N° RG 23/02422 - N° Portalis DBXV-W-B7H-GDMD
Minute : JCP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP BORDIER, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 6
Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[U] [M],
[C] [R]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES
Juge des Contentieux de la Protection
JUGEMENT Réputé contradictoire
DU 23 Juillet 2024
DEMANDEUR :
S.A. DIAC
dont le siège social est sis 14 Avenue du Pavé Neuf - 93168 NOISY LE GRAND
agissant poursuites et diligences de ses représentant légaux domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me BORDIER de la SCP BORDIER, demeurant 28 BIS Boulevard Chasles - 28000 CHARTRES, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 6
D’une part,
DÉFENDEURS :
Monsieur [U] [M]
né le 01 Février 1994 à CHARTRES (28000)
non comparant, ni représenté
Madame [C] [R]
née le 09 Juin 1967 à CHARTRES (28000)
non comparante, ni représentée
Tous deux domiciliés 56 avenue Marcel Proust - 28300 LÈVES
D’autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge des contentieux de la protection : Pauline DE LORME
En présence de : Madame Florence HENOUX, magistrat et Monsieur Eliott CORSO, auditeur de justice, lors des débats
Greffiers : Karine SZEREDA lors des débats et Séverine FONTAINE, lors du prononcé
DÉBATS :
L'affaire a été plaidée à l'audience publique du 14 Mai 2024 et mise en délibéré au 23 Juillet 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 25 février 2020, la société DIAC a consenti à Monsieur [U] [M] et à Madame [C] [R] une ouverture de crédit affecté au financement d’un véhicule RENAULT MEGANE, d’un montant de 19 183.76 € remboursable en 72 mensualités au taux débiteur fixe de 4.87 % et au taux annuel effectif global de 5.700 %.
Le procès-verbal de livraison du bien a été dressé le 29 février 2020.
Se prévalant du non-paiement des échéances convenues, la société DIAC a mis en demeure Monsieur [U] [M]. Puis, par courriers en date du 23 janvier 2023, elle a prononcé la déchéance du terme du contrat et mis en demeure les débiteurs, en vain.
Suivant exploit d'huissier en date du 16 août 2023, la société DIAC a assigné Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R] devant le Juge du contentieux de la Protection de Chartres, sur le fondement des articles 1103 et suivants du code civil et des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, aux fins d’obtenir à titre principal, leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 14 291.48 € arrêtée ai 22 mai 2023 avec intérêt au taux contractuel à compter du 22 mai 2023, la somme 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 07 novembre 2023.
Par mention au dossier en date du 09 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 14 mai 2024 aux fins de recueillir les observations des parties sur l’irrégularité du réaménagement en l’absence d’avenant signé, la nullité du contrat de crédit pour déblocage des fonds avant le 07ème jour et la déchéance du droit aux intérêts pour justificatif de solvabilité insuffisant, absence de preuve de signature de la FIPEN et de la notice d’assurance avant la remise du contrat.
L’affaire a été renvoyée à l’audience du 14 mai 2024 où elle a été retenue.
La société DIAC, représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de son acte introductif d’instance auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R], cités à étude, n’ont pas comparu et n’ont pas été représentés.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.
MOTIFS
Aux termes de l’article 475 du code de procédure civile, le défaut de comparution du défendeur n’empêche pas qu’il soit statué au fond. Le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Il convient de rappeler que, conformément à l’article 2 du Code civil qui dispose que les lois n’ont point d’effet rétroactif, le contrat reste régi par les lois en vigueur lors de la souscription. Il n’en va autrement que lorsque la loi elle-même prévoit expressément que certaines de ses dispositions seront applicables aux contrats souscrits avant son entrée en vigueur.
Il résulte de l’article 61 de la loi du 1er juillet 2010 que les dispositions de cette loi nouvelle sont applicables aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2011. Les seules dispositions applicables aux contrats en cours au 1er mai 2011 sont prévues par le décret n°2011-457 du 26 avril 2011 et ne concernent que les contrats d’ouverture de crédit.
