à la [7]
- qu’elle rejette la note d’honoraires relative au dossier AD’AP qui n’a fait l’objet d’aucun accord écrit entre les parties
- que la somme due s’élève donc à 124.616,84€ TTC d’honoraires contractuellement prévus pour le bâtiment B, diminués de 101.184€ d’honoraires versés, soit 23.432,84€ en l’absence de solde restant dû au titre de la tranche A, soit 29.732,84€ une fois ajoutée la dette de 6300€ précitée
- que le contrat passé avec un assistant du maître de l’ouvrage après le départ de Monsieur [S] a été complété par un avenant du 24 mars 2017 comprenant une mission d’assistance dans la conduite de la fin de travaux, justifiant une réclamation compensatrice de ces frais de 6700€ HT
- qu’elle maintient rester en attente depuis la résiliation du contrat, pour les trois tranches du bâtiment B, d’un certain nombre de documents utiles à la poursuite de l’ouvrage par un nouvel homme de l’art : la déclaration de travaux, la déclaration d’intention de travaux, le rapport de la commission de sécurité , le permis de construire, le permis de construire modificatif ou la déclaration d’ouverture de chantier, les plans d’architecte, les marchés par lots, les attestations d’assurance, le décompte général définitif et le dossier des ouvrages exécutés
- que les anomalies relevées par le bureau de contrôle technique le 19 septembre 2016 font obstacle à l’aval de la commission de sécurité et à la délivrance d’un permis de construire pour le futur bâtiment C, ce qui générera un coût de levée de ces anomalies avec l’aide d’un assistant au maître de l’ouvrage
- que les manquements commis avaient donné lieu à rappels à l’ordre par courriers recommandés des 1er mars 2015 (réponse au rapport d’avis défavorable de la commission de sécurité du 3 décembre 2014 relatif au bâtiment B), 26 octobre et 1er décembre 2016 (« finaliser à tous les niveaux la phase actuelle des travaux de la tranche B, en particulier les DGD des différentes entreprises et transmettre le solde des honoraires sous trois semaines ») et le retard occasionné a entraîné la perte de subventions publiques.

MOTIFS

- La rupture abusive du contrat

Il résulte de l’article 1184 ancien du code civil que la condition résolutoire est celle qui, lorsqu’elle s’accomplit, opère la révocation de l’obligation.

L’article 7 du contrat prévoit la possibilité d’une résiliation en cas d’inexécution grave reprochée à l’une des parties après mise en demeure restée sans réponse ou pour tout autre motif légitime.

La résiliation du contrat intervenue le 9 décembre 2016 est fondée sur le défaut de réalisation du « traitement de la fin des travaux, notamment des DGD », et le défaut de transmission du « solde d’honoraires ». Ce courrier se réfère au courrier recommandé du 26 septembre, où ces tâches avaient été demandées pour le 16 novembre, et à des rappels téléphoniques ainsi qu’au courrier recommandé du 1er décembre impartissant un nouveau délai de rigueur expirant le 9 décembre pour « finaliser les travaux liés au gymnase tant au niveau administratif qu’au niveau sécurité ». Même si Monsieur [S] n’a pas satisfait à ces exigences, celles-ci ne se réfèrent pas, au vu du contrat produit au débat, à des obligations contractuelles, notamment en matière de délai d’exécution, de sorte qu’un manquement à ce titre ne peut justifier une résiliation du contrat.

La lettre du 26 septembre, faisant état de l’incertitude de la situation financière de l’établissement et la décision prise en conséquence par le conseil d’administration de « suspendre tous les travaux, en particulier ceux du bâtiment B », autant que celle du 1er décembre 2016, visant des « contraintes importantes », ne font pas davantage état d’un manquement contractuel. Elles ne peuvent donc fonder une décision de résiliation.

