TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 9 cab 09 G
NUMÉRO DE R.G. : N° RG 23/03163 - N° Portalis DB2H-W-B7H-X4TO
N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Jugement du :
30 Avril 2024
Affaire :
S.N.C. VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE
C/
S.D.C. [Adresse 6], S.A.S. AUXANE CONCEPT, S.C.I. ALZASSE, S.C.I. ARSIM, S.C.I. NRG, S.C.I. LES MURS, S.C.I. R&B IMMO, S.C.I. SODEX STALINGRAD
le:
EXECUTOIRE+COPIE
Me Jean-françois LARDILLIER - 1938
la SELAS LEGA-CITE - 502
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la Chambre 9 cab 09 G du
30 Avril 2024, après prorogation du délibéré initialement fixé au 21 février 2024, le jugement contradictoire suivant,
Après rapport de Célia ESCOFFIER, Vice-Présidente, et après que la cause eût été débattue à l’audience publique du 22 Novembre 2023, devant :
Président : Célia ESCOFFIER, Vice-Présidente
Assesseurs :Sandrine CAMPIOT, Vice-présidente
Joëlle TARRISSE, Juge
Assistés de Danièle TIXIER, Greffière
et après qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
S.N.C. VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Olivier DOLMAZON de la SELAS LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 502
DEFENDERESSES
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 6], domiciliée : chez SAS YKANI, dont le siège social est [Adresse 14]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.A.S. AUXANE CONCEPT,
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.C.I. ALZASSE,
dont le siège social est sis [Adresse 8]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.C.I. ARSIM,
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.C.I. NRG,
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.C.I. LES MURS,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.C.I. R&B IMMO,
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
S.C.I. SODEX STALINGRAD,
dont le siège social est sis [Adresse 7]
représentée par Me Jean-françois LARDILLIER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1938
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte authentique en date du 6 avril 2021, la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE a acquis auprès de la SCI du [Adresse 5], [Adresse 8], le tènement immobilier cadastré [Cadastre 10] et [Cadastre 11], ainsi que sur la commune de Lyon 6ème arrondissement, [Adresse 5], le tènement immobilier cadastré [Cadastre 9].
Désireuse de réaliser une opération de promotion immobilière, la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE a obtenu :
- un permis de construire n° PC 0693861900332 en date du 12 juin 2020 et un permis de construire modificatif n° PC 0693861900332 M01 en date du 7 juillet 2021 pour la parcelle situé [Adresse 5] a [Localité 13] [Pieces n°3 et 5],
- et un permis de construire n° PC 0692661900114 en date du 25 juin 2020 et un permis de construire modificatif n° PC 06926619001 14 M01 en date du 15 juin 2021sur la parcelle situé [Adresse 8]) [Pieces n° 4 et 6],
permettant la construction d’un batiment à usage de bureau de 4 309 m2 de surface de plancher avec un niveau de sous-sol comprenant 47 places de stationnement, en lieu et place du bâtiment existant situé [Adresse 5].
Alors que la réalisation de ces travaux implique la modification de la servitude qui existe au profit de l’ensemble immobilier situé aux[Adresse 6]e à [Localité 15] soumis au régime de la copropriété et qui lui permet, via le parking de l’immeuble situé [Adresse 5] d’accéder à son parc de stationnement, telle que rappelée à l’acte de vente et libellée comme suit aux termes du règlement de copropriété du 27 juin 2013 :
Section III servitudes – origine de propriété.
« 1° rappel de servitudes
En ce qui concerne les biens situés à [Adresse 16] cadastrée section [Cadastre 12],
I droit de passage vers la [Adresse 5]
(…) I une servitude de passage pour piétons, voitures de tourisme, véhicules utilitaires, véhicules à deux roues et autres.
Ce droit de passage s’exercera conformément à l’article 683 du code civil.
Le droit de passage ainsi concédé pourra être exercé à toute heure par la société civile immobilière Alsace La Fayette, ses locataires et autres ayants droits et leurs employés, clients et fournisseurs puis ultérieurement et dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs de cet immeuble pour se rendre à celui-ci et en revenir avec tout instrument, machine ou autre.
Un portail sera installé par la société civile immobilière Alsace La Fayette [acquéreur] et à ses frais, entre les points E et H du plan annexé aux présentes.
L’entretien en bon état de viabilité de l’assiette de ce droit de passage sera à la charge exclusive de la société ETABLISSEMENTS VAUTHERET GROS & LAFORGE [vendeur] ou de ses ayants droits.
Concernant cette servitude, le requérant déclare que si à l’avenir, il y a un projet de modification, de construction ou d’aménagement du bâtiment situé [Adresse 5], il pourra modifier l’assiette de la servitude tout en conservant le droit passage »,
la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE a fait soumettre au vote lors de l’assemblée générale du 4 mai 2021 de la copropriété de l’immeuble [Adresse 6] une résolution n°12, portant sur la modification de ladite servitude de passage. Cette résolution a été rejetée.
