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25/07/2024 | FRANCE | N°23/00010

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Expropriations, 25 juillet 2024, 23/00010


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE


JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE


N° RG 23/00010 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XXYS
NUMERO MIN: 24/00055

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fon

ctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céli...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

JURIDICTION DE L’EXPROPRIATION DE LA GIRONDE

JUGEMENT FIXANT INDEMNITES D’EXPROPRIATION.

le JEUDI VINGT CINQ JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

N° RG 23/00010 - N° Portalis DBX6-W-B7H-XXYS
NUMERO MIN: 24/00055

Nous, Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BORDEAUX, désignée spécialement en qualité de juge de l’Expropriation par ordonnance de Madame la Première Présidente de la Cour d’appel de BORDEAUX en date du 31 août 2023, pour exercer dans le département de la Gironde les fonctions prévues aux articles L.211 et R 211-1 et suivants du Code de l’expropriation, assistée de Mme Céline DONET, Greffier

A l’audience publique tenue le 06 Juin 2024 les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 25 Juillet 2024, et la décision prononcée par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile

ENTRE :

[Localité 1] METROPOLE
[Adresse 9]
[Localité 1]
représentée par Maître Clotilde GAUCI de la SCP COULOMBIE - GRAS - CRETIN - BECQUEVORT - ROSIER, avocats au barreau de BORDEAUX

ET

Monsieur [O] [F]
[Adresse 8]
[Localité 2]
représenté par Maître Paul CESSO, avocat au barreau de BORDEAUX

En présence de Madame Catherine FLATTOT, Commissaire du Gouvernement

-------------------------------------------
Grosse délivrée le:
à :
Expédition le :
à :

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [O] [F] est propriétaire d’une parcelle cadastrée section AC n°[Cadastre 3], d’une contenance de 1562 m², située [Adresse 4], sur le territoire de la commune de [Localité 2].

La parcelle est située en zone AU8 du PLU, zone spécifique liée à l’économie. Une construction à usage d’habitation a été érigée sur cette parcelle sans autorisation.

Par déclaration d’intention d’aliéner enregistrée le 20 décembre 2022, Maître [J] [L] [B], notaire à [Localité 11], a informé la commune de [Localité 2] de l’intention de monsieur [F] de céder son bien, libre d’occupation, pour un prix de 390 500 euros.

Par arrêté du 1er mars 2023, le président de [Localité 1] Métropole a décidé d’exercer son droit de préemption urbain au titre de la zone d’aménagement différé pour un prix de 172 000 euros, TVA en sus le cas échéant ainsi que les frais d’agence en sus (32 802 euros) sous réserve de la production du mandat de vente.

Par lettre du 27 mars 2023, monsieur [F] a informé [Localité 1] Métropole du refus de son offre.

En application de l’article R. 213-11 du code de l’urbanisme, [Localité 1] Métropole a saisi le juge de l’expropriation de la Gironde par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 12 avril 2023 afin qu’il fixe judiciairement le prix du bien.

La copie du récépissé de consignation prévue à l’article L. 213-4-1 du code de l’urbanisme a été transmise par [Localité 1] Métropole au greffe de la juridiction le 24 mai 2023.

Suivant ordonnance du 27 novembre 2023, le juge de l’expropriation a organisé le transport sur place, qui s’est tenu le 5 février 2024 en présence des représentants et du conseil de [Localité 1] Métropole, de monsieur [F] et du commissaire du gouvernement.

