N° RG 22/04859 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVTH
CINQUIÈME CHAMBRE
CIVILE
SUR LE FOND
63D
N° RG 22/04859 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVTH
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[Y] [P]
C/
S.A. SOCIETE GENERALE
Grosses délivrées
le
à
Avocats : la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES
la SCP LUSSAN
Me Isabelle ZIEGLER
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
CINQUIÈME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président,
Statuant à Juge Unique
Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ, Greffier
DÉBATS
A l’audience publique du 30 Avril 2024
JUGEMENT
Contradictoire
En premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDEUR
Monsieur [Y] [P]
né le 26 Mars 1951 à PARIS
de nationalité Française
16, allée Giacomo Puccini
33470 GUJAN MESTRAS
représenté par Me Isabelle ZIEGLER, avocat au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSE
S.A. SOCIETE GENERALE
domiciliée : chez Agence GUJAN MESTRAS
124 Cours de la République
33470 GUJAN MESTRAS
représentée par Maître Philippe OLHAGARAY de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX, Maître Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocats au barreau de PARIS
N° RG 22/04859 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WVTH
EXPOSE DU LITIGE
Faits constants :
Monsieur [P] (ci-après “le client”) a été titulaire d'un compte ouvert auprès de la SOCIETE GENERALE (ci-après “la banque”).
Souhaitant dynamiser son épargne, le client a récupéré les fonds d’un compte assurance vie et a procédé sur internet à des recherches de placements et a renseigné une fiche de contact à cette fin.
Il a été contacté par une personne se présentant comme un collaborateur du groupe NEXITY qui lui a proposé un investissement.
Le 14/10/2021, le client a signé un contrat portant sur la “souscription du programme résidence senior”, pour un lot 1-LB258 pour un montant d’acquisition fixé à 101.000€, à payer par virement sur un compte NEXITY, avec une perspective de gain de 10,91% l’an. Des conditions générales ont été jointes qui faisaient état d’un “Compte de dépôt à Terme”, avec un taux de rendement net minimum garanti de 5,08% l’an.
Le 18/10/2021, le client a sollicité par courriel son conseiller bancaire habituel en lui demandant comment effectuer un virement SEPA de 101.000€, lequel lui a répondu toujours par courriel qu’il était possible de procéder en ligne par plusieurs virements plafonnés à 15.000€ pour atteindre la somme globale souhaitée.
Après avoir obtenu un relèvement du plafond de virement initialement fixé à 4.000€, porté à 15.000€, il a procédé depuis son application bancaire au virement en ligne de la somme de 101.000 euros au moyen de 7 versements : les 6 premiers d'un montant de 15.000 euros chacun, le 7ème d'un montant de 11.000 euros, tous en date du 19 octobre 2021.
Au mois de novembre 2021, le client a découvert qu'il avait été victime d'une supposée escroquerie et il a déposé plainte en date du 13 novembre 2021.
Le 16 décembre 2021, il a rempli un formulaire de contestation auprès de la banque aux termes duquel il sollicitait le remboursement de la somme 101.000 euros.
Par LR/AR du 1er avril 2022, le conseil du client a mis la banque en demeure d'avoir à procéder au règlement de la somme principale de 101.000 euros en réparation du préjudice subi du fait d’un manquement contractuel de cette dernière.
Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre.
Procédure:
Par assignation délivrée le 3/06/2022, le client a assigné la banque à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de condamnations à lui verser la somme de 101.000€ en réparation du préjudice financier consécutif au supposé manquement contractuel, outre 10.000€ pour résistance abusive.
Il convient de préciser que depuis cette assignation :
La banque a constitué avocat et fait déposer des conclusions.
L'ordonnance de clôture est en date du 8/01/2024.
Les débats s’étant déroulés à l’audience du 30/04/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 2/07/2024, prorogée au 11/07/2024.
PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, M [P], le client :
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27/08/2023 et reprises à l'audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :
JUGER recevable et bien fondée l'action engagée par Monsieur [P] CONSTATER que la Société Générale a manqué à son obligation contractuelle générale de vigilance, de mise en garde et de conseil à l'égard de Monsieur[P]
A titre principal,
CONDAMNER la Société Générale au paiement d'une somme de 101.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement de la Banque à son devoir de vigilance et de vérification
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société Générale au paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 95.950 €
En tout état de cause,
CONDAMNER la Société Générale au paiement d'une somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive de la Banque
CONDAMNER la Société Générale au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER la Société Générale aux entiers dépens de l'instance.
PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, la SA SOCIETE GENERALE, la banque :
Dans ses dernières conclusions en date du 1/12/2023 le défendeur demande au tribunal de :
DIRE et JUGER que les dispositions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme prévues par les articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier sont inapplicables dans le cadre de l'action initiée par Monsieur [P] à l'encontre de SOCIETE GENERALE
DIRE et JUGER que SOCIETE GENERALE a respecté son obligation d'exécuter les ordres de virement transmis par Monsieur [P]
DIRE et JUGER que SOCIETE GENERALE n'a, en la circonstance, commis aucune faute susceptible d'avoir engagé sa responsabilité
DIRE et JUGER que Monsieur [P] ne démontre aucun préjudice indemnisable et, qu'en toute hypothèse, les graves manquements qu'il a commis sont de nature à exonérer totalement SOCIETE GENERALE de toute responsabilité dans les pertes qu'il aurait à déplorer
En conséquence,
DEBOUTER purement et simplement Monsieur [P] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions
CONDAMNER Monsieur [P] à verser à SOCIETE GENERALE une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le CONDAMNER aux entiers dépens.
ECARTER l'exécution provisoire de droit, celle-ci étant incompatible avec la nature de l'affaire
L'exposé des moyens des parties sera évoqué par le Tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire:
- sur le sort des demandes de donner acte et autres demandes ne constituant pas des prétentions
Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de "donner acte" ou "constater" de "déclarer" ou de "juger" qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles demandes ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie "discussion" des conclusions.
- sur le périmètre du litige
Le Tribunal constate que, dans le dernier état de ses écritures, le demandeur ne présente pas de moyen juridique tenant : tant à une prétendue applicabilité du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, que sur le respect par la banque de son obligation d'exécuter les ordres de virement transmis par son client, à ce titre il n'est pas contesté que les 7 virements objet du litige constituent des opérations authentiques et autorisées que le client a lui-même ordonnées, qu’au fait de discordance ou incohérence matérielle des virements émis par ce dernier ; alors que par ailleurs le devoir de non ingérence de la banque dans les affaires de son client n’est pas plus contesté.
Le litige est donc circonscrit aux seules questions tenant d’une part, au respect par la banque de son obligation de vigilance générale qui l'obligerait à tenter de déceler les irrégularités ou les anomalies, ici supposément intellectuelles, sur les opérations de son client, d’autre part, à la caractérisation et la détermination d’un préjudice consécutif, avec le cas échéant l’incidence d’une prétendue faute du client, outre une supposée résistance abusive de la banque à la demande d’indemnisation de son client
- rappel sur la charge de la preuve
Selon l'article 9 du Code de procédure civile :
"Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."
Alors que - en matière contractuelle - l'article 1353 du Code civil dispose que :
"Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."
Toutefois il peut y être dérogé en application de l'article 1354 qui énonce que :
"La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter la preuve.
Elle est dite simple, lorsque la loi réserve la preuve contraire, et peut alors être renversée par tout moyen de preuve ; elle est dite mixte, lorsque la loi limite les moyens par lesquels elle peut être renversée ou l'objet sur lequel elle peut être renversée ; elle est dite irréfragable lorsqu'elle ne peut être renversée."
Sur le manquement à l’obligation de vigilance générale de la banque
Le demandeur fait valoir que selon la jurisprudence, lorsque la banque ne détecte pas les anomalies affectant le fonctionnement du compte bancaire de son client, et ne l’alerte pas sur les risques encourus, elle engage alors sa responsabilité.
La banque serait tenue à son égard d'une obligation de vigilance et d'un devoir de mise en garde s'agissant des virements litigieux.
Les critères d’analyse de la banque devraient porter tant sur le montant des virements, pris isolément ou globalement, que la destination des virements, que la fréquence des virements, que le caractère inhabituel des opérations ainsi que sur l'existence d'une fraude connue des banques, dés lors que le fraudeur serait inscrit sur la liste de l'Autorité des Marchés Financiers.
Il fait état : tant du montant élevé et inhabituel des virements litigieux, pour un total de 101.000€ par sept virements, que du fait que la banque destinataire des virements serait située en Espagne, alors que la localisation dans l'Union Européenne ne présenterait pas un gage de sécurité, que des 7 virements effectués la même journée du 19 octobre 2021, que ces opération présenteraient un caractère inhabituel ; alors que des dénominations en “XXX@nexity-groupe.com” auraient été publiés en dates des 23 juillet et 15 septembre 2021 sur la liste “usurpation” du site d’alerte de l’AMF.
La banque prétend n’avoir commis aucune faute de vigilance.
Après de longs développement en réplique à des moyens qui ne lui sont pas opposé par le demandeur, elle soutient que, s’agissant d’une supposée anomalie intellectuelle, pour que le comportement du banquier en présence d'un ordre de paiement régulier puisse être qualifié de fautif , il faudrait que la dite anomalie soit d'une évidence particulière.