Le compte-rendu de contrôle technique du 19 septembre 2016 rapporte un certain nombre d’observations dont le rapport après travaux et le rapport final du 13 janvier 2017 mentionnent en partie la persistance, notamment en matière de sécurité incendie et de conformité des garde-corps, mais la résiliation du contrat survenue entretemps ne permet pas d’en tirer l’argument d’une faute à la charge de Monsieur [S]. Celui-ci produit des courriels de sa part à l’économiste ou aux entreprises intervenantes en date des 29 septembre, 4, 13, 17 octobre 2016, ainsi que des décomptes généraux signés de sa main et de celle de l’économiste mentionnant pour dates de « réception avec le maître d’œuvre » les 7, 17 octobre, 7, « 31 » novembre 2016, attestant qu’il n’est pas resté inactif durant cette période malgré des congés pris en septembre. Par ailleurs, un avis technique négatif du bureau de contrôle technique comme un avis défavorable de la commission de sécurité qui apportent un regard extérieur sur le respect d’un certain nombre de normes ne suffisent pas à caractériser une faute d’exécution du maître d’œuvre.

En conséquence, il ne ressort ni des différents courriers de l’association LA SALESIENNE, ni de ses conclusions dans la présente procédure, qui se réclament essentiellement d’une défaillance postérieure à la résiliation du contrat de Monsieur [S], qu’en sont réunies les conditions juridiques, que ce soit une grave inexécution ayant fait l’objet d’une mise en demeure préalable ou bien un motif légitime. La résiliation fautive de son contrat intervenue le 9 décembre 2016 par l’association LA SALESIENNE conduit le maître d’œuvre à réclamer, outre les honoraires qui lui sont dus en cas de résiliation, de légitimes dommages intérêts à la hauteur du préjudice causé. Monsieur [S], qui fait état d’un préjudice moral découlant d’un décision brutale prise au milieu de ses efforts pour achever le chantier, sera indemnisé à ce titre à hauteur de 5000€.

- Les honoraires de Monsieur [S] relativement à la tranche A du bâtiment B

L’article 1134 ancien du code civil en vigueur à la date de signature du contrat dispose que les obligations légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L’article 7 du contrat du 20 juillet 2014 prévoit qu’une résiliation intervenant de plein droit ou non s’accompagne du paiement immédiat au maître d’œuvre de l’intégralité des honoraires dus, suivant l’état d’avancement de la mission.

Les honoraires prévus pour la tranche A étaient de 102.000€ HT selon montant contractuel prévisionnel, soit 7,5% du montant des travaux pour la maîtrise d’oeuvre et 18.000€ au titre de la mission OPC. Ils s’élèvent à 87.301,48€ TTC selon calcul du montant définitif effectué par l’association LA SALESIENNE. Celle-ci estime notamment ne pas être redevable d’une somme de 12.000€ apparaissant dans le prévisionnel à la rubrique déclaration de travaux (DT), ce que Monsieur [S] ne conteste pas.

L’association LA SALESIENNE a inscrit au compte de Monsieur [S] les notes d’honoraires n°1 à 6 suivantes : 10.764€ le 17 octobre 2013, 15.180€ le 17 avril 2014, 10.980€ le 4 juillet 2014, 5508€ le 17 juillet 2014, 8640€ le 21 octobre 2014 et 4546€ le 5 décembre 2014, soit un total de 55.618€ ; elles apparaissent comme réglées sur un document intitulé « analyse » en date du 12 octobre 2017. Monsieur [S] fait état pour sa part d’un arriéré de 2536€ sur la note n°6 du 5 décembre 2014, mais l’association LA SALESIENNE le conteste en produisant en outre un extrait de son compte fournisseur affichant le paiement d’un acompte de ce montant le 29 décembre 2014. Cette somme de 2536€ est donc tenue pour réglée.

Il s’ensuit que Monsieur [S] a été rempli de ses droits en considération de sa propre facturation au titre de la tranche A, dont le montant de 55.618€ TTC, inférieur à la rémunération à laquelle il peut prétendre selon les calculs de sa débitrice, sera de nature à justifier un report de facturation sur la tranche B.

- Les honoraires de Monsieur [S] relativement à tranche B du bâtiment B

Ils sont de 44.300€ HT selon montant contractuel prévisionnel et 28.889,73€ TTC selon le calcul définitif de l’association LA SALESIENNE. Elle a comptabilisé à ce titre des notes d’honoraires n°7 et 8 de 25.560 et 20.016 € en date des 21 décembre 2015 et 15 juin 2016, et mentionné leur règlement sur le même document « analyse », pour un total de 45.576€ TTC, que Monsieur [S] ne conteste pas et qui, au regard de son montant, ne peut s’expliquer que par le transfert déjà évoqué d’une fraction du coût de la tranche A.

Monsieur [S] demande en sus le paiement de notes d’honoraires sur lesquelles l’association LA SALESIENNE n’apporte pas précisément sa position. Son calcul, sur la base d’un coût final du chantier, d’un montant total d’honoraires de 124.616,84€ TTC pour les tranches A, B et C sur lequel elle fonde sa reconnaissance d’un arriéré de 23.432,84€ TTC, n’est pas reconnu par Monsieur [S] et n’est pas étayé par une démonstration mathématique et comptable de ce coût final. Il ressort du courrier du 26 octobre 2016 que l’association LA SALESIENNE a souhaité que Monsieur [S] achève la tranche B sans passer à la tranche C, conditionnelle, ce qui contribue à alimenter la confusion entre les tranches initialement prévues. Il convient donc d’examiner chacune des notes contestées à l’aune des prévisions du contrat et des réalisations.

Sur la note d’honoraires n°9-7 de 44.830,80€ en ses différentes missions :

Relevés : la somme demandée de 865€ totalise le montant de 6480€ prévu au contrat pour les tranches A et B. N’étant pas contestable au regard des différents griefs nourris par la défenderesse à l’égard de Monsieur [S], elle sera inscrite au crédit de celui-ci.

Etude graphique plan avant-projet définitif : la somme demandée de 1860€ représentant 60% du montant prévu pour la tranche B n’est pas contestable et sera accordée.

Projet : la somme demandée de 12.670 € représente 50% de la somme de 14.700€ prévue pour la tranche B, plus un reliquat de 5320€ sur la somme prévue pour la tranche A ; elle sera accordée.

Déclaration de travaux : la somme demandée de 900€ totalise 57% d’une somme de 12.000 € prévue au contrat et déjà acquittée à hauteur de 50 % par l’association LA SALESIENNE quoiqu’elle conteste devoir cette somme de 12.000€ en critiquant le retard des diligences effectuées ; en l’absence de préjudice clairement exprimé, la somme de 900€ sera accordée.

Spécifications techniques : la somme demandée de 2905 € totalise 3780€, soit 100 % de la somme de 3190 € et 50% de la somme de 1180€ prévues au contrat pour les tranches A et B à la rubrique des études d’exécution ; cette somme sera accordée.

Assistance consultation des entreprises : la somme facturée de 1055€ représente 50% de la somme prévue au titre de la tranche B et sera accordée.

Direction d’exécution : la somme demandée de 3005 € représente 50% de la somme prévue pour la tranche B et sera accordée.

Assistance réception : la somme demandée de 6965€ représente 100% de la somme de 5880€ prévue pour la tranche A et 50% de la somme de 2170€ prévue pour la tranche B ; l’association LA SALESIENNE ne discutant pas la réception de la tranche A, mais indiquant s’être opposée à la réception de la tranche B, ce que confirme l’absence de date de réception par le maître de l’ouvrage sur les « décomptes généraux » cosignés de Monsieur [S] et de l’économiste de la construction, seule la somme de 5880€ sera accordée.

Pilotage OPC : la somme demandée de 7134€ représente 58% de la somme prévue au titre de la tranche B ; rien ne s’oppose à son octroi.