Dans le cas présent, eu égard à la date de souscription et à la nature du contrat, il y a lieu de faire application des dispositions du Code de la consommation dans leur rédaction postérieure aux modifications issues de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, lesquelles dispositions ont fait l’objet d’une recodification par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 dans un nouveau code de la consommation entrée en vigueur le 1er juillet 2016.
I. Sur la recevabilité de la demande
Il résulte des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile que le délai de forclusion est une fin de non-recevoir qui doit être soulevée d'office par le juge en application de l'article 125 du même code dès lors que celle-ci résulte des faits litigieux.
L’article R.312-35 du code de la consommation dispose que “les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme;
-ou le premier incident de paiement non régularisé ;
-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
-ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 733-1 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L.733-7.”
En l’espèce, il résulte du courrier en date du 30 novembre 2021, transmis à Monsieur [U] [M] uniquement, que la société DIAC a procédé à un réaménagement du contrat de crédit. Si elle indique que ce réaménagement résulte d’une demande faite par Monsieur [U] [M] lui-même, elle n’en rapporte pas la preuve. En outre, même si une telle demande a été formulée, le courrier d’acceptation du prêteur ne peut suffire à entraîner une modification du contrat sans régulariser a minima un avenant contractuel avec les deux co-emprunteurs, ce d’autant plus qu’il est indiqué une hausse des prochaines mensualités ainsi que l’application de frais, éléments pour lequel le consentement des deux co-emprunteurs n’a pas été vérifié.
En effet, le réaménagement d'une créance dans son totalité qui modifie l'économie générale de l'offre initiale sans qu'une nouvelle offre ne soit soumise au débiteur lui permettant non seulement de prendre conscience des conséquences financières du réaménagement notamment quant au coût du crédit mais aussi et éventuellement d'y renoncer ne répond pas aux exigences légales sus-évoquées.
Un tel courrier ne peut s’analyser en un réaménagement régulier du contrat de crédit.
La société DIAC ne pouvant pas se prévaloir d’un réaménagement du contrat au sens de l’article précité du code de la consommation, le point de départ du délai de forclusion de l’action en paiement du prêteur doit donc se situer à la date du premier incident de paiement non régularisé déterminé en retenant les mensualités du prêt dues dans leur montant initial tel qu’apparaissant à l’offre de crédit.
20 échéances ont été payées avant le réaménagement, postérieurement à celui-ci 1 échéance de 63.31 et 8 échéances de 384.18 euros ont été payées soit 3136.75 €. En conséquence,
un total de 10 681.35 € euros correspondant à 28 échéances de 377.23euros (échéances initialement consenties) ont été réglées. Le premier impayé non régularisé date donc du 05 août 2022.
L'action est donc parfaitement recevable, l'assignation ayant été introduite le 16 août 2023, soit dans le délai de deux ans suivant le premier impayé non régularisé sus-évoqué.
II. Sur la régularité du contrat
Conformément à l’article L. 312-25 du code de la consommation :
« Pendant un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur.
Pendant ce même délai, l'emprunteur ne peut non plus faire, au titre de l'opération en cause, aucun dépôt au profit du prêteur ou pour le compte de celui-ci.
Si une autorisation du prélèvement sur son compte bancaire est signée par l'emprunteur, sa validité et sa prise d'effet sont subordonnées à celles du contrat de crédit. »
Selon l’article 641 alinéa 1er du code de procédure civile : « Lorsqu'un délai est exprimé en jours, celui de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas. » Ainsi, le point de départ du délai de sept jours avant déblocage des fonds court à partir du lendemain de la conclusion du contrat de prêt.
De surcroît, selon l’article 642 alinéa 1er du code de procédure civile : « Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures. » Ainsi, le délai de sept jours avant déblocage des fonds s’achève le septième jour à vingt-quatre heures, si bien que ce dernier ne pourra intervenir qu’à partir du lendemain, c’est-à-dire le huitième jour qui suit la conclusion du contrat de prêt.
