N° RG 21/07394 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V24R
PREMIERE CHAMBRE
CIVILE
74D
N° RG 21/07394 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V24R
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.A.R.L. CABINET URBANISMO, S.A.R.L. URBANISMO
C/
[I] [S]
Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SARL AHBL AVOCATS
la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 01 Août 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge
Statuant à Juge Unique
Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 20 Juin 2024,
JUGEMENT :
Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,
DEMANDERESSES :
S.A.R.L. CABINET URBANISMO
26 rue Armand Guiraud
33320 EYSINES
représentée par Maître Julien FOUCHET de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
S.A.R.L. URBANISMO es-qualité de mandataire de Madame [L] [Y] née [S] et Madame [P] [S]
26, rue Armand Guiraud
33320 EYSINES
représentée par Maître Julien FOUCHET de la SCP CORNILLE-FOUCHET-MANETTI SOCIETE D’AVOCATS INTER BARREAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
N° RG 21/07394 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V24R
DEFENDEUR :
Monsieur [I] [S]
né le 01 Août 1948 à BORDEAUX (33000)
de nationalité Française
5 rue Robert d’Ennery
33200 BORDEAUX
représenté par Maître Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 2 juin 2020, Mme [Y] née [S] et Mme [S] ont conclu avec la SARL CABINET URBANISMO une promesse de vente portant sur deux parcelles de terrain sises lieudit Chapin avenue Jean Mermoz à EYSINES (33320) cadastrées section AY n°98 et n°127 pour une contenance totale de 6355 m2.
Les effets de cette promesse de vente ont été prorogés jusqu’au 30 mai 2023.
La société CABINET URBANISMO souhaite réaliser sur les deux parcelles de terrain une zone artisanale et un lotissement, ce qui nécessite l’obtention d’un permis d’aménager.
Afin de pouvoir réaliser son projet, elle a sollicité de M. [I] [S] propriétaire de la parcelle contigüe, cadastrée section AY n°189, une servitude de passage et de raccordement des réseaux au profit des deux parcelles objets de la promesse de vente.
Sans réponse de la part de M. [I] [S] auquel elle a adressé deux courriers les 11 janvier et 27 avril 2021, la SARL CABINET URBANISMO a l’a fait citer devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX par exploit d’huissier du 27 septembre 2021.
Par jugement du 22 juin 2023, le tribunal judiciaire a ordonné la réouverture des débats dans les termes suivants :
-CONSTATE l’état d’enclavement des deux parcelles de terrain sises lieudit Chapin avenue Jean Mermoz à EYSINES (33320) cadastrées section AY n°98 et n°127 pour une contenance totale de 6355 m2
-DIT que les parcelles cadastrées AY n°98 et n°127 bénéficient d’une servitude de passage et de canalisations sur la parcelle cadastrée AY°189
-ORDONNE la réouverture des débats
-INVITE la SARL CABINET URBANISMO et M. [I] [S] à déposer de nouvelles écritures fixant l’assiette de la servitude de passage et, concernant M. [I] [S], chiffrant sa demande d'indemnité compensant le préjudice consécutif à la création de l'assiette de la servitude de passage sur son fonds
-RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état
-ORDONNE le rabat de l’ordonnance de clôture du 7 avril 2023
-RESERVE les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens
Dans ses dernières conclusions notifiées le 30 avril 2024, la SARL CABINET URBANISMO, se fondant sur les dispositions de l’article 682 du code civil, demande au tribunal de :
juger recevable et bien fondée la société CABINET URBANISMO en ses demandesdire et juger que les parcelles cadastrées section AY n°98 et 127 sont enclavées au sens de l’article 682 du code civildire et juger que ces parcelles bénéficient de plein droit d’une servitude perpétuelle de passage des véhicules et des canalisations sur la parcelle cadastrée section AY n°189dire et juger que l’assiette de la servitude sera d’une surface de 758 m2 et sera déterminée conformément au plan de masse réalisé par la société ADN GEOMETRES EXPERTS en considération de l’utilisation normale des parcelles sections AY n°198 et 127, soit :largeur :13,46 mètres de largeur à l’entrée du passage depuis la voie publique pour terminer sur une largeur de 11,41 mètres à la jonction entre la parcelle cadastrée section AY n°189 et la parcelle cadastrée section AY n°98longueur : sur toute la longueur de la parcelle cadastrée section AY n°189 position : au nord de la parcelle cadastrée section AY n°189fixer l’indemnité due à ce titre à la somme de 7.600 euros condamner M. [I] [S] à payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens
Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2024, M. [I] [S] demande au tribunal de :
dire et juger qu’il est recevable et bien fondé en ses demandesdire et juger que la détermination de l’assiette de la servitude sera arrêtée comme suit :largeur : 13,46 mètres de largeur à l’entrée du passage depuis la voie publique puis 11mètres de largeur le long du passage pour terminer sur une largeur de 11,41 mètres à la jonction entre la parcelle cadastrée section AY n°189 et la parcelle cadastrée section AY n°98longueur : sur toute la longueur de la parcelle cadastrée section AY n°189position : au nord de la parcelle cadastrée section AY n°189 ; pour une largeur de 11 mètres au nord et au nord sur la totalité de la longueur de la parcelle cadastrée section AY n°189 comme représentée à l’esquisse n°6dire et juger s’agissant de l’indemnisation à laquelle ouvre droit la constitution de la servitude de passage canalisations que cette dernière ne pourra être inférieure à la somme de 63.900 eurosdébouter la société CABINET URBANISMO de toutes ses demandes en ce qu’elles seraient contraires à celles formulées par M. [I] [S]° RG 21/07394 - N° Portalis DBX6-W-B7F-V24R
condamner la société CABINET URBANISMO au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024.
MOTIVATION
Sur les demandes principales
Sur la demande de rabat de l’ordonnance de clôture
Dans des conclusions aux fins de rabat de l’ordonnance de clôture notifiées le 6 juin 2024, M. [I] [S] modifie sa demande relative à l’indemnisation de la servitude instituée sur son fonds, qui passe de 63.900 euros à 300.000 euros. Il produit à l’appui de cette prétention sous sa pièce n°2 un rapport d’expertise remis le 21 mai 2024 par Mme [W] [F] [N].
Dans un message RPVA du 5 juin 2024, le conseil de la société CABINET URBANISMO sollicite que cette pièce soit écartée des débats.
Sur ce
L’article 803 du code de procédure civile dispose : “L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue; la constitution d’avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas en soi une cause de révocation.(...)”
En l’espèce, par jugement du 22 juin 2023, M. [I] [S] a été invité à chiffrer sa demande d’indemnité de désenclavement à la charge de la SARL CABINET URBANISMO. Dans ses écritures du 14 mars 2024, le défendeur chiffrait cette indemnité à 63.900 euros. Le rapport d’expertise dont il se prévaut pour hausser ce chiffrage à 300.000 euros date du 21 mai 2024, soit plus de quinze jours avant l’ordonnance de clôture rendue le 6 juin 2024. M. [I] [S] disposait dès lors d’un temps suffisant pour faire appel à un expert et chiffrer sa demande, depuis le jugement du 22 juin 2023, et avant l’ordonnance de clôture. Par conséquent, il n’existe aucune cause grave, révélée postérieurement à l’ordonnance de clôture, de nature à justifier la révocation de celle-ci.
La demande de révocation sera rejetée, les conclusions notifiées le 6 juin 2024 et la pièce n°2 communiquée le même jour, écartées des débats.
Sur l’assiette de la servitude de passage
La société CABINET URBANISMO sollicite une assiette de passage sur laquelle M. [I] [S] s’accorde.
Sur ce
L’article 683 du code civil dispose : “ Le passage doit être régulièrement pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.
Néanmoins il doit être fixé dans l’endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.”
Il y a lieu de fixer l’assiette de la servitude en cause conformément à l’accord des parties, comme dit au dispositif.
Sur l’indemnité
La société CABINET URBANISMO entend voir fixer l’indemnité de désenclavement à la somme de 7.600 euros, et M. [I] [S] à la somme de 63.900 euros, la société URBANISMO se prévalant d’un rapport d’expertise de Mme [U] [C], et M. [I] [S] d’un prix du mètre carré, calculé en divisant le prix d’acquisition par le nombre de mètre carrés acquis.
Sur ce
L’article 682 du code civil dispose : “Le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n’a sur la voie publique aucune issue ou qu’une issue insuffisante soit pour l’exploitation agricole industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d’opérations de constructions ou de lotissement est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.”
Le propriétaire du fonds enclavé peut réclamer un passage sur les fonds de ses voisins à charge d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il peut occasionner.
Il est constant que l’indemnité ne peut se monter à la valeur vénale du terrain correspondant à l’assiette du passage.
Il ressort des pièces versées aux débats, et des écritures des parties, qu’elles se fondent, pour évaluer l’indemnité de désenclavement, sur un prix de la valeur vénale du mètre carré de100 euros pour la SARL CABINET URBANISMO et de 150 euros pour M. [I] [S], et sur une surface de passage située ente 758 m2 et 900 m2.
L’expert mandaté par la SARL URBANISMO applique une décote de 90% de la valeur vénale, et M. [I] [S] de 50%.
Il n’est pas contesté que la servitude ainsi instituée desservira et désenclavera par la même occasion les parcelles n°AY 99 et 91 appartenant à M. [I] [S], ce qui réduit d’autant la perte de jouissance de celui-ci. Il est également constat que la parcelle devant supporter la servitude en cause est déjà grevée d’une servitude de voirie et se situe à proximité immédiate d’un pylône de haute tension, ce qui justifie, pour se conformer au principe de proportionnalité entre l’indemnité allouée et le préjudice occasionné, une réduction de 70% de l'indemnité allouée.
Compte tenu des éléments qui précèdent, et notamment des chiffres proposés proposés par les parties, il convient de retenir soit une surface de 829 m2, et une valeur du m2 de 125 euros.
Il s'ensuit que l’indemnité sera évaluée à la somme de 31.087,50 euros (829 m2 X 125 €X30%) au paiement de laquelle la SARL CABINET URBANISMO sera condamnée.
Sur les demandes accessoires
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
La SARL CABINET URBANISMO et M. [I] [S] conserveront la charge de leurs dépens respectifs.
Compte tenu de la nature et des circonstances de l'affaire, il y a lieu de rejeter les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L’article 514 du code de procédure civile, dans version applicable depuis le 1er janvier 2020, dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire. Aux termes de l’article 514-1 du code de procédure civile, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire en statuant d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
REJETTE la demande de rabat de l’ordonnance de clôture,
ECARTE les conclusions et la pièce n°2 notifiées le 6 juin 2024 par le conseil de M. [I] [S],
DIT que le droit de passage reconnu à la SARL CABINET URBANISMO par le jugement du 22 juin 2023 s'effectuera de la manière suivante :
-largeur : 13,46 mètres de largeur à l’entrée du passage depuis la voie publique puis 11mètres de largeur le long du passage pour terminer sur une largeur de 11,41 mètres à la jonction entre la parcelle cadastrée section AY n°189 et la parcelle cadastrée section AY n°98,
-longueur : sur toute la longueur de la parcelle cadastrée section AY n°189,
-position : au nord de la parcelle cadastrée section AY n°189 ; pour une largeur de 11 mètres au nord et au nord sur la totalité de la longueur de la parcelle cadastrée section AY n°189 comme représentée à l’esquisse n°6.
CONDAMNE la SARL CABINET URBANISMO à verser à M. [I] [S]. la somme de 31.087,50 euros à titre d’indemnité,
DIT que la SARL CABINET URBANISMO et M. [I] [S] conserveront la charge de leurs dépens,
REJETTE les demandes de la SARL CABINET URBANISMO et de M. [I] [S] sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toutes les autres demandes,
RAPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
La présente décision est signée par Madame DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge et Madame AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT