N° RG 24/00764 - N° Portalis DBXV-W-B7I-GHOY
Minute : JCP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Paul-Gabriel CHAUMANET de l’ASSOCIATION A5 AVOCATS ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R 101
Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[B] [M]
Préf28
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES
Juge des Contentieux de la Protection
JUGEMENT Contradictoire
DU 30 Juillet 2024
DEMANDEUR :
E.P.I.C. OPH DE CHARTRES METROPOLE - C’CHARTRES HABITAT,
dont le siège social est sis Hôtel de ville - Place des Halles - 28000 CHARTRES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par l’ASSOCIATION A5 AVOCATS ASSOCIÉS, demeurant 47 avenue de Villiers - 75017 PARIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R 101
D’une part,
DÉFENDEUR :
Madame [B] [M],
demeurant Étage 1 Appt 2 - 9 place Spire - 28000 CHARTRES
comparante en personne
D’autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge des contentieux de la protection : Isabelle DELORME
Greffier: Séverine FONTAINE
DÉBATS :
L'affaire a été plaidée à l'audience publique du 21 Mai 2024 et mise en délibéré au 30 Juillet 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé prenant effet à compter du 12 février 2010, l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE CHARTRES METROPOLE dénommé C’CHARTRES HABITAT a donné à bail à Monsieur [S] [L] et Madame [B] [M] un logement situé au 9 place de Spire, 1er étage, appartement n°2 à CHARTRES 28000, pour un loyer mensuel de 218,06 euros hors charges locatives.
Puis, par une convention d’occupation précaire, la société C’CHARTRES HABITAT a mis à disposition de Monsieur [S] [L] et Madame [B] [M] une cave située 9 place de Spire, cave n°02 à CHARTRES 28000, moyennant le paiement mensuel de la somme de 5 euros.
Par certificat administratif du 27 juillet 2018, la société C’CHARTRES HABITAT a pris note de la volonté de Monsieur [S] [L] de résilier le contrat de location et a indiqué que Madame [B] [M] est seule titulaire du bail à compter du 22 juin 2018.
Des loyers du logement et de la cave n'étant pas régulièrement payés, un commandement de payer rappelant la clause résolutoire insérée au bail d’habitation a été délivré le 02 novembre 2023 aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 1 045,39 euros en principal, outre 18,75 euros au titre des loyers impayés relatifs à la convention d’occupation précaire.
Par acte d'huissier signifié à personne le 1er février 2024, la société C’CHARTRES HABITAT a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, afin d'obtenir, le constat de la résiliation du bail par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire et subsidiairement le prononcé de la résolution judiciaire des deux contrats de location, son expulsion et sa condamnation à lui verser les sommes suivantes:
2 086,44 euros au titre des loyers et charges impayés pour le logement et la cave, et en cas de résiliation prononcée par le juge, à payer les loyers et charges dus au jour du prononcé de la résiliation judiciaire,une indemnité d’occupation égale au montant du loyer contractuel révisé et augmenté des charges à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux, comme si les baux s'étaient poursuivis,la somme de 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,les dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer.L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département d'Eure-et-Loir le 05 février 2024.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 21 mai 2024.
La société C’CHARTRES HABITAT, représentée par son avocat, indique maintenir les demandes de son assignation. Elle actualise sa créance à la somme de 3 751,75 euros, échéance du mois d’avril 2024 incluse et précise s’opposer à l’octroi d’éventuels délais.
Madame [B] [M], régulièrement citée à personne physique, a comparu. Elle expose avoir déposé un dossier de surendettement. Elle indique percevoir 549 euros par mois ainsi que 223,41 euros d’APL jusqu’au mois de février 2024. Elle sollicite des délais et propose de régler la somme de 50 euros par mois en sus du loyer et des charges.
Un rapport social a été établi et reçu par le tribunal.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité :
Une copie de l’assignation a été dénoncée à la préfecture d’Eure-et-Loir le 05 février 2024, soit plus de six semaines avant l’audience, conformément aux nouvelles dispositions de l’article 24 III de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989.
Il est par ailleurs justifié de la saisine de la CCAPEX le 06 novembre 2023, soit deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation signifiée le 1er février 2024, conformément aux dispositions de l’article 24 II de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989.
