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12/03/2024 | FRANCE | N°21/05700

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Quatrième chambre, 12 mars 2024, 21/05700


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 21/05700 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WBJ6

Jugement du 12 Mars 2024






















Notifié le :




Grosse et copie à :

la SCP AXIOJURIS LEXIENS - 786

Me Thomas BOUDIER - 2634


Copie dossier



REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 12 Mars 2024 devant la Quatrième Chambre le ju

gement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 17 Octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 12 Décembre 2023 devant :

Stéphanie BENOIT, Président,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Quatrième Chambre

N° RG 21/05700 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WBJ6

Jugement du 12 Mars 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

la SCP AXIOJURIS LEXIENS - 786

Me Thomas BOUDIER - 2634

Copie dossier

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 12 Mars 2024 devant la Quatrième Chambre le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 17 Octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 12 Décembre 2023 devant :

Stéphanie BENOIT, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Sylvie ANTHOUARD, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Monsieur [Y] [L]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Thomas BOUDIER, avocat au barreau de LYON et par Maître Maude HUPIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

Madame [Z] [E] épouse [L]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Thomas BOUDIER, avocat au barreau de LYON et par Maître Maude HUPIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDERESSE

La société SA LYONNAISE DE BANQUE,
dont le siège social est sis [Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Mathieu ROQUEL de la SCP AXIOJURIS LEXIENS, avocats au barreau de LYON
EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte d’huissier en date du 18 août 2021, Monsieur [Y] [L] et Madame [Z] [E] épouse [L] ont fait assigner la SA Lyonnaise de Banque devant le tribunal judiciaire de LYON.
Ils exposent être clients de la banque assignée et se plaignent d’avoir été victime d’une escroquerie, ayant donné lieu à un virement de 100 000 € opéré au débit de leur compte. Ils indiquent avoir réclamé en vain à l’établissement bancaire de procéder à la réparation du dommage subi.

Dans leurs dernières conclusions prises au visa des articles 1104 et 1231-1 et suivants du code civil et L561-5 et suivants du code monétaire et financier, les époux [L] attendent de la formation de jugement qu’elle condamne sous le bénéfice de l’exécution provisoire la partie adverse à leur régler la somme de 100 000 € au titre de leur préjudice financier ainsi qu’une indemnité de 2 000 € au titre de leur préjudice moral, outre le paiement d’une somme de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
Les intéressés reprochent à la banque d’avoir manqué à son obligation de vigilance et d’avoir exécuté un virement présentant des anomalies apparentes.

Aux termes de ses ultimes écritures, la Lyonnaise de Banque conclut au débouté des demandeurs, dont il est réclamé en retour la condamnation à prendre en charge les dépens distraits au profit de son avocat ainsi que les frais irrépétibles à hauteur de 5 000 €.
La défenderesse conteste avoir commis une faute, expliquant qu’elle a exécuté un ordre de virement formel et valable et ajoutant qu’il ne lui appartient pas de s’interroger sur l’opportunité d’une opération sollicitée par son client.

MOTIFS DE LA DÉCISION
 
            Conformément à l'article 9 du code de procédure civile impose, celui qui entend obtenir satisfaction de sa demande doit rapporter la preuve des faits nécessaires à son succès.

Il est constant que Monsieur et Madame [L] ont conclu avec la Lyonnaise de Banque une convention de compte courant joint avec solidarité en vertu d’un contrat personnel global n°00043697601. Le litige a pour objet un ordre de virement établi le 8 avril 2021 par Monsieur [L], à hauteur de 100 000 €, portant mention d’une exécution souhaitée le jour-même.

Les intéressés entendent se prévaloir contre la défenderesse des termes du code monétaire et financier, pris en ses articles L561-4-1, L561-5, L561-5-1, L561-10 et L561-10-2.
Ces textes, insérés dans un chapitre dédié à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, soumettent les établissements bancaires à une obligation de vigilance et leur imposent la mise en place d'une organisation et de procédures internes destinées à lutter contre ces pratiques illicites : élaboration de divers dispositifs d’évaluation des risques quant aux produits proposés ou services offerts, recueil de renseignements relatifs à l’objet et à la nature des relations d’affaires qu’ils entretiennent, accomplissement d’un examen renforcé en présence d'une opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite.
Ces dispositions visent non pas à garantir directement le client contre d'éventuels revers de fortune résultant de manoeuvres frauduleuses mais à protéger la collectivité contre des mouvements financiers nocifs comme étant reliés à des agissements délictuels ou criminels. Dès lors, elles n'ont pas vocation à recevoir une application utile au profit des époux [L].

En revanche, il est constant que dans la relation contractuelle qu'il entretient avec son client, l'établissement bancaire est bien soumis à un devoir de vigilance qui lui impose uniquement de vérifier la régularité formelle et intellectuelle des opérations qu'il exécute.
La vigilance dont il est ici question a pour objectif essentiel de s'assurer que l'ordre de paiement émane effectivement de celui qui a qualité pour l’émettre et non qu'il va profiter à un destinataire digne de confiance.

Dans ce cadre, il s'agit de déceler toute anomalie apparente, d'une évidence telle qu'elle est susceptible d'être mise en exergue par un employé de banque normalement diligent.
Tout manquement en la matière doit donner lieu à dédommagement au titre de l'article 1231-1 du code civil qui fait peser la charge d'une réparation sur celui qui n'a pas exécuté l'obligation au respect de laquelle il était contractuellement tenu.
L’obligation de vigilance est néanmoins encadrée par un devoir de non-ingérence faisant interdiction au banquier de s'immiscer dans la gestion des comptes de son client et donc de procéder à un contrôle d'opportunité relativement aux opérations réalisées par l'intéressé.

En ce qui les concerne, Monsieur et Madame [L] font remarquer que l’opération litigieuse avait pour bénéficiaire un compte détenu en Espagne et que son montant dépassait largement celui des transactions habituellement réalisées sur leur compte. Cependant, les intéressés ne contestent pas que le virement en cause a bien été ordonné par Monsieur [L], au moyen d’un formulaire adéquate supportant sa signature. Par ailleurs, le compte débité afin de couvrir le paiement était suffisamment approvisionné pour permettre une telle ponction, aussi volumineuse soit-elle, que les demandeurs avaient la pleine liberté d'effectuer.

Dès lors, le grief émis contre la Lyonnaise de Banque de ne pas avoir refusé d’exécuter l’ordre litigieux avant de s’être renseignée sur l’opération et d’avoir obtenu des éléments justificatifs ne saurait être fondé.
Le tribunal observe en effet que Monsieur [L] ne semblait guère disposé à l’époque à se prêter à quelques mesures d’investigation et de contrôle qui auraient été de nature à retarder l’exécution du virement, n’ayant pas manqué d’adresser à compter du 6 avril 2021 plusieurs mails à différents employés de la banque afin de signaler le caractère urgent de l’opération, l’un de ces messages étant libellé ainsi (envoi le 7 avril 2021 à 13h56) : « On me dit à l’instant à la CIC que je dois me déplacer jusqu’au guichet pour faire ce virement. D’une je n’ai pas le temps, de deux je ne vois pas pourquoi je devrais. Merci de faire le nécessaire de votre côté dès aujourd’hui et de m’aviser ».
Surtout, l’établissement bancaire ne pouvait se livrer à des vérifications motivées par un fonctionnement inhabituel du compte, sous peine de méconnaître l’interdiction d’interférer dans les affaires de ses clients en s’interrogeant sur l’opportunité d’une opération.
Il convient en conséquence de rejeter l’intégralité des prétentions formulées par les époux [L].
 
           En application de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur et Madame [L] seront condamnés aux dépens qui pourront être directement recouvrés par l'avocat de la Lyonnaise de Banque conformément à l'article 699 de ce même code.
            Ils seront également tenus de régler à la partie adverse une somme de 1 800 € au titre des frais irrépétibles.
           
PAR CES MOTIFS        

Le Tribunal, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire,

Déboute Monsieur [Y] [L] et Madame [Z] [E] épouse [L] de l’ensemble de leurs demandes
Condamne Monsieur [Y] [L] et Madame [Z] [E] épouse [L] à supporter le coût des dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat de la SA LYONNAISE DE BANQUE
Condamne Monsieur [Y] [L] et Madame [Z] [E] épouse [L] à régler à la SA LYONNAISE DE BANQUE la somme de 1 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
 
Prononcé à la date de mise à disposition au greffe par Stéphanie BENOIT, vice-président
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, Stéphanie BENOIT, et Sylvie ANTHOUARD, Greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier                                                                                              Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 21/05700
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;21.05700 ?
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