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25/03/2024 | FRANCE | N°18/02587

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 25 mars 2024, 18/02587


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :





DÉBATS :

PRONONCE :



AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :









25 Mars 2024

Monsieur Martin JACOB, président

Monsieur Florent TESTUD, assesseur collège employeur
Monsieur Cédric BERTET, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Madame Isabelle

BELACCHI, greffier

tenus en audience publique le 24 Janvier 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 25 Mars 2024 par le même magistrat


Société [2] C/ CPAM DU RHONE

N° RG...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :

DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

25 Mars 2024

Monsieur Martin JACOB, président

Monsieur Florent TESTUD, assesseur collège employeur
Monsieur Cédric BERTET, assesseur collège salarié

assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Madame Isabelle BELACCHI, greffier

tenus en audience publique le 24 Janvier 2024

jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 25 Mars 2024 par le même magistrat

Société [2] C/ CPAM DU RHONE

N° RG 18/02587 - N° Portalis DB2H-W-B7C-TGAR

DEMANDERESSE

Société [2], dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Olivier GELLER, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 8

DÉFENDERESSE

CPAM DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Mme [O] munie d’un pouvoir

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [2]
CPAM DU RHONE
Me Olivier GELLER, vestiaire : 8
Une copie revêtue de la formule executoire :

CPAM DU RHONE

Une copie certifiée conforme au dossier

Le 4 août 1986, [N] [M] a été engagé par la société [2] en qualité de peintre d’intérieur.

Le certificat médical initial établi le 13 octobre 2016 fait état d’une maladie professionnelle : « tableau 57 : rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite objectivée par l’IRM » avec pour date de la 1ère constatation médicale de la maladie professionnelle le 4 octobre 2016.

Le 18 décembre 2016, [N] [M] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle faisant référence à une « MP 57 A Rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite ».

Par courrier du 27 décembre 2016, la caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) du Rhône a informé la société [2] d’une déclaration de maladie professionnelle établie par [N] [M].

La caisse primaire d’assurance maladie (la CPAM) du Rhône a diligenté une enquête administrative pour maladie professionnelle n°57 A rupture coiffe épaule droite. Elle a également envoyé un questionnaire à l’employeur et au salarié auquel ils ont répondu.

Par courrier du 20 mars 2017, la CPAM du Rhône a informé la société [2] de la nécessité d’un délai complémentaire d’instruction.

Dans le cadre du colloque médico-administratif maladie professionnelle du 9 mai 2017, le médecin-conseil de la caisse a fixé la première constatation médicale de l'affection au 4 octobre 2016.

Par courrier du 9 mai 2017, la CPAM du Rhône a informé la société [2] de la clôture de l’instruction et que, préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnelle de la maladie "tableau n°57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail", l’employeur avait la possibilité de consulter les pièces constitutives du dossier.

Par courrier du 16 mai 2017, réceptionné par la CPAM du Rhône le 17 mai 2017, la société [2] a demandé la transmission du dossier de [N] [M].

Par courrier du 29 mai 2017, la CPAM du Rhône a informé la société [2] de la prise en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels, de la maladie professionnelle du "tableau n°57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail" concernant le salarié [N] [M].

Par courrier du 28 juillet 2017, la société [2] a formé un recours gracieux devant la commission de recours amiable (la CRA) de la CPAM du Rhône en contestation de cette décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par [N] [M].

Lors de sa réunion du 26 septembre 2018, la CRA de la CPAM du Rhône a confirmé l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'affection dont est atteint [N] [M], et a rejeté la demande de la société [2].

****

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 novembre 2018, reçue au greffe le 28 novembre 2018, la société [2] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon d'une demande en inopposabilité de la prise en charge par la CPAM du Rhône, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par [N] [M].

L’affaire a été appelée à l’audience du 24 janvier 2024.

❖ Dans ses dernières conclusions développées oralement à l’audience, la société [2] déclare abandonner son moyen relatif au principe du contradictoire et demande au pôle social du tribunal judiciaire de Lyon de :
constater l’absence de présomption d’imputabilité,déclarer inopposable la décision de prise en charge du 29 mai 2017,ordonner à la caisse, via la CARSAT, de procéder à toutes les régularisations qui s’imposent.
❖ Dans ses dernières conclusions développées oralement à l’audience, la CPAM du Rhône demande au tribunal de :
confirmer le caractère professionnel de la pathologie diagnostiquée à [N] [M],confirmer l’opposabilité de la décision de la prise en charge de l’affection de [N] [M],débouter la société [2].
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions visées pour un exposé plus ample des prétentions et moyens des parties.

L’affaire a été mise en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS

Sur la réunion des conditions de prise en charge de la maladie au titre du tableau n° 57 A

Sur la désignation de la maladie
Selon l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale alors applicable, les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident. Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime. Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé. Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.
Il résulte de cet article combiné au tableau n°57 des maladies professionnelles, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-937 du 1er août 2012, qu'il appartient au juge du contentieux de la sécurité sociale, saisi d'un litige portant sur la désignation de la maladie, de rechercher si l'affection déclarée correspond à l'une des pathologies décrites par un tableau des maladies professionnelles, compte tenu des éléments de fait et de preuve produits par les parties.
En l'espèce, l'employeur indique que le colloque médico-administratif ne revêt pas une valeur probatoire suffisante car il demeure imprécis. Il souhaiterait que l'IRM puisse être communiquée mais reconnaît que cela n'est pas imposé par la Cour de cassation. Face à cette impossibilité, il convient de prononcer l'inopposabilité de la décision de la caisse.
Pour sa part, la CPAM du Rhône rappelle qu'une IRM a été effectuée et que le service du contrôle médical a bien visé la pathologie. Il n'y a pas lieu à communication de l'IRM, compte tenu du secret médical.
À cet égard, la maladie déclarée par le salarié est une “ MP 57 A Rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite ” et le certificat médical initial, établi le 13 octobre 2016, fait état d’une maladie professionnelle : « tableau 57 : rupture partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite objectivée par l’IRM ».
De plus, il est constant que le libellé exact de la pathologie du tableau n°57 A est littéralement mentionné sur la déclaration de maladie professionnelle et sur le certificat médical initial du salarié.
En outre, la CPAM du Rhône produit aux débats une copie écran d’un décompte de la prise en charge d’une remnographie (IRM) unilatérale ou bilatérale de segment du membre supérieur, sans injection de produit de contraste en date du 4 octobre 2016.
Il s’ensuit que la condition tenant à la désignation de la maladie professionnelle est remplie.
En conséquence, ce moyen d'inopposabilité sera rejeté.
Sur l'exposition aux risques

Le tableau n°57 A des maladies professionnelles subordonne la prise en charge de la "rupture partielle ou transfixiante de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM", au titre de la réglementation professionnelle, à l'exécution de "travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins 2 heures par jour cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins 1 heure par jour en cumulé".

Il appartient à la caisse, subrogée dans les droits de l'assuré, de rapporter la preuve de ce que ce dernier a accompli les travaux limitativement énumérés au tableau n°57 A, susceptibles de provoquer la maladie déclarée.

En l'espèce, l'employeur considère qu'une enquête complémentaire aurait dû être réalisée par la caisse car les questionnaires renseignés par elle-même et le salarié sont contradictoires.

Pour sa part, la CPAM du Rhône rappelle qu'elle se fonde sur la réalisation d'une IRM et elle liste les tâches effectuées par [N] [M], qui impliquent la réalisation des travaux exigés par le tableau 57 A.

À cet égard, il résulte de l’enquête menée par la CPAM du Rhône que [N] [M] est droitier et a travaillé à temps plein au sein de la société en qualité de peintre d’intérieur, réalisant 38 heures par semaine répartis sur 5 jours.

L’activité du salarié consiste à effectuer les activités suivantes : la mise en place des protections des locaux avant travaux ; la préparation des supports (murs, plafonds) ; peindre les murs et les plafonds ; mise en place et fixation de plaque de placoplâtre ; pose de dalles, de moquette, ou revêtement en PVC au sol.

Une instruction a été diligentée par la caisse, et deux questionnaires ont été respectivement adressés à l'employeur et au salarié.

La société [2] soutient que la condition de l'exposition au risque n'est pas remplie.

Toutefois, dans son questionnaire, la société [2] reconnaît que [N] [M] était amené à effectuer des opérations avec décollement du bras par rapport au corps ; bras en élévation sans appui avec un angle supérieur ou égal à 60 ° et avec un angle supérieur ou égal à 90°.

Dans le questionnaire assuré, [N] [M] indique que les tâches effectuées nécessitent des mouvements ou le maintien de l’épaule droite sans soutien en abduction avec un angle au moins à 60° pendant moins d’une heure par jour en cumulé et avec un angle au moins égal à 90° pendant moins d’une heure par jour en cumulé.

L’agent enquêteur assermenté de la caisse conclut que, compte tenu de l’emploi exercé par [N] [M], les tâches de travail de l’assuré comportent des mouvements pour le maintien de l’épaule droite sans soutien en abduction avec un angle au moins égale à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé au sens du tableau n°57 A dans maladies professionnelles. L’enquêteur retient également le caractère répétitif des mouvements de l’épaule droite lors de la réalisation de ses tâches de travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le poste de peintre d’intérieur occupé par [N] [M] impliquait, dans sa journée de travail, des mouvements ou le maintien de son épaule droite sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60°, pendant au moins 2 heures par jour en cumulé. Compte tenu de la date de première constatation médicale fixée par le médecin-conseil au 4 octobre 2016, le délai de prise en charge d’un an est respecté, la durée d’exposition au risque d'un an est respectée.

Le colloque médico-administratif du 9 mai 2017 indique également que la liste limitative des travaux du tableau n°57 A est respectée s'agissant de la rupture de la coiffe de l’épaule droite.

En outre, compte tenu de la date de première constatation médicale fixée par le médecin-conseil au 4 octobre 2016, le délai de prise en charge d'un an est respecté et la durée d’exposition au risque d'un an est respectée.

Le salarié a été exposé au risque lésionnel tel que défini dans la liste limitative du tableau n°57 A des maladies professionnelles.

En conséquence, ce moyen d'inopposabilité sera rejeté.
Sur le respect du délai de prise en charge

Selon le tableau n°57 A des maladies professionnelles, le délai de prise en charge pour une tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM est de 6 mois, sous réserve d’une durée d’exposition de 6 mois.

Il est constant que le délai de prise en charge correspond au délai maximal entre la constatation de la maladie et la date à laquelle le travailleur a cessé d’être exposé aux risques.

Selon l’article D. 461-1-1 du code de la sécurité sociale, pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin-conseil.

En l’espèce, le service médical a fixé la date de première constatation médicale au 4 octobre 2016.

La société [2] soutient que le délai de prise en charge n’est pas respecté.

La CPAM du Rhône, pour sa part, fait valoir en substance que la date de début d’exposition au risque a été fixée au 4 août 1986, date d’embauche de [N] [M], jusqu’au 30 septembre 2016, dernier jour travaillé.

À cet égard, il est constant que la première constatation médicale de la maladie professionnelle n’est pas soumise aux mêmes exigences de formes que le certificat médical initial. De plus, la première constatation médicale de la maladie professionnelle peut être antérieure au certificat médical initial, étant en outre caractérisée par toute manifestation de nature à révéler l’existence de cette maladie, quand même le diagnostic n’aurait pas été posé.

Dès lors, le certificat médical du 13 octobre 2016 révélant pour la première fois l’existence de la maladie de [N] [M], sans établir pour autant de lien avec le travail du salarié, constitue un document pris en considération pour fixer la première constatation de la maladie professionnelle déclarée, la date de première constatation médicale étant fixée par le médecin-conseil dont l’avis s’impose à la caisse et qui a fixé celle-ci au 4 octobre 2016.

Par conséquent, le délai de prise en charge de 6 mois de la maladie professionnelle sous réserve d’une durée d’exposition de 6 mois est respecté, et le moyen tiré de son non-respect sera rejeté.

****
Dès lors, il convient de confirmer l'opposabilité à la société [2] de la décision de prise en charge de la CPAM du Rhône en date du 29 mai 2017, au titre de la législation professionnelle, de la maladie professionnelle de [N] [M] et de débouter la société [2] de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort, mis à disposition,

Déclare opposable à la société [2] la décision de prise en charge de la CPAM du Rhône en date du 29 mai 2017, au titre de la législation professionnelle, de la maladie professionnelle de [N] [M] ;

Déboute la société [2] de ses demandes ;

Condamne la société [2] aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 18/02587
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;18.02587 ?
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