Or, selon la banque, cette anomalie évidente ne pourrait résulter ni de la domiciliation bancaire européenne du bénéficiaire du virement litigieux, ni du simple caractère inhabituel des opérations, alors que dernièrement les particuliers se seraient détournés des réseaux bancaires traditionnels au profit de nouvelles structures, parfois étrangères, sans pour autant être frauduleuses, ni encore de la mention d'adresses de mail frauduleuses qui aurait pu lui permettre de lier l'opération à l'usurpation d'identité de la société NEXITY, puisqu'elle ne disposait pas de ces informations nécessaires, alors que le client disposait quant à lui de ces éléments qui auraient dû attirer son attention.
Réponse du Tribunal :
En droit, selon l’article 1103 du code civil “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”. Il résulte de ce texte, qu’a contrario, ce qui n’a pas été convenu ne s’impose pas aux contractant.
Toutefois selon une jurisprudence ancienne et constante, s’il est vrai que le devoir de non-ingérance interdit à la banque de s'immiscer dans les affaires de son client, celui-ci ne saurait le dédouanner d'un devoir de vigilance et de mise en garde en cas d'opérations qui apparaissent anormales.
Ainsi, au titre de ses obligations contractuelles, pèse sur la banque une obligation générale de vigilance qui l'oblige à tenter de déceler les anomalies apparentes, matérielles ou intellectuelles, sur les opérations bancaires de son client, tels des virements émis depuis une application en ligne.
En l’espèce, le Tribunal relève que :
- d’une part, questionné par son client pour un virement SEPA (single Euro Payment Aréa) pour un montant de 101.000€, le 19/10/2021, le conseiller habituel du client lui a indiqué la possibilité de procéder par morcellement de ce transfert projeté en plusieurs virements de 15.000€, cette dernière somme constituant un plafond pour des virements en ligne ; lui fournissant ainsi un mode opératoire pour contourner la règle d’un plafond, laquelle est pourtant logiquement instituée pour protéger le client de diverses situations préjudiciables,
- à cette occasion par échanges de courriels quasi immédiats, le conseiller n’a posé aucune question sur le but de ce transfert de fonds important puisque portant sur une somme de plus de 100.000€, alors que le client avait puisé cette somme dans un contrat d’assurance-vie ; il ne lui a pas proposé un entretien pour en discuter, alors que le contrat de dépôt bancaire doit, comme tout autre contrat, être exécuter de bonne foi,
- le montant de chacun de ces virements (15.000€ et 11.000€) est très largement supérieur à ceux que le client avait pour usage d’effectuer, les extraits de compte produits faisant état de virements SEPA de moins de 2.000€ (sauf un seul de 4.000€) ; à ce titre ils doivent être considérés comme anormaux au regard du fonctionnement du compte du client,
- le systéme informatique mis en place par la banque pour gerer les virements des clients effectués en ligne ne disposait à l’evidence - tout au moins ce jour là - d’aucun dispositif pour faire obstacle au contournement de sa propre régle de plafond (ici porté à 15.000€), en permettant aux clients de procéder - le même jour - à de multiples virements du montant du plafond, sans émettre le moindre blocage ou encore alerte ; alors qu’il est d’usage que les opérations bancaires en ligne ou par moyens électroniques tiennent compte d’un plafond par opération, mais également par période (X par jour, Y par semaine, Z par mois ...) ; à ce titre la banque ne peut s’exonérer de sa responsabilité au seul motif que les opérations seraient effectuées en ligne, c’est à dire directement par son client or sa présence physique, car son process et son système de sécurité, mis en place sous sa seule responsabilité (quand bien même une structure tierce interviendrait), doivent être conçus pour assurer, le cas échéant de manière automatique, son obligation de vigilance générale,
Ensemble, ces éléments démontrent que la banque a commis un manquement à son obligation de vigilance, c’est à dire de contrôle à minima des anomalies intellectuelles de ces virements en ligne inhabituels et dérogeant au plafond institué.
La responsabilité contractuelle de la banque sera retenue.
Sur le préjudice indemnisable
Le client fait valoir que son préjudice financier ne pourrait qu’être total, sans la faute de la banque - alors prévenu de caractère risqué et probablement frauduleux - il n’aurait pas souscrit à cet investissement en pure perte.
A titre subsidiaire, si le tribunal venait à douter de ce qu’il aurait certainement renoncé à cet investissement, il invoque une jurisprudence qui, retenant un manquement de la banque ayant ignoré des anomalies manifestes, a fixé à 95% la perte de chance.
La banque prétend qu’en matière de manquement à son obligation de vigilance, la jurisprudence considérerait que le préjudice qui en résulte ne correspondrait pas au montant de l'opération elle-même, mais à la perte de chance subie ; alors que le client ne démontrerait pas qu’une mise en garde de sa part l’aurait dissuadé d’effectuer ces virements car ce dernier aurait voulu privilégier des investissements plus rentables sur internet, sans l’en informer.
Elle invoque la propre faute de son client qui serait exclusive de la sienne, en ce que le client indiquait à la police avoir eu des soupçons sans pour autant exiger de recevoir des documents contractuels explicitent et complets, il aurait ainsi fait preuve d'une grande imprudence car il aurait dû réagir en se détournant de cette proposition de placement, ce qui lui aurait permis d'éviter son préjudice ; il serait seul responsable, par sa négligence, des conséquences de la fraude dont il serait victime.
Réponse du Tribunal :
En droit, selon l’article 1231-1 du Code civil :
"Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."
Par ailleurs il a été jugé que la réparation d'une perte de chance, qui doit être mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Aussi, la réparation de la perte de chance doit être réparée à juste proportion de la probabilité de la réalisation du gain ou encore de la probabilité d’échapper au dommage que la victime pouvait espérer si le manquement reproché n’avait pas été commis.
En l’espèce, le Tribunal relève d’une part, que le client ne rapporte pas la démonstration de ne pouvoir obtenir in fine aucune indemnisation de la part du prétendu fraudeur, étant précisé qu’aucune décision de justice n’est évoquée et à fortiori produite, qu’ainsi aucune indemnisation pour le montant total des pertes ne pourra être ordonnée ; que d’autre part, effectivement si la banque avait pleinement mise en oeuvre son obligation de vigilance - notamment en interdisant à ses collaborateurs de conseiller à ses clients de procéder à plusieurs virements afin de détourner la règle du plafonnement du virement et en limitant le nombre et/ou le montant total de virements effectués à très bref période (ici le même jour), ce sans intervention de sa part ou pour le moins, de confirmation non équivoque et sécurisée de la part de son client - le montant de la perte de fonds par son client n’aurait pas été le même ; que de plus, le client, en n’exigeant pas de son cocontractant de documents contractuels plus détaillés et cohérents entre eux, et à ce titre on notera que la souscription de l’investissement portait sur un programme “RESIDENCE SENIOR”(sa pièce 10), présenté dans ses conclusions comme un projet d’investissement d’un “T4 dans un EPHAD”, alors que les conditions générales correspondantes faisaient elles état de la souscription à un “CONTRAT SERENITE est un Compte de Dépôt à Terme” (sic), ce qui devait rendre le prospect encore plus soupçonneux qu’à la lecture d’erreurs orthographiques constatées par lui lors des échanges de mails comme il le dira lors de son dépôt de plainte (sa pièce 5) ; alors qu’enfin, le client, ancien médecin, qui affirme n’avoir jamais investi dans “une opération d’une telle ampleur”, n’a pas pris la peine avant d’envoyer les fonds litigieux de prendre le moindre conseil autour de lui auprès de professionnels, dont son banquier, ce faisant il a lui-même contribué significativement à la réalisation de son préjudice, part qu’il convient donc de fixer à 50%.
Ainsi, la banque sera condamnée à indemniser son client à hauteur de 50.500€.
Sur la demande formée par le client contre la banque pour résistance abusive
Le client fait laconiquement valoir que la banque, afin d'échapper à ses obligations en procédant par voie de mensonge, quitte à se contredire, aurait commis une résistance abusive à sa demande d’indemnisation.
La banque ne répond pas à cette demande.
Réponse du Tribunal :
En droit, tout justiciable est en droit de saisir une juridiction d'une demande dirigée contre autrui, ou encore de résister à cette demande.
Toutefois, la défense, en justice est susceptible de dégénérer en abus.
Pour pouvoir caractériser la faute du défendeur, au sens de l'article 1240 du Code civil et de l'article 32-1 du Code de procédure civile, Il incombe à la partie qui invoque l'abus de défense judiciaire de démontrer l'existence d'une intention exclusive de la partie adverse de lui nuire ou encore d'une absence manifeste de perspective de chance pour le défendeur, d'obtenir gain de cause en justice.
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Dés lors, que le client ne rapporte aucun fait de nature à caractériser l’un des deux arguments ci-dessus rappelé, il défaille dans la charge de la preuve de cette faute spécifique. Il sera donc débouté de sa demande.
Sur les autres demandes :
- sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile, ici la banque.
- sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Compte tenu des manquements et fautes réciproques, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.
- sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit, il n’est pas démontré que le demandeur soit en précarité ou insolvabilité, il n’y a donc pas lieu à l’écarter.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX,
- CONDAMNE la SA SOCIETE GENERALE à payer à M [Y] [P] la somme de 50.500€ en réparation de 50% de son préjudice, consécutivement à un manquement à son devoir de vigilance générale ;
- DÉBOUTE M [Y] [P] de sa demande de condamnation de la banque pour résistance abusive ;
- CONDAMNE la SA SOCIETE GENERALE aux entiers dépens ;
- DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- REJETTE la demande tendant à voir écarter l'exécution provisoire.
- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;
La présente décision est signée par Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président, et Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT