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08/03/2024 | FRANCE | N°21/02015

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Ctx protection sociale, 08 mars 2024, 21/02015


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX AGRICOLE

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :




DÉBATS :

PRONONCE :


AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :









08 Mars 2024

Martin JACOB, président

Marie-Claude APRUZZESE, assesseur collège employeur
Nathalie FAIVRE-VIDAL, assesseur collège salarié

Assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Alice GAUTHÉ, greffière
r>Tenus en audience publique le 09 janvier 2024

Jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 08 mars 2024 par le même magistrat


Madame [T] [D] C/ MSA AIN-RHÔNE

N° RG 21/02015 - N° Port...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

POLE SOCIAL - CONTENTIEUX AGRICOLE

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU :

MAGISTRAT :

ASSESSEURS :


DÉBATS :

PRONONCE :

AFFAIRE :

NUMÉRO R.G :

08 Mars 2024

Martin JACOB, président

Marie-Claude APRUZZESE, assesseur collège employeur
Nathalie FAIVRE-VIDAL, assesseur collège salarié

Assistés lors des débats et du prononcé du jugement par Alice GAUTHÉ, greffière

Tenus en audience publique le 09 janvier 2024

Jugement contradictoire, rendu en premier ressort, le 08 mars 2024 par le même magistrat

Madame [T] [D] C/ MSA AIN-RHÔNE

N° RG 21/02015 - N° Portalis DB2H-W-B7F-WFC3

DEMANDERESSE

Madame [T] [D]
Demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]

Comparante en personne

DÉFENDERESSE

MSA AIN-RHÔNE
Située [Adresse 1] - [Localité 4]

Représentée par Madame [K] [Z] munie d’un pouvoir spécial

Notification le :
Une copie certifiée conforme à :

Mme [T] [D]
MSA AIN-RHÔNE
Une copie revêtue de la formule executoire :

Mme [T] [D]
Une copie certifiée conforme au dossier

EXPOSÉ DU LITIGE

[T] [D] a été embauchée par l'entreprise [5], en qualité de technicienne.

Le 7 juillet 2020, l'entreprise [5] a adressé à la MSA Ain-Rhône une déclaration d'accident du travail qui serait survenu le 3 juillet 2020 à [T] [D], accompagnée d'un certificat médical établi le 6 juillet 2020 par [G] [S], médecin, faisant état d'une " torsion de cheville droite ".

Par un courrier daté du 4 novembre 2020, la MSA Ain-Rhône a informé [T] [D] du refus de prise en charge de son accident au titre de la législation relative aux risques professionnels, au motif qu'elle n'avait pas avisé son employeur dans les 48 heures de la survenance de cet accident.

L'entreprise [5] a saisi la commission de recours amiable de la MSA Ain-Rhône.

Par un courrier recommandé avec accusé de réception daté du 6 juillet 2021, la MSA Ain-Rhône a informé l'entreprise [5] du rejet de son recours par la commission de recours amiable.

* * * *

Par courrier recommandé avec accusé de réception reçu au greffe le 16 septembre 2021, [T] [D] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon d'un recours contre la décision de la commission de recours amiable, en vue de la reconnaissance de son accident comme un accident du travail.

L'affaire a été appelée à l'audience du 9 janvier 2024. [T] [D] et la MSA Ain-Rhône ont comparu, de sorte que le jugement sera contradictoire.

* * * *

[T] [D], comparant en personne, a maintenu sa demande initiale.

La MSA Ain-Rhône, dûment représentée, a soutenu oralement ses conclusions et a sollicité ce qui suit :

- à titre principal, déclarer irrecevable le recours formé par [T] [D],
- à titre subsidiaire, dire que la MSA Ain-Rhône a fait une exacte application de la législation en vigueur en refusant de prendre en charge les faits survenus à [T] [D] le 3 juillet 2020 au titre de la législation sur les accidents du travail,
- débouter [T] [D] de ses demandes,
- condamner [T] [D] aux dépens.

L'affaire a été mise en délibéré au 8 mars 2024.

MOTIFS

Sur la saisine préalable de la commission de recours amiable

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, les réclamations relevant de l'article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale de chaque organisme. Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation.

En l'espèce, la MSA Ain-Rhône soulève l'irrecevabilité du recours formé par [T] [D], cette dernière n'ayant pas saisi la commission de recours amiable au préalable. En effet, la caisse précise que le recours devant la commission de recours amiable a été effectué par l'employeur de [T] [D], l'entreprise [5].

Pour sa part, [T] [D] explique avoir échangé avec son employeur au sujet de la saisine de la commission de recours amiable. Elle ne se souvient plus pour quelle raison son employeur a entrepris la démarche lui-même mais elle indique que l'entreprise [5] avait à cœur de contester les motifs de la MSA Ain-Rhône, qui refusait la prise en charge de son accident du travail compte tenu du caractère tardif de la déclaration de cet accident à l'employeur.

À cet égard, l'entreprise [5] a contesté la décision de refus de prise en charge de l'accident subi par [T] [D] au titre de la législation sur les risques professionnels devant la commission de recours amiable, après avoir échangé sur ce point avec [T] [D].

En agissant de la sorte, l'entreprise [5] disposait d'un mandat de la part de [T] [D]. Cette démarche représentait le lien de confiance qui unissait l'employeur et sa salariée.

Or, la saisine de la commission de recours amiable n'étant soumise à aucune forme particulière, la réclamation portée devant elle peut être formée par un mandataire, duquel n'est pas exigé la présentation d'un mandat écrit.

Il n'y a donc pas lieu d'apporter à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale une restriction qu'il ne comporte pas.

Au contraire, conformément à cet article la réclamation a été soumise à la commission de recours amiable préalablement à la saisine du tribunal judiciaire.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la MSA Ain-Rhône sera rejetée.

Sur l'accident du travail

Aux termes de l'article 751-6 du code rural et de la pêche maritime, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne mentionnée à l'article L. 751-1, salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole.

Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l'ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l'enquête permet à la caisse de mutualité sociale agricole de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l'accident survenu à un travailleur mentionné au premier alinéa ci-dessus pendant le trajet d'aller et retour entre :

1° Sa résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d'ordre familial et le lieu de travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour est rendu nécessaire par la pratique régulière du covoiturage.

2° Le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d'une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n'a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l'intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l'emploi.

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, et ce quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

La survenance de l'accident aux temps et lieu de travail a pour e?et de le présumer imputable au travail, sauf preuve contraire d'une cause totalement étrangère au travail.

La présomption d'imputabilité ne peut dès lors produire ses effets que lorsque sont établis:
- la matérialité du fait accidentel,
- sa survenance au temps et au lieu du travail.

À défaut de présomption d'imputabilité, il appartient à la victime d'apporter la preuve, par tous moyens :
- de la matérialité du fait accidentel,
- de sa survenance par le fait ou à l'occasion du travail,
- du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel.

Les seules affirmations de la victime non corroborées par des éléments objectifs sont insuffisantes.

Aux termes de l'article D. 751-85 du code rural et de la pêche maritime, la victime d'un accident du travail, dans la journée où l'accident s'est produit ou, au plus tard, dans les vingt-quatre heures, sauf le cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes, en informe ou en fait informer l'employeur ou l'un de ses préposés. Cette information est envoyée par lettre recommandée si elle n'est pas faite à l'employeur ou à son préposé sur le lieu de l'accident. L'employeur, soit personnellement, soit par l'intermédiaire d'un de ses préposés, déclare tout accident dont il a eu connaissance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, dans les quarante-huit heures, non compris les dimanches et jours fériés, à la caisse de mutualité sociale agricole dont relève la victime. Si l'accident a lieu hors de la commune du siège de l'exploitation ou de l'entreprise, le délai imparti ci-dessus à l'employeur pour effectuer la déclaration à la caisse de mutualité sociale agricole ne commence à courir que du jour où il a eu connaissance de l'accident. En cas d'accident survenu à un métayer mentionné à l'article L. 722-21, la déclaration incombe à celui-ci, à l'exclusion du bailleur. La déclaration à la caisse peut être faite par la victime ou ses représentants jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit l'accident. Avis de l'accident est donné immédiatement par la caisse à l'inspecteur du travail. Dès qu'elle a eu connaissance d'un accident du travail par quelque moyen que ce soit, la caisse est tenue de faire procéder aux constatations nécessaires.

En l'espèce, [T] [D] explique que, le 3 juillet 2020, elle procédait à l'inspection de parcelles viticoles, en compagnie de son supérieur hiérarchique. Au cours de ce déplacement, elle s'est tordue la cheville.

Elle précise que, dans le cadre des inspections, il est fréquent de marcher sur un terrain instable et de se tordre la cheville. Cela explique qu'elle n'ait pas prêté une forte attention à cet accident.

[T] [D] indique que le jour de l'accident, vendredi 3 juillet 2020, elle ne présentait pas de symptômes ; sa cheville a commencé à enfler le lendemain, samedi 4 juillet 2020. Compte tenu du week-end, elle n'a pu obtenir un rendez-vous auprès de son médecin que le lundi 6 juillet 2020, en fin de journée.

Le 6 juillet 2020, elle a fait part à sa directrice qu'elle venait travailler, ayant des missions bureautiques à réaliser, mais qu'elle se rendrait ensuite chez son médecin. [T] [D] ajoute que le fait accidentel lui est apparu habituel, elle n'a donc pas fait attention à l'heure exacte à laquelle celui-ci s'est produit. Elle n'avait pas conscience qu'il s'agissait d'un accident du travail. Elle affirme également que les divergences entre son récit et celui de son employeur, quant aux circonstances de l'accident, ne sont pas importantes.

Pour sa part, la MSA Ain-Rhône précise avoir diligenté une enquête suite à la réception de la déclaration d'accident du travail, par un questionnaire envoyé à [T] [D] ainsi qu'à son employeur.

Il ressort de ces questionnaires que [T] [D] évoque un accident survenu le 3 juillet 2020 à 11h alors que l'employeur déclare que l'accident est intervenu ce même jour à 10h. Ils ne s'accordent donc pas sur l'horaire du fait accidentel.

De même, [T] [D] indique que l'accident a eu lieu lors du passage entre deux vignes alors que l'entreprise [5] précise qu'il s'agissait d'une mauvaise réception d'un saut pour passer un petit muret. Il existe ainsi une divergence dans les circonstances du fait accidentel.

Dans ces conditions, l'accident ne peut pas être daté de manière certaine et la matérialité ne peut pas être établie.

De plus, [T] [D] n'a prévenu son employeur que le 6 juillet 2020, soit au delà des délais légaux, fixés à 48 heures au maximum. Elle n'a pas cessé toute activité professionnelle suite à l'accident puisqu'elle a travaillé le lundi 6 juillet 2020.

La MSA Ain-Rhône considère que l'accident ne doit pas être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

À cet égard, il convient de relever que, si la déclaration d'accident du travail doit faire l'objet d'une information à l'employeur par la victime dans un délai de 24 heures au maximum, cette condition ne donne lieu à aucune sanction.

Au contraire, l'article D. 751-85 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la déclaration d'accident du travail à la caisse peut être faite par la victime jusqu'à expiration de la 2e année qui suit l'accident.

Ainsi, le fait que [T] [D] ait informé son employeur du fait accidentel le 6 juillet 2020 n'est pas de nature à faire obstacle à la reconnaissance d'un accident du travail.

De plus, [T] [D] explique ne pas avoir eu conscience de la gravité de son accident, en ne ressentant des douleurs et ne subissant un gonflement de sa cheville que le lendemain. Elle n'a ensuite pu obtenir un rendez-vous auprès de son médecin que le 6 juillet 2020. Elle justifie d'un motif légitime pour ne pas avoir procédé à une information officielle de son employeur dès le jour même. Le fait que l'accident ait eu lieu un vendredi ne lui a pas davantage permis d'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour vérifier son état de santé pendant le week-end.

Il convient dès lors de constater que [T] [D] a été victime d'une torsion de la cheville droite pendant son activité professionnelle, lors d'une inspection de parcelles viticoles. Le fait accidentel est ainsi survenu au temps et au lieu du travail et il a entraîné une lésion physique, telle que constatée par un médecin.

À ce titre, il doit être relevé que la divergence horaire entre [T] [D] (accident à 10h) et l'employeur (accident à 11h) demeure faible alors même que l'événement en lui-même ne semblait pas extraordinaire par rapport au déroulement habituel de cette mission d'inspection, [T] [D] indiquant qu'il est fréquent de se tordre la cheville lors des déplacements sur des terrains instables.

De même, il n'apparaît pas de contrariété entre les circonstances de l'accident telles que décrites par [T] [D] et son employeur, une mauvaise réception d'un saut au-dessus d'un muret n'étant pas contradictoire avec le passage entre deux vignes.

En outre, la MSA Ain-Rhône ne démontre pas l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.

Au vu de ce qui précède, il existe des présomptions précises, graves et concordantes permettant d'établir la réunion d'éléments objectifs corroborant les déclarations de [T] [D], de telle sorte que la preuve de la matérialité d'un accident du travail est rapportée.

Dans ces conditions, l'accident du travail dont [T] [D] déclare avoir été victime le 3 juillet 2020 doit être pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, la MSA Ain-Rhône succombant, elle sera condamnée aux dépens de l'instance.

Sur l'exécution provisoire

Aux termes du premier alinéa de l'article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale, le tribunal peut ordonner l'exécution par provision de toutes ses décisions.

En l'espèce, l'ancienneté du litige justifie que l'exécution provisoire soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort ;

- REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la MSA Ain-Rhône ;

- DIT que l'accident du 3 juillet 2020 dont a été victime Madame [T] [D] est un accident du travail ;

- RENVOIE Madame [T] [D] devant les organismes compétents aux fins de voir liquider ses droits ;

- CONDAMNE la MSA Ain-Rhône aux dépens de l'instance ;

- ORDONNE l'exécution provisoire.

LA GREFFIERELE PRÉSIDENT

A. GAUTHÉM. JACOB


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/02015
Date de la décision : 08/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-08;21.02015 ?
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