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06/08/2024 | FRANCE | N°23/08997

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 06 août 2024, 23/08997


N° RG 23/08997 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YK3



INCIDENT

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

30Z

N° RG 23/08997 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YK3P

Minute n° 2024/00








AFFAIRE :

S.A.S. Saverio

C/

S.A.S. B-GO, S.A. CIC LYONNAISE DE BANQUE, Société BEGLES LUMIERES, Société CAISSE D’EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE






Grosse Délivrée
le :

à
Avocats :
la SARL AHBL AVOCATS
la SCP CORNET-VINCENT-SEGUREL
la SELARL CVS
la SELARL LE

X-PORT
la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT
la SELAS SIMON & ASSOCIES




ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

Le SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE


Nous, Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
J...

N° RG 23/08997 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YK3

INCIDENT

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

30Z

N° RG 23/08997 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YK3P

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.S. Saverio

C/

S.A.S. B-GO, S.A. CIC LYONNAISE DE BANQUE, Société BEGLES LUMIERES, Société CAISSE D’EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE


Grosse Délivrée
le :

à
Avocats :
la SARL AHBL AVOCATS
la SCP CORNET-VINCENT-SEGUREL
la SELARL CVS
la SELARL LEX-PORT
la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT
la SELAS SIMON & ASSOCIES

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT

Le SIX AOUT DEUX MIL VINGT QUATRE

Nous, Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Juge de la Mise en Etat de la 5EME CHAMBRE CIVILE,

Isabelle SANCHEZ Greffier, lors des débats et Pascale BUSATO Greffier lors du prononcé

DÉBATS
A l’audience d’incident du 4 juin 2024

Vu la procédure entre :

DEMANDERESSE AU FOND
DEMANDERESSE A L’INCIDENT

S.A.S. Saverio
1 rue des Frères Lumières
33130 BEGLES

représentée par Maître Elizaveta VASINA-DUGUINE de la SELARL LEX-PORT, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Jean-Charles SIMON de la SELAS SIMON & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

DEFENDERESSES AU FOND
DEMANDERESSE A L’INCIDENT

S.A.S. B-GO immatriculée au RCS d’AIX EN PROVENCE sous le numéro 818 708 588
Lieu-dit Plan de Fabrique
13710 FUVEAU

représentée par Maître Marjorie SCHNELL de la SELARL MARJORIE SCHNELL AVOCAT, avocats au barreau de BORDEAUX

S.A. CIC LYONNAISE DE BANQUE
domiciliée : chez BANQUE CIC-42 Cours du Chapeau Rouge 33001 BORDEAUX
8 Rue de la République
69001 LYON 01

défaillant

Société BEGLES LUMIERES
35 Boulevard de la Liberté
35000 RENNES

représentée par Maître Hubert BIARD de la SELARL CVS, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Alexandre CORNET de la SCP CORNET-VINCENT-SEGUREL, avocats au barreau de NANTES

Société CAISSE D’EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE
Place Estrangin Pastre
13006 MARSEILLE

représentée par Maître Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

EXPOSE DU LITIGE

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SAS B-GO a conclu, le 24 décembre 2021, avec la SCI BEGLES LUMIERES un bail à construction pour une durée de 40 ans à compter du 21 juillet 2021 moyennant le paiement d’un loyer annuel de 250.000 euros HT, portant sur un terrain situé 1 rue des frères Lumière à BEGLES, afin d’y installer un restaurant de la marque CARL’S JUNIOR.

La SAS B-GO a conclu, le 27 janvier 2022, un contrat de location-gérance avec la société SAVIERO, portant sur le fonds de commerce de restauration rapide à l’enseigne CARL’S JUNIOR à Bègles aux conditions financières suivantes :

dépôt de garantie : 15.000 euros HT,redevance initiale : 45.000 euros HT,redevance minimum : 37.450 euros HT par moisredevance mensuelle variable : 12% du chiffres d’affaires HT, redevance mensuelle de marque : 3% du chiffres d’affaires HT,redevance mensuelle service : 5% du chiffres d’affaires HT,redevance mensuelle marketing international : 4% du chiffres d’affaires HT, outre les dépenses du marketing local.
La SAS B-GO a financé les travaux de construction du local, et a facturé à la société SAVIERO le 25 janvier 2022 la somme de 956.640 euros TTC au titre de travaux d’aménagement du local.

Le restaurant a ouvert le 09 février 2022.

La société SAVERIO exposant l’absence de rentabilité de l’exploitation ne lui permettant pas de faire face au paiement des redevances, ainsi qu’un manquement de la société B-GO à ses obligations contractuelles, les parties ont engagé des négociations qui n’ont pas permis de parvenir à un accord.

Soutenant que la société B-GO n’a jamais créé, exploité ni même investi dans le fonds de commerce créée par elle, par actes délivrés le 21 octobre 2023 et le 17 octobre 2023, la SAS SAVIERO a fait assigner la SAS B-GO et la SCI BEGLES LUMIERES devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins notamment, à titre principal, de requalification du contrat de location-gérance en bail commercial, de le déclarer opposable à la société BEGLES LUMIERES en qualité de bailleur à construction afin d’ordonner le paiement direct du montant du loyer, de prononcé de la nullité de certaines clauses. Elle sollicite également la restitution des redevances et droit d’entrée perçus de février 2022 à mai 2023, et l’indemnisation de ses préjudices. A titre subsidiaire, la SAS SAVIERO sollicite du tribunal de prononcer la nullité du contrat de location gérance, d’ordonner les restitutions réciproques et de condamner la société B-GO à indemniser ses préjudices.
L’assignation a été délivrée aux créanciers inscrits, la société anonyme CAISSE D’EPARGNE CEPAC et la société anonyme CIC LYONNAISE DE BANQUE, par acte de commissaire de justice du 18 octobre 2023.

Par acte délivré le 13 décembre 2023, la SAS SAVIERO a fait assigner la SAS B-GO devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de voir prononcer la nullité de la mise en demeure délivrée par la société B-GO le 13 octobre 2023, préalable à la résiliation du contrat formée par courrier actionnant la clause résolutoire signifié le 05 décembre 2023.

Le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances par mention au dossier du 09 janvier 2024.

Par conclusions spécialement adressées au juge de la mise en état le 18 décembre 2023, la SAS SAVIERO a soulevé un incident de mise en état relatif à des mesures provisoires et conservatoires.
Par conclusions spécialement adressées au juge de la mise en état le 19 mars 2024, la SAS G-GO a soulevé un incident de mise en état relatif à la compétence du tribunal judiciaire.

L’examen de ces deux incidents est joint et a été audiencé le 04 juin 2024 après un renvoi à la demande des parties.
La société B-GO a par ailleurs saisi le président du tribunal de commerce de Bordeaux, par acte délivré le 26 décembre 2023, aux fins de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de location gérance et de voir constater la résiliation du contrat depuis le 5 décembre 2023.
Les parties ont été autorisées à produire en délibéré la décision rendue le 11 juin 2024 par laquelle le tribunal de commerce a ordonné un sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire de Bordeaux sur la demande de requalification du contrat de location-gérance.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique les 18 décembre 2023, 06 mai et 03 juin 2024, la SAS SAVIERO demande au juge de la mise en état de :
In limine litis, de déclarer le tribunal judiciaire compétent pour statuer sur ses demandes principales, et de se déclarer compétent pour statuer sur ses demandes provisoires et conservatoires,à titre principal :ordonner, à titre conservatoire, la suspension des effets de la clause résolutoire visée dans le courrier délivré par acte extrajudiciaire du 5 décembre 2023, et ce jusqu’à l’obtention du jugement devant statuer sur la requalification du contrat de location-gérance en bail commercial et la contestation des redevances relatives,
fixer provisoirement le loyer qu’elle doit selon les caractéristiques suivantes :loyer mensuel de 18.335,75 euros HT du 1er juin au 31 juillet 2023,loyer mensuel de 21.521 HT, soit 258.252 euros HT à compter du 1er août 2023 et jusqu’à obtention de la décision au fond,ordonner à titre conservatoire et provisoire le paiement direct à la société BEGLES LUMIERES, en sa qualité de bailleur à construction, du montant du loyer dû au titre du bail à construction et tel que venant en déduction du loyer total dû au titre du bail commercial à la société B-GO soit un montant mensuel de 20.833,33 euros HT,ordonner à titre conservatoire et provisoire le séquestre sur le compte CARPA de son conseil, maître Jean-Charles SIMON, du montant des loyers mensuels de 21.521 euros HT déduction faite du montant payé directement à la SCI BEGLES LUMIERE, soit la somme mensuelle de 687,67 euros HT (soit 825,20 euros TTC) du 1er juin 2024 et jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande au fond,à titre subsidiaire, lui octroyer des délais de paiement à hauteur de 24 mois aux fins de procéder au versement du solde des sommes qui seraient jugées comme restant dues à la société B-GO au titre des factures émises, en tout état de cause :rejeter les demandes de la société B-GOcondamner la société B-GO au paiement des dépens de l’instance et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société SAVIERO fait valoir, sur le fondement des articles L721-3 et R145-23 du code de commerce et R211-3-26 du code de l’organisation judiciaire, que le tribunal judiciaire dispose d’une compétence exclusive pour statuer sur les contestations relatives à l’application du statut des baux commerciaux, ce qui comprend les actions en requalification d’un contrat de location-gérance en bail commercial, objet de l’instance engagée, la contestation de la clause résolutoire au regard de sa non-conformité au statut des baux commerciaux étant liée à cette demande de requalification.
Au soutien de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire, et subsidiairement de demande de délai, elle fait valoir que le juge de la mise en état est compétent en vertu de l’article 789 4°) du code de procédure civile pour ordonner, conformément à l’article 835 du code de procédure civile, des mesures conservatoires, et ainsi suspendre les effets de la clause résolutoire invoquée par la société B-GO dans son courrier du 30 novembre 2023 délivré par acte extrajudiciaire du 5 décembre 2023 du fait du dommage imminent qui découlerait de la mise en œuvre de la clause résolutoire et des contestations sérieuses relatives à la validité de la mise en demeure actionnant cette clause résolutoire. Ainsi, elle prétend que l’absence de suspension des effets de la clause résolutoire rendrait impossible l’exécution du jugement à intervenir puisqu’elle aurait pour conséquence la disparition du droit au bail et donc du fonds de commerce objet de l’instance au fond. Elle ajoute que l’application de la clause résolutoire est subordonnée à la bonne foi du créancier qui s’en prévaut, et que tel n’est pas le cas de la société B-GO qui a actionné cette clause sur la base d’une demande de paiement qu’elle savait fantaisiste, contestée et injustifiée, et ce alors qu’une instance était pendante sur la qualification du contrat. Elle soutient également que la procédure de résiliation contractuelle engagée par la société B-GO ne respecte pas les prescriptions de l’article L145-41 du code de commerce relatives à la signification d’un commandement de payer, malgré la mise en œuvre de la clause résolutoire après la délivrance de l’assignation en requalification du contrat de bail.

Elle ajoute que ce courrier ne mentionne pas avec précision la nature de l’infraction reprochée et ne peut donc produire d’effet. Enfin, elle prétend que la mauvaise foi du bailleur est caractérisée dès lors qu’il tente d’actionner la clause résolutoire du contrat sur la base du non-règlement de factures dûment contestées et alors qu’il est lui-même responsable de nombreux manquements contractuels, notamment des désordres liés à la construction des locaux.

S’agissant de la demande de délais, la société SAVERIO fait valoir, sur le fondement des articles L145-41 du code de commerce et 1343-5 du code civil, qu’elle fait face à la mauvaise foi de la société B-GO qui facture des montants très importants et indus au titre du contrat afin de précipiter sa résiliation pour mettre fin au litige et céder le fonds à son seul profit, sans lui laisser la possibilité d’assumer les conséquences d’un défaut de rentabilité, alors qu’elle supporte toujours un résultat déficitaire depuis le début de l’exploitation du restaurant.

Au soutien de sa demande relative à la fixation et au séquestre des loyers, la société SAVERIO prétend que le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur ces mesures en vertu des article 789 4° et 835 du code de procédure civile. Elle indique justifier d’un dommage imminent relatif au risque de perte de son droit au bail et de son fonds de commerce comme conséquences de l’absence de facturation des loyers dus au titre du bail commercial, du non règlement de ces loyers, et du risque avéré de non règlement des loyers dus au titre du bail à construction.
Elle fait valoir que la facturation fantaisiste et injustifiée des loyers depuis l’émergence du contentieux l’empêche d’user paisiblement des locaux et permet à la société B-GO d’actionner de mauvaise foi la clause résolutoire, ce qui justifie selon elle, face au risque imminent de perte du droit au bail, de solliciter la fixation provisoire du loyer conformément aux stipulations contractuelles ainsi que du bail à construction auquel elles renvoient, le loyer de 40.000 euros mensuel tel qu’il a été sollicité dernièrement n’ayant jamais été ni convenu ni appliqué entre les parties avant le présent contentieux.
Elle réclame la possibilité de réaliser un paiement direct entre les mains de la société BEGLES LUMIERES, sur le fondement de l’article 789 4°) dès lors que la société B-GO n’a pas la capacité d’assurer le paiement des loyers dus au titre du bail à construction compte tenu de l’état de cessation de paiement imminent de cette dernière, la préservation de ses droits au titre de la mise à disposition du local et de l’exploitation du fonds de commerce dépendant du bon règlement de ces loyers par B-GO.
Enfin, du fait de la situation financière dégradée de la société BGO et du péril imminent en résultant, elle réclame que soit ordonné le séquestre des sommes dues par la société SAVERIO à compter du mois de juin 2024, et après paiement direct au bailleur à construction.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique les 19 mars, 26 mars, 31 mai et 03 juin 2024, la SAS B-GO demande au juge de la mise en état de :
déclarer le tribunal judiciaire incompétent matériellement pour statuer sur les demandes formées par la société SAVIERO et renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Bordeaux,sur l’incident diligenté par la société SAVIERO : se juger incompétent pour statuer et renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Bordeaux,subsidiairement, juger que les demandes excèdent les pouvoirs du juge de la mise en état,plus subsidiairement, rejeter les demandes,en tout état de cause :condamner la société SAVIERO au paiement des dépens,condamner la société SAVIERO à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de l’incompétence du tribunal judiciaire, la SAS B-GO fait valoir, au visa de l’article L721-3 du code de commerce, que le tribunal de commerce est compétent pour statuer sur les contestations relatives aux engagements entre commerçants, et que la question soulevée par le présent litige est celui de l’existence ou non d’une clientèle lors de l’ouverture du restaurant exploité par la société SAVERIO, question qui relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce, juge du contrat de location-gérance.

Sur les demandes formées par la société SAVERIO, elle expose à titre principal que le tribunal judiciaire étant incompétent pour statuer sur la demande de requalification ou d’annulation du contrat de location gérance, le juge de la mise en état l’est également, la présente procédure ne s’inscrivant pas dans le cadre d’un bail commercial.
Subsidiairement, la société B-GO prétend que la société SAVERIO réclame du juge de la mise en état de préjuger le fond par sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire figurant au contrat de location-gérance en réclament l’application des dispositions de l’article L145-41 du code de commerce inapplicable à la location gérance. La société B-GO expose que si le juge de la mise en état peut ordonner des mesures provisoires pour protéger les intérêts apparemment légitimes de l’une des parties, ce pouvoir trouve sa limite dans le fait que ces mesures nuiraient gravement à ses intérêts, alors qu’elle est agressée, le locataire ayant engagé artificiellement, après la mise en œuvre de la clause résolutoire, la présente action en requalification, puis après que la clause ait produit son effet, en ayant engagé une demande de suspension des effets de cette clause, alors que cette question relevait de la seule compétence du juge consulaire.

Plus subsidiairement, la société B-GO soutient le caractère infondé des demandes de la société SAVERIO exposant que la redevance due par cette dernière correspond, outre à la jouissance de la clientèle attachée à la marque, au loyer du foncier, à la jouissance des murs édifiés par elle et à la jouissance d’une partie de l’agencement du fonds de commerce. Elle prétend que la société SAVERIO s’est abstenue de tout paiement entre le 1er juin 2022 et le 17 février 2023, s’acquittant de la somme due à cette date, mais postérieurement à l’acquisition de la clause résolutoire, et réglant depuis cette date un loyer fixé à une somme réduite. Elle conteste ne pas être à jour du montant des loyers dus à la SCI BEGLES LUMIERES, la crainte exprimée par la société SAVERIO étant imaginée pour les besoins de la cause.
Selon elle, le juge des mesures provisoires ne peut soutenir la position illégitime de la société SAVERIO, le contrat devant être appliqué tant qu’il n’est pas requalifié ou annulé.

Sur la demande de délais de paiement, la société B-GO fait valoir que la débitrice ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’une situation lui permettant de solliciter le bénéfice de délais de grâce, son offre initiale de séquestre des sommes démontrant qu’elle disposait de la trésorerie pour s’acquitter de sa dette, tandis que ses propres besoins de créancier sont établis dès lors qu’elle doit payer le bailleur à construction et rembourser les emprunts souscrits pour créer son réseau de restaurants.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 février 2024, la SCI BEGLES LUMIERES a indiqué s’en rapporter à justice sur le mérite des prétentions de la société SAVERIO et sollicité la condamnation de la partie succombante au paiement des dépens et à lui payer la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose être étrangère au différend existant entre le preneur à construction B-GO et le locataire gérant, l’éventuelle requalification de la location-gérance en bail commercial n’entraînant aucune conséquence juridique pour elle-même et n’entrainant aucun droit au profit de la société SAVERIO à son égard.

Par message du 26 février 2024, la CEPAC a indiqué, en sa qualité de créancier inscrit, ne pas être concerné par la procédure d’incident.

Le CIC LYONNAISE DE BANQUE, régulièrement assigné par acte remis à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.

MOTIVATION
Sur la compétence matérielle du tribunal judiciaire de Bordeaux
En application de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance.
Si l’article L721-3 du code de commerce attribue compétence au tribunal de commerce pour statuer sur les contestations relatives aux engagements entre commerçants, en revanche, en vertu de l’article R211-3-26 11°) du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a en revanche compétence exclusive pour statuer en matière de baux commerciaux.
En l’espèce, la première demande dont a été saisie la présente juridiction par la société SAVERIO tend à voir reconnaitre l’application du statut des baux commerciaux à une relation contractuelle qualifiée de location-gérance.
Cette demande de requalification relève donc de la compétence exclusive du tribunal judiciaire pour connaitre des litiges relatifs au baux commerciaux, cette compétence comprenant notamment, et sans ambiguïté, la question de la requalification éventuelle du contrat initialement souscrit et celle de l’application du statut des baux commerciaux.

La deuxième prétention porte sur la validité de la mise en œuvre de la clause résolutoire au regard des règles applicables au statut des baux commerciaux, litige dont la solution dépendra de la qualification apportée au contrat conclu entre la société SAVERIO et la société B-GO, et qui relève par conséquent de la présente juridiction, si elle décide d’une requalification du contrat, et relèvera du tribunal de commerce saisi par la société B-GO si la demande de requalification du contrat est rejetée.

A cet égard, il convient de constater que le tribunal de commerce a prononcé un sursis à statuer sur la demande de constat d’acquisition de la clause résolutoire dans le cadre du contrat de location-gérance, dans l’attente de l’issue de la présente procédure sur la demande de requalification du contrat, lui permettant de reprendre le litige si la qualification de bail commercial n’est pas retenue à l’issue du présent litige.

Par conséquent, il convient de rejeter l’exception d’incompétence matérielle soutenue par la société B-GO.

Le tribunal judiciaire étant compétent matériellement, le juge de la mise en état valablement saisi est compétent pour statuer sur les demandes provisoires formulées par la société SAVERIO.

Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire
En application de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
L’article 835 du code de procédure civile définit les mesures conservatoires comme celles qui, même en présence d’une contestation sérieuse, s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
En l’espèce, et sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens soutenus étant relevé qu’il ne relève pas de la compétence du juge de la mise en état de déterminer si la clause résolutoire a été mise en œuvre de bonne ou de mauvaise foi et si les dispositions du statut des baux commerciaux devaient être appliquées, la demande doit être rejetée dès lors qu’il n’existe aucun risque de dommage imminent pour la société SAVERIO de perte du fonds exploité ou de perte du droit au bail. En effet, il convient de relever que le tribunal de commerce a ordonné, par ordonnance du 11 juin 2024, un sursis à statuer sur la demande de la société B-GO de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire, dans l’attente de l’issue de la présente procédure. Il n’est donc en l’état pas démontré de risque de mise en œuvre de cette clause résolutoire, et donc de risque de perte du commerce exploité.

Il convient par conséquent de rejeter la demande de suspension des effets de la clause résolutoire.

Sur la demande de fixation et de séquestre des loyers
En application de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
L’article 835 du code de procédure civile définit les mesures conservatoires comme celles qui, même en présence d’une contestation sérieuse, s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Sur le montant du loyerEn l’espèce, la société SAVERIO ne démontre ni le caractère prétendument fantaisiste et injustifié de la facturation du loyer par la société B-GO, ni le dommage imminent qui en résulterait pour elle au titre de l’empêchement allégué à la jouissance paisible du local.
Il convient au contraire de constater qu’elle fonde sa demande sur la fixation provisoire du loyer en lien avec la valeur du loyer du bail à construction, sans toutefois se référer dans ses explications aux modalités contractuelles de détermination du loyer. Or ce sont ces modalités contractuelles qui font, en l’état du dossier et tant qu’il n’a pas été statué sur la demande de requalification du contrat de location-gérance, la loi entre les parties et qui prévoient une redevance minimum de 37.450 euros par mois, outre une redevance variable de 12% du chiffre d’affaires, ainsi que des redevances liées à la marque, au service et au marketing.
Si la redevance contractuellement fixée a été temporairement réduite par la société B-GO, la société SAVERIO ne démontre pas que cette réduction ait été envisagée pour la période postérieure au mois de mai 2023.
Par ailleurs, la société SAVERIO ne peut se fonder, dès lors que l’objet n’est pas la fixation de la valeur locative du local tant qu’il n’a pas été statué sur la demande de requalification du contrat de location gérance, sur les valeurs de référence.

