TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
LE JUGE DE L'EXECUTION
JUGEMENT DU 23 Juillet 2024
DOSSIER N° RG 23/10587 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YRYA
Minute n° 24/ 274
DEMANDEUR
Madame [D] [C] épouse [Z]
née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 6] (ITALIE)
demeurant [Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Maître Delphine THIERY, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR
S.A. SOCIETE GENERALE, immatriculée au RCS de Paris sous le n° 552 120 222, prise en la personne de son représentant légal, venant aux droits de la société SA BANQUE COURTOIS, inscrite au RCS de Toulouse sous le n° 302 182 258 dont le siège social est [Adresse 3]
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Maître Louis COULAUD de l’AARPI CB2P AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 18 Juin 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 23 Juillet 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 23 juillet 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d’un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 19 septembre 2023, la SA SOCIETE GENERALE venant aux droits de la banque Courtois a fait diligenter une saisie-attribution sur les comptes bancaires de Madame [D] [C] épouse [Z] par acte en date du 7 novembre 2023, dénoncée par acte du 10 novembre 2023.
Par acte de commissaire de justice en date du 11 décembre 2023, Madame [C] a fait assigner la SA SOCIETE GENERALE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux afin de voir ordonnée la mainlevée de cette saisie.
A l’audience du 18 juin 2024 et dans ses dernières conclusions, Madame [C] sollicite l’annulation de l’acte de dénonciation de la saisie-attribution, la nullité et la mainlevée de la saisie-attribution aux frais de la défenderesse outre la condamnation de cette dernière aux dépens et au paiement d’une somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la demanderesse fait valoir que l’acte de dénonciation ne mentionne pas expressément sur quel compte a été laissé le minimum légal à caractère alimentaire, en contradiction avec l’article R211-3 du Code des procédures civiles d’exécution, cette mention ne figurant que sur la liste des comptes annexée à l’acte de signification délivré au tiers saisi, dont Madame [C] n’a pas été destinataire. Elle soutient qu’il s’agit d’une nullité ne nécessitant pas la démonstration d’un grief qu’elle estime en tout état de cause constitué en ce qu’il réside dans le caractère alimentaire des sommes dont il s’agit. Elle sollicite la mainlevée de la saisie-attribution au regard du recours qu’elle a engagé en suspension de l’exécution provisoire auprès du Premier président de la cour d’appel de Bordeaux, ce recours ayant en définitive été rejeté par une ordonnance du 8 février 2024.
A l’audience du 18 juin 2024 et dans ses dernières écritures, la SA SOCIETE GENERALE conclut au rejet de toutes les demandes et à la condamnation de la demanderesse aux dépens et au paiement d’une somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La défenderesse soutient que si l’acte en lui-même ne comporte effectivement pas la mention litigieuse, cette information figure en annexe de cet acte dans la liste des comptes communiquée par le tiers saisi. Elle soutient que cette formalité relève d’une nullité de forme nécessitant la preuve d’un grief. Elle souligne que le recours contre l’exécution provisoire ayant été rejeté, il ne demeure aucun fondement au prononcé d’une mainlevée de la mesure de saisie-attribution.
L’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes principales
- Sur la recevabilité
Les articles L211-4 et R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution relatifs à la saisie-attribution disposent : « Toute contestation relative à la saisie est formée dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat.
En l'absence de contestation, le créancier requiert le paiement de la créance qui lui a été attribuée par l'acte de saisie.
Toutefois, le débiteur saisi qui n'aurait pas élevé de contestation dans le délai prescrit peut agir à ses frais en répétition de l'indu devant le juge du fond compétent. »
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »
L’article R232-7 du Code des procédures civiles d’exécution relatif à la saisie de droits d’associés prévoit quant à lui : « A peine d'irrecevabilité, la contestation est dénoncée le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. »
Madame [C] a contesté la saisie-attribution pratiquée par une assignation délivrée le 11 décembre 2023 alors que le procès-verbal de saisie-attribution date du 7 novembre 2023 avec une dénonciation effectuée le 10 novembre 2023. La contestation de la saisie-attribution était donc recevable jusqu’au 11 décembre 2023 inclus.
Elle justifie en outre de l’envoi du courrier recommandé en date du 11 décembre 2023 faisant état de la contestation portée adressé à l’huissier ayant réalisé la saisie-attribution.
La demanderesse doit donc être déclarée recevable en sa contestation de la saisie-attribution.
- Sur la nullité de la saisie-attribution
L’article R211-3 du Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« A peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d'huissier de justice dans un délai de huit jours.
Cet acte contient à peine de nullité :
1° Une copie du procès-verbal de saisie et la reproduction des renseignements communiqués par le tiers saisi si l'acte a été signifié par voie électronique ;
2° En caractères très apparents, l'indication que les contestations doivent être soulevées, à peine d'irrecevabilité, dans le délai d'un mois qui suit la signification de l'acte par assignation, et la date à laquelle expire ce délai ainsi que l'indication que l'assignation est dénoncée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le même jour à l'huissier de justice ayant procédé à la saisie ;3° La désignation de la juridiction devant laquelle les contestations peuvent être portées ;
4° L'indication, en cas de saisie de compte, du montant de la somme à caractère alimentaire laissée à la disposition du débiteur en application de l'article R. 162-2 ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée.
L'acte rappelle au débiteur qu'il peut autoriser par écrit le créancier à se faire remettre sans délai par le tiers saisi les sommes qui lui sont dues. »
Les articles 649 et 112 du code de procédure civile prévoient :
« La nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure. »
« La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »
Il est constant qu’en application des textes susvisés la nullité de l’acte de dénonciation n’est encourue que si celui qui l’invoque justifie du grief que lui cause l’irrégularité.
Madame [C] produit l’acte de dénonciation de la saisie-attribution signifié le 10 novembre 2023 qui, s’il n’indique pas en première page le compte sur lequel figure les sommes à caractère alimentaire, renvoie en page deux à la déclaration du tiers saisi qui est bien annexé à l’acte de dénonciation qui a été remis à la défenderesse. Ce document mentionne le numéro du compte dont le solde bancaire insaisissable a été soustrait.
Madame [C] a donc pu savoir où se trouvaient les sommes dues au titre du reste à vivre par la lecture de l’annexe à laquelle l’acte renvoie. Elle ne démontre donc pas en quoi elle a subi un quelconque grief et en quoi l’acte est irrégulier, la mention du compte ne pouvant que relever de la déclaration du tiers saisi, sur qui repose la charge de ventiler les sommes saisissables, fournie en annexe de l’acte.
L’acte de dénonciation n’est donc entaché d’aucun motif de nullité. Le rejet du recours contre la suspension de l’exécution provisoire par une décision du 8 février 2024 rend les sommes dues exigibles.
Il n’existe donc aucun motif pour prononcer l’annulation ou la mainlevée de la saisie-attribution qui sera par conséquent validée.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Madame [C], partie perdante, subira les dépens et sera condamnée au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DECLARE la contestation de la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Madame [D] [C] épouse [Z] détenus auprès du CIC SUD OUEST, à la diligence de la SA SOCIETE GENERALE, par acte en date du 7 novembre 2023, dénoncée par acte du 10 novembre 2023, recevable ;
VALIDE la saisie-attribution pratiquée sur les comptes bancaires de Madame [D] [C] épouse [Z] détenus auprès du CIC SUD OUEST, à la diligence de la SA SOCIETE GENERALE, par acte en date du 7 novembre 2023, dénoncée par acte du 10 novembre 2023 ;
CONDAMNE Madame [D] [C] épouse [Z] à payer à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [D] [C] épouse [Z] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,