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12/03/2024 | FRANCE | N°21/01272

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 12 mars 2024, 21/01272


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL

Jugement du 12 MARS 2024


Minute n° :

Audience du :12 janvier 2024
Salarié :M. [N] [K]

Requête n° : N° RG 21/01272 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V5LL


PARTIES EN CAUSE



partie demanderesse


Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Maître VANHAECKE, substitué par Maître BENTZ, avocate au barreau de LYON

partie défenderesse


CPAM DE L’ARDECHE
[Adresse 3]
[Localité 1]

Dispensée de compra

ître en vertu de l’article 142-10-4 du code de la sécurité sociale





COMPOSITION DU TRIBUNAL


Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL

Jugement du 12 MARS 2024

Minute n° :

Audience du :12 janvier 2024
Salarié :M. [N] [K]

Requête n° : N° RG 21/01272 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V5LL

PARTIES EN CAUSE

partie demanderesse

Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentée par Maître VANHAECKE, substitué par Maître BENTZ, avocate au barreau de LYON

partie défenderesse

CPAM DE L’ARDECHE
[Adresse 3]
[Localité 1]

Dispensée de compraître en vertu de l’article 142-10-4 du code de la sécurité sociale

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Présidente : Justine AUBRIOT
Assesseur collège employeur : Caroline LAMANDE
Assesseur collège salarié : Guy PARISOT

Assistés lors des débats et du délibéré de : Alice GAUTHÉ, greffière

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Société [5]
Me Antony VANHAECKE
CPAM DE L’ARDECHE
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSÉ DU LITIGE

Par requête adressée en lettre recommandée avec accusé de réception le 09/06/2021, la société [5] a formé un recours à l'encontre d'une décision de la CMRA du 23/03/2021 notifiée le 14/04/2021 confirmant la décision de la CPAM de l'ARDECHE notifiée le 14/10/2020 et qui attribue un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 10% au profit de Monsieur [N] [K] à compter de la date de consolidation fixée le 30/09/2020, en raison d'un accident de travail déclaré le 30/05/2018, dont les séquelles sont décrites de la manière suivante: "séquelles indemnisables d'une tendinopathie du supra épineux de l'épaule gauche chez un droitier, sans état antérieur".

Le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rhône-Alpes ayant été supprimé au 31/12/2018, le tribunal judiciaire de Lyon (pôle social - contentieux technique) est devenu la juridiction compétente pour connaître de ce litige depuis le 01/01/2019. Le greffe de cette juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l'article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l'audience du 12/01/2024.

À cette date, en audience publique :

- La société [5] représentée par Maître VANHAECKE substitué par Maître BENTZ conclut oralement à titre principal à l'inopposabilité du taux compte tenu du défaut de communication du rapport d'évaluation des séquelles par la CMRA au stade du recours administratif préalable, et subsidiairement à la diminution du taux d'IPP médical à 6% attribué à Monsieur [N] [K]. Elle se fonde sur le rapport médical du Docteur [D] du 16/01/2021 qui conteste l'absence d'état antérieur retenu par le médecin conseil. Il observe que les examens radiologiques ont mis en évidence une arthropathie acromio-claviculaire " marquée ", de même qu'il est fait état de douleur cervicale sur rachis dégénératif, avec irradiation scapulaire susceptible de retentir sur la fonction de l'épaule.

Le docteur [D] relève que l'examen clinique n'a pas été réalisé en passif, ce qui ne permet pas de connaître la capacité articulaire de l'épaule blessée, et qu'on est dans le cadre d'une limitation " très légère " à " légère " de certains mouvements de l'épaule non dominante.

A titre infiniment subsidiaire, l'employeur sollicite la mise en œuvre d'une expertise médicale.

- La CPAM de l'ARDECHE était non comparante ni représentée et sollicite une dispense de comparution reçue par mail le 09/01/2024. Ses conclusions ont été transmises par mail le 09/01/2024.

En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale sur pièces confiée au Docteur [G] [S], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.

A l'issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Monsieur [N] [K] a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales.

Les conclusions écrites du médecin consultant du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.

Puis, le tribunal s'est retiré et a délibéré de l'affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 12/03/2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la recevabilité du recours

La recevabilité du recours n'est pas discutée par la caisse. Il appartient néanmoins au juge de la vérifier d'office, l'exercice d'un recours administratif préalable conditionnant le recours contentieux en vertu de l'article 125 du NCPC et de l'article L142-4 du Code de la sécurité sociale (visant les litiges relatifs à l'incapacité permanente résultant d'accident du travail ou maladie professionnelle), applicable aux décisions notifiées à compter du 1er janvier 2020.

En l'espèce il ressort des pièces communiquées que l'employeur a bien contesté la décision de la CPAM devant la CMRA le 27/11/2020, laquelle a confirmé la décision de la caisse le 23/03/2021, notifiée le 14/04/2021. Il a introduit son recours le 10/06/2021.

Le recours est par conséquent recevable.

- Sur l'inopposabilité pour défaut de transmission du rapport d'évaluation des séquelles par la CMRA

En application de l'article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

Il résulte de l'article L. 142-6 du Code de la sécurité sociale applicable au moment du recours formé par l'employeur que :" Pour les contestations d'ordre médical, hors celles formées au titre de 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puissent lui être opposées les dispositions de l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert ou du médecin consultant désigné par la juridiction compétente, l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification ".

Afin de concilier les exigences liées au respect du principe du contradictoire et au secret médical dans le cadre des contestations portant sur l'état d'incapacité, la communication de l'intégralité du rapport médical ayant fondé la décision de la caisse au médecin mandaté par l'employeur est prévue à deux stades de la procédure :

- en vertu de l'article R142-8-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l'introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet ;

- en vertu de l'article R142-16-3 du code de la sécurité sociale qui prévoit que dans le délai de dix jours à compter de la notification à l'employeur de la décision du tribunal désignant l'expert, celui-ci peut demander, par tous moyens conférant date certaine, à l'organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin, qu'il mandate à cet effet, l'intégralité du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 et du rapport mentionné au premier alinéa de l'article L. 142-10 ou l'ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du deuxième alinéa de l'article L. 142-10 ayant fondé sa décision. S'il n'a pas déjà notifié ces rapports au médecin ainsi mandaté, l'organisme de sécurité sociale procède à cette notification, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l'employeur.

Il résulte de l'avis de la Cour de cassation du 17/06/2021 que les délais impartis par les articles R. 142-8-2, alinéa 2 et R. 142-8-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction résultant du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicables au litige, pour la transmission à la commission médicale de recours amiable par le praticien-conseil du rapport mentionné à l'article L. 142-6 du même code et pour la notification de ce rapport par le secrétariat de la commission au médecin mandaté par l'employeur, lorsque ce dernier a formé un recours préalable, qui ne sont assortis d'aucune sanction, sont indicatifs de la célérité de la procédure.
Ainsi, leur inobservation n'entraîne pas l'inopposabilité à l'égard de l'employeur de la décision attributive du taux d'incapacité dès lors :

- que celui-ci dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l'article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d'obtenir, à l'occasion de ce recours, la communication du rapport mentionné ci-dessus en application des articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même code,

- que la CPAM ne peut pas être sanctionnée pour la violation d'une obligation dont elle n'est pas débitrice.

En l'espèce la société requérante ne conteste pas que ledit rapport ait bien été produit et communiqué au médecin qu'elle a désigné dans le cadre de l'instance contentieuse, le Dr [D], qui a d'ailleurs fourni un rapport circonstancié le 20/10/2023, et un autre le 09/01/2024, contestant le corps et les conclusions du rapport d'évaluation des séquelles du médecin conseil CPAM ainsi que l'avis rendu de la CMRA.

Ainsi il résulte de ce qui précède que l'absence de communication à l'employeur du rapport prévu à l'article L142-6 du code de la sécurité sociale à l'occasion de l'exercice d'un recours médical préalable est sans incidence sur la décision prise antérieurement par la caisse et son opposabilité à l'employeur.

C'est d'ailleurs ce que la Cour de Cassation est venue confirmer dans un arrêt du 11/01/2024, rappelant que le défaut de communication du rapport d'évaluation des séquelles au stade du recours administratif ne pouvait être sanctionné par une inopposabilité du taux d'incapacité notifié par la caisse, dès lors que l'employeur conservait la possibilité de porter son recours devant le tribunal judiciaire et ainsi d'obtenir communication du rapport du service médical de la caisse.

Il convient en conséquence de rejeter le moyen soulevé et de dire la décision de la CPAM opposable à l'employeur.

- Sur l'évaluation du taux médical d'IPP

La juridiction saisie du recours, doit vérifier l'application du barème et des dispositions de l'article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, l'employeur soutenant une réduction du taux notifié et la CPAM le maintien du taux de 10%.

En application de l'article L.434-2 du Code de la Sécurité Sociale, le taux d'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime, d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

En l'espèce, le Docteur [S], médecin consultant, observe que d'après le rapport d'évaluation des séquelles rédigé par le médecin conseil, il n'y a pas d'état antérieur clinique connu, il y a une limitation légère de certains mouvements de l'épaule, avec un traitement important à la date de consolidation.

Au regard de l'ensemble de ces remarques, il propose de minorer le taux attribué à 8% compte tenu d'une limitation légère de certains mouvements d'une épaule non dominante.

Ainsi en l'état des éléments médicaux objectifs, spécialement ceux retenus lors de l'examen clinique et figurant dans le rapport du médecin conseil de la caisse, dans l'avis du médecin désigné par l'employeur et dans le rapport de l'expert consulté par la juridiction, les séquelles qualifiées dans la décision attaquée et en rapport avec l'accident du travail justifient un taux médical de 8% à compter de la date de consolidation, en application du barème indicatif et des dispositions de l'article L 434-2 du Code la Sécurité Sociale.

En conséquence, le tribunal considère qu'il dispose de suffisamment d'éléments pour déclarer que le taux d'incapacité permanente partielle opposable à l'employeur doit être abaissé à 8%. La décision contestée est donc réformée en ce sens.

Il n'y a pas lieu de nommer un expert, le tribunal disposant de suffisamment d'éléments pour statuer. La demande d'expertise sera rejetée.

Il convient par ailleurs d'ordonner l'exécution provisoire compte tenu de l'ancienneté du litige.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort ;

- DÉCLARE recevable en la forme le recours formé par la société [5] ;

- REJETTE le moyen d'inopposabilité soulevé par la société [5] ;

- RÉFORME la décision de la CMRA du 23/03/2021 notifiée le 14/04/2021 confirmant la décision de la CPAM de l'ARDECHE le 14/10/2020 et FIXE à 8% le taux opposable à l'employeur au titre de l'incapacité permanente partielle de Monsieur [N] [K] à compter de la date de consolidation fixée le 30/09/2020, en raison d'un accident de travail déclaré le 30/05/2018 ;

- REJETTE les autres demandes ;

- RAPPELLE, en application de l'article L142-11 du Code de la Sécurité Sociale introduit par l'article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l'audience sont à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie ;

- ORDONNE l'exécution provisoire de la décision ;

- CONDAMNE la CPAM de l'ARDECHE aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Jugement rendu par mise à la disposition au greffe le 12 mars 2024 dont la minute a été signée par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/01272
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;21.01272 ?
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