L’audience initialement fixée au 7 mars 2024 s’est tenue le 6 juin 2024.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par mémoire récapitulatif reçu au greffe le 3 juin 2024, [Localité 1] Métropole demande au juge de l’expropriation de fixer le prix d’acquisition dans le cadre de l’exercice de son droit de préemption à la somme 172 000 euros, TVA en sus le cas échéant, du terrain appartenant à monsieur [F], auquel s’ajoute la somme de 32 802 euros au titre des frais d’agence, de rejeter la demande de réparation des conséquences matérielles dommageables et la demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Bordeaux Métropole indique qu’est érigée sur la parcelle une construction à usage d’habitation de 35 m² sans autorisation d’urbanisme datant de 1996, outre une seconde dépendance de 20m² et une troisième petite bâtisse à l’état de ruine. Elle se situe à 1,6 km de la Rocade et est à proximité de l’aéroport, le terrain étant classé en zone B du Plan d’Exposition au Bruit (PEB) des aérodromes.
Sur la date de référence, elle indique que le bien est situé dans le périmètre d’une zone d’aménagement différé. Elle en déduit, au visa de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme, que la date de référence doit être fixée au 24 février 2017, date de publication du PLU de [Localité 1] Métropole délimitant la zone dans laquelle le bien est situé. A cette date, le terrain supportait des constructions non autorisées et vétustes. Il était classé en zone AU8-5, zone d’extension urbaine pour l’artisanat et industrie légère. Sur la qualification de terrain à bâtir, elle soutient que les parcelles classées en zone AU, à urbaniser, ne sont pas considérées comme constructibles et qu’il appartient à l’administré d’établir qu’à la date de référence, son terrain est desservi, en capacité suffisante, par les réseaux publics. En l’espèce, elle souligne que l’article 1.3 du règlement de zone admet les constructions à condition que les réseaux aient une capacité suffisante et que le projet s’inscrive dans une opération d’ensemble. Elle souligne que lors du transport sur les lieux, aucun compteur électrique ou d’eau ni aucun regard concernant l’assainissement n’a été constaté et conteste que le simple fait que le terrain longe la route atteste de sa desserte par les réseaux. Elle ajoute que dans la zone B du plan d’exposition au bruit (PEB), les constructions à usage d’habitation sont interdites. Elle en déduit que les deux conditions cumulatives de l’article L. 322-3 du code de l’expropriation ne sont pas remplies. Elle estime son offre de prix satisfactoire au motif qu’elle correspond à l’évaluation faite par la Direction immobilière de l’Etat le 22 février 2023 (110 euros le m²) qui se fondait sur 9 termes de comparaison, situés dans le même secteur géographique et en zone B du PEB. Elle conteste l’analyse du commissaire du gouvernement selon laquelle la construction érigée sans autorisation ouvrirait droit à indemnisation en se référant à une jurisprudence constante en la matière. Elle souligne que la maison de 35 m² érigée nécessitait un permis de construire et en déduit que son évaluation, ne tenant pas compte des constructions, est pertinente. Elle ajoute qu’il n’y a pas lieu d’indemniser un préjudice futur et qu’aucune demande de division foncière n’a été formée à ce jour. Concernant les prétentions de monsieur [F], elle fait valoir que la promesse de vente ayant donné lieu à DIA ne vaut pas terme de comparaison et conteste le rapport d’expertise versé au motif qu’il écarte des termes de comparaison sans motif valable et que les termes retenus par l’expert ne portent pas sur des cessions comparables. S’agissant des conséquences dommageables, elle rappelle que la collectivité n’est pas tenue de réparer le préjudice moral et que le préjudice matériel allégué ne correspond pas à une indemnité accessoire au sens du code de l’expropriation.

En réplique, aux termes de ses conclusions du 3 juin 2024, monsieur [F] demande au juge de l’expropriation de fixer à 390 500 euros HT le prix de vente de sa parcelle, outre le frais d’agence de 32 802 euros. A titre subsidiaire, il demande, dans le cas d’une fixation moindre du prix, de « fixer en sus à la somme de 218 500 euros la réparation des conséquences dommageables et y condamner [Localité 1] Métropole ». Il demande également la condamnation de [Localité 1] Métropole à lui verser 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il souligne que son projet initial était de vendre son bien à 390 500 euros, montant correspondant au prix sur le marché libre. Il soutient que le terrain, situé en zone AU, est constructible dès lors que la construction est en lien avec l’industrie et l’artisanat. Il rappelle que le terrain est par ailleurs situé à proximité d’entreprises, de sorte qu’il est desservi par les réseaux, la rue dans laquelle est située l’emprise abritant de longue date des habitations et entreprises. Il fait valoir que son expert a évalué son bien à la somme de 318 648 euros, avec une dépréciation de 8600 euros pour la démolition de l’existant et souligne à cet égard qu’il ne demande pas de valorisation de la construction érigée illégalement. Néanmoins, comme [Localité 1] Métropole n’indique pas vouloir démolir cette construction, il propose finalement de ne pas appliquer cette dépréciation retenue par l’expert. Il souligne que son expert s’est attaché aux spécificités du bien considéré : taille, emplacement, visibilité, qui sont des éléments essentiels dans la détermination de la valeur immobilière. Sur les conséquences matérielles dommageables, il rappelle qu’il avait trouvé un acquéreur via une agence immobilière mais que son projet n’a pu aboutir en raison de l’exercice du droit de préemption, ce qui doit aboutir à réparation.

Par conclusions du 29 mai 2024, le commissaire du gouvernement propose de fixer le prix d’acquisition du bien à la somme de 266 000 euros. Il retient comme date de référence le 18 mai 2018 au motif que la parcelle est située dans une zone d’aménagement différé crée par délibération de cette date. Il reproche à [Localité 1] Métropole de fonder son offre sur la base de termes de comparaison en terrains nus, alors qu’une construction est érigée : il propose une évaluation bâti terrain intégré. Il ajoute qu’en l’espèce, le terrain doit être qualifié de terrain à bâtir car situé dans un secteur désigné comme constructible et desservi par les réseaux puisque supportant une maison à usage d’habitation. Son étude a porté sur des transactions concernant des maisons d’habitation de plain-pied d’une surface habitable entre 40 et 80 m² situées dans un rayon d’un kilomètre, sur une période de janvier 2021 à décembre 2023, en excluant les maisons récentes. Il retient six termes de comparaison et propose une valorisation du terrain et de la maison. Il souligne que la méthode de récupération foncière qui consiste à déduire les frais de démolition n’est possible que dans le cadre de la loi Vivien.

MOTIVATION

En application de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme, à défaut d’accord amiable sur le prix d’acquisition dans le cadre de l’exercice du droit de préemption urbain, le prix d’acquisition est fixé par le juge de l’expropriation. Ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, notamment d’indemnité de remploi. Le prix est fixé comme en matière d’expropriation, sous réserve d’une date spécifique pour les biens situés en zone d’aménagement différé.

La consistance du bien est appréciée à la date du jugement.

Sur la description du bien
Le transport sur les lieux est intervenu le 5 février 2024. La parcelle, rectangulaire et plate, d’une superficie de 1562 m², est clôturée avec un portail. L’adresse est le [Adresse 4] mais elle est accessible par l’[Adresse 5] qu’elle longe à l’Ouest. Au nord de la parcelle est situé un rond point. Elle est enherbée pour partie, légèrement boisée. Une allée en gravillons est présente. Une maison d’habitation de 56 m² environ est présente, à l’état d’abandon, encore encombrée de meubles et affaires diverses. Elle est composée d’une pièce à vivre comprenant une cuisine aménagée. Un compteur électrique est présent. Est également présent sur la parcelle un cabanon de jardin de 20 m² aménagé en habitation, abandonné. Des prises électriques et interrupteurs sont présents, ainsi qu’un évier. Enfin, sont également présents sur la parcelle un autre cabanon de 12 m², en ruines, deux caravanes, un petit bateau et un véhicule en stationnement. Une construction en béton inachevée est également présente. Elle était destinée à des sanitaires.
L’emprise est située non loin de la Rocade, entre deux ronds-points reliant la Rocade et [Localité 10] et menant aux communes du Nord du [Localité 6] et du [Localité 7].
Sur la date de référence
La parcelle expropriée est incluse dans le périmètre d’une zone d’aménagement différé créée par délibération de [Localité 1] Métropole dans sa séance publique du 27 avril 2018. Selon les termes de cette délibération, [Localité 1] Métropole est titulaire du droit de préemption dans ce périmètre, lequel se substitue au droit de préemption urbain, pour une durée de 6 années. Cette ZAD « fixe, pendant cette durée de six ans, la nouvelle date de référence pour l’estimation de la valeur vénale des biens à acquérir à la date de la création de la ZAD ».

Par application des dispositions combinées des articles L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et L. 213-4 du code de l’urbanisme, auquel renvoie l’article L. 213-6 du même code, la date de référence est celle, pour un bien compris dans le périmètre d’une zone d’aménagement différé, la date de publication de l'acte créant la zone d'aménagement différé lorsqu’un périmètre provisoire n’avait pas préalablement été défini.

En l’espèce, il ressort de la délibération précitée que celle-ci a été publiée le 18 mai 2018.

La date de référence sera en conséquence fixée au 18 mai 2018.

Sur la qualification de terrain à bâtir du bien
Aux termes de l’article L. 322-3 du code de l’expropriation : « La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois :/1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ;/2° Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone./Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2. »
Les deux critères posés au 1° et 2° de l’article L. 322-3 précité sont cumulatifs.
Lorsque le bien est situé dans une ZAD, la date à retenir au sens de l’article précité est un an avant la publication de la délibération créant la ZAD, soit le 18 mai 2017.
L’article L. 322-4 du même code prévoit toutefois que l’indemnisation doit tenir compte des possibilités effectives de construction et des servitudes.

En l’espèce, la partie de l’emprise expropriée est située en zone AU8 du PLU de [Localité 1] Métropole.

Aux termes de l’article R. 151-20 du code de l’urbanisme : « Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement./ Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. »

En application de cet article, l’article 1.3 AU8 du PLU de [Localité 1] Métropole (« zone d’extension urbaine pour l’artisanat et industrie légère ») prévoit que dans ce secteur, les occupation et utilisations du sol sont admises aux conditions cumulées suivantes :
-que les voies publiques et les réseaux d’eau, d’électricité et le cas échéant d’assainissement existants à la périphérie immédiate de la zone concernée aient une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ;
-s’inscrire dans une opération d’ensemble (du type lotissement, ZAC, permis valant division, …). Si l’opération n’occupe pas l’ensemble de la zone, elle ne doit pas compromettre l’aménagement cohérent du reste de la zone.

En l’espèce, il est constant que la parcelle est desservie par la voie publique. Il ressort par ailleurs de la visite des lieux que la parcelle est alimentée en eau et en électricité comme en attestent les éviers dans les deux habitations, les prises électriques et compteur. Il ressort en outre de la pièce 5 produite par [Localité 1] Métropole que la parcelle est située dans une zone d’assainissement collectif/non collectif, systèmes d’élimination des déchets et que la zone est desservie par des canalisations de gaz.

De plus, il ressort du rapport d’expertise produit en défense que la parcelle se trouve à proximité immédiate d’un périmètre dans lequel un programme d’aménagement d’ensemble ou un projet urbain partenarial a été approuvé. Il ressort également de l’examen des termes de référence produits par [Localité 1] Métropole que des opérations de lotissement sont en cours à proximité immédiate de l’emprise préemptée.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que la parcelle AC n°[Cadastre 3] est à la date de référence un terrain à bâtir au sens de l’article L. 322-6 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

Sur le prix

En application des articles L. 322-1 et L. 322-2 du code de l’expropriation, le prix du bien préempté, estimé à la date du jugement, est fixé en fonction de sa consistance à cette même date et de son usage effectif ou de sa qualification de terrain à bâtir à la date de référence.

Le juge doit par ailleurs, en application de l’article L. 322-4 du même code, pour l’évaluation du terrain, tenir compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence.

En l’espèce, l’emprise est située dans une zone définie par le plan d’exposition au bruit, de sorte que la construction à usage d’habitation ne peut être envisagée que sous certaines conditions en application des articles L. 112-10 et suivants du code de l’urbanisme. Il s’agit d’une zone à constructibilité limitée en ce sens que seules des opérations d’ensemble sont admises ; à l’exception de maisons d’habitation pour le motif sus évoqué, il est possible de réaliser dans ce cadre des bureaux, des commerces, des entrepôts, etc. (article AU1.1.2 du PLU)
Dès lors que la construction érigée sur le terrain appartenant à monsieur [F] a été réalisée sans autorisation d’urbanisme, celle-ci ne donne lieu à aucune indemnisation, et ce en application d’une jurisprudence constante, non contestée en défense.
Il y a lieu d’évaluer le terrain nu. Dès lors les termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement relatifs à des cessions de terrains bâtis seront écartés.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le code de l’urbanisme prévoit qu’en matière de préemption, si un désaccord persiste sur le prix, le prix est fixé comme en matière d’expropriation. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de tenir compte du prix figurant dans le compromis de vente, lequel ne constitue pas un terme de comparaison pertinent dès lorsqu’il ne s’agit pas d’un prix de cession effectif.
[Localité 1] Métropole s’appuie sur 9 termes de références issues de l’évaluation de la Division Immobilière de l’Etat. Ils concernent des cessions de terrain nu à bâtir situés en zone AU8, dans une zone concernée par le plan d’exposition au bruit, situés à proximité immédiate du bien préempté.
S’appuyant sur un rapport d’expertise amiable, monsieur [F] ne conteste pas la pertinence des termes 1, 4, 5, 7, 8 et 9. Il convient de souligner que ces termes concernent des terrains à bâtir, même si [Localité 1] Métropole contestait cette qualification. Ces termes de comparaison ne sont pas contestés par le commissaire du Gouvernement.
Ainsi, les termes de comparaison ne faisant l’objet d’aucune contestation seront retenus :
Les TC 1, 4, 7 et 9 sont relatifs à des cessions de lot en vue de la réalisation d’un lotissement pour un montant unitaire de 120 euros.
Le TC5 est relatif à une cession du même type pour un prix de 110 euros.
Le TC8 Le TC5 sont relatifs à une cession du même type pour un prix de 198 euros
Les TC 2 et 6 sont relatifs à des cessions intervenue au prix unitaire de 100 et 80 euros le m². Monsieur [F] estime devoir les exclure au motif que les parcelles ne présentent pas les mêmes caractéristiques, celles-ci étant situées en fond de zone et en conséquence moins accessibles. Il ressort en effet des photographies aériennes que les deux parcelles considérées sont situées plus loin que la parcelle de monsieur [F], au-délà du rond-point mais surtout non directement situées sur l’[Adresse 5], car situées sur une voie perpendiculaire. Il en ressort que ces parcelles, cédées à un prix inférieur par rapport à la moyenne des autres cessions, sont moins valorisables que celle de monsieur [F]. Il conviendra d’écarter ces deux termes de comparaison.
S’agissant du TC 3, le motif selon lequel la parcelle considérée a fait l’objet d’une revente en mars 2023 est inopérant de sorte que ce terme doit être conservé, dès lors que la cession concerne un terrain à bâtir est située le long de l’[Adresse 5], soit à proximité de l’emprise préemptée.
Au total, 7 termes de comparaison produits par [Localité 1] Métropole seront conservés, les TC 2 et 6 devant être exclus. 
Monsieur [F] se fonde sur 17 autres termes de comparaison recensés par son expert. Toutefois, ces références ne sont pas confortées par la production des actes notariés ou au minimum par leurs références de publication, permettant de vérifier que les cessions sélectionnées portent bien sur des biens aux caractéristiques comparables et si le prix hors taxes ou toutes taxes.
La moyenne des sept termes de comparaison retenus est de (4x120 +110+198+80)= 124 euros.

Au total, il convient de retenir un prix moyen au mètre carré de 124 euros, soit pour une surface utile de 1562 m², la somme de 193 688 euros, TVA en sus le cas échéant.

Sur les frais d’agence

La commission d’agence étant stipulée à la charge de l’acquéreur aux termes de l’acte ayant donné lieu à la déclaration d’intention d’aliéner, ils seront mis à la charge de [Localité 1] Métropole, qui se substitue à l’acquéreur, à hauteur de 32 802 euros TTC, somme à laquelle [Localité 1] Métropole ne s’oppose pas sous réserve pour monsieur [F] de justifier d’un mandat régulièrement donné à une agence immobilière.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l’exercice du droit de préemption
La réparation du préjudice sollicité est fondée sur le fait que le prix fixé dans le cadre de la procédure de préemption est inférieur au prix convenu avec le candidat acquéreur. Monsieur [F] ne fonde pas sa demande sur un texte.

En application de l’article L. 213-4 du code de l’urbanisme : « En application de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. »

Ainsi, le juge de l’expropriation appelé à statuer dans ce cadre est exclusivement compétent pour fixer le prix de l’acquisition. Il ne peut fixer des indemnités en vue de réparer d’éventuels préjudices résultant de l’exercice du droit de préemption.

La demande doit en conséquence être rejetée.

Sur les dépens
Conformément à l’article L. 312-1 du code de l’expropriation, [Localité 1] Métropole supportera les dépens.
Sur l’indemnité au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile: “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :/1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;/2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991./Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.”
En l’espèce, il convient d’allouer à monsieur [F] au titre des frais irrépétibles une somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’expropriation, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

FIXE au 18 mai 2018 la date de référence,

Fixe à 193 688 euros, TVA en sus le cas échéant le prix de la parcelle cadastrée section AC n°[Cadastre 3], d’une contenance totale de 1562 m², sise [Adresse 4] sur le territoire de la commune de [Localité 2], vendue par monsieur [F] [O] et préemptée par [Localité 1] Métropole, TVA en sus le cas échéant, outre 32 802 euros au titre de la commission d’agence, sous réserve de justifier du mandat régulièrement donné,

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par monsieur [F],

Condamne [Localité 1] Métropole à payer à monsieur [O] [F] la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne [Localité 1] Métropole aux dépens.
La présente décision a été signée par, Madame Marie WALAZYC Juge de l’Expropriation, et par Mme Céline DONET, greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier Le Juge de l’Expropriation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Expropriations
Numéro d'arrêt : 23/00010
Date de la décision : 25/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-25;23.00010 ?
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