TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
LE JUGE DE L'EXECUTION
JUGEMENT DU 23 Juillet 2024
DOSSIER N° RG 23/10276 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YQIP
Minute n° 24/ 273
DEMANDEUR
Madame [W], [Z] [O]
née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Jérôme DIROU, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR
Monsieur [N] [Y]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Maître Thomas RIVIERE de l’AARPI RIVIERE - DE KERLAND, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 18 Juin 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 23 Juillet 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 23 juillet 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d’une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 5 mai 2023, Madame [W] [O] a fait assigner Monsieur [N] [Y] par acte de commissaire de justice en date du 6 décembre 2023 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par cette décision et que soit ordonnée la fixation d’une nouvelle astreinte.
A l’audience du 18 juin 2024 et dans ses dernières conclusions, Madame [O] sollicite la liquidation de l’astreinte à hauteur de 3.050 euros ainsi que le prononcé d’une nouvelle astreinte à compter de la décision à intervenir de 100 euros par jour de retard pour une durée de 6 mois. Elle sollicite également la condamnation du défendeur aux dépens et au paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile incluant le coût du constat du 19 octobre 2023.
Au soutien de ses prétentions, Madame [O] fait valoir que Monsieur [Y] n’a pas exécuté l’ordonnance du 5 mai 2023 ou en tous cas imparfaitement puisque certains tuyaux et gaines qu’il avait fait installer demeurent alors qu’ils ont été sectionnés, engendrant ainsi des odeurs nauséabondes.
A l’audience du 18 juin 2024 et dans ses dernières écritures, Monsieur [Y] conclut à titre principal à la suppression de l’astreinte et à titre subsidiaire à la réduction de l’astreinte provisoire. Il conclut au rejet de la demande de fixation d’une nouvelle astreinte, ainsi que de la demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile sollicitant que la demanderesse soit condamnée aux dépens.
Monsieur [Y] fait valoir que les travaux réalisés consistaient en un simple remplacement de tuyaux existants et qu’il a totalement exécuté les obligations mises à sa charge, ce retard à s’exécuter étant lié à son activité professionnelle de militaire, le conduisant à effectuer des missions internationales de longue durée sans possibilité de communications aisées avec la France. Il souligne que le dernier constat ne distingue pas dans quelle partie de la cave il a été dressé, seule la partie privative de Madame [O] étant visée par l’ordonnance du 5 mai 2023. Il soutient qu’en tout état de cause le devis et la facture de travaux justifient du respect de l’injonction judiciaire qui lui était faite, les tuyaux restant étant préexistants à son intervention.
L’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes principales
- Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive
L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”
L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L'astreinte est provisoire ou définitive. L'astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n'ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.
L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir”.
L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.
Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère”.
Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d'une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l'atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l'évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.
Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution. »
En l’espèce, l’ordonnance du 5 mai 2023 prévoit notamment en son dispositif :
« Ordonne à Monsieur [Y] sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant deux mois, à compter du mois suivant la signification de la présente décision, de procéder à l’enlèvement de tous les tuyaux et gaines qu’il a posés passant dans le lot privatif de Madame [O] et de procéder aux réparations des désordres causés sur les existants lors de l’enlèvement de la totalité des tuyaux et gaines ».
Cette ordonnance a été signifiée à Monsieur [Y] par acte du 26 mai 2023.
En application de l’article R121-2 du Cde des procédures civiles d’exécution, il sera rappelé qu’il n’appartient pas à la présente juridiction de se prononcer sur le bienfondé des travaux entrepris par Monsieur [Y], la juridiction de référé ayant souverainement estimé que les tuyaux et gaines installés dans la cave privative de Madame [O] devaient être retirés.
Le constat d’huissier établi le 19 octobre 2023 mentionne la persistance des tuyaux et gaines visés par la décision judiciaire à l’identique du constat dressé avant l’ordonnance du 5 mai 2023 en date du 27 mai 2021.
Monsieur [Y] produit un devis du 16 janvier 2024 et une facture du 18 mars 2024 mentionnant « Reprise évacuation des caves sous le toilette maison jusqu’à l’évacuation principale avec fixation murale et pvc diamètre 100 petites fournitures et main d’œuvre comprise, Toutes les évacuations et arrivées d’eau chaude eau froide son bien supprimé de la cave ».
Le constat dressé le 15 mai 2024 mentionne bien qu’il a été dressé dans la cave privative de Madame [O]. Il constate un trou non rebouché dans le mur permettant de constater la suppression d’un tuyau PVC. Des raccords en PVC sur un tuyau ancien et deux extrémités de tuyaux vides sont également décrits, la commissaire de justice rapportant le propos de sa mandante faisant état de mauvaises odeurs. Des tuyaux et des gaines pendants sont également mentionnés ainsi qu’un tuyau allant au compteur de Monsieur [Y]. Enfin, un câble longeant le mur est décrit, ce dernier alimentant aux dires de Madame [O] la sonnette de Monsieur [Y].
Il ressort des constatations le fait que des tuyaux et gaines ont bien été supprimés et pour certains sectionnés, la preuve de nuisances olfactives résultant de cet état de fait n’étant pas établie par autre chose que la déclaration de Madame [O]. Il est par ailleurs impossible à la présente juridiction de distinguer les tuyaux installés par le défendeur de ceux préexistants, la présence du compteur démontrant la pré-existence de câbles plus anciens pour desservir son logement. Ainsi, le câble de sonnette pouvait être également préexistant.
En définitive, la contestation tient à la persistance de tuyaux désormais non raccordés et sciés ou déconnectés de leur raccord et au trou dans le mur subsistant au retrait de la canalisation PVC.
Dans la mesure où il s’agit d’une cave dont les photos démontrent qu’elle est saine, les désordres des existants invoqués, auxquels Monsieur [Y] serait tenu de remédier, ne sont pas démontrés. Celui-ci justifie au contraire avoir retiré les tuyaux et gaines litigieux, rien n’établissant que les ouvrages demeurants ne sont pas préexistants.
Monsieur [Y] s’est donc bien exécuté des obligations mises à sa charge par l’ordonnance du 5 mai 2023.
Sur le délai d’exécution, il verse aux débats une attestation du colonel [U] indiquant qu’il était en mission à l’étranger du 20 mars 2023 au 27 juin 2023 du 17 juillet 2023 au 20 décembre 2023. Ces dates établissent que Monsieur [Y] n’était pas en France ou seulement pour une durée extrêmement courte durant le délai d’exécution donné par la décision judiciaire. Il a en revanche, sollicité un devis dès le 16 janvier 2024 soit très peu de temps après son retour sur le territoire et les fêtes de fin d’année. Son retard à exécuter est donc justifié par cette cause étrangère.
Il n’y a par conséquent pas lieu à liquidation de l’astreinte.
Madame [O] sera déboutée de sa demande de liquidation et de fixation d’une nouvelle astreinte, Monsieur [Y] ayant exécuté la décision judiciaire susvisée.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Madame [O], partie perdante, subira les dépens et sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’au titre du constat d’huissier, qui, n’ayant pas été ordonné par la juridiction, ne saurait être mis à la charge de l’autre aprtie.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Madame [W] [O] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE Madame [W] [O] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,