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14/05/2024 | FRANCE | N°15/10579

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 c, 14 mai 2024, 15/10579


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 15/10579 - N° Portalis DB2H-W-B67-PULH

Jugement du 14 Mai 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Me Kabaluki BAKAYA - 38
la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK - 719
la SELARL URBAN CONSEIL - 2419





REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Mai 2024 devant la

Chambre 3 cab 03 C le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 10 Octobre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 05 Septembre 2023 deva...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 15/10579 - N° Portalis DB2H-W-B67-PULH

Jugement du 14 Mai 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Me Kabaluki BAKAYA - 38
la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK - 719
la SELARL URBAN CONSEIL - 2419

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 10 Octobre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 05 Septembre 2023 devant :

Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Julien CASTELBOU, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [K] [P] [O]
né le 12 Avril 1967 à [Localité 8] (CAMEROUN),
demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Kabaluki BAKAYA, avocat au barreau de LYON

DEFENDEURS

Syndicat de copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3],
représenté par son syndic en exercice M. [W] [F], domicilié [Adresse 3]

représenté par Maître Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocats au barreau de LYON

Maître [A] [R], membre de la Société Civile Professionnelle [V] [D] et [A] [R],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Guillaume BAULIEUX de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

Madame [Z] [F],
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocats au barreau de LYON

Monsieur [W] [F],
demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocats au barreau de LYON

Monsieur [T] [I],
demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocats au barreau de LYON

Madame [E] [N] [J]
née le 28 Janvier 1947 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Sébastien BOURILLON de la SELARL URBAN CONSEIL, avocats au barreau de LYON

Société VEOLIA EAU,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 6]

défaillante

EXPOSE DU LITIGE

Selon compromis de vente sous-seing privé du 27 novembre 2006, la société SEPRI a cédé à Monsieur [K] [P] [O] et une tierce personne le lot n°8 d'un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis situé [Adresse 3] à [Localité 9] (69). Le 1er mars 2007, un avenant a été régularisé, selon lequel Monsieur [P] [O] se portait désormais seul acquéreur.

En raison de difficultés survenues entre les parties pour la réitération de la vente en la forme authentique, une procédure judiciaire s’est fait jour ayant abouti à un arrêt du 18 novembre 2008 de la cour d'appel de Lyon ayant jugé parfaite la vente intervenue entre Monsieur [K] [P] [O] et la société SEPRI.

L'ensemble immobilier, dont fait partie le lot n°8, a fait l'objet d'un état descriptif de division et règlement de copropriété, établis aux termes d'un acte reçu par Me [A] [R], le 11 mai 2006.

Le règlement de copropriété prévoit que : « les propriétaires pourront sans assemblée générale et en cas de besoin avec autorisation administrative :
-procéder à l'installation de fenêtres de toit,
-réhausser le lot n°8 afin de permettre la construction d'un étage supplémentaire,
-créer des ouvertures. ».

M. [K] [P] [O] a obtenu un permis de construire le 25 octobre 2007 portant sur la surélévation du bâtiment en R+2 et la création de 139,65 m2 de SHON, ce qui lui a permis notamment d'avoir un étage supplémentaire et de faire construire deux balcons.

Par un jugement du 28 avril 2010, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 25 octobre 2007 par lequel le maire de [Localité 9] avait délivré un permis de construire à M. [K] [P] [O] au motif qu'il avait été délivré sans autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires. Cette décision a été confirmée par la cour administrative d'appel.

Par exploit introductif d'instance en date du 27 novembre 2013, M. [K] [P] [O] a fait délivrer assignation à l'encontre de Me [A] [R], notaire, afin d'entendre reconnaître sa responsabilité professionnelle pour défaut d'information et de conseil, du fait de l'annulation du permis de construire.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice M. [U] [F], M. [W] [F] et son épouse Mme [Z] [F], M. [T] [I] et Mme [E] [N] [J] ont assigné le 2 mai 2014 M. [P] [O] devant le tribunal de grande instance de LYON en démolition ou remise en état de la construction litigieuse.

Ces procédures ont été jointes selon ordonnance du juge de la mise en état du 3 juin 2016.

