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30/04/2024 | FRANCE | N°22/00483

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 c, 30 avril 2024, 22/00483


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 22/00483 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WIWS

Jugement du 30 Avril 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître Armelle GROLEE de l’AARPI DE FACTO - 1258






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement réputé co

ntradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 13 Juin 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 05 Septembre 2023 devant :

Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
D...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 C

N° RG 22/00483 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WIWS

Jugement du 30 Avril 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Armelle GROLEE de l’AARPI DE FACTO - 1258

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 3 cab 03 C le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 13 Juin 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 05 Septembre 2023 devant :

Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Julien CASTELBOU, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.R.L. MODZ,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 3]

représentée par Maître Armelle GROLEE de l’AARPI DE FACTO, avocats au barreau de LYON

DEFENDEUR

Monsieur [K] [D] [T],
demeurant [Adresse 1] - [Localité 2] - ILLINOIS - ETATS-UNIS

défaillant

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société MODZ exerce, depuis près de quinze ans, une activité de déstockage en ligne d’articles de mode issus des fins de séries d’un réseau de plus de 2.000 boutiques multimarques et marques partenaires situées en France et, plus largement, en Europe.

Elle se prévaut de droits sur :
- la dénomination sociale, le nom commercial et l'enseigne "MODZ" qu'elle exploiterait depuis son immatriculation le 8 février 2007 ;
- la marque française nominale "MODZ" déposée le 22 février 2007, enregistrée sous le n° 3 484 351 et renouvelée pour désigner différents produits et services en classes 25 et 35 ;
- le nom de domaine http://www.modz.fr qu'elle a réservé depuis le 28 mai 2008 et qui renvoie à son site de vente en ligne.

Monsieur [K] [D] [T] est résident américain et exerce une activité de joueur de poker professionnel.

En 2008, la société MODZ a contacté Monsieur [K] [D] [T] dans l’optique de lui racheter le nom de domaine modz.com au prix de 4.000 USD. Ce dernier a décliné son offre.

En 2009 puis 2016, après avoir constaté que le site internet www.modz.fr apparaissait sur une page parking accessible à l’adresse modz.com faisant état de liens hypertextes en rapport avec le domaine du jeu et de l’informatique, la société demanderesse a tenté une nouvelle démarche amiable, sans succès.

Le 11 avril 2017, la société MODZ a fait réaliser un constat d’huissier portant sur l’exploitation litigieuse du nom de domaine www.modz.com.

La société MODZ a ensuite engagé une action extrajudiciaire devant le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI à l’encontre de Monsieur [K] [D] [T] aux fins d’obtenir le transfert du nom de domaine modz.com à son profit sur le fondement de sa marque antérieure française du même nom n° 3 484 351. Cette procédure a été enregistrée sous le n° D2017-2008. Par décision du 21 décembre 2017, le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI a débouté la société MODZ de sa demande au motif que :
- Monsieur [K] [D] [T] avait un intérêt légitime à utiliser le nom de domaine modz.com pour une page parking dans la mesure où le terme « MODZ » était une référence à l’univers du jeu-vidéo et des modifications informatiques ;
- Monsieur [K] [D] [T] utilisait le nom de domaine modz.com de bonne foi au vu de l’exploitation conforme à ses allégations, à savoir l’exploitation d’une page parking avec pour mot-clé le terme « modz » en référence à l’univers du jeu et des modifications informatiques.

Le 31 janvier 2018 puis les 14 et 21 juin 2021, la société MODZ a fait établir de nouveaux procès-verbaux de constat.

Estimant que l’exploitation que faisait Monsieur [K] [D] [T] du nom de domaine www.modz.com était constitutive de contrefaçon de marque et de concurrence déloyale, la société MODZ l’a, par acte d’huissier de justice du 24 janvier 2022, assigné devant la présente juridiction.

Monsieur [T] habitant aux Etats-Unis, l’assignation a été transmise à la société ABC LEGAL SERVICES, pour notification, en application de la convention de La Haye.

L’acte n’a pas pu être notifié à son destinataire et les diligences effectuées n’ont pas permis de le retrouver. L’huissier de justice a donc constaté que le destinataire de l’acte n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, et a dressé un procès-verbal conformémement aux dispositions des articles 659 et 687-1 du code de procédure civile. Une copie de ce procès-verbal a été envoyée au destinataire de l’acte à la dernière adresse connue.

*****

Dans son assignation, la société MODZ demande au tribunal de :

Vu les articles L 45-1 et L 45-2 du Code des Postes et des Communications Électronique,
Vu les articles L 711-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle et en particulier les articles L 713-2 et L 716-4-10,
Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil,

- Ordonner à Monsieur [K] [D] [T] de cesser toute utilisation du nom de domaine modz.com sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Ordonner à Monsieur [K] [D] [T] de procéder, à ses frais, au transfert du nom de domaine modz.com au profit de la société MODZ dans un délai de huit jours à compter à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- Se réserver expressément le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées conformément aux dispositions de l’article L.131-3 du Code des Procédures Civiles d'exécution ;
- Dire et juger que le jugement à intervenir sera notifié à l’ICANN et au bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com par la partie la plus diligente et qu’à défaut pour Monsieur [K] [D] [T] d’avoir procédé aux formalités de transfert dans le délai impartis, la société MODZ sera habilitée à demander ce transfert directement aux frais de Monsieur [K] [D] [T] ;
- Condamner Monsieur [K] [D] [T] à verser à la société MODZ la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque française MODZ n° 3 484 351 ;
- Condamner Monsieur [K] [D] [T] à verser à la société MODZ la somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque française MODZ n° 3 484 351 ;
- Condamner Monsieur [K] [D] [T] à verser à la société MODZ la somme de 30.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ;
- Condamner Monsieur [K] [D] [T] à verser à la société MODZ la somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ;
- Condamner Monsieur [K] [D] [T] aux entiers dépens en ce compris l'intégralité des frais et honoraires de constats effectués par huissiers de Justice les 11 avril 2017, 31 janvier 2018, 14 et 21 juin 2021, au profit de Maître Armelle GROLEE sur son affirmation de droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2022 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 5 septembre 2023. L’affaire a été mise en délibéré au 28 novembre 2023. Le délibéré a été prorogé.

*****

MOTIFS

En application de l’article 473 du code de procédure civile, “lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur”.

L’article 472 du code de procédure civile dispose que, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, la décision n’est pas rendue en dernier ressort.

En conséquence, le jugement sera réputé contradictoire.

Sur la demande au titre de la contrefaçon de marque

Sur la compétence

Dans la mesure où le juge doit vérifier la régularité de la demande, il convient d’examiner en premier lieu la question de la compétence.

Monsieur [T] est résident américain, ce qui résulte de plusieurs pièces produites (pièces n° 6-1, 7, 10-3).

Aucuns règlement européen ou convention internationale ne s’appliquant en l’espèce, il convient de se déterminer par application de la règle de compétence territoriale interne.

En application de l'article 46 du code de procédure civile, lorsqu'il n'y a ni convention internationale ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne, de sorte que le demandeur peut, en matière délictuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.

L’article D 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire fixe « le siège et le ressort des tribunaux judiciaires ayant compétence exclusive pour connaître des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de marques et d'indications géographiques » par renvoi au tableau VI qui désigne le tribunal judiciaire de Lyon pour connaître des actions dépendant des ressorts des cours d’appel de Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom.

L’accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d’un site internet présentant des produits associé à un signe argué de contrefaçon suffit à justifier la compétence territoriale de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué, pour connaître de l’action en contrefaçon de marque.

Les procès-verbaux de constat dressés par Maître [Y] les 14 et 18 juin 2021 à partir de son ordinateur situé en son étude de Caluire-et-cuire établissent que le nom de domaine www.modz.com est exploité pour afficher une page rédigée en français comprenant des liens permettant d’accéder à d’autres sites, tels que maisonbeige.com, shein.com ou encore koker.fr (pièces n° 12 et 13).

Il résulte de ces éléments que le tribunal judiciaire de Lyon est matériellement et territorialement compétent pour connaître de cette demande.

Sur la loi applicable

Conformément à l’article 4.1 du règlement (CE) n°864/2007 du 11 25. juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit « Rome II »), la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est en principe celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent.

En l’espèce, il résulte des constatations précédentes que le site internet accessible à l’adresse modz.com est accessible depuis la France, qu’il est rédigé en français et qu’il renvoie à des sites internet français ou s’adressant au public francophone. Il s’en infère que le dommage consécutif à l’utilisation du signe MODZ se produit sur le territoire français.

La loi française est donc applicable au présent litige.

Sur les autres aspects touchant à la régularité de la demande

Aucun grief ne paraît pouvoir être opposé à l’assignation s’agissant du respect des conditions de forme exigées par la loi et aucun élément ne paraît remettre en cause la capacité ou le pouvoir d’agir en justice de la société MODZ ou de son représentant.

Sur la recevabilité de la demande

L’article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’action est engagée par le titulaire de la marque.

Il résulte de la notice INPI produite aux débats que la marque MODZ a été déposée par Monsieur [P] agissant pour le compte de la société MODZ n° 3484351 et qu’elle a été renouvelée par cette dernière en 2017 pour l’intégralité des produits et services visés (pièce n° 3).

En conséquence, la société MODZ est recevable à agir en contrefaçon de marque.

Sur le bien-fondé de la demande

S’agissant la matérialité de la contrefaçon

En vertu de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, “est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée”.

En l’espèce, il résulte des nombreuses pièces versées aux débats, et notamment de la procédure ayant opposé les parties devant l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (pièce n° 10-3), que le nom de domaine “modz.com” appartient à Monsieur [T].

La marque "MODZ" n° 3 484 351 est enregistrée pour les produits et services suivants :
Classe 25 : Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; couches en matières textiles ; sous-vêtements ;
Classe 35 : Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; services d'abonnement à des journaux (pour des tiers) ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; reproduction de documents ; bureaux de placement ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publication de textes publicitaires ; locations d'espaces publicitaires ; diffusion d'annonces publicitaires ; relations publiques.

Il résulte des deux procès-verbaux produits respectivement dressés les 8 et 14 juin 2021 (pièces n° 12 et 13) que le site internet accessible à l’adresse “modz.com” propose d’accéder à d’autres sites internet en faisant la promotion des produits qui s’y trouvent présentés. Le lien vers le site de vente “shein.com” se trouve par exemple précédé du descriptif suivant : “site d’habit pas cher en ligne - Grand sold nouveautés - Garantie qualité à 100%” (pièce n° 12, p. 12). La dénomination MODZ est donc utilisée pour des services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires.

Par ailleurs, les annonces présentes sur ces pages et les sites internet vers lesquels sont opérés les renvois se rattachent à l’univers de la mode. La première page qui s’affiche en consultant le site litigieux contient par exemple les termes suivants : “Mode femme, vetement femme, ikks femme, prive boutique, ventes privées, boutiquement vetement femme” (pièce n° 12, p. 10). De manière directe, mais également à travers les renvois opérés, la dénomination MODZ se trouve en conséquence exploitée pour les produits suivants visés au dépôt de marque : “Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements”.

En conséquence, les produits sont identiques.

S’agissant des signes, la même conclusion s’impose, dès lors qu’ils ne présentent aucune différence.

Le signe MODZ étant utilisé à titre de nom de domaine dans la vie des affaires sous une forme strictement identique au signe déposé pour faire la promotion de produits identiques, la contrefaçon de la marque "MODZ" n° 3 484 351 est établie pour les produits susmentionnés.

S’agissant des demandes d’interdiction et de réparation

En application de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l’espèce, le demandeur ne distingue aucun poste de préjudice, de sorte qu’il y a lieu de considérer qu’il sollicite une indemnisation forfaitaire de son préjudice.

Quand bien même la demanderesse ne livre aucune indication relative au montant des redevances axquelles elle aurait pu prétendre pour l’exploitation de sa marque, il convient de retenir que la contrefaçon de marque porte nécessairement atteinte au droit exclusif de son propriétaire et au pouvoir distinctif de la marque et que, dans le cas présent, ses effets ont été négatifs du fait de l’utilisation du signe pour exploiter une page parking permettant de faire la promotion de produits concurrents.

Monsieur [T] sera donc condamné à verser à la société MODZ la somme forfaitaire de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Cette somme n’étant pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral subi par la société MODZ, il convient également de condamner Monsieur [T] à verser à la société MODZ la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Dès lors que la mesure d’interdiction prononcée doit être corrélée au périmètre de la contrefaçon, il convient d’ordonner à Monsieur [T] de cesser toute utilisation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion des services suivants : services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires,Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement.

Il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ainsi prononcée.

Monsieur [T] ayant choisi, postérieurement à la procédure UDRP, de faire évoluer le site exploité à l’adresse www.modz.com pour se rapprocher des produits et services pour lesquels la marque MODZ est enregistrée alors qu’il en avait nécessairement connaissance, sa mauvaise foi est caractérisée et il doit être mis définitivement un terme à la possibilité de contrefaire la marque de la demanderesse. Il convient en conséquence de faire droit à la demande de transfert du nom de domaine modz.com au profit de la société MODZ, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la signification du présent jugement.

Il appartiendra à la partie la plus diligente de procéder à la notification de la présente décision auprès de l’ICANN et du bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com. La demande que cette mesure soit ordonnée aux frais du défendeur sera rejetée comme excédant la réparation justement due à la demanderesse.

Sur la demande en concurrence déloyale

Sur la régularité de la demande

La demande apparaît régulière.

Sur la recevabilité de la demande

L’article 31 du code de procédure civile dispose que “l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé”. L’intérêt à agir doit être apprécié au moment de l’engagement de l’action.

En l’espèce, la société MODZ, qui exploite le signe MODZ à titre de nom de domaine et de dénomination sociale, dispose nécessairement d’un intérêt à agir contre des actes consistant dans l’utilisation de ce même signe pour faire la promotion de produits de même nature.

En conséquence, les demandes en concurrence déloyale formées par la société MODZ doivent être regardées comme recevables.

Sur le bien-fondé de la demande

Le droit de la concurrence déloyale étant fondé sur les articles 1240 et 1241 du code civil, il appartient au demandeur de caractériser la ou les fautes qui auraient été commises par le défendeur.

Constitue notamment une faute de concurrence déloyale le fait de susciter un risque de confusion avec les produits ou l’activité d’un autre opérateur économique en adoptant des signes distinctifs identiques ou similaires à ceux utilisés antérieurement par un concurrent.
Il s’infère nécessairement de la faute de concurrence déloyale retenue un préjudice, fût-il seulement moral. Toutefois, cette présomption de préjudice ne dispense pas le demandeur d’en démontrer l'étendue.

Enfin, en présence d’une condamnation en contrefaçon, la demande en concurrence déloyale formée par la personne au bénéfice de laquelle une telle condamnation a été prononcée ne peut être accueillie qu’à la condition de s’appuyer sur des faits distincts de ceux qualifiés de contrefaisants. A l’inverse, lorsque les demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale ne sont pas concentrées entre les mains d’une même personne ou que la demande en contrefaçon n’a pas été accueillie, il n’y a pas lieu d’exiger la caractérisation de faits distincts.

En l’espèce, le risque de confusion suscité avec la dénomination sociale et le nom de domaine de la société demanderesse n’a pas été appréhendé au titre de la contrefaçon de marque. Il existe donc des faits distincts pouvant donner prise à une condamnation supplémentaire.

La société MODZ rapporte la preuve de son immatriculation le 8 février 2007 pour du négoce de produits (pièce n° 1) et l’exploitation de sa dénomination sociale et de son nom de domaine modz.fr notamment pour des vêtements (pièce n° 2-1).

Dans ces conditions, l’exploitation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion d’articles de mode et notamment de vêtements crée un risque de confusion avec les signes distinctifs exploités par la société MODZ. Les actes de concurrence déloyale se trouvent donc établis.

Il s’infère nécessairement des actes de concurrence déloyale retenus un trouble commercial constitutif de préjudice. En conséquence, Monsieur [T] sera condamné à verser à la société MODZ la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [T] supportera les dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Armelle GROLEE, avocat sur son affirmation de droit, étant rappelé que les dépens ne comprennent pas les frais de constats réclamés.

Monsieur [T] sera également condamné à payer à la société MODZ la somme totale de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de rappeler que l’exécution provisoire est de droit et aucun élément ne justifie de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition de la présente décision au greffe du tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

- DIT qu’en exploitant le nom de domaine modz.com, Monsieur [K] [D] [T] a commis des actes de contrefaçon de la marque "MODZ" n° 3 484 351 pour les produits et services suivants : services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires,Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements ;

- CONDAMNE en conséquence Monsieur [K] [D] [T] à payer à la société MODZ la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice patrimonial consécutif à la contrefaçon de marque et 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- ORDONNE à Monsieur [K] [D] [T] de cesser toute utilisation du nom de domaine modz.com pour faire la promotion des services suivants : services de publicité en ligne sur un réseau informatique, de publication de textes publicitaires et de diffusions d’annonces publicitaires,Vêtements, chaussures, chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ou en imitation du cuir ; ceintures (habillement) ; foulards ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage, de ski ou de sport ; sous-vêtements, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;

- ORDONNE à Monsieur [K] [D] [T] de procéder, à ses frais, au transfert du nom de domaine modz.com au profit de la société MODZ, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement ;

- DIT qu’il n’y a pas lieu de se réserver la liquidation des astreintes ainsi prononcées ;

- DIT que le présent jugement sere notifié à l’ICANN et au bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com à l’initiative de la partie la plus diligente ;

- DEBOUTE la société MODZ de sa demande visant à ce que le présent jugement soit notifié à l’ICANN et au bureau d’enregistrement du nom de domaine modz.com aux frais de Monsieur [T] ;

- DIT que l’exploitation du nom de domaine modz.com par Monsieur [K] [D] [T] pour faire la promotion d’articles de mode créé un risque de confusion avec les signes distinctifs exploités par la société MODZ constitutif de concurrence déloyale ;

- CONDAMNE en conséquence Monsieur [K] [D] [T] à payer à la société MODZ la somme de 5 000 euros au titre de la concurrence déloyale ;

- CONDAMNE Monsieur [K] [D] [T] à verser à la société MODZ la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNE Monsieur [K] [D] [T] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Armelle GROLEE, avocat sur son affirmation de droit ;

- REJETTE le surplus des demandes ;

- RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. GOUNOT, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 c
Numéro d'arrêt : 22/00483
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;22.00483 ?
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