Du 13 août 2024
53B
SCI/DC
PPP Contentieux général
N° RG 24/01204 - N° Portalis DBX6-W-B7I-ZDMX
S.A. FLOA
C/
[H] [P]
Expéditions délivrées à :
Me MAILLET
FE délivrée à :
Me MAILLET
Le 13/08/2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 2]
JUGEMENT EN DATE DU 13 août 2024
JUGE : Madame Bérengère LARNAUDIE, Vice Présidente
GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE
DEMANDERESSE :
S.A. FLOA - [Adresse 4]
Représentée par Maître Claire MAILLET de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de Bordeaux
DEFENDERESSE :
Madame [H] [P] née le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
Ni présente, ni représentée
DÉBATS :
Audience publique en date du 11 juin 2024
PROCÉDURE :
Articles 480 et suivants du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable signée électroniquement le 17 mars 2022, la SA FLOA a consenti à Madame [H] [P] un crédit renouvelable d'un montant de 6.000 € remboursable par mensualités, au taux nominal contractuel de 19,19 % jusqu'à une utilisation de 3.000 € et de 9,79 % au-delà de 3.000 €. Une seconde offre signée électroniquement le même jour prévoyait une ligne amortissable d'une partie du premier contrat par la mise à disposition de la somme de 2.000 € en une seule fois, remboursable en 60 échéances de 49,25 € au taux nominal contractuel de 16,58 %.
Des mensualités étant demeurées impayées, la SA FLOA a prononcé la déchéance du terme après une mise en demeure infructueuse par lettre datée du 5 avril 2023 adressée en recommandé avec avis de réception.
Par acte de commissaire de justice en date du 30 avril 2024, la SA FLOA a fait assigner Madame [H] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de BORDEAUX, aux fins de la voir condamner en paiement des sommes suivantes :
▸ 7.718,92 €, avec intérêts contractuels au taux de 10,851% sur la somme de 6.234,44 € à compter du 30 janvier 2024, et au taux légal sur le surplus,
▸ 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
A l'audience du 11 juin 2024, la SA FLOA, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice des prétentions de son acte introductif d'instance. Elle a précisé que la forclusion de l'action n'était pas encourue et que l'ensemble des obligations précontractuelles avait été respecté.
Assignée par procès-verbal de recherches infructueuses, la défenderesse n'a pas comparu et ne se s'est pas fait représenter. Conformément à l'article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 13 août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond ; le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement :
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L'article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 11 juin 2024.
En cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l'absence de cause de nullité du contrat, de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la signature du contrat :
Aux termes de l'article 1366 du code civil, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. L'article 1367 du même code ajoute que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache.
En l'espèce, il y a lieu de constater que la signature électronique des deux offres préalables de contrat repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée. La copie de la carte d'identité de la défenderesse est produite.
Dans ces conditions, la régularité de la signature électronique sera reconnue.
Sur la forclusion :
L'article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé notamment par le non paiement des sommes dues à la suite du premier incident de paiement non régularisé.
La SA FLOA qui réclame le paiement d'une seule créance pour les deux contrats signés le même jour, verse aux débats deux historiques de compte distincts, dont il ressort que le premier impayé non régularisé se situe le 31 juillet 2022 pour chacun d'eux.
L'assignation étant en date du 30 avril 2024, aucune forclusion n'est encourue.
Sur la déchéance du terme :
En vertu des dispositions de l'article L.312-39 du code de la consommation, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet.
En l'espèce, compte tenu de la défaillance de l'emprunteur, après une mise en demeure préalable par lettre recommandée avec avis de réception en date du 25 mai 2023, la SA FLOA a régulièrement
prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé avec avis de réception retourné à l'expéditeur le 1er août 2023 pour cause de boîte non identifiable.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
• la fiche d'information précontractuelle -FIPEN-
• la notice d'assurance et la fiche conseil assurance
• la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP-
• la justification de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur et la fiche de dialogue
• la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière.
Ces différents éléments ont été produits.
La SA FLOA a également versé à son dossier l'avis de renouvellement annuel du contrat de crédit renouvelable adressé à l'emprunteur trois mois avant l'échéance annuelle.
En revanche, la loi prévoit cependant que le choix de l'offre préalable de crédit par le prêteur n'est pas libre mais doit correspondre à la nature de l'opération qu'il entend proposer à l'emprunteur sous peine d'être déchu de son droit à intérêts.
Ainsi, le prêteur, qui doit se conformer au respect des modèles types dont chacun a ses exigences particulières d'information, ne saurait ainsi, en détournant l'utilisation du modèle type relatif au crédit renouvelable par fractions, proposer comme il l'a fait en l'espèce un crédit de type prêt personnel, en s'affranchissant de son obligation de conclure une offre préalable respectant les prescriptions applicables au prêt personnel.
Le contrat proposant prétendument à l'emprunteur une offre promotionnelle par l'intégration d'une ligne amortissable d'une partie du contrat renouvelable par la mise à disposition de la somme de 2.000 € en une seule fois, remboursable en 60 échéances de 49,25 € au taux nominal contractuel de 16,58 %, signé le même jour que le crédit renouvelable auquel il est intégré, ne respecte pas les dispositions d'ordre public édictées par le code de la consommation, de sorte que la SA FLOA encourt de ce chef la déchéance totale du droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance :
Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, la déchéance s'appliquant même aux frais, commissions et autres accessoires inscrits au compte.
De surcroît, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts résultant de l'article L.311-48 susvisé exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance prévue à l'article L.311-24 du code de la consommation.
Il sera par ailleurs rappelé que, bien que les textes n'imposent aucune forme particulière pour la présentation d'un décompte, le juge qui est tenu de vérifier si les sommes réclamées correspondent aux prescriptions légales doit être parfaitement éclairé quant au montant réclamé et aux justifications correspondantes et à défaut, la demande du prêteur peut être écartée totalement ou partiellement. Le juge n'est en effet pas tenu de procéder à des calculs financiers complexes pour retrouver les sommes réellement dues par l'emprunteur, après avoir précisé les éléments de calcul à prendre en compte.
En l'espèce, la SA FLOA produit un seul décompte de créance sur la base des deux historiques de compte relatifs à chacun des deux contrats signés le même jour.
Dans ces conditions, la créance de la SA FLOA s'établit de la façon suivante :
▸ sommes prêtées : 6.000,00 €
▸ règlements effectués par l'emprunteur : 484,72 €
Soit un solde de 5.515,28 €
Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2023.
Sur les demandes accessoires :
La défenderesse qui succombe supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande de rejeter la demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DECLARE l'action de la SA FLOA RECEVABLE ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels à compter de la souscription du contrat du 17 mars 2022 ;
CONDAMNE Madame [H] [P] à verser à la SA FLOA la somme de 5.515,28 €, avec intérêts au taux légal à compter du 1er août 2023 ;
REJETTE la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [H] [P] aux dépens ;
CONSTATE l'exécution provisoire.
Ainsi jugé et mis à disposition, les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERE LA JUGE