Par jugement du 10 novembre 2020, aujourd'hui définitif, le tribunal judiciaire de LYON a, notamment :
- enjoint à Monsieur [K] [P] [O] à démolir le bâtiment édifié par ses soins sur le lot n°8 de la copropriété du [Adresse 3] à savoir :
-l'extension par l'emprise supplémentaire au sol chiffrée par l'expert judiciaire à 12,
3 m2,
-le réhaussement du bâtiment,
-les deux balcons,
-la modification des ouvertures existantes devant conduire à la remise des lieux dans leur état antérieur à la réalisation des travaux autorisés par le permis de construire annulé et ce, dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 200€ par jour de retard passé ce délai ;

- condamné Maître [A] [R] à payer à Monsieur [K] [P] [O] :
-la somme de 188 968€ TTC en indemnisation du coût de démolition et de reconstruction de son bâtiment,
-la somme de 30 000€ en réparation de son préjudice moral ;

- débouté Monsieur [P] [O] de ses demandes en paiement au titre de la privation d'eau courante potable et au titre des dépenses de procédure.

Alors que la procédure ayant abouti au jugement susvisé était en cours, selon assignation du 30 juillet 2015, Monsieur [P] [O] a fait citer devant le tribunal de grande instance de Céans le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 9] représenté par son syndic en exercice et Maître [A] [R] aux fins, entre autres, d'annulation de la résolution n°5 du procès-verbal de l'assemblée générale du 24 avril 2015 des copropriétaires « en ce qu'elle persiste dans le refus de rebrancher le bâtiment de Monsieur [P] [O] au réseau d'eau potable existant » et de « condamnation du syndicat des copropriétaires à rebrancher le bâtiment de Monsieur [P] [O] au réseau de distribution d'eau potable existant à la date d'acquisition de son bien ».

Par assignation du 24 juillet 2017, Monsieur [K] [P] [O] a également fait citer en intervention forcée Madame [Z] [F], Monsieur [W] [F], Monsieur [T] [I], Madame [E] [N] [J] et la société VEOLIA EAU aux fins de rétablissement du système existant de branchement à l'eau potable et de réparation de son préjudice né de la privation de branchement à l'eau potable.

Ces procédures ont été jointes selon ordonnance du juge de la mise en état du 11 septembre 2017.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 10 mai 2021 Monsieur [K] [P] [O] sollicite qu'il plaise :

Vu les articles 331 et 332 du code de procédure civile
Vu l'article 12 de l'ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015 ayant abrogé l'art. L 111-6 du code de l'urbanisme,
Vu l'article 1 du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen,
Vu l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article. 42 alinéa 2 de la loi n°65-577 du 10 juillet 1965 relative à la copropriété,
Vu le règlement intérieur de copropriété,
Vu les pièces versées aux débats,

Déclarer recevable et bien fondée la demande de monsieur [K] [P],
PRONONCER la jonction de la procédure enregistrée sous le numéro RG 15/10579 à celle objet de l'assignation en intervention forcée délivrée à l'encontre de: Monsieur et Madame [W] et [Z] [F], Monsieur [T] [I], Madame [N] [J] [E] , la société VEOLIA Eau, SCA représentée par ses dirigeants sociaux en exercice,
Vu les articles 331 et 332 du code de procédure civile,

A TITRE PRINCIPAL:
A l'encontre de Monsieur [W] [F], et le Syndicat de copropriété in solidum,
Dire et juger que le fait pour Monsieur [W] [F] d'avoir isolé le logement de Monsieur [K] [P] du réseau commun d'approvisionnement d'eau est constitutif d'une voie de fait et à ce titre d'une faute sanctionnable,
Constater que le refus du syndicat de la copropriété de rebrancher le logement de Monsieur [K] [P], opposé alors même que son logement était déjà équipé du réseau d'approvisionnement d'eau à la date de son acquisition et avant la décision de l'annulation de son permis de construire, est constitutif d'une faute et d'un abus de majorité,
En tout état de cause, dire et juger que les membres de la copropriété, ne peuvent, en violation du principe de la non discrimination, se prévaloir du motif d'annulation du permis de construire de Monsieur [K] [P], alors qu'eux mêmes ont réalisé les travaux affectant l'aspect extérieur de la copropriété dans les mêmes conditions d'absence d'autorisations de l'assemblée générale des copropriétaires,
En conséquence, condamner Monsieur [F] et le syndicat de copropriété au rebranchement du logement de Monsieur [P] au réseau d'approvisionnement d'eau dont il bénéficiait à la date de l'acquisition de son logement,
Les condamner à exécuter in solidum cette décision sous astreinte de 250€ par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement,
Les condamner in solidum au paiement de la somme de 5000€ à titre de dommages intérêts pour privation fautive et arbitraire de Monsieur [K] [P], de son droit d'accès au réseau d'eau dont il bénéficiait à la date d'acquisition de son logement,
A l'encontre de Madame [N] [J] et de Monsieur [T] [I] ,
Les condamner in solidum au paiement de la somme de 3.000€ pour préjudice résultant de leur obstruction à la réalisation des travaux de distribution d'eau au profit de Monsieur [P] et de leur dénonciation infondée à la mairie ayant justifié la suspension des travaux de distribution d'eau au profit de Monsieur [P]. (Pièce n° 14-1 confirmant leur intervention à la mairie)

A TITRE SUBSIDIAIRE:
Autoriser la société VEOLIA EAU SCA à exécuter au profit de Monsieur [K] [P], les travaux d'approvisionnement en eau potable, suspendus à la suite des troubles occasionnés par ses voisins et copropriétaires.
Faire interdiction à Messieurs [F], [I] et Madame [J] [N] de porter atteinte à la bonne réalisation des travaux à entreprendre par VEOLIA EAU SCA;
Assortir cette interdiction d'une astreinte de 500€ par infraction constatée et confirmée par les préposés de VEOLIA EAU SCA,

DANS TOUS LES CAS
Dire et juger que la privation d'approvisionnement en eau endurée par Monsieur [K] [P] a son origine dans les manquements commis par Maître [A] [R], son notaire, pour ne l'avoir pas informé de son obligation légale de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété dont le notaire était par ailleurs membre ; pour avoir inséré dans le règlement de copropriété une clause préjudiciable, incitant les membres à contrevenir à leur obligation légale de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale avant la réalisation des travaux,
En conséquence, le condamner au paiement de la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant des privations matérielles et morales pour manque de réseau pour privation fautive et arbitraire de Monsieur [K] [P], de son droit d'accès au réseau d'eau dont il bénéficiait à la date d'acquisition de son logement,
Le condamner au paiement de la somme de 10.000€ à titre du préjudice résultant d'importantes sommes auxquelles il a été condamné pour les frais irrépétibles au profit de la copropriété et de ses voisins, en rapport avec l'annulation de son permis de construire,
Le condamner enfin au paiement de la somme de 3000€ à titre de frais irrépétibles,
Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant l'appel et sans caution.

Dans le dernier état de leurs écritures notifiées le 29 octobre 2021, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice, Monsieur et Madame [F] et Madame [N] [J] sollicitent qu'il plaise:

Vu le code civil, notamment ses articles 1382, 1141 et 1142,
Vu le code de l’urbanisme, notamment ses article L. 480-13, L.111-12 (L.111-6 ancien)
Vu la loi du 10 juillet 1965, notamment son article 25 b),
Vu l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon n°10LY01779 du 2 mai 2012
Vu le code de procédure civile,
Vu les pièces produites,
Vu le Jugement du Tribunal judiciaire de LYON du 10 novembre 2020 n° RG 14/01889,
DEBOUTER Monsieur [P] [O] de l’ensemble de ses conclusions formulées à l’encontre du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 3] à [Localité 9], Madame [Z] [F], Monsieur [W] [F], Madame [E] [N]-[J] et Monsieur [T] [I] ,
CONDAMNER M. [P] [O] à verser à chacun des exposants la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER M. [P] [O] aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de la SELARL URBAN CONSEIL sur son affirmation de droit.

Dans le dernier état de ses écritures notifiées le 3 mai 2022, Maître [A] [R] sollicite qu'il plaise :

Vu les dispositions de l'article 1240 du Code Civil,

Débouter Monsieur [P] [O] de l'intégralité de ses prétentions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Maître [A] [R],
Condamner Monsieur [P] [O] à payer à Maître [A] [R] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé à l'Officier public du fait de cette nouvelle procédure engagée à son encontre,
Condamner Monsieur [P] [O] à payer à Maître [A] [R] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Le condamner aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Jean-Jacques RINCK, Avocat Associé, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Bien que régulièrement citée, la société VEOLIA EAU n'a pas constitué avocat.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 10 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La demande de jonction sollicitée par Monsieur [P] [O] sera dite sans objet pour avoir déjà été ordonnée par ordonnance du juge de la mise en état du 11 septembre 2017.

Il doit être liminairement observé que les écritures de Monsieur [P] [O] recèlent une ambiguïté certaine puisque les demandes énoncées au dispositif ne correspondent pas à celles contenues dans le corps des conclusions. Ainsi, et notamment, au dispositif des écritures, il est demandé la condamnation in solidum de Monsieur [F] et du syndicat des copropriétaires à titre principal, tandis que dans le corps des écritures, il est demandé à titre principal la seule condamnation de Monsieur [F] et, à titre subsidiaire celle du syndicat des copropriétaires « pour son refus non fondé, de brancher son logement au réseau existant de distribution d'eau, et pour avoir implicitement soutenu et encouragé la décision, abusive de son syndic, [W] [F], d'isoler le logement de l'intéressé du réseau commun de distribution d'eau ». Il est également demandé dans le corps des écritures l'annulation de la résolution n°5 de l'assemblée générale du 24 avril 2015 « en ce qu'elle rejette sa demande de rebranchement au réseau d'eau » ou à défaut, l'autorisation de faire installer par la société VEOLIA un réseau externe de distribution d'eau potable, indépendant du réseau de la copropriété. La demande d'annulation de la résolution n°5 n'est pas reprise au dispositif des écritures. Y est toutefois visé l'abus de majorité qu'aurait commis l'assemblée générale des copropriétaires. La demande de condamnation du syndicat des copropriétaires au rebranchement du logement du requérant au réseau d'approvisionnement d'eau doit nécessairement se comprendre comme une conséquence de l'annulation demandée de la résolution n°5 et sera examinée en conséquence en tant que telle.

Sur les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [F]

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

Vu l'article 1315 dans sa rédaction applicable en la cause ;

Monsieur [P] [O] reproche à Monsieur [F], copropriétaire, actuellement syndic, de l'avoir évincé du système de distribution d'eau ayant existé à la date d'acquisition de son logement. Il soutient que Monsieur [F] a isolé son logement du compteur commun de la copropriété et qu'il a installé, en dehors de toute autorisation du syndicat des copropriétaires, un portail d'accès à la copropriété et aux compteurs de distribution d'eau. Il ajoute, qu'en raison du refus de Monsieur [F] et du syndicat des copropriétaires de voir son logement raccordé à l'eau, il a conclu un contrat de distribution d'eau par voie extérieure à la copropriété avec la société VEOLIA, mais que Monsieur [F] a fait obstacle à l'exécution des travaux par la force physique en affirmant qu'il n'avait pas de droit d'accès à l'eau, contraignant ainsi les ouvriers à quitter les lieux.

Il sera liminairement observé qu'aucune des mentions portées à l'acte de vente de Monsieur [P] [O] ne renseigne sur le raccordement ou non de son logement à l'eau courante.

Monsieur [P] [O] produit à l'appui de ses assertions : « l'état des lieux » réalisé le 22 décembre 2006 par l'association ARIM DU RHONE et visiblement destiné à l'étude d'une demande de prêt à taux zéro. Ce document, qui se présente sous forme de rubriques à renseigner par la mention « oui ou non » mentionne en ce qui concerne la cuisine : « Alimenté en eau potable : oui ». Les investigations techniques ayant conduit à l'établissement d'un tel document demeurent toutefois inconnues.

En dehors de tout autre document établissant le raccordement, dès l'origine, du logement acquis par le requérant, au réseau d'eau potable, l'état des lieux dressé par cette association n'est pas de nature à faire la démonstration d'un tel raccordement.

Le bon de commande du 16 avril 2009 établi par la société VEOLIA Eau au nom de Monsieur [P] [K] portant sur « la création d'un branchement PEHD DN AVEC COMPTEUR DE [Adresse 1] à [Localité 9] » en l’absence de toute autre précision ou explication ne permet pas de savoir s’il s’agit d’un branchement externe ou non au logement.

La résolution n°5 de l'assemblée générale du 24 avril 2015 ainsi libellée : « Mr [P] [O] nous demande l'autorisation de se raccorder au réseau d'eau courante » porte, au vu des autres énonciations du procès-verbal, sur un raccordement en dehors du logement « au travers des propriétés privées des autres copropriétaires » mais ne renseigne pas davantage sur l’existence ou non de l’alimentation en eau potable dès l’origine du logement acquis.

Aucun des éléments produits par Monsieur [P] [O] ne permet d'accréditer la thèse selon laquelle son logement aurait été alimenté en eau courante dès l'origine, avant d'en être privé, en particulier par la faute de Monsieur [F].

Il ne verse en tout cas aucune pièce permettant de mettre en cause Monsieur [F], soit à titre personnel, soit en qualité de syndic, comme des attestations ou un procès-verbal de constat d'huissier établissant une quelconque voie de fait et/ou faute commise par Monsieur [F], qui serait à l'origine de la privation en eau potable de son logement.

Les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur [F] ne sont donc pas fondées et doivent être rejetées.

Sur les demandes dirigées à l'encontre de Madame [N] [J] et de Monsieur [T] [I]

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

Vu l'article 1315 dans sa rédaction applicable en la cause ;

Monsieur [P] [O] ne démontre pas davantage la faute qu'auraient commise les autres copropriétaires, à savoir Madame [N] [J] et Monsieur [I], en faisant obstruction à la réalisation des travaux de distribution d'eau au profit de son logement. En l’absence de démonstration de l’alimentation en eau courante du logement dès l’acquisition, l’existence même d’une quelconque obstruction est sujette à caution.

Il est établi par ailleurs que la procédure devant le tribunal administratif de LYON ayant abouti à la désignation d'un expert pour se prononcer sur l'éventuel état de péril grave et imminent de la construction réalisée par Monsieur [P] [O] a pour origine l'alerte donnée par les copropriétaires Monsieur [F], Madame [N] [J] et Monsieur [I] à la commune de [Localité 9]. Cette alerte ne saurait cependant être considérée comme « une dénonciation fautive » caractérisant la faute de ces derniers. L'expert judiciaire ne s'est certes pas prononcé en faveur d'un péril grave et imminent, mais il a conclu à un péril ordinaire caractérisé par l'existence de désordres affectant les murs en terre de pisé. Or, les désordres ainsi constatés n'ont pas pour seule origine, comme le soutient Monsieur [P] [O], un défaut d'entretien incombant au syndicat des copropriétaires, mais aussi une défectuosité de la descente d'eau pluviale sur le pignon sud de la construction du requérant. L'expert préconise aussi une étude d'évaluation globale afin de s'assurer de la stabilité du bâtiment de Monsieur [P] [O]. Au vu des conclusions de l'expert, l'alerte donnée par les copropriétaires s'avère au contraire fondée et de ce fait, non fautive. En tout état de cause, il n'est pas démontré que cette procédure devant le tribunal administratif a été à l'origine de la suspension des travaux de distribution d'eau au profit du requérant.

D'où il suit que les demandes présentées à l'encontre de Madame [N] [J] et Monsieur [I] ne sont pas fondées et doivent être rejetées.

Sur la demande d'annulation de la résolution n°5 de l'assemblée générale des copropriétaires du 24 avril 2015

Vu l'article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

Monsieur [P] [O] sollicite l'annulation de la résolution n° 5 de l'assemblée générale des copropriétaires du 24 avril 2015 et la condamnation subséquente sous astreinte du syndicat des copropriétaires au rebranchement de son logement au réseau d'approvisionnement d'eau dont il bénéficiait à la date de l'acquisition de son logement.

La résolution n°5 querellée est ainsi rédigée : « Cette résolution a trait à une énième demande de raccordement au réseau d'eau au travers des propriétés privées des autres copropriétaires.
Rappel :
-l'assemblée générale du 27 avril 2010 s'est déjà prononcée défavorablement (résolutions n°7 et 8),
-Monsieur [P] [O] a été débouté de ses demandes en justice tant en 1ère instance qu'en appel les 12/01/2010, 08/10/2010 et 11/04/2013,
le code de l'urbanisme, article L111-6 concernant l'annulation d'un permis de construire, interdit le raccordement.

Résolution n°5 :
Monsieur [P] [O] nous demande l'autorisation de se raccorder au réseau d'eau courante.
Compte rendu des délibérations sur cette résolution. ».

Le procès-verbal d'assemblée générale contenant cette résolution n'est manifestement pas produit dans son intégralité puisque le résultat du vote n'y est pas mentionné. Les parties s'accordent néanmoins sur le fait que cette résolution a fait l'objet d'un rejet, de sorte que la demande de Monsieur [P] [O] de raccordement au réseau d'eau de la copropriété a été rejetée.

Monsieur [P] [O] considère que le rejet de cette résolution procède d'un abus de majorité pour n'être justifié ni par une règle de droit ni par l'intérêt collectif de la copropriété et d'une violation du principe de non-discrimination édicté à l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'abus de majorité suppose que la majorité use de ses droits sans profit pour elle-même et dans l'intention de nuire, ou au moins pour un but autre que celui pour lequel le droit lui a été réservé ou attribué.

Est abusive la décision, qui bien qu'intervenue dans les formes régulières et prise dans la limite des pouvoirs du syndicat, lèse un copropriétaire sans être pour autant conforme à l'intérêt commun de la copropriété.

L'article L111-6 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en la cause, dispose que les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités.

Cet article a certes été abrogé par l'ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015, qui l'a toutefois remplacé par l'article L111-12 du même code dont les dispositions sont quasi identiques puisqu'il énonce que les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1, ne peuvent, nonobstant toutes clauses contractuelles contraires, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu de ces dispositions.

Monsieur [P] [O] ne peut donc valablement soutenir que l'assemblée générale des copropriétaires aurait dû l'autoriser à raccorder son logement à l'eau potable, malgré l'annulation de son permis de construire, en raison de l'abrogation pure et simple des dispositions de l'article L111-6 susvisé et de l'application immédiate d’un droit positif plus favorable.

C'est donc à bon droit que l'assemblée générale des copropriétaires a refusé à Monsieur [P] [O] le raccordement de son logement à l'eau potable en application de l'article L111-6 du code de l'urbanisme qui interdit le raccordement, notamment à l'eau, pour les constructions dont le permis de construire a été annulé. Son abrogation et sa réécriture avec une codification à l'article L111-12 n'ont rien changé sur ce point.

Monsieur [P] [O] ne peut davantage soutenir que l'assemblée générale des copropriétaires aurait dû l'autoriser « à rebrancher son logement à l'eau potable » puisque, construit avant les travaux de rénovation litigieux, il ne pouvait être assimilé à une construction dont l'annulation du permis de construire entraînait l'application des dispositions de l'article L111-6 du code de l'urbanisme ; seule était concernée par l'annulation du permis de construire la construction correspondant aux travaux querellés et non pas du tout la construction acquise dès l'origine.
Conformément aux motifs susvisés, il n'est pas établi que Monsieur [P] [O] a acquis un logement qui était déjà raccordé à l'eau potable avant les travaux de rénovation.

En tout cas, le logement de Monsieur [P] [O] constitue un ensemble, sans qu’il soit matériellement possible de le scinder pour distinguer la partie originelle qui aurait juridiquement droit au branchement à l’eau et la partie rénovée, sous le coup de l’annulation du permis de construire, interdite de tout branchement. Autoriser le branchement à l’eau courante de la seule partie acquise initialement reviendrait concrètement à une alimentation du logement en eau.

L'assemblée générale des copropriétaires a donc fondé sa décision de rejet sur l'application d'une règle de droit et ce, sans commettre d'abus de majorité.

Il s'ensuit que la résolution n°5 querellée n'encourt pas la nullité pour abus de majorité.

Monsieur [P] [O] ne verse aucune pièce établissant la réalité de travaux affectant l'aspect extérieur de la copropriété effectués par les autres copropriétaires, dans les mêmes conditions d'absence d’autorisation préalable de l'assemblée générale. La violation du principe de non-discrimination qu'il invoque à ce titre n'est donc pas établie.

La demande d'annulation de la résolution n°5 de l'assemblée générale du 24 avril 2015 doit donc être rejetée.

Il n'est ainsi pas justifié de condamner le syndicat des copropriétaires à procéder ou faire procéder au rebranchement du logement de Monsieur [P] [O] au réseau d'approvisionnement d'eau. La demande de ce chef sera rejetée.

En l'absence de démonstration de toute faute commise par le syndicat des copropriétaires, Monsieur [P] [O] n'est pas fondé en sa demande de paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de privation d'accès au réseau d'eau. Sa demande à ce titre sera rejetée.

Sur la demande d'autorisation judiciaire

Monsieur [P] [O] sollicite au dispositif de ses écritures que la société VEOLIA EAU SCA soit « autorisée à exécuter à son profit les travaux d'approvisionnement en eau potable, suspendus à la suite des troubles occasionnés par ses voisins et copropriétaires. ». Dans le corps de ses écritures, il précise demander « l'autorisation judiciaire de faire installer par la société VEOLIA un réseau externe de distribution d'eau potable, indépendant du réseau de la copropriété. ».

Il ne saurait être question de passer outre la décision de rejet de l'assemblée générale du 24 avril 2015, qui est juridiquement fondée, étant rappelé qu'en tout état de cause le tribunal ne peut se substituer aux décisions souveraines de cette assemblée.

Monsieur [P] [O] est d'autant moins fondé en cette demande qu'il ne verse aucune pièce démontrant qu'il a entrepris de démolir la partie illégalement rénovée de son habitation, alors qu'il y est contraint par le jugement définitif rendu par le tribunal de Céans le 10 novembre 2020. Ce faisant, l'annulation de son permis de construire constitue toujours un obstacle au raccordement à l'eau courante.

La demande tendant à autoriser VEOLIA à faire installer un réseau externe de distribution d'eau potable sera rejetée.

Sur les demandes à l'encontre de Maître [A] [R]

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
Dès lors que le raccordement à l’eau potable du logement, dès l’origine, n’est pas établi et que la décision de l’assemblée générale de refus de raccordement n’est pas fautive, comme juridiquement fondée, Monsieur [P] [O] ne peut se prévaloir d’un quelconque préjudice de privation d’eau potable.

Partant, il est mal fondé en sa demande en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice de privation d’eau potable dirigée à l’encontre du notaire. Cette demande sera rejetée.

Enfin, Monsieur [P] [O] ne saurait se voir allouer des dommages et intérêts au titre des dépenses pour faire face aux frais de procédure liés aux condamnations en faveur de ses adversaires. Ces dépenses sont en effet indemnisées dans le cadre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de rejeter cette demandes en paiement de la somme de 10 000€ à ce titre.

Sur les mesures accessoires

Monsieur [P] [O], qui succombe, sera condamné aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats qui en en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Il est justifié de le condamner à payer au syndicat des copropriétaires, à Monsieur et Madame [F] ensemble, à Madame [N] [J] et à Monsieur [I] la somme de 1 000€ chacun, et à Maître [R] celle de 1 200€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard à l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

DIT sans objet la demande de jonction de la procédure n° RG 17/08315 à l'instance principale n° RG 17/10579 ;

REJETTE l'ensemble des demandes formées par Monsieur [K] [P] [O] ;

CONDAMNE Monsieur [K] [P] [O] aux dépens ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans en avoir reçu provision dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [K] [P] [O] à payer au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile les sommes suivantes :

- 1 000€ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à [Localité 9] représenté par son syndic en exercice ;
- 1 000€ à Monsieur [W] [F] et Madame [Z] [F] ensemble,
- 1 000€ à Madame [E] [N]-[J],
- 1 000€ à Monsieur [T] [I],
- 1 200€ à Maître [A] [R] ;

ORDONNE l'exécution provisoire ;

REJETTE le surplus des demandes.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le Greffier Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 c
Numéro d'arrêt : 15/10579
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;15.10579 ?
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