Une expertise du 14 octobre 2022, ordonnée à titre préventif par décision du président du tribunal judiciaire de Lyon statuant en référé du 1er mars 2022 dans le cadre, a décrit la servitude objet du litige et le projet de servitude comme suit :
« Une servitude actuelle à ciel ouvert permet un accès à la cour sur 2 voies pour les VL, les deux roues, les piétons et les CAMIONS. 37 places de parking avec places simples au Sud et doubles au Nord : enrobé, une bonde de sol au centre.
Côté Sud : 3 massifs avec des arbres, 4 liminaires et un portail de 4,5 m de largeur.
Côté Nord : 3 éclairages publics et 2 arbres, un abri vélo contre la façade.
Le projet prévoit un accès depuis le portail parking du projet puis par un accès latéral côté gauche de la rampe du sous-sol. L’ensemble est COUVERT par les étages supérieurs et un feu tricolore pour la sécurité»
Par la suite, le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD ont, par acte d’huissier de justice du 4 novembre 2022, saisi le président du tribunal judiciaire de Lyon statuant en référé. Dans l’attente qu’il soit statué au fond sur l’existence ou non d’une atteinte à la servitude de passage, ce magistrat a, par ordonnance en date du 21 février 2023, fait interdiction in solidum à la SNC VINCI IMMOBILIER RHONE ALPES AUVERGNE et à la SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE de modifier la servitude de passage telle qu’elle existe actuellement au profit du fonds dominant et a été décrite par Monsieur [P] [L] dans son rapport déposé le 14 octobre 2022, sous astreinte provisoire, dés signification de la décision, d’un montant de 2500 € par jour au cours desquels une modification aura été constatée par huissier de justice.
Par acte d’huissier de justice en date du 24 avril 2023 qu’elle a été autorisée à faire délivrer à jour fixe, la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE a alors assigné le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD devant le tribunal judiciaire de Lyon.
En l’état de ses dernières demandes, telles que précisées à l’audience, la société VINCI IMMOBILIER ENTREPRISE entend voir, au visa des articles 1103, 1104, et 702 du code civil,
699 et 700 du code de procédure civile :
- Etre autorisée à modifier l’assiette de la servitude de passage,
- Fixer l’assiette de la servitude de passage provisoirement pendant le déroulement des travaux conformément au plan de phasage chantier établi par elle,
- Fixer la nouvelle assiette de la servitude de passage à l’achèvement des travaux telle qu’elle résulte des plans figurant dans le dossier de demande du permis de construire modificatif obtenu par elle,
- Ordonner la publication du jugement au service de la publicite foncière,
- Débouter le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD de l’intégralité de leurs demandes, fins et moyens,
- Condamner le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD in solidum à lui payer la somme de 5 012 900,00 euros, sauf à parfaire, a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier constitué des dépenses et surcoûts résultant de l’opposition de ces derniers à la modification de l’assiette de la servitude,
- Condamner le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD in solidum à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD in solidum aux entiers frais et dépens de l’instance avec distraction au profit de la SELAS LEGA-CITE, avocat, autorisée, sur son affirmation de droit qu’elle en a fait l’avance, à les recouvrer conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.