Enfin, l’absence de preuve d’un dommage imminent résulte du fait qu’il n’est pas contesté qu’elle poursuit l’exercice de son activité dans le local, en dépit du conflit lié à l’approvisionnement, objet d’une autre procédure devant le tribunal de commerce, et malgré ce litige relatif au statut applicable et au montant du loyer.

Il convient par conséquent de débouter la société SAVERIO de sa demande tendant à la fixation provisoire du montant du loyer.

Sur le paiement des loyers entre les mains de la SCI BEGLES LUMIERE et le séquestreS’il est constant que la société B-GO a présenté un résultat déficitaire en 2022, il résulte toutefois de l’attestation produite par cette dernière qu’elle s’acquitte d’un loyer auprès de la SCI BEGLES LUMIERES. S’il n’est pas contestable que la société B-GO rencontre certainement des difficultés financières, il n’est en revanche ni soutenu ni démontré l’existence d’une procédure relative à des manquements dans l’exécution de ce contrat de bail à construction, lequel a fait l’objet d’un avenant quant au montant du loyer.
Il n’est donc pas démontré l’existence d’un risque de remise en cause de ce contrat à bref délai.

Dès lors, la seule existence d’un résultat déficitaire s’il peut légitimement susciter des inquiétudes pour la société SAVERIO, ne permet toutefois pas d’établir l’existence d’un dommage imminent, lequel est seul susceptible justifier de faire droit à des mesures provisoires ou conservatoires.

Dans ces conditions il convient de débouter la SAS SAVERIO de sa demande au titre des modalités de paiement de la redevance due dans le cadre du contrat qu’elle a conclu le 27 janvier 2022 avec la SAS B-GO.
Sur la demande de délai de paiement
La demande formée subsidiairement d’octroi de délai de paiement sera écartée dès lors qu’il n’entre pas dans les pouvoirs, strictement et limitativement définis par les articles 788 et suivants du code de procédure civile, du juge de la mise en état de statuer sur une telle demande, laquelle ne saurait au surplus constituer une prétention autonome et implique au préalable une condamnation en paiement d’une somme d’argent, laquelle n’est pas sollicitée devant le juge de la mise en état par la société B-GO.
Sur les frais de la procédure d’incident
En application de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées par application de l’article 700.
DépensEn vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l’espèce, la procédure poursuivant son cours, il convient de réserver les dépens, qui suivront le sort de ceux de l’instance au fond
Frais irrépétiblesEn application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; / […]/ Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. / Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent. / […]
En l’espèce, les dépens étant réservés, il convient de débouter les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles dans le cadre de la procédure d’incident.
PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance réputé contradictoire, susceptible de recours selon les modalités de l’article 795 du code de procédure civile, prononcée par mise à disposition au greffe,
Rejette l’exception d’incompétence matérielle soutenue par la SAS B-GO ;
Déboute la SAS SAVERIO de sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire ;
Déboute la SAS SAVERIO de sa demande de fixation provisoire des loyers ;
Déboute la SAS SAVERIO de sa demande de paiement direct des loyers entre les mains de la SCI BEGLES LUMIERES et de séquestre entre les mains de son conseil ;
Dit qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état de statuer sur une demande de délais de paiement ;
Réserve les dépens ;
Déboute la SAS SAVERIO, la SAS B-GO et la SCI BEGLES LUMIERES de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne le renvoi du dossier à la mise en état continue du 16 octobre 2024 pour conclusions de la SAS B-GO en réponse aux prétentions contenues dans les assignations délivrées par la SAS SAVERIO à son encontre les 21 octobre et 13 décembre 2023 ;

La présente décision a été signée par Madame Myriam SAUNIER, Juge de la Mise en état et par Madame Pascale BUSATO, Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DE LA MISE EN ETAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/08997
Date de la décision : 06/08/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi à la mise en état

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-06;23.08997 ?
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