L’action est donc recevable.
Sur la résiliation des contrats de location et l'expulsion :
- Sur la résiliation du bail et l'expulsion :
À titre préalable, il sera relevé que, si le commandement de payer du 02 novembre 2023 a été délivré postérieurement à l’entrée en vigueur de la Loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, qui est d’application immédiate, cet acte vise aussi bien les nouvelles dispositions de l’article 24 de la Loi du 06 juillet 1989 que les dispositions de l’article 24 de la Loi du 06 juillet 1989 dans leur rédaction antérieure, notamment s’agissant du délai laissé à la locataire pour lui permettre de régler la dette visée au commandement. Il sera donc fait application des dispositions de la Loi du 06 juillet 1989 dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la Loi n°2023-668 du 27 juillet 2023.
Le commandement de payer délivré le 02 novembre 2023 reproduisait la clause résolutoire insérée au bail et les dispositions exigées à l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
Madame [B] [M] n'ayant pas réglé la dette dans les deux mois du commandement, le bail s'est trouvé résilié de plein droit à compter du 03 janvier 2024.
Par ailleurs, l’article 24 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989, tel que modifié par la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, permet au juge même d’office d’accorder des délais de paiement dans la limite de trois années « à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience ».
Les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant ce délai.
En l'espèce, il ressort du décompte actualisé de la dette que le dernier règlement de Madame [B] [M] est intervenu le 11 août 2023 de sorte qu’elle n'a pas repris le paiement du loyer courant avant la date de l'audience. En outre, il convient de noter que les ressources de Madame [B] [M] ne lui permettent pas de faire face à sa dette de loyers qui s’est aggravée depuis la signification du commandement de payer et qui atteint désormais un montant relativement élevé. Au surplus, la société C’CHARTRES HABITAT s’oppose à la demande de délai.
Dans ces conditions il ne sera pas fait application de l'article précité.
Madame [B] [M] se trouvant dans le logement sans droit ni titre depuis le 03 janvier 2024, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef à défaut de départ volontaire après commandement de quitter les lieux, et ce avec le concours de la force publique si besoin est et l’assistance d’un serrurier.
- Sur la résiliation de la convention d’occupation précaire :
Selon l'article 2 alinéa 2 de la loi du 06 juillet 1989, le Titre Ier de la loi « s'applique aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur, ainsi qu'aux garages, aires et places de stationnement, jardins et autres locaux, loués accessoirement au local principal par le même bailleur ».
La convention d’occupation précaire conclue entre la société C’CHARTRES HABITAT, Monsieur [S] [L] et Madame [B] [M] précise quant à elle que « la présente convention obéit aux dispositions du code civil, à l’exception des clauses d’entretien et de réparation des éléments de celle-ci qui reste totalement à la charge du preneur ».
En l’espèce, l’absence de date dans la convention d’occupation précaire empêche de vérifier le caractère accessoire de cette location. En outre, l’existence d’une clause renvoyant au droit commun permet d’affirmer que la cave n’est pas un accessoire au contrat principal. Dès lors, cette convention ne pourra pas bénéficier de l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail.
Par ailleurs, cette convention signée entre les parties ne comporte aucune clause résolutoire.
Par conséquent, la convention d’occupation précaire ne pourra pas être résiliée sur ce fondement.
Sur la demande subsidiaire de prononcé de la résolution judiciaire de la convention d’occupation précaire :
Selon l’article 1728 2°du code civil et l'article 7 a) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.
En outre, l’article 2 de la convention d’occupation précaire précise qu’elle est consentie moyennant un loyer mensuel de 5 euros et indique que « le quittancement de ce local se fera trimestriellement à terme échu ».
L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au moment de la conclusion du contrat en cause, dispose quant à lui que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Enfin, selon l'article 1741 du code civil, le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.
En l’espèce, le décompte de créance produit démontre que certaines échéances n’ont pas été réglées par Madame [B] [M]. Toutefois, il convient de noter que, depuis le mois d’avril 2022, ce n’est qu’à deux reprises que Madame [M] n’a pas payé le loyer de la cave. Au surplus, elle a repris le paiement de ce loyer et a soldé la dette relative à ces deux échéances impayées.
Par conséquent, les manquements de Madame [B] [M] à son obligation de régler les loyers ne sont pas, en l’espèce, de nature à caractériser la gravité attendue conduisant à la résiliation de la convention.
La société C’CHARTRES HABITAT sera déboutée de sa demande de résiliation du bail et en conséquence de ses demandes d’expulsion et d’indemnité d’occupation relatives à la convention d’occupation précaire.
Sur l'indemnité d'occupation :
Compte tenu du bail antérieur et afin de préserver les intérêts de la société C’CHARTRES HABITAT, il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 03 janvier 2024 jusqu’au départ effectif de Madame [B] [M] par remise des clés ou procès-verbal d’expulsion au montant du loyer courant et des charges qui auraient été payés si le bail d’habitation s'était poursuivi et de condamner Madame [B] [M] au paiement de celle-ci.
Sur la demande au titre de l'ariéré locatif :
Le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat est une obligation essentielle du locataire, résultant tant des dispositions contractuelles du bail signé entre les parties que de l'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989.
En l’espèce, il résulte des pièces produites par la société C’CHARTRES HABITAT - contrat de bail signé, commandement de payer et extrait de compte – que sa créance s’élève à la somme de 3 751,75 euros représentant les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 14 mai 2024, échéance du mois d’avril 2024 incluse.
Madame [B] [M] sera donc condamnée à payer à la société C’CHARTRES HABITAT la somme de 3 751,75 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 14 mai 2024, échéance du mois d’avril 2024 incluse, sous réserve des indemnités d'occupation échues depuis cette date et éventuellement impayés.
Sur les demandes accessoires :
Madame [B] [M], partie perdante, supportera la charge des dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer.
Compte tenu de l'équité et de la situation économique des parties, il convient de laisser à la charge de la société C’CHARTRES HABITAT les frais irrépétibles de la procédure et de rejeter la demande formée à ce titre.
Il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, applicables au présent litige, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS,
Le Juge des contentieux de la protection, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire au 03 janvier 2024 et ainsi la résiliation de plein droit à cette date du contrat de bail prenant effet à compter du 12 février 2010 portant sur un appartement situé 9 place de Spire, 1er étage, appartement n°2 à CHARTRES 28000 ;
CONSTATE la résiliation du bail d’habitation à la date du 03 janvier 2024 ;
DEBOUTE la société C’CHARTRES HABITAT de sa demande de résolution judiciaire pour la convention d’occupation précaire ;
ORDONNE à Madame [B] [M] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au 9 place de Spire, 1er étage, appartement n°2 à CHARTRES 28000, et le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement ;
DIT qu'à défaut de départ volontaire des lieux, la société C’CHARTRES HABITAT pourra faire procéder à l'expulsion de Madame [B] [M] ainsi que de tous les occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier le cas échéant, sous réserve des dispositions de l'article L. 412-1 du Code des Procédures Civiles d'Exécution ;
DIT que l'indemnité d'occupation due à compter du 03 janvier 2024 jusqu'au départ effectif des lieux, matérialisé par la remise des clés, procès-verbal d’expulsion ou de reprise sera égale au montant du loyer courant et des charges qui auraient été payés si le bail d’habitation s’était poursuivi ;
CONDAMNE Madame [B] [M] à payer à la société C’CHARTRES HABITAT la somme de trois mille sept cent cinquante-et-un euros et soixante-quinze centimes (3 751,75 euros) au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus selon décompte au 14 mai 2024, échéance du mois d’avril 2024 incluse, outre les indemnités d'occupation impayées dues postérieurement le cas échéant ;
REJETTE la demande de délais de paiement ;
RAPPELLE que les paiements intervenus postérieurement à l'assignation viennent s'imputer sur les sommes dues conformément à l'article 1342-10 du code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées ;
REJETTE la demande de la société C’CHARTRES HABITAT au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [B] [M] aux dépens qui comprendront le coût du commandement de payer ;
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
DIT qu'une copie de la présente décision sera transmise par les soins du greffe au représentant de l'Etat dans le département.
Ainsi jugé et prononcé.
LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Séverine FONTAINE Isabelle DELORME