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19/03/2024 | FRANCE | N°19/01139

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 19 mars 2024, 19/01139


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :
ASSESSEURS:




DÉBATS :

PRONONCE :


AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :









19 MARS 2024

Julien FERRAND, président

Stéphanie DE MOURGUES, assesseur collège employeur
Lila IDBIHI, assesseur collège salarié

Assistés lors des débats et du prononcé du jugement de Alice GAUTHÉ, greffière

Tenus en audience

publique le 23 janvier 2024

Jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 19 mars 2024 par le même magistrat


Société [3] C/ CPAM DE LA SARTHE

N° RG 19/01139 - N° Portalis DB2H-W-B...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :
ASSESSEURS:


DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

19 MARS 2024

Julien FERRAND, président

Stéphanie DE MOURGUES, assesseur collège employeur
Lila IDBIHI, assesseur collège salarié

Assistés lors des débats et du prononcé du jugement de Alice GAUTHÉ, greffière

Tenus en audience publique le 23 janvier 2024

Jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 19 mars 2024 par le même magistrat

Société [3] C/ CPAM DE LA SARTHE

N° RG 19/01139 - N° Portalis DB2H-W-B7D-TXOX

DEMANDERESSE

Société [3]
Située [Adresse 2]

Représentée par Maître DUVAL, avocat au barreau de DIJON, substitué par Maître GIRAUD, avocat au barreau de LYON

DÉFENDERESSE

CPAM DE LA SARTHE
Située [Adresse 1]

Représentée par Madame [K] [Z], munie d’un pouvoir spécial

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [3]
Maître DUVAL
CPAM DE LA SARTHE
Une copie revêtue de la formule executoire :

CPAM DE LA SARTHE
Une copie certifiée conforme au dossier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [N] [S], salarié en qualité d'intérimaire de la société [3], a été victime d'un accident le 7 décembre 2016.

Un arrêt de travail jusqu'au 12 décembre 2016 lui a été prescrit le jour même des faits par certificat médical initial du Centre Hospitalier [Localité 4] pour "lumbago". La société [3] a établi la déclaration d'accident du travail le lendemain, en indiquant : "Mr [S] coulait du béton dans un coffrage pour poser un regard. Lorsqu'il a soulevé le coffrage pour le retirer il a ressenti une douleur au niveau du bassin", ajoutant "sous toute réserve : douleur préexistante avant la prise de poste".

La caisse primaire d'assurance de la Sarthe a pris en charge d'emblée l'accident du travail au titre de la législation sur les risques professionnels par décision notifiée à la société [3] par courrier recommandé du 12 décembre 2016.

Par courrier du 22 janvier 2019, la société [3] a saisi la commission de recours amiable aux fins de contester l'imputabilité à la lésion initiale des arrêts de travail pris en charge.

Par courrier recommandé du 22 mars 2019, la société [3] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon d'un recours à l'encontre de la décision implicite de rejet de sa demande.

Aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience du 23 janvier 2024, la société [3] indique que 322 jours d'arrêt de travail ont été imputés sur son compte employeur alors que la lésion initiale ne présentait pas de gravité particulière.

Elle fait état d'un doute sérieux sur le lien de causalité direct et certain entre l'accident et l'ensemble des arrêts de travail, compte tenu de leur durée, en s'appuyant sur un avis du Docteur [W] qui retient l'imputabilité du lumbago à l'accident, mais qui estime qu'un état antérieur lombaire pathologique interfère avec les conséquences de l'accident.

Elle sollicite à titre principal que les arrêts de travail dont a bénéficié Monsieur [N] [S] au-delà du 22 janvier 2017 lui soient déclarés inopposables, et, à titre subsidiaire, l'organisation d'une expertise médicale judiciaire sur pièces aux fins notamment de déterminer les lésions, soins et arrêts imputables à l'accident du 7 décembre 2016 en soutenant que la présomption d'imputabilité ne peut lui être opposée dès lors qu'elle justifie d'un commencement de preuve du défaut de lien de causalité entre le sinistre et la durée des arrêts de travail.

La caisse primaire d'assurance maladie de la SARTHE conclut, à titre principal, au rejet des demandes de la société [3] et sollicite que la prise en charge des soins et arrêts prescrits au titre de l'accident du 7 décembre 2016 lui soit déclarée opposable.

A titre subsidiaire, si le tribunal ordonnait une expertise médicale judiciaire, elle demande que la mission de l'expert porte sur la détermination des soins et arrêts ayant une cause totalement étrangère à l'accident du travail.

Elle fait valoir qu'elle justifie de la continuité de symptômes et de soins justifiant la prise en charge de l'ensemble des arrêts prescrits, produisant notamment les certificats médicaux de prolongation, que la société [3] ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère à l'accident à l'origine des prescriptions et que la demande d'expertise médicale n'est pas motivée.

MOTIFS DU TRIBUNAL

Aux termes de l'article L. 433-1 du code de la sécurité sociale, une indemnité journalière est payée à la victime par la caisse primaire, à partir du premier jour qui suit l'arrêt du travail consécutif à l'accident pendant toute la période d'incapacité de travail qui précède soit la guérison complète, soit la consolidation de la blessure ou le décès ainsi que dans le cas de rechute ou d'aggravation.

La présomption d'imputabilité des soins et arrêts délivrés à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la période d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Elle s'applique lorsque l'accident constitue la cause partielle ou occasionnelle des lésions et lorsqu'il a précipité l'évolution ou l'aggravation d'un état antérieur.

