TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES
N° RG 23/00348 - N° Portalis DBXV-W-B7H-GBGK
Minute : 24/ JCP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Paul-Gabriel CHAUMANET de l’ASSOCIATION A5 AVOCATS ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R 101
Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[T] [M]
Préf28
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Juge des Contentieux de la Protection
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
contradictoire
DU 30 Juillet 2024
DEMANDEUR :
Etablissement public CHARTRES METROPOLE HABITAT, dont le siège social est sis Place des Halles - 28000 CHARTRES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par l’ASSOCIATION A5 AVOCATS ASSOCIÉS, demeurant 47 avenue de Villiers - 75017 PARIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R 101
D’une part,
DÉFENDEUR :
Madame [T] [M],
demeurant 27 rue Albert Gougis - 28000 CHARTRES
comparante en personne
D’autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge des contentieux de la protection : Isabelle DELORME, statuant en matière de référé
Greffier: Séverine FONTAINE
DÉBATS :
L'affaire a été plaidée à l'audience publique du 21 Mai 2024 et mise en délibéré au 16 Juillet 2024 puis prorgée au 30 Juillet 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 20 juin 2016 et prenant effet à compter du 30 juin 2016, l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE CHARTRES METROPOLE dénommé C’CHARTRES HABITAT a donné à bail à Madame [T] [M] [B] un logement situé au 27 rue Albert Gougis à CHARTRES 28000, pour un loyer mensuel de 755,66 euros hors charges locatives.
La location du logement a ensuite été portée au nom de Madame [M] le 1er décembre 2021.
Les échéances de loyer n'étant pas régulièrement payées, un commandement de payer rappelant la clause résolutoire insérée au bail a été délivré le 29 novembre 2022 aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 4220,92 euros en principal.
Par acte de commissaire de justice signifié par dépôt à l’étude le 24 mai 2023, la société C’CHARTRES HABITAT a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, statuant en référé, afin d’obtenir le constat de résiliation du bail par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire, son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec si necessaire le concours de la force publique et d’un serrurier, sa condamnation à lui verser les sommes suivantes :
7250,42 euros à titre provisionnel au titre des loyers et charges impayés,une indemnité provisionnelle d’occupation égale au montant du loyer contractuel révisé et augmenté des charges à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux, comme si le bail s'était poursuivi,la somme de 300 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,les dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer.L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département d'Eure-et-Loir le 25 mai 2023.
En cours de procédure, Madame [M] a fait état de son mariage avec Monsieur [F] [P], qui est de ce fait devenu cotitulaire du bail.
Une assignation a alors été signifiée à la demande de la société C’CHARTRES HABITAT, à ce dernier, par acte de commissaire de justice en date du 29 janvier 2024 pour lui dénoncer la procédure, lui rendre opposable la décision à intervenir, et en tout état de cause afin d’obtenir le constat de résiliation du bail par l’effet de l’acquisition de la clause résolutoire, son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec si necessaire le concours de la force publique et d’un serrurier, sa condamnation solidairement avec Madame [M] à lui verser les sommes suivantes :
11.820,47 euros à titre provisionnel au titre des loyers et charges impayés,une indemnité provisionnelle d’occupation égale au montant du loyer contractuel révisé et augmenté des charges à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux, comme si le bail s'était poursuivi,la somme de 300 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,les dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer.
L’affaire a été appelée à l’audience du 12 septembre 2023, puis après renvoi à l’audience du16 janvier 2024, puis suite à un nouveau renvoi pour faire citer Monsieur [P] à l’audience du 21 mai 2024, date à laquelle elle a été appelée et retenue.
La société C’CHARTRES HABITAT, représentée par son avocat, indique maintenir ses demandes. Elle indique que la locataire et son conjoint se sont trouvés en impayés à plusieurs reprises. Elle actualise sa créance à la somme de 16.968,83 euros, échéance du mois d’avril 2024 incluse.
Madame [T] [M], régulièrement citée par dépôt à étude, a comparu, Monsieur [F] [P] régulièrement cité selon procès-verbal de recherches infructueuses n’a pas comparu, mais est dûment représenté par son épouse, selon procuration remise le jour de l’audience.
Madame [T] [M] expose être toujours mariée avec Monsieur [P], et précise que ce dernier a beaucoup de dettes professionnelles, la société qu’il dirigeait ayant fait l’objet d’une procédure collective. Elle ajoute qu’elle perçoit un revenu de 1.300€ et son perçoit un revenu de 600 à 800 €. Elle fait état d’un logement devenu trop grand et trop coûteux par rapport à leurs besoins et dit avoir déposé une demande pour un logement de plus petite surface, d’autant que selon elle, le logement est insalubre. Dans l’attente de l’octroi d’un autre logement, elle sollicite des délais de paiement pour apurer la dette et offre le règlement d’une somme de 150 euros par mois en sus du loyer et des charges.
La société C’CHARTRES HABITAT s’oppose ses demandes.
La décision a été mise en délibéré au 16 juillet 2024, puis prorogé par mise à disposition au greffe au 30 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
En vertu des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, « dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, « le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
Sur la jonction des procédures :
Selon l’article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
En l’espèce, il a été rappelé que ce n’est qu’en cours de procédure que la situation maritale de Madame [M] a été révélée. Son conjoint en devenu par leur union cotitulaire du bail.
En raison de leur connexité, il y a lieu d’ordonner la jonction de l’instance inscrite sous le RG n°23/00348 avec l’instance inscrite sous le RG n°24/00178, l’instance se poursuivant désormais sous le numéro de RG 23/00348.
Sur la recevabilité :
Une copie de l’assignation a été dénoncée à la préfecture d’Eure-et-Loir le 25 mai 2023, soit plus de deux mois avant l’audience, conformément aux anciennes dispositions de l’article 24 III de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 applicables en l’espèce.
Cette première assignation et la seconde assignation délivrée en cours de procédure ont été notifiées à la Préfecture le 30 janvier 2024
Il est par ailleurs justifié de la saisine de la CCAPEX le 17 novembre 2022, soit deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation signifiée le 15 février 2024, conformément aux anciennes dispositions de l’article 24 II de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989.
L’action est donc recevable.
Sur la résiliation du bail :
À titre préalable, il sera relevé que, le commandement de payer du 29 novembre 2022 a été délivré antérieurement à l’entrée en vigueur de la Loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, cet acte vise en conséquence les dispositions de l’article 24 de la Loi du 06 juillet 1989 dans leur ancienne rédaction applicable aux faits, notamment s’agissant du délai laissé au locataire pour lui permettre de régler la dette visée au commandement. Il sera donc fait application des dispositions de la Loi du 06 juillet 1989 dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la Loi n°2023-668 du 27 juillet 2023.
Le commandement de payer délivré le 29 novembre 2022 reproduit la clause résolutoire insérée au bail et les dispositions exigées à l'article 24 de la loi du 6 Juillet 1989.
Madame [T] [M] n'ayant pas réglé la dette dans les deux mois du commandement, le bail s'est trouvé résilié de plein droit à compter du 30 janvier 2023.
Par ailleurs, l’article 24 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989, tel que modifié par la loi n°2023-668 du 27 juillet 2023, permet au juge même d’office d’accorder des délais de paiement dans la limite de trois années « à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience ».
Les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant ce délai.
En l'espèce, il ressort du décompte actualisé de la dette que Madame [M] a repris le paiement des loyers de façon très parcellaires. En outre, il convient de noter que la situation du couple ne lui permet pas de faire face à la dette de loyers, dont le montant est particulièrement élevé et qui n’a eu de cesse de croître depuis le commandement de payer du 29 novembre 2022, passant de la somme de 4.220,92 euros à la somme de 16.968,83 euros.
La demande de délais de paiement sera donc rejetée
Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] se trouvant dans le logement sans droit ni titre depuis le 30 janvier 2023, il convient d'ordonner leur expulsion ainsi que celle de tous occupants de leur chef à défaut de départ volontaire après commandement de quitter les lieux, et ce avec le concours de la force publique si besoin est et l’assistance d’un serrurier.
Le sort des meubles éventuellement laissés dans les lieux est spécifiquement organisé aux articles L. 433-1, L. 433-2, R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution au titre des opérations d'expulsion. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner leur enlèvement, leur transport ni leur séquestration, qui demeurent à ce stade purement hypothétiques.
Sur l'indemnité d'occupation :
Compte tenu du bail antérieur et afin de préserver les intérêts de la société C’CHARTRES HABITAT, il convient de fixer à titre provisionnel le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 30 janvier 2023 jusqu’au départ effectif de Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] par remise des clés ou procès-verbal d’expulsion au montant du loyer courant et des charges qui auraient été payés si le bail s'était poursuivi et de condamner solidairement Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] au paiement de celle-ci.
Sur la demande en paiement de l'arriéré
Le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat de location constitue une obligation essentielle du locataire, ce qui résulte tant de l'article 7 a) de la loi du 6 juillet 1989 que du bail signé entre les parties.
En l’espèce, il résulte des pièces produites par la société C’CHARTRES HABITAT - contrat de bail signé, commandement de payer et extrait de compte - que sa créance s’élève à la somme de 16.968,83 euros en principal représentant les loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au jour de l’audience, échéance du mois d’avril 2024 incluse.
Il convient en conséquence de condamner solidairement Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] au paiement de cette somme provisionnelle sous réserve des indemnités d'occupation échues depuis cette date et éventuellement impayés.
Sur les demandes accessoires :
Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P], parties perdantes, supporteront solidairement la charge des dépens, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer.
Compte tenu de l'équité et de la situation économique des parties, il convient de laisser à la charge de la société C’CHARTRES HABITAT les frais irrépétibles de la procédure et de rejeter la demande formée à ce titre.
Il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, applicables au présent litige, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
PAR CES MOTIFS,
Le Juge des contentieux de la protection, statuant en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort par mise à disposition au greffe :
AU PRINCIPAL, RENVOIE les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent vu l'urgence et l'absence de contestations sérieuses :
ORDONNE la jonction de l’instance inscrite sous le numéro de Rôle Général n° RG 24/00178 avec celle inscrite sous le numéro de Rôle Général n° 23/348, l’affaire étant désormais appelée sous ce seul numéro.
DECLARE l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE CHARTRES METROPOLE dénommé C’CHARTRES HABITAT recevable en son action ;
DECLARE la demande de paiement de l’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT DE CHARTRES METROPOLE dénommé C’CHARTRES HABITAT également recevable;
CONSTATE la résiliation du bail conclu entre la société C’CHARTRES HABITAT et Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] à compter du 30 janvier 2023 et portant sur les lieux situés au 27 rue Albert Cougis à CHARTRES 28000;
ORDONNE en conséquence à Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance de référé;
DIT qu'à défaut de départ volontaire des lieux, la société C’CHARTRES HABITAT pourra faire procéder à l'expulsion de Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P], ainsi que de tous les occupants de leur chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier le cas échéant, sous réserve des dispositions de l'article L. 412-1 du Code des Procédures Civiles d'Exécution;
DIT que l'indemnité d'occupation due à compter du 30 janvier 2023 jusqu'au départ effectif des lieux, matérialisé par la remise des clés, procès-verbal d’expulsion ou de reprise sera égale au montant du loyer courant et des charges qui auraient été payés si le bail s’était poursuivi;
CONDAMNE solidairement Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] à payer à la la société C’CHARTRES HABITAT la somme de 16.968,83€ ( seize mille neuf cent soixante huit euros et quatre vingts trois centimes) au titre des loyers, charges impayés, avec intérêts au taux légal sur la somme de 4220,92 € à compter du commandment de payer du 29 novembre 2022, et à compter de l’assignation pour le surplus;
RAPPELLE que les paiements intervenus postérieurement à l'assignation viennent s'imputer sur les sommes dues conformément à l'article 1342-10 du code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées ;
REJETTE la demande de la société C’CHARTRES HABITAT au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE solidairement Madame [T] [M] et Monsieur [F] [P] aux dépens de l’instance, comprenant notamment le coût du commandement de payer;
RAPPELLE que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire ;
DIT qu'une copie de la présente décision sera transmise par les soins du greffe au représentant de l'Etat dans le département.
Ainsi ordonnée et prononcée le 30 Juillet 2024.
LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Séverine FONTAINE Isabelle DELORME