Il est de jurisprudence constante que les sommes ne peuvent être débloquées avant l'expiration d'un délai de sept jours (Cour de Cassation 22 janvier 2009).
Comme pour le délai de rétractation, le jour de la signature ne compte pas (C. consom., art. L. 312-19 et L. 312-20), et la mise à disposition des fonds ne peut intervenir qu’après l’expiration du délai de sept jours (si le contrat est signé le 1er, la délivrance des fonds ne pourra intervenir que le 9).
Un versement anticipé entraîne la nullité du contrat (Cass. 1re civ., 22 janv. 2009, no 03-11.775 : « La méconnaissance des dispositions de l’article L. 311-17 du Code de la consommation est sanctionnée non seulement pénalement comme le prévoit l’article L. 311-35 du même code mais également par la nullité du contrat de crédit en vertu de l’article 6 du Code civil »).
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’offre de contrat de crédit a été souscrite le 25 février 2020. Si les emprunteurs ont sollicité la livraison immédiate du bien, qui a eu lieu le 29 février 2020, cette demande ne dispensait pas le prêteur de respecter le délai de 07 jours avant de débloquer les fonds.
Or, il apparaît à la lecture de l’historique des paiements que le déblocage des fonds est intervenu le 03 mars 2020 pour un montant de 19 183.76 € , soit le septième jour suivant la conclusion du contrat de prêt. Ainsi, le délai de sept jours avant déblocage des fonds n’a pas été respecté.
Par conséquent, la nullité du contrat de prêt conclu le 25 février 2020 entre la société DIAC et Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R] sera prononcée.
Les parties doivent donc être remises dans l'état antérieur au contrat : le capital prêté doit être remboursé par l'emprunteur et les versements effectués doivent être restitués par le prêteur.
En l’espèce, il ressort de l’historique des paiements que les fonds débloqués par la société DIAC s’élèvent à 19 183.76euros.
La société DIAC est par conséquent en droit d’obtenir la somme suivante au titre de la restitution.
Capital emprunté : 19 183.76 euros Déduction des règlements (capital + intérêts + frais) effectués : 10 742.54 euros Montant de la restitution : 8 441.22 euros
En conséquence, Monsieur [U] [M] et Madame [F] [R] seront solidairement condamnés à verser à la société DIAC la somme de 8 441.22 euros au titre de la restitution du capital prêté.
La nullité étant imputable au prêteur, il convient, en outre, d'écarter toute application de l’article L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que la majoration de l’intérêt légal sera écartée. En outre, en l’absence de mise en demeure préalable adressée à chacun des co-débiteurs, il convient de retenir que les intérêts ne courent qu’à compter de l’assignation.
Sur les demandes accessoires
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R], qui succombent, supporteront in solidum la charge des dépens de l’instance.
Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 eu égard à la position économique de chacune des parties.
PAR CES MOTIFS,
La Juge du contentieux de la protection, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DECLARE la société D.I.A.C, SA ayant son siège social situé 14 Avenue du Pavé Neuf à NOISY LE GRAND (93), recevable en sa demande en paiement ;
PRONONCE la nullité du contrat de prêt conclu le 25 février 2020 entre la société D.I.A.C, SA ayant son siège social situé 14 Avenue du Pavé Neuf à NOISY LE GRAND (93) , et Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R] pour non-respect du délai de déblocage des fonds ;
CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R] à restituer à la D.I.A.C, SA ayant son siège social situé 14 Avenue du Pavé Neuf à NOISY LE GRAND (93), la somme de 8441.22 euros (trois mille quatre cent dix euros et vingt-huit centimes) au titre du solde du capital prêté par contrat de prêt conclu le 25 février 2020 avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ;
ECARTE la majoration de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier ;
DEBOUTE la D.I.A.C, SA ayant son siège social situé 14 Avenue du Pavé Neuf à NOISY LE GRAND (93), de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum Monsieur [U] [M] et Madame [C] [R] aux dépens de l’instance ;
RAPPELLE que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire ;
Ainsi jugé et prononcé.
LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Séverine FONTAINE Pauline DE LORME