Il en résulte que la somme demandée de 44.830,80€ TTC sera rabattue de (6965-5880 HT) x 1,20 = 1302€ et donc ramenée à 43.528,80€TTC.

Sur la note d’honoraires n°10-1 de 7503,60€ :

Cette note concerne la tranche C pour laquelle Monsieur [S] affirme avoir réalisé des travaux d’études, voire d’exécution, sans pour autant produire les pièces correspondantes ou bien des écrits émanant de tiers confirmant leur existence. La demande sera rejetée à ce titre.

Sur la note d’honoraires n°11-8 de 3244,08€ :

Monsieur [S] fait valoir la clause contractuelle selon laquelle « compte tenu du phasage sur 5 ans le montant des travaux sera actualisé et révisé ; les pourcentages seront calculés sur les nouveaux montants des travaux », tout en produisant le résultat d’un calcul fondé sur l’évolution de l’indice Syntec de valeur de référence 242,2 en octobre 2012. En l’absence de calcul fondé sur des montants réévalués de travaux justifiés par des décomptes ou des factures des entreprises, alors que l’association LA SALESIENNE indique que les paiements des notes n°1 à 8 ont été réalisés sur la base de montants réels qui étaient au contraire inférieurs aux montants prévus, la prétention sera rejetée.

Sur la revalorisation des notes n°9-7 et 10-1 à hauteur de 6506,87€ TTC :

Le montant de la note 10-1 n’a pas été accordé. Le calcul de la revalorisation de la note n°9-7 s’effectue à l’aide de l’indice Syntec de valeurs 242,2 en octobre 2012 et 257,3 en décembre 2016. Il ne s’agit pas du mode de révision contractuellement prévu qui se réfère aux « nouveaux montants de travaux ». La demande sera rejetée.

Sur la note d’honoraires n°1 [7] :

L’association reconnaît, même en l’absence de contrat, devoir 6300€ sur les 6360€ TTC demandés relativement à la déclaration préalable de changement de destination effectuée en juin 2014. La somme de 6300€ TTC sera donc retenue au crédit de l’architecte.

Sur la note d’honoraires n°1 de 540€ AD’AP :

Elle correspond au dépôt, le 24 septembre 2015, auprès des services ministériels, du dossier AD’AP (agenda d’accessibilité programmée). Si elle apparaît comme la suite donnée à l’avis négatif de la commission de sécurité en date du 3 décembre 2014, la demande d’aide émanant de l’intendant du lycée [4] le 16 décembre 2014 pour constituer le dossier ne saurait valoir commande passée par l’association LA SALESIENNE justifiant cette facturation. La demande sera rejetée.

Il en résulte que la demande de paiement d’arriérés d’honoraires se limitera à 43.528,80 + 6300 = 49.828,80 € TTC. Les intérêts légaux courront à compter de la mise en demeure du 18 mars 2017, en application de l’article 1153 ancien du code civil en vigueur au moment de la conclusion du contrat. Les intérêts échus produiront annuellement intérêts par application de l’article 1154 ancien du code civil.

Il convient maintenant d’examiner les défaillances contractuelles de l’architecte alléguées par l’association LA SALESIENNE à hauteur de 29.732,84 euros, de nature à venir en déduction de la somme précédente.

- Le coût de la prestation d’assistance dans la clôture de la mission du maître d’oeuvre

L’association LA SALESIENNE déplore des frais de 6700 € HT engagés pour l’accompagnement des démarches juridiques de résiliation, le classement des documents existants, l’analyse de l’état d’avancement du projet et l’accompagnement dans sa clôture.

Elle produit un courrier en date du 16 novembre 2020 émanant de la société ARPEGE INGENIERIE, signataire d’un contrat d’assistance de maîtrise d’ouvrage en date du 3 janvier 2017, prorogé pour deux mois le 24 mars 2017, décrivant une intervention à partir de mars 2017, sans laquelle il aurait été « extrêmement difficile » pour l’association de finaliser dans les règles de l’art les travaux en raison de « l’étendue des dysfonctionnements constatés dans la conduite de la mission de maîtrise d’œuvre de M. [S] ».