Lorsque la Caisse démontre qu'il y a une continuité de symptômes et de soins à compter de l'accident initial, les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs.

L'employeur qui sollicite l'organisation d'une expertise médicale pour vérifier l'imputabilité des soins et arrêts à l'accident du travail doit démontrer l'utilité d'une telle mesure en justifiant d'éléments médicaux de nature à accréditer l'existence d'une cause qui serait à l'origine exclusive des prescriptions litigieuses. L'expertise judiciaire ne doit pas permettre de pallier la carence probatoire d'une partie.

De simples doutes fondés sur la supposée bénignité de la lésion initiale, la durée des arrêts de travail ou l'existence d'un état pathologique antérieur ne sont pas de nature à étayer les prétentions de l'employeur.

L'utilisation de référentiels relatifs à la longueur des arrêts de travail ne peut être qu'indicative et il revient aux professionnels de santé d'adapter la durée des arrêts de travail aux cas qu'ils rencontrent et à leurs spécificités, dans le cadre de leur reconnaissance et de leur expérience.

Monsieur [S] a bénéficié de prescriptions de repos et de soins continues jusqu'au 31 décembre 2018, date de consolidation fixée par le médecin conseil de la caisse.

Après le certificat médical initial établi par le médecin du Centre Hospitalier [Localité 4] le 7 décembre 2016 pour un arrêt de travail jusqu'au 12 décembre 2016 constatant que Monsieur [N] [S] présentait un "lumbago", vingt trois certificats médicaux de prolongation ont été établis prescrivant la poursuite des arrêts de travail.

Ces certificats médicaux font état des lésions suivantes :
- lombalgies post effort - cruralgie droite secondaire ;
- lumbago post effort - radiculalgie MI droit persistante ;
- lumbago post effort - radiculalgie MI droit secondaire ;
- lumbago post effort - radiculalgie MI droit (trajet S1) - IRM en attente ;
- lumbago post effort - radiculalgie MI droit (trajet S1) ;
- lombosciatique droite post effort ;
- lombalgie post effort + radiculalgie MI droit (inaptitude temporaire par médecin du travail = refus de reprise le 29/03/2017) ;
- lombalgie aigue post effort - radiculalgie membre inférieur droit ;
- lumbago post effort + radiculalgie MI droit ;
- lombosciatique droite post effort ;
- lombosciatique droite post effort - attente de IRM (2ème) ;
- lombalgies post effort, radiculalgie droite secondaire, attente de prise en charge en centre de rééducation;
- lombalgies post effort, radiculalgie MI droit - attente de prise en charge en centre de rééducation ;
- lumbago post effort + radiculalgies MI droit ;
- lombalgies post effort + radiculalgie droite ;
- lumbago post effort + radiculalgies MI droit.

A l'issue des huit premières prolongations d'arrêt, Monsieur [N] [S] a tenté une reprise du travail le 25 avril 2017, mais la recrudescence des douleurs a nécessité une nouvelle interruption du travail comme le précise son médecin traitant sur le certificat médical de prolongation daté du 16 mai 2017, l'arrêtant à nouveau jusqu'au 9 juin 2017.

Tous les certificats médicaux de prolongation mentionnent le même siège de lésions se rattachant à l'accident en cause.

Les médecins conseils de la caisse ont rendu cinq avis favorables les 25/01/2017, 23/06/2017, 5/10/2017, 21/02/2018 et 10/07/2018 à la prise en charge des soins et prolongations d'arrêt de travail prescrits à Monsieur [N] [S].

Le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie a fixé au 31 décembre 2018 la consolidation avec séquelles indemnisables des lésions imputables à l'accident du travail du 7 décembre 2016, avec un taux d'incapacité permanente inférieur à 10 %.

La continuité de soins et symptômes est caractérisée depuis l'accident jusqu'à la date de consolidation au seul titre du lumbago et justifie la prise en charge des arrêts de travail en application de la présomption d'imputabilité.

Au soutien de sa demande d'expertise, la société [3] produit un avis médico-légal établi le 30 novembre 2018 par le Docteur [W], sans avoir procédé à un examen médical de Monsieur [S], qui retient un état antérieur dorsolombaire auquel le traumatisme dorsal serait imputable, indiquant que la durée moyenne d'arrêt de travail pour un lumbago est de 45 jours en se fondant sur un barème indicatif des arrêts de travail et un document de la Haute Autorité de Santé.

La seule existence d'un état antérieur ne suffit pas à écarter la présomption d'imputabilité à un accident de lésions qui ont aggravé un état préexistant, qui s'étend à la période d'incapacité de travail jusqu'à la consolidation de l'état de la victime, sauf pour l'employeur à rapporter la preuve que les soins et arrêts
pris en charge au titre de l'accident ne sont pas imputables à l'accident et l'éventuelle aggravation qu'il a pu entraîner.

La société [3] ne justifie en l'état d'aucun commencement de preuve susceptible d'établir l'existence d'une cause totalement étrangère au travail permettant d'écarter la présomption d'imputabilité des soins et arrêts prescrits en continuité de l'accident du travail du 7 décembre 2016 jusqu'à la consolidation de l'état de santé de Monsieur [N] [S].

Au vu de ces éléments, il convient de débouter la société [3] de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

Le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

- DÉBOUTE la société [3] de ses demandes ;

- CONDAMNE la société [3] aux dépens.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal, le 19 mars 2024, et signé par le président et la greffière.

LA GREFFIERELE PRESIDENT

A. GAUTHÉJ. FERRAND


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 19/01139
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;19.01139 ?
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