En réponse, aux termes de leurs dernières demandes formulées au visa de la loi du 10 juillet 1965 et du décret du 17 mars 1967, des articles 1103, 1104, et 702, 699, 700, 701 et 702 et 32-1 du code de procédure civile, le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, et précisées à l’audience, aucune irrecevabilité n’étant plus allégués, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD demandent au tribunal de :
- Juger que la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE est mal fondée à solliciter l’autorisation de modifier l’assiette et la substance de la servitude de passage,
- Juger que la modification géographique, mais également l’atteinte à la substance même de la servitude de passage, sur sa largeur, longueur, hauteur, son usage et sur sa commodité imposée par le fond servant, sans accord préalable du fond dominant, est contraire à la loi,
-Juger que l’assemblée générale du 4 mai 2021 (non contestée) a rejeté la proposition de modification de l’assiette et de la substance (consistance) de la servitude de passage de la SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE reconnaissant la nécessité d’un accord préalable avant la modification substantielle de la servitude de passage (1) et empêchant la juridiction saisie de se substituer à la décision de la copropriété (2),
-Constater que l’absence de portail [Adresse 5] empêchant les intrusions sur le chantier de la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE, la mise hors service du portail du parking de la copropriété et l’inertie de la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à introduire un recours permettant de procéder à l’expulsion des squatteurs sur sa parcelle [Cadastre 10] ont rendu l’usage de la servitude de passage incommode voire impossible et a entrainé un préjudice de jouissance, de sécurité pour les défendeurs pendant plus d’un an,
- Constater l’existence des désordres conformément au constat d’huissier de justice du cabinet LEXELIUM du 21 novembre 2022 :
➝ le campement de ROMS qui a été laissé, installé sans réaction certaine et proportionnée de la part de la société SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE,
➝ la mise hors service du portail du parking de la parcelle de la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE [Adresse 5] et celui de la copropriété sans remplacement ni indemnisation,
- Constater le caractère abusif de la demande d’indemnisation de 5 012 900 euros de la SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE,
En conséquence,
- Débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions la société SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE,
- Condamner la SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à conserver la servitude de passage telle qu’elle a été décrite aux termes du rapport d’expertise préventif du 14 octobre 2022,
- Condamner la SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à verser à chacun des défendeurs une somme forfaitaire de 12 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en indemnisation pour trouble de jouissance, abus de droit et atteinte à leur droit de propriété,
- Condamner la société SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à verser à chaque défendeur à titre de dommages et intérêts la somme de 10 000 euros, conformément aux dispositions de l’article 32-1 in fine du code de procédure civile,
- Condamner la SNC VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à leur verser une somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700, en sus des entiers dépens, dont le coût des différents constats d’huissier de justice.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions signifiées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur quoi, l’affaire, qui a été appelée à l’audience du 22 novembre 2023, a été mise en délibéré jusqu’au 21 février 2023 pour y être prononcé le présent jugement par sa mise à disposition au greffe, délibéré prorogé au 30 avril 2024.
MOTIFS
Sur l'étendue de la saisine
Les demandes tendant à une constatation, même lorsqu'elles sont libellées sous la forme d'une demande tendant à voir "juger que" ou "dire et juger que", ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, dans la mesure où elles ne tendent pas à conférer des droits à la partie qui les requiert et recèlent en réalité les moyens des parties. Il ne sera donc pas statué sur les demandes formées en ce sens par les parties.
Sur la demande de modification d’assiette de la servitude
L’article 701 du code civil dispose :
“Le propriétaire du fonds débiteur de la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l’usage ou à le rendre plus incommode.
Ainsi, il ne peut changer l’état des lieux, ni transporter l’exercice de la servitude dans un endroit différent de celui où elle a été primitivement assignée.
Mais cependant, si cette assignation primitive était devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti ou si elle l’empêchait d’y faire des réparations avantageuses, il pourrait offrir au propriétaire de l’autre fonds un endroit aussi commode pour l’exercice de ses droits et celui-ci ne pourrait le refuser.”
et ne prévoit donc que deux cas dans lesquelles une servitude peut être déplacée à condition d’offrir un endroit aussi commode. Toutefois, en l’espèce, l’état descriptif de division et le règlement de copropriété du 27 juin 2013, qui fait la loi des parties, prévoit concernant la servitude objet du litige que :
“ [...] si à l’avenir, il y a un projet de modification, de construction ou d’aménagement du bâtiment situé [Adresse 5], [le propriétaire du fond servant] pourra modifier l’assiette de la servitude tout en conservant le droit passage”.
Alors que seule l’assiette de la servitude peut ainsi être modifiée, il convient de rappeler que la servitude est ainsi définie par le règlement de copropriété :
“[...] une servitude de passage pour piétons, voitures de tourisme, véhicules utilitaires, véhicules à deux roues et autres.
Ce droit de passage s’exercera conformément à l’article 683 du code civil.
Le droit de passage ainsi concédé pourra être exercé à toute heure par la société civile immobilière Alsace La Fayette [acquéreur], ses locataires et autres ayants droits et leurs employés, clients et fournisseurs puis ultérieurement et dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs de cet immeuble pour se rendre à celui-ci et en revenir avec tout instrument, machine ou autre.
Un portail sera installé par la société civile immobilière Alsace La Fayette [acquéreur] et à ses frais, entre les points E et H du plan annexé aux présentes.
L’entretien en bon état de viabilité de l’assiette de ce droit de passage sera à la charge exclusive de la société ETABLISSEMENTS VAUTHERET GROS & LAFORGE [vendeur] ou de ses ayants droits.”
et que le rapport d’expertise préventive du 14 octobre 2022 précitée la décrit comme suit :
Une servitude actuelle à ciel ouvert permet un accès à la cour sur 2 voies pour les VL, “les deux roues, les piétons et les CAMIONS. 37 places de parking avec places simples au Sud et doubles au Nord : enrobé, une bonde de sol au centre.
Côté Sud : 3 massifs avec des arbres, 4 liminaires et un portail de 4,5 m de largeur.
