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30/07/2024 | FRANCE | N°24/00646

France | France, Tribunal judiciaire de Chartres, Jcp - civil2, 30 juillet 2024, 24/00646


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES


N° RG 24/00646 - N° Portalis DBXV-W-B7I-GHDY

Minute : 24/ JCP





























Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Patricia BUFFON

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[C] [D],
[L] [K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Juge des Contentieux de la Protection

JUGEMENT Contradictoire

DU 30 Juillet 2024


DEMANDEUR :

CAISSE

REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE,
dont le siège social est sis 15 esplanade Briliaud de Laujardière - 14050 CAEN CEDEX 4
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
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TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES

N° RG 24/00646 - N° Portalis DBXV-W-B7I-GHDY

Minute : 24/ JCP

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Patricia BUFFON

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[C] [D],
[L] [K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Juge des Contentieux de la Protection

JUGEMENT Contradictoire

DU 30 Juillet 2024

DEMANDEUR :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE,
dont le siège social est sis 15 esplanade Briliaud de Laujardière - 14050 CAEN CEDEX 4
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SCP BOUHENNIC PRIOU-GADALA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R 80 substituée par Me Patricia BUFFON, demeurant 6 Rue Denis Poisson - 28000 CHARTRES, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 25

D’une part,

DÉFENDEURS :

Madame [C] [D],
demeurant La petite chenillière - 28400 NOGENT-LE-ROTROU
comparante en personne

Monsieur [L] [K],
demeurant 37 rue de la Bissonnière - La rouge - 61260 VAL AU PERCHE
comparant en personne

D’autre part,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge des contentieux de la protection : Isabelle DELORME

Greffier: Séverine FONTAINE

DÉBATS :

L'affaire a été plaidée à l'audience publique du 21 Mai 2024 et mise en délibéré au 30 Juillet 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat en date du 20 novembre 2021, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE (dénommée ci-après « CRCAM ») a consenti à Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] un prêt personnel avec assurance d’un montant de 40.000,00 euros, remboursable en 84 mensualités de 574,67 euros, moyennant un taux d’intérêt contractuel fixe de 2,90 % et un taux annuel effectif global de 3,163%.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la CRCAM a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2023, mis en demeure Madame [C] [D] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 août 2023, la CRCAM lui a finalement notifié, la déchéance du terme, et l’a mise en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Une mise en demeure a ensuite été adressée à Monsieur [L] [K] le 27 novembre 2023.

Par actes de commissaire de justice en date des 14 et 29 février 2024, la CRCAM a ensuite fait assigner Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, afin d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer à titre principal, eu égard à la déchéance du terme, la somme de 37.917,56 € comprenant notamment la somme de 2.730,97€ au titre de l’indemnité de résiliation de 8 % avec intérêts au taux contractuel de 2,90 % jusqu’à parfait paiement somme actualisée au 27 novembre 2023. Subsidiairement, la CRCAM sollicite le prononcé de la résolution judiciaire du contrat de crédit souscrit le 20 novembre 2021 et la condamnation solidaire de Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] à lui payer la somme de 9 37.917,56 € comprenant notamment la somme de 2.730,97€ au titre de l’indemnité de résiliation de 8 % avec intérêts au taux contractuel de 2,90 % jusqu’à parfait paiement somme actualisée au 27 novembre 2023.

En tout état de cause, la CRCAM demande la condamnation solidaire de Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

L’affaire a été inscrite au rôle général sous le numéro 24/00646, suite au placement de la première expédition délivrée le 14 février 2024, puis sous le numéro 24/00649 suite au placement de la première expédition délivrée le 29 février 2024.

Einfin l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 21 mai 2024. Le juge des contentieux de la protection a soulevé d’office la forclusion, la nullité et la déchéance du droit aux intérêts.

A l’audience, la CRCAM, représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. Elle précise que le premier impayé non régularisé date du 5 mars 2023.

Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K], cités à étude, ont comparu.

Ils exposent qu’ils ont des revenus respectifs de 1.500 € pour Madame [D] et 1900€ pour Monsieur [K], qui reçoit en outre une pension alimentaire d’un montant de 180€ pour le fils, qu’il a charge. Ils ont des charges à hauteur de 800€ et deux crédits à la consommation en cours.
Ils sollicitent des délais de paiement.

A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 30 juillet 2024.

Il est fait observer que la note en délibéré autorisée dans un délai allant jusqu’au 28 mai 2024 pour produire le décompte actualisé de la créance sollicitée par la juridiction fait défaut, la banque ne l’ayant pas adressée.

MOTIFS

Il convient de rappeler que, conformément à l’article 2 du Code civil qui dispose que les lois n’ont point d’effet rétroactif, le contrat reste régi par les lois en vigueur lors de la souscription. Il n’en va autrement que lorsque la loi elle-même prévoit expressément que certaines de ses dispositions seront applicables aux contrats souscrits avant son entrée en vigueur.

Il résulte de l’article 61 de la loi du 1er juillet 2010 que les dispositions de cette loi nouvelle sont applicables aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2011. Les seules dispositions applicables aux contrats en cours au 1er mai 2011 sont prévues par le décret n°2011-457 du 26 avril 2011 et ne concernent que les contrats d’ouverture de crédit.

Dans le cas présent, eu égard à la date de souscription et à la nature du contrat, il y a lieu de faire application des dispositions du Code de la consommation dans leur rédaction postérieure aux modifications issues de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010.

Il sera rappelé que la société de crédit peut engager une action en paiement à l’encontre des emprunteurs et solliciter le remboursement du capital restant dû lorsque ces derniers sont défaillants.

Sur la jonction des instances

Comme il est mentionné ci-dessus, l’affaire a été inscrite au rôle général sous le numéro 24/00646, suite au placement de la première expédition délivrée le 14 février 2024, puis sous le numéro 24/00649 suite au placement de la première expédition délivrée le 29 février 2024.

Il convient pour une bonne administration de la justice, de prononcer la jonction des instances RG 24/00646 et RG 24/00649 qui seront désormais suivies sous le seul numéro de rôle général 24/00646.

Sur la recevabilité de l’action

Il résulte des dispositions de l’article R.312-35 du code de la consommation que :

« Le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l'application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
-ou le premier incident de paiement non régularisé ;
-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
-ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L.311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L.312-93
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 733-1 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 733-7. »

En l'espèce, la lecture des pièces produites aux débats permet de fixer la date du premier impayé non régularisé au 5 mars 2023.

L'action est donc parfaitement recevable, l'assignation ayant été introduite les 14 et 29 février 2024 soit dans le délai de deux ans suivant le premier impayé non régularisé sus-évoqué.

Sur la demande en paiement

Conformément à l’article R.632-1 du Code de la consommation, le juge peut vérifier d’office la régularité de l’offre préalable de crédit au regard des dispositions d’ordre public de ce code, y compris lorsque ces dispositions sont sanctionnées par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

La CRCAM rapporte la preuve du contrat de crédit personnel, dont elle se prévaut en produisant son exemplaire original. Elle demande à bénéficier des intérêts au taux contractuel.

Il lui appartient donc de démontrer, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, que la formation du contrat du 20 novembre 2021 et son exécution sont conformes aux dispositions d'ordre public du code de la consommation.

Sur la consultation du FICP

Selon l’article L.312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’information, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le préteur consulte le fichier des incidents de paiements caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques tenu par la Banque de France, conformément à l’article L.751-1 du nouveau Code de la consommation et dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L.751-6.

Par ailleurs, il est constant qu’en matière d’obligation d’information, la charge de la preuve pèse sur la personne qui est tenue d’effectuer la recherche ou de délivrer l’information. L’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers prévoit à cet égard, qu’afin de pouvoir justifier qu’ils ont consulté le fichier, les établissements et organismes de crédit doivent conserver des preuves de la consultation du fichier, de son motif et de son résultat, sur un support durable. Ils doivent être en mesure de démontrer que les modalités de consultation du fichier et de conservation du résultat des consultations garantissent l’intégralité des informations ainsi collectées.

L’article L.312-24 du code de la consommation ajoute que le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que celui-ci n'ait pas fait usage de sa faculté de rétractation et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit, dans un délai de sept jours. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit.

La mise à disposition des fonds au-delà du délai de sept jours mentionné à l'article L. 312-25 vaut agrément de l'emprunteur par le prêteur.

Il est admis que le préteur dispose d’un délai de 7 jours suivant la signature de l’offre de prêt pour consulter le fichier des incidents de paiement, délai accordé à l’emprunteur pour rétracter son accord. Le contrat étant parfaitement conclu à l’issue de ce délai de 7 jours, une consultation du fichier des incidents de paiement passé ce délai doit être considérée comme tardive.

Toutefois, la première chambre civile de la Cour de Cassation a pu préciser que si la consultation du FICP a lieu dans un délai supérieur à 7 jours mais avant la remise des fonds, il n’y a pas lieu de prononcer une déchéance du droit aux intérêts. (Civ 1ère 23 novembre 2022 n°21-15.435).

En l’espèce, la CRCAM produit des attestations de consultation du FICP en date du 20 novembre 2011 , soit pour la première consultation, le jour de la date de signature du contrat. Il ressort de l’historique de compte que les fonds ont été débloqués le 29 novembre 2021.

Ainsi, la CRCAM justifie bien avoir consulté le FICP antérieurement à la remise des fonds qui vaut agrément. Dès lors, la consultation du FICP par la CRCAM est régulière.

Sur les justificatifs de solvabilité

Selon l’article L.312-16 nouveau du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le préteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’information, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

L’article L.341-2 du code de la consommation prévoit ainsi que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L.312-14 et L.312-16 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En outre, le prêteur sollicite et conserve des justificatifs de la solvabilité de l'emprunteur comme l'exige l'article L312-16 du code de la consommation. Cette obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur incombe au prêteur (CJUE 18 décembre 2014) : de simples déclarations de l'emprunteur ne suffisent pas et doivent être accompagnées des pièces justificatives.
La seule consultation du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ne suffit pas à s'assurer de la solvabilité de l'emprunteur et le prêteur doit effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d’un avis d’imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement.

En l’espèce, la CRCAM communique outre la fiche de dialogue, les bulletins de salaire, avis d’imposition, relatif à la situation des co-emprunteurs au moment de la signature du contrat de prêt.

De la sorte, elle justifie pas avoir vérifié la solvabilité des débiteurs en leur demandant l’ensemble des justificatifs de leurs ressources et charges.

Dès lors, ces éléments sont suffisants pour apprécier leur solvabilité au moment de la conclusion du contrat.

Par conséquent, la CRCAM a respecté ses obligations.

Sur les autres documents

La CRCAM produit la preuve de remise de la FIPEN et de la fiche conseil assurance, et la notice d’assurance, le bordereau de rétractation, ainsi que la demande d’adhésion à l’assurance.

Il est constant que la CRCAM justifie également avoir rempli ses obligations.

Sur les mises en demeure,

Le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l'espèce, l'article 6.6 du contrat de prêt, qui prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, que le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus et non payés, rappelle au contraire que la possibilité pour le prêteur de prononcer la déchéance du terme sera précédée préalablement d'une mise en demeure. Il appartient dès lors au prêteur de justifier avoir adressé une mise en demeure à l'emprunteur préalablement à la déchéance du terme.

La CRCAM ne produit aux débats que le courrier recommandé avec accusé de réception adressé à Madame [D] le 21 juillet 2023 lui demandant de régler la somme de 3.159,58 euros dans un délai de quizaine sous peine de déchéance du terme, ainsi que le courrier du 16 août 2023 destiné également à Madame [D] et celui du 27 novembre 2023 destiné à Monsieur [K] faisant valoir la déchéance du terme et sollicitant le paiement de la somme de 37.634,19 € pour le premier courrier et le montant de 37.917,56€ pour le second courrier

Mais il n'est pas justifié de l'envoi ni de la réception d’une mise en demeure préalable à Monsieur [K], ni des AR des courriers des 16 août et 27 novembre 2023, de sorte que la déchéance du terme ne peut avoir été valablement prononcée.
Sur la demande subsidiaire de résolution judiciaire:

Au terme de l’article 1217 du code civil: “la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : ….- provoquer la résolution du contrat ;... »

Par ailleurs, selon l’article 1224 du code civil, “La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. “

L'article 1229 du même code précise que la résolution met fin au contrat et prend effet notamment soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice. Il est rappelé que l'assignation en justice suffit à mettre en demeure le débiteur qui n'a pas rempli son obligation.

En l’espèce, la banque sollicite à titre subsidiaire la résolution du contrat au visa de l’article 1217 du code civil, pour manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser des mensualités du prêt.

L'assignation délivrée des 14 et 29 février 2024 vaut mise en demeure de régler les sommes dues au titre du prêt et il résulte des pièces produites par la banque (contrat de prêt, historique de compte, décompte de créance au 14 août 2023) que les emprunteurs ont cessé de s'acquitter des mensualités du prêt à compter du 5 mars 2023, ce qui caractérise un manquement grave et réitéré aux obligations contractuelles justifiant la résolution judiciaire du contrat de prêt, laquelle est prononcée au jour du jugement.

Sur la somme due,

Aux termes de l'article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, ces sommes produisant elles-mêmes des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt jusqu'à la date du règlement effectif.

En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité égale au plus à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

L’article D. 312-16 du même code précise que : «Lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance».

Selon la recommandation de la Commission des clauses abusives no 21-01 du 10 mai 2021, ces clauses sont licites mais l’article D. 312-16 précité n’édicte pas un droit légal à pénalité de 8 % . Il laisse à la discrétion des parties la stipulation d’une pénalité contractuelle dont seul le taux maximal est fixé. Les parties demeurent libres de déterminer un montant exprimé en pourcentage moindre que ce maximum.

Aussi, bien que l‘indemnité de 8 % soit autorisée par la loi, il ne s’agit pas pour autant d’une clause qui refléterait une disposition législative ou réglementaire et qui serait impérative.

La clause fixant l’indemnité de 8 % constitue donc une clause pénale soumise à l’application de la législation sur les clauses abusives.

L’article L.212-1 alinéa 2 du code de la consommation prévoit que “le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat”. L’examen de la disproportion doit donc s’opérer au regard de l’ensemble des stipulations du contrat.

Saisie par une juridiction tchèque la CJUE a rendu le 21 avril 2016 (CJUE, 21 avr. 2016, aff. C-377/14, Radlinger et Radlingerová), un arrêt ainsi rédigé: «Par ses cinquième et sixième questions qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé (…) du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné (…).

«Il convient de répondre (…) que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses figurant dans le contrat concerné, indépendamment de la question de savoir si le créancier poursuit effectivement la pleine exécution de chacune d’entre elles, et que, le cas échéant, il incombe aux juridictions nationales, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, de tirer toutes les conséquences qui découlent de la constatation du caractère abusif de certaines clauses, en écartant chacune de celles ayant été reconnues comme abusives, afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celles-ci.»

En l’espèce, la banque sollicite à la fois les mensualités des échéances impayés et le capital restant du, cependant le capital est inclus dans les échéances impayées, cela revient pour la banque à solliciter deux fois la même somme.

Au surplus, il est prévu une clause contractuelle relative une indemnité de 8 % en cas de défaillance de l’emprunteur alors même que des intérêts de retard sont également prévus en cas de défaillance de sorte que la clause prévoyant l’indemnité de 8 % constitue une clause abusive et ce même si la condamnation de des co-emprunteurs n’est majorée par aucun intérêt.

En effet, le seul fait d’avoir conclu à une indemnité de 8 % et à des intérêts de retard a crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

En conséquence,la demande de condamnation à la somme de 2.730,97 € au titre de l'indemnité contractuelle sera rejetée.

Enfin, Madame [D] et Monsieur [K] ont soutenu à l'audience avoir réglé une somme de 3.000€ le 8 mars 2023, sur laquelle la banque a été invitée à s'expliquer par note en délibéré, qu'elle n'a cependant pas transmise.

La condamnation prononcée sera par conséquent exprimée en deniers ou quittances valables.

En l'espèce, au regard du décompte arrêté au 27 novembre 2023, la dette de Madame [D] et Monsieur [K] s'établit comme suit :
- capital restant dû: 31.431,82 euros
- prime d’assurances impayées: 264 euros
- intérêts : 473,64 euros
soit un total de 34.874,78 euros.

Il convient en conséquence de condamner solidairement Madame [D] et Monsieur [K] à verser à la CRCAM la somme de 34.874,78 euros en deniers ou quittances valables avec intérêts au taux contractuel de 2,90 % sur la somme de 31.431,82 euros et avec intérêts au taux légal sur la somme de 3.442,96 euros, le tout à compter de l’assignation du 29 février 2024 et ce jusqu’à parfait paiement.

Sur la demande de délais

Selon l'article 1343-5 du code civil, « Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. En outre, il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux dettes d'aliments. »

En l'espèce, Madame [D] et Monsieur [K] sollicitent des délais mentionnant qu'ils ont des revenus respectifs de 1.500 € pour Madame [D] et 1900€ pour Monsieur [K], qui reçoit en outre une pension alimentaire d’un montant de 180€ pour le fils, qu’il a charge. Ils ont des dépenses à hauteur de 800€ et deux crédits à la consommation en cours.

Ils offrent de régler chacun la somme mensuelle de 300€ soit 600€ au total pour apurer les sommes restant dues au titre du prêt.

L'aménagement de la dette n'est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s'en acquitter dans le respect des droits du créancier.

Les délais de grâce étant limités à une durée de 24 mois, la proposition faite par les co-emprunteurs, au regard de leur situation économique, ne permet en aucun cas d'apurer le montant de la créance dans ce délai.

La demande de délais de paiement s'avérant inutile, puisqu'il aurait fallu qu'ils proposent des mensualités de remboursement d'un montant de 1450 euros environ, alors qu'ils n'en ont pas la capacité financière, sera donc rejetée.

En revanche, au regard de la situation financières des co-emprunteurs, dont la bonne foi n’a pas été remise en cause, justifie, que les paiements qui seront effectués si la créance de la CRCAM ne peut être obtenue en un seul réglement seront imputés en priorité sur le capital.

Sur les demandes accessoires

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, Madame [D] er Monsieur [K], qui succombent, supporteront in solidum la charge des dépens de l’instance.

La situation économique respective des parties commande de ne pas faire droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La juge des contentieux de la protection, après audience publique, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;

PRONONCE la jonction des instances RG 24/00646 et RG 24/00649 désormais suivies sous le seul numéro de rôle général 24/00646.

DÉCLARE la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE (CRCAM) ayant son siège social 15 esplanade Briliaud de Laujardière à CAEN (14050 Cedex 4), recevable en son action en paiement à l’encontre de Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] en l’absence de forclusion ;

Prononce la résolution du contrat de prêt personnal du 20 novembre 2021 à la date de l’assignation, soit le 29 février 2024,

DEBOUTE la société la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE au titre de l’indemnité légale,

CONDAMNE en conséquence, solidairement, Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE , la somme de 34.874,78 euros (trente quatre mille huit cent soixante-quatorze euros et soixante dix huit centimes) en deniers ou quittances valables avec intérêts au taux contractuel de 2,90 % sur la somme de 31.431,82 euros et avec intérêts au taux légal sur la somme de 3.442,96 euros à compter de l’assignation du 29 février 2024 et ce jusqu’à parfait paiement;

DIT que chaque paiement effectué si la dette est apurée en plusieurs versements s’imputera en priorité sur le capital dû;

DEBOUTE la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [C] [D] et Monsieur [L] [K] aux dépens de l’instance ;


DIT n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit ;

Ainsi jugé et prononcé.

LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Séverine FONTAINE Isabelle DELORME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Chartres
Formation : Jcp - civil2
Numéro d'arrêt : 24/00646
Date de la décision : 30/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-30;24.00646 ?
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