Si ce courrier contribue à établir une situation de fait, que son auteur est intéressé à accentuer pour justifier sa propre intervention, il n’en résulte pas pour autant la preuve d’une faute contractuelle et d’un manquement caractérisé aux règles de l’art de la part de l’architecte, mais plutôt de la gestion difficile des suites d’une résiliation sans prévis de son contrat en phase de finalisation de projet. En l’absence de responsabilité établie de la part de Monsieur [S], aucune indemnité ne saurait être mise à sa charge à ce titre.

- Le préjudice non chiffré résultant du blocage de l’achèvement du chantier en raison de la rétention de certains documents

Monsieur [S] n’admet pas être en possession de documents auxquels l’association LA SALESIENNE n’aurait pas elle-même accès, hormis pour le dossier des ouvrages exécutés qui n’apparait pas comme lui étant nécessaire à court terme et sur lequel il exerce un droit de rétention non sérieusement contesté dans l’attente du paiement de ses honoraires. Se bornant à produire le courrier du 23 mars 2017 faisant état de pièces attendues dont la liste ne coïncide pas avec celle de ses conclusions et un état non daté et non signé mentionnant un état quasi néant de documents en possession de la société ARPEGE INGENIERIE, l’association LA SALESIENNE ne précise pas le préjudice occasionné par la carence de telle ou telle pièce, de nature à justifier une indemnisation dans la limite de la somme globale de 29.732,84 euros précitée. Aucune indemnité ne pourra être octroyée de ce chef.

- Le coût de 3000€ TTC pour l’assistance à la levée des observations du bureau de contrôle technique

Le rapport de la commission préfectorale de sécurité en date du 22 mai 2019 relativement au bâtiment B concerne aussi des travaux à réaliser en phase C. Le rapport de la commission communale de sécurité et d’accessibilité en date du 24 juin 2019 concerne les bâtiments B et C.

Il est produit un devis de contrôle technique de la société QUALICONSULT en date du 1er juillet 2019 pour une somme de 2500€ HT ; au regard de sa date et des pièces précédentes, il n’est pas établi qu’il ne concerne que la tranche B. L’intervention de la société QUALICONSULT ne se limitant pas aux travaux supervisés par Monsieur [S], la demande d’indemnisation faite à ce dernier sur le fondement de ce devis sera rejetée comme n’étant pas justifiée.

- Le préjudice occasionné par les travaux de reprise de ces observations et la perte de subventions

Aucune pièce ne fait état de la reprise des travaux supervisés par Monsieur [S], ni d’une perte effective de subvention pour une raison qui lui est imputable. La demande sera rejetée. Il en résulte que la somme de 49.828,80 € TTC lui sera due totalement.

- Les demandes annexes

L’association LA SALESIENNE qui succombe sera condamnée aux dépens de l’instance et devra s’acquitter envers Monsieur [S] de la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort :

CONDAMNE l’association OGEC LA SALESIENNE DU LYCEE [5] à payer à Monsieur [J] [S] la somme de 49.828,80 € TTC en paiement du solde de ses honoraires, augmentée des intérêts légaux courant à compter de la mise en demeure du 18 mars 2017, avec capitalisation annuelle de ces intérêts,

CONDAMNE l’association OGEC LA SALESIENNE DU LYCEE [5] à payer à Monsieur [J] [S] la somme de 5000€ en indemnisation de la rupture abusive du contrat,

CONDAMNE l’association OGEC LA SALESIENNE DU LYCEE [5] à payer à Monsieur [J] [S] la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’association OGEC LA SALESIENNE DU LYCEE [5] aux dépens de l’instance,

REJETTE toute autre demande,

ORDONNE l’exécution provisoire.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le GreffierLe Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 c
Numéro d'arrêt : 19/00072
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;19.00072 ?
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