Côté Nord : 3 éclairages publics et 2 arbres, un abri vélo contre la façade.”.
Il résulte ainsi de ces éléments que la servitude de passage doit garantir le passage non seulement de voitures de tourisme mais encore de véhicules utilitaires, des fournisseurs et de tout instrument ou machine, ce que permet l’exercice actuel de la servitude à ciel ouvert, un portail de 4,5 mètres de large et deux voies de circulation. Or, le projet de servitude consiste en un passage sous bâti, donc couvert, surélevé à 4,3 mètres qui, s’il permet effectivement le passage des véhicules utilitaires est moins haut que le passage actuel et ne garantit pas forcément le passage de tout instrument ou machine. Surtout, ce passage est moins large puisqu’il n’est pas contesté qu’il ne comporte pas 2 voies de circulations pour les véhicules légers, contrairement à la situation actuelle décrite par l’expertise préventive, et réduit donc les possibilités de croisement. Ajoutée à l’implantation d’un feu tricolore pour la sécurité, ce projet de droit de passage modifie donc, outre son assiette, les conditions d’exercice du droit de passage en les limitant, d’autant que le nombre d’utilisateur du passage sera augmenté.
La modification envisagée ne se limitant ainsi pas seulement à l’assiette de la servitude, la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE sera déboutée de sa demande de modification. Pour autant, il n’y a pas lieu, comme sollicité par les défendeurs, de condamner la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à conserver la servitude de passage telle qu’elle a été décrite aux termes du rapport d’expertise préventif du 14 octobre 2022, des possibilités de modifications étant prévues tant par le règlement de copropriété que par les dispositions légales.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE en réparation du préjudice financier constitué des dépenses et surcoûts résultant de l’opposition de ces derniers à la modification de l’assiette de la servitude
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, alors qu’il n’a pas été fait droit à la demande de modification du droit de passage litigieux présentée par la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE, le refus opposé par les défendeurs à cette modification ne saurait être regardé comme fautif.
La société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE sera, en conséquence, déboutée de sa demande.
Sur la demande de dommages et intérêts présentée par les défendeurs en indemnisation de du trouble de jouissance, de l’abus de droit et de l’atteinte à leur droit de propriété
A l’appui de leurs demandes de dommages et intérêts, le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD font valoir :
- que le portail du parking de la parcelle de la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE [Adresse 5] et celui de la copropriété ont été laissés hors service sans remplacement ni indemnisation,
- qu’en l’absence de portail, un campement de roms a pu s’installer et que la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE n’a pas réagi de manière certaine et proportionnée, s’agissant de l’introduction d’un recours permettant leur expulsion.
Cependant, il ressort de la lecture de l’ordonnance de référé prononcée par le tribunal judiciaire de Lyon (pôle de la proximité et de la protection) le 29 septembre 2023 que les personnes dont la présence sur le parking est dénoncée par les défendeurs est illicite, ces dernières ayant pénétré sur les lieux par effractions avant d’y édifier des baraquements de fortune. Il est établi par ailleurs que la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE a agi en justice pour obtenir le prononcé de leur expulsion.
En l’absence de faute de la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE en lien avec leurs préjudice, les défendeurs seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
S’il est de jurisprudence constante, en application de l’article 32-1 du code de procédure civile, que l’exercice d’une action en justice est un droit qui peut toutefois dégénérer en abus et donner lieu au versement de dommages et intérêts, ce n’est que dans des conditions particulières le rendant fautif. Or, l’erreur même manifeste sur le bien fondé d’une action ou d’une prétention ne peut constituer un fait générateur de responsabilité et, en l’espèce, le montant très élevé de la demande ne suffit pas à établir la mauvaise foi de la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE.
Sur les autres demandes
Il convient, en application de l’article 696 du code de procédure civile, de condamner la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE aux dépens, lesquels ne comprendront pas le coût des actes d’huissier de justice qui n’étaient pas nécessaires à la présente procédure.
L’équité commande par ailleurs de condamner la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à verser aux défendeurs une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE de l’ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD de leur demande tendant à voir condamner la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à conserver la servitude de passage telle qu’elle a été décrite aux termes du rapport d’expertise préventif du 14 octobre 2022,
DÉBOUTE le SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ DE L’IMMEUBLE [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice, la société AUXANE CONCEPT, la SCI AUZASSE, la SCI ARSIM, la SCI NRG, la SCI LES MURS, la SCI R&B IMMO, la SCI SODEX STALINGRAD de leurs demandes de dommages et intérêts et sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE aux dépens,
CONDAMNE la société VINCI IMMOBILIER D’ENTREPRISE à verser à une somme de
3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Ce jugement a été prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du CPC, et signé par Célia ESCOFFIER Présidente, assistée de D. TIXIER Greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE