La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/07/2024 | FRANCE | N°24/00374

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Jex droit commun, 23 juillet 2024, 24/00374


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 23 Juillet 2024


DOSSIER N° RG 24/00374 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YVOS
Minute n° 24/ 276


DEMANDEUR

Monsieur [J] [T]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Delphine TRANQUARD, avocat au barreau de BORDEAUX


DEFENDEUR

Madame [C] [I] [U]
née le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Carlo Alberto BRUSA d

e la SELAS CAB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Maître François DEAT de l’AARPI 175 AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, av...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 23 Juillet 2024

DOSSIER N° RG 24/00374 - N° Portalis DBX6-W-B7I-YVOS
Minute n° 24/ 276

DEMANDEUR

Monsieur [J] [T]
né le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]

représenté par Maître Delphine TRANQUARD, avocat au barreau de BORDEAUX

DEFENDEUR

Madame [C] [I] [U]
née le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Carlo Alberto BRUSA de la SELAS CAB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Maître François DEAT de l’AARPI 175 AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier

A l’audience publique tenue le 18 Juin 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 23 Juillet 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Le 23 juillet 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juin 2017, d’un arrêt de la Cour d’appel de Douai en date du 6 décembre 2018 et d’un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bobigny en date du 31 août 2021, Madame [C] [U] a fait diligenter une saisie sur les droits d’associés et les valeurs mobilières détenues par Monsieur [J] [T] par acte en date du 7 décembre 2023, dénoncée par acte du 13 décembre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 15 janvier 2024, Monsieur [T] a fait assigner Madame [U] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.

A l’audience du 18 juin 2024 et dans ses dernières conclusions, Monsieur [T] sollicite que son action soit déclarée recevable, que la saisie portant sur le contrat d’assurance-vie détenu auprès de la société AXA France doit déclarée nulle et que mainlevée en soit ordonnée. Il demande le rejet des prétentions de la défenderesse ainsi qu’un délai de six mois pour s’acquitter de sa dette. Enfin, il sollicite qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du Code de procédure civile et qu’il soit statué ce que de droit sur les dépens.

Au soutien de ses prétentions, le demandeur fait valoir qu’il a dénoncé sa contestation conformément aux dispositions de l’article R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution et qu’il dispose d’un intérêt à agir dans la mesure où il dispose bien d’un contrat d’assurance vie auprès d’AXA fondant sa contestation. Il sollicite l’annulation et la mainlevée de la mesure considérant que les fonds détenus au titre d’une assurance-vie ne peuvent faire l’objet d’une saisie. Enfin, il sollicite des délais de paiement indiquant ne pas exercer de profession actuellement et avoir subi une baisse très importante de ses revenus.

A l’audience du 18 juin 2024 et dans ses dernières écritures, Madame [U] conclut à l’irrecevabilité des demandes, au fond, au rejet de toutes les demandes et à la condamnation du demandeur à lui verser la somme de 7.000 euros de dommages et intérêts ainsi qu’aux dépens et au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile outre le prononcé d’une amende civile de 10.000 euros.

Madame [U] soutient que Monsieur [T] n’a pas dénoncé la contestation de la saisie à l’huissier ayant instrumenté ainsi qu’au tiers saisi. Elle ajoute qu’il ne dispose d’aucun intérêt à agir, aucune saisie n’ayant été effectuée au vu des déclarations d’AXA qui indiquait ne détenir aucune valeur mobilière ou aucun droit d’associé pour Monsieur [T], considérant ainsi que ses demandes sont irrecevables. Sur le fond, elle sollicite des dommages et intérêts au titre d’une procédure abusive compte tenu de l’absence de toute saisie et s’oppose à tout délai de paiement, soulignant que Monsieur [T] ne justifie pas de la totalité de sa situation et notamment des sommes perçues à l’issue de la vente de ses fonds de commerce. Elle fait valoir qu’il détient des avoirs mais s’abstient de régler sa dette depuis 2019 nonobstant le caractère alimentaire de celle-ci.

L’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales

- Sur la recevabilité

Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »

L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »

Les articles 31 et 32 du code de procédure civile prévoient : « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »
« Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. »

L’article 122 du Code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Monsieur [T] a contesté la saisie pratiquée par une assignation délivrée le 15 janvier 2024 alors que le procès-verbal de saisie date du 7 décembre 2023 avec une dénonciation effectuée le 13 décembre 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 15 janvier 2024.
Il justifie de l’envoi du courrier recommandé en date du 15 janvier 2024, réceptionné le 19 janvier 2024, faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie. Il produit également le courrier adressé à AXA France VIE en sa qualité de tiers saisi pour dénoncer la contestation, en date du 15 janvier 2024.
La demanderesse produit le courrier de réponse envoyé par la société AXA FRANCE VIE le 15 décembre 2023. Cette société indique ne pas détenir de valeurs mobilières de façon générale et en particulier au profit de Monsieur [T] et renvoie vers d’autres entités du groupe AXA.
Monsieur [T] produit un courrier daté du 3 janvier 2024 justifiant qu’il dispose d’un contrat d’assurance-vie « Patrimoine Asset Management » auprès d’AXA. Rien ne justifie en outre que le courrier d’AXA France Vie adressé à Madame [U] lui ait également été adressé et qu’il ait donc été avisé du caractère infructueux de la saisie.
Son action en contestation apparait donc fondée, puisqu’il dispose d’un intérêt à agir. Elle sera par conséquent déclarée recevable.
- Sur la nullité de la saisie
L’article L132-14 du Code des assurances dispose :
« Sous réserve des dispositions des articles L. 262, L. 263 B et L. 273 A du livre des procédures fiscales, de l'article 387 bis du code des douanes, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et du II de l'article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, le capital ou la rente garantis au profit d'un bénéficiaire déterminé ne peuvent être réclamés par les créanciers du contractant. Ces derniers ont seulement droit au remboursement des primes, dans le cas indiqué par l'article L. 132-13, deuxième alinéa, en vertu soit de l'article 1341-2 du code civil, soit des articles L. 621-107 et L. 621-108 du code de commerce.. »

Il est constant que le capital d’assurance-vie est insaisissable par les créanciers de l’assuré.

Ainsi que cela a été rappelé supra la saisie pratiquée auprès de la société AXA France VIE par acte du 7 décembre 2023 a été infructueuse et était en tout état de cause vouée à l’échec s’agissant de saisir un capital d’assurance-vie.

Il n’y a donc pas lieu d’annuler ou d’ordonner la mainlevée de cette mesure d’ores et déjà vaine.

- Sur les délais de paiement

L’article 1343-5 du Code civil dispose :
« Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment. »

En l’espèce, il n’est pas contesté que la créance détenue par Madame [U] est constituée de contribution à l’entretien et à l’éducation des deux enfants communs qu’elle a eu avec Monsieur [T]. Cette créance est donc de nature purement alimentaire. En application du texte susvisé, aucun délai de paiement ne saurait par conséquent être alloué au demandeur, qui ne justifie en tout état de cause que de façon très parcellaire de sa situation financière par la production d’un avis d’impôt sur le revenu, d’un mandat de vente de son immeuble sis à [Localité 6] et d’une mise en demeure de sa banque faisant état d’impayés alors qu’il indique dans ses écritures avoir cédé des fonds de commerce et partager ses charges avec une tierce personne.

La demande de délais sera par conséquent rejetée.

- Sur l’abus du droit d’agir

L’article 32-1 du Code de procédure civile prévoit : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

Il a déjà été statué supra sur l’intérêt à agir de Monsieur [T] qui est constitué au regard du fait qu’il détient bien une assurance-vie auprès d’AXA, la défenderesse n’établissant pas qu’il avait été avisé du caractère infructueux de la saisie.

La présente contestation n’est donc pas abusive, ce d’autant que le demandeur a également formulé une prétention au titre de délais de paiement.

Madame [U], qui allègue en réalité d’une résistance abusive à l’exécution des décisions de justice, ne démontre par l’existence d’un abus du droit d’agir dont le demandeur se serait rendu coupable.

Elle ne produit par ailleurs aucune pièce au soutien de l’existence d’un préjudice en lien avec la faute invoquée distinct des frais de représentation qu’elle a dû engager et qui seront indemnisés sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Ses demandes tendant à l’octroi de dommages et intérêts et au prononcé d’une amende civile seront donc rejetées.

Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.

En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Monsieur [T], partie perdante, subira les dépens et sera condamné au paiement d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie sur les droits d’associés et les valeurs mobilières détenues par Monsieur [J] [T] à la diligence de Madame [C] [U], par acte en date du 7 décembre 2023, dénoncée par acte du 13 décembre 2023 recevable ;
CONSTATE que la saisie sur les droits d’associés et les valeurs mobilières détenues par Monsieur [J] [T] à la diligence de Madame [C] [U], par acte en date du 7 décembre 2023, dénoncée par acte du 13 décembre 2023 a été infructueuse ;
DIT n’y avoir lieu à ordonner mainlevée de la saisie sur les droits d’associés et les valeurs mobilières détenues par Monsieur [J] [T] à la diligence de Madame [C] [U], par acte en date du 7 décembre 2023, dénoncée par acte du 13 décembre 2023 ;
DEBOUTE Monsieur [J] [T] de sa demande de délais de paiement ;
DEBOUTE Madame [C] [U] de ses demandes tendant à l’octroi de dommages et intérêts et au prononcé d’une amende civile ;
CONDAMNE Monsieur [J] [T] à payer à Madame [C] [U] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [J] [T] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.

LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Jex droit commun
Numéro d'arrêt : 24/00374
Date de la décision : 23/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-23;24.00374 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award