N° RG 23/00020 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XLIQ
INCIDENT
SURSIS A STATUER
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
50A
N° RG 23/00020 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XLIQ
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.A.R.L. VILLE
C/
S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE ET DE RAVITAILLEMENT GENERAL, S.C.P. OFFICE NOTARIAL D’ANDERNOS LES BAINS, [J] [E] [N] [G]
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU
la SELARL LEX URBA - NICOLAS ROUSSEAU ET ASSOCIÉS
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le HUIT AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE
Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente,
Juge de la Mise en Etat de la 5EME CHAMBRE CIVILE,
Isabelle SANCHEZ, Greffier lors des débats et Pascale BUSATO, Greffier lors du prononcé
DÉBATS
A l’audience d’incident du 18 juin 2024
Vu la procédure entre :
DEMANDERESSE AU FOND
DEFENDERESSE A L’INCIDENT
S.A.R.L. VILLE
Port des Fontaines - Lieu-dit Taussat
33138 LANTON
représentée par Maître Nicolas ROUSSEAU de la SELARL LEX URBA - NICOLAS ROUSSEAU ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de BORDEAUX
DEFENDEURS AU FOND
S.A.R.L. SOCIETE HOTELIERE ET DE RAVITAILLEMENT GENERAL
Place Louis David
33510 ANDERNOS LES BAINS
défaillant
DEMANDEURS A L’INCIDENT
S.C.P. OFFICE NOTARIAL D’ANDERNOS LES BAINS
91 Boulevard de la République
33510 ANDERNOS LES BAINS
représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX
Monsieur [J] [E] [N] [G]
91 Boulevard de la République
33510 ANDERNOS LES BAINS
représenté par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX
*******
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 30 octobre 2013 établi par Monsieur [J] [G], notaire au sein de la SCP Office Notarial d'Andernos-les-Bains, la Société Hotelière et de Ravitaillement Général a cédé à la SARL Ville son fonds de commerce de restaurant, organisation de banquets, de réceptions diverses, ventes de glaces sis à Lanton, Taussat, Port des Fontaines Vieilles, connu sous le nom commercial « Les Fontaines » et son droit au bail.
Parallèlement, madame [U] née [R] a consenti à la SARL VILLE le renouvellement anticipé du bail commercial pour l’exploitation de ce fonds de commerce, l’acte précisant que le local commercial était édifié pour partie sur la parcelle appartenant privativement à la bailleresse et pour la plus grande partie sur le domaine public maritime.
En effet, par acte du 22 juillet 2011, la commune de Lanton, qui gérait depuis 2006 le port de FONTAINEVIEILLE, a conféré à madame [U] une autorisation d’occuper privativement le domaine public sur une surface d'environ 4 195 m, sur laquelle était édifié le bar-restaurant, sous la condition d'utiliser le bien à l'usage exclusif de bar-restaurant, la convention étant conclue pour une durée de 30 ans à compter du 1er janvier 2011 moyennant une redevance annuelle de 2500 euros.
La SARL VILLE s’est acquittée régulièrement de son loyer depuis l’entrée en jouissance jusqu’en octobre 2022. Elle s’est également acquittée d’une redevance pour l’occupation temporaire du domaine public suite à une AOT donnée par arrêté municipal eu 8 janvier 2014 portant sur une terrasse.
A compter de 2017, la gestion du domaine public de l’Etat constitué par le port de FONTAINEVIEILLE a été transférée au syndicat mixte des ports du bassin d’Arcachon (SMPBA). A l’occasion du renouvellement de l’autorisation d’occupation du domaine public faite auprès du SMPBA, la SARL VILLE a été alertée de la nullité de tout bail commercial consenti par une personne privée sur le domaine public et a régularisé sa situation auprès du SMBPA en obtenant une autorisation d’occupation précaire accordée le 14 octobre 2020, expirant le 9 septembre 2030, moyennant une redevance annuelle de 3 014,90 euros. Cette autorisation porte sur la partie du local commercial située sur le domaine public.
Prenant conscience du fait que son exploitation commerciale est soumise à une AOT, non au seul bail commercial, la société VILLE a par actes des 30 octobre et 06 novembre 2020, fait assigner Mme [R] épouse [U], M. [G] et la société Office Notarial d'Andernos-les-Bains devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'obtenir l'annulation du bail commercial du 30 octobre 2013, et d'obtenir la condamnation in solidum des défendeurs à lui verser la somme de 336 000 euros au titre de la restitution des loyers à compter de l'entrée en jouissance. L’instance est enrôlée sous le numéro 20/09020.
Puis, par actes des 28 et 29 décembre 2022, la SARL VILLE a fait assigner la Société Hôtelière et de Ravitaillement Général, M. [G] et la société Office Notarial d'Andernos-les-Bains aux fins d’obtenir l’annulation de la cession du fonds de commerce et d'obtenir la condamnation in solidum des défendeurs à lui verser la somme de 361 408 euros, à parfaire, au titre de la restitution du prix de vente des éléments incorporels du fonds de commerce.
Par ordonnance du 2 mai 2023, le juge de la mise en état a déclaré la demande de la SARL VILLE formée dans le dossier 20/09020 tendant à l’annulation du renouvellement du bail commercial irrecevable au motif qu’elle était prescrite.
Par arrêt du 29 janvier 2024, la cour d’appel de Bordeaux a infirmé cette décision sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de provision formée par madame [R], statuant à nouveau, a dit que l’acte de renouvellement du bail commercial du 30 octobre 2013 était vicié par une erreur de droit, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et condamné in solidum les défendeurs à lui verser une somme de 2 000 euros et à supporter les dépens de l’incident.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 juillet 2023, M. [G] et la société Office Notarial d'Andernos-les-Bains ont saisi le juge de la mise en état d’un incident, lequel a été évoqué, après plusieurs renvois, à l’audience du 18 juin 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES SUR L’INCIDENT
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique 3 juillet 2023 et 18 juin 2024, M. [G] et la société Office Notarial d'Andernos-les-Bains demandent au juge de la mise en état, à titre principal, de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure relative à la prescription de l’action en nullité de l’acte de renouvellement du bail commercial du 30 octobre 2013, à titre subsidiaire de déclarer la société VILLE irrecevable en ses demandes en raison de leur prescription, de la condamner à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
Ils soutiennent que l’action de la société VILLE est prescrite dès lors qu’il lui appartenait d’agir avant le 30 octobre 2018, puisqu’ils retiennent comme point de départ de la prescription la date de la signature de l’acte litigieux qui mentionne l’existence d’une convention d’occupation précaire de sorte que la société Ville ne peut indiquer en avoir eu connaissance qu’en 2020. Ils en déduisent que l’assignation délivrée le 23 décembre 2022 est tardive.
Ils ajoutent que la question de la prescription de l’action tendant à déclarer nul le renouvellement du bail commercial a été soumise au juge de la mise en état qui a retenu cette prescription. Si la cour d’appel a infirmé son ordonnance, monsieur [M] [U], ayant droit de madame [U] décédée en cours d’instance, a formé un pourvoi en cassation, lequel est toujours pendant. L’issue de ce pourvoi ayant une incidence directe sur l’issue du présent litige, ils demandent qu’il soit sursis à statuer dans l’attente.
En réplique, aux termes de conclusions notifiées les 14 novembre 2023, 6 mai et 3 juin 2024, la société VILLE demande au juge de la mise en état de débouter les demandeurs à l’incident, à défaut ordonner le sursis à statuer jusqu’au prononcé de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux dans le cadre de l’instance relative au bail commercial et plus généralement dans l’attente d’une décision devenue définitive sur la question de la prescription de l’action en nullité de la SARL VILLE et condamner M. [G] et la société Office Notarial d'Andernos-les-Bains à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que son action n’est pas prescrite, ainsi que la cour d’appel de Bordeaux l’a jugé en considérant que le point de départ du délai de prescription ne pouvait pas être le jour de la signature de la convention dès lors que son consentement avait été vicié pour ne pas avoir connaissance des conséquences juridiques de l’exploitation de son fonds de commerce sur le domaine public. Elle souligne que nonobstant l’existence d’un pourvoi en cassation, le juge de la mise en état peut trancher la question de la prescription dans le même sens que la cour d’appel et par suite permettre la poursuite de la présente instance, ce d’autant que le vendeur du fonds est non comparant et que le notaire ne peut se prévaloir d’une exception de nullité qui ne le concerne pas et qui n’est pas soulevée. Elle précise que si la vente du fonds devait être annulée, la responsabilité du notaire serait engagée en raison du préjudice subi du fait du prononcé d’une telle sanction.
La société Hôtelière et de Ravitaillement général n’a pas constitué avocat de sorte qu’elle n’est pas représentée dans la présente procédure.
MOTIVATION
En application du 1° de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance.
Le sursis à statuer est prévu par les articles 378 à 380-1 du code de procédure civile et relève du régime des exceptions de procédure en application d’une jurisprudence constante, de sorte que le juge de la mise en état est compétent pour en connaître.
En application de l’article 378 du code de procédure civile, le juge peut ordonner un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice si cette mesure n’est pas imposée par la loi.
En l’espèce, il n’est pas contesté que les deux affaires enrôlées sous les numéros 20/09020 et 23/00020 sont en lien étroit même si elles ne concernent pas strictement les mêmes parties. La fin de non-recevoir tirée de la prescription formée dans le cadre de l’instance 20/09020 pose la question du point de départ du délai de prescription. La détermination de ce point de départ doit être identique dans les deux affaires puisque dans les deux cas, il s’agit d’une demande de nullité d’un acte soulevée en raison d’un vice du consentement. Dans le cadre de la première affaire, l’incident de mise en état a été soumis au juge de la mise en état. La cour d’appel a infirmé son ordonnance considérant que l’action n’était pas prescrite. Un pourvoi en cassation est pendant.
L’issue de ce pourvoi aura nécessairement une influence sur la présente affaire. En effet, si l’affaire devait être considérée comme prescrite au regard du point de départ du délai de prescription retenu par le premier juge, l’action en responsabilité contre le notaire ne pourra prospérer. Si au contraire, elle devait être considérée comme non prescrite, la cause de nullité devra être examinée au fond et ensuite sera le cas échéant examinée la responsabilité du notaire.
Il s’ensuit qu’il apparaît être d’une bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans la présente affaire dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 29 janvier 2024.
Les dépens seront réservés. Il en va de même des demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance, susceptible de recours, prononcée par mise à disposition greffe,
ORDONNE un sursis à statuer dans l’attente de la décision à intervenir de Cour de Cassation relative à l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 29 janvier 2024 ;
RENVOIE le dossier à l’audience de mise en état continue du 26 mars 2025 afin de permettre aux parties d’informer le juge de la mise en état de l’état d’avancement de la procédure devant la Cour de cassation,
RÉSERVE les dépens.
La présente décision a été signée par madame Marie WALAZYC, Juge de la mise en état, et par madame Pascale BUSATO, Greffier.
LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
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