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11/07/2024 | FRANCE | N°20/06975

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 11 juillet 2024, 20/06975


N° RG : N° RG 20/06975 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UWKS
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






56B

N° RG : N° RG 20/06975 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UWKS

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.S. SUEZ EAU FRANCE

C/

Syndic. de copro. DE L’IMMEUBLE 12 QUAI LOUIS XVIII, S.C.I. ALMAGUS, S.C.I. TIVOCO











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SCP AVOCAGIR
la SCP DELAVALLADE - RAIMBAULT
la SCP HARFANG AVOCATS



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDE

AUX
5EME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Vice-Pr...

N° RG : N° RG 20/06975 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UWKS
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

56B

N° RG : N° RG 20/06975 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UWKS

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.S. SUEZ EAU FRANCE

C/

Syndic. de copro. DE L’IMMEUBLE 12 QUAI LOUIS XVIII, S.C.I. ALMAGUS, S.C.I. TIVOCO

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SCP AVOCAGIR
la SCP DELAVALLADE - RAIMBAULT
la SCP HARFANG AVOCATS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 11 JUILLET 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Vice-Présidente

Greffier, lors des débats et du prononcé
Isabelle SANCHEZ

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Mai 2024,
Délibéré au 4 juillet 2024, prorogé au 11 juillet 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A.S. SUEZ EAU FRANCE
16 place de l’iris
92040 PARIS LA DEFENSE

représentée par Maître Xavier DELAVALLADE de la SCP DELAVALLADE - RAIMBAULT, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

N° RG : N° RG 20/06975 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UWKS

DEFENDERESSES :

Syndic. de copro. DE L’IMMEUBLE 12 QUAI LOUIS XVIII pris en la personne de son syndic le cabinet IMMO DE FRANCE AQUITAINE immatriculée au RCS DE BORDEAUX sous le n° 528 998 602
77 cours d’Albret
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocats au barreau de LIBOURNE, avocats plaidant

S.C.I. ALMAGUS prise au domicile de son gérant Monsieur [V] [Z] 25 cours de Verdun 33000 BORDEAUX
12 quai Louis XVIII
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Brigitte CHEMIN-DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

S.C.I. TIVOCO prise au domicile de son gérant [V] [Z] 25 cours de Verdun à BORDEAUX
12 quai Louis XVIII
33000 BORDEAUX

représentée par Maître Brigitte CHEMIN-DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

******

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Bordeaux Métropole a concédé le service de la distribution d'eau potable à la SAS SUEZ EAU FRANCE (ci-après “le prestataire”).

La SCI ALMAGUS et la SCI TIVOCO (ci-après “les SCI”) sont copropriétaires au sein d'un ensemble immobilier sis 12 quai Louis XVIII à Bordeaux (33000) (ci-après “l’immeuble”).
Un compteur portant un numéro de l’année 2004 à été installé au sein de l'immeuble sans qu'un abonnement n'ait été souscrit auprès du prestataire.

Les SCI ont confié la gestion des locaux leur appartenant au sein de l'immeuble au cabinet PETGES & DUFRANC.

Le 29 janvier 2019, le cabinet gestionnaire a interrogé le prestataire sur les modalités de facturation de la consommation d'eau potable desdits lots.

A cette occasion, le prestataire a constaté qu'aucune facturation n'avait été émise depuis 2004.
Le 3 février 2020, le prestataire a émis une facture de régularisation d'un montant de 179 085,59 euros.

Le gestionnaire de l'immeuble a contesté cette facture par courrier du 29 avril 2020.
Le compteur en cause a été changé le 08 janvier 2021 pour des raisons technique (calage en décembre 2019).

Des factures postérieures ont été réglées.

Procédure:

Par assignation délivrée le 8/09/2020, le prestataire a assigné les SCI à comparaître devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de paiement.

Apprenant que l’immeuble était soumis au statut de la copropriété et que le syndic était le cabinet Immo de France, le prestataire a assigné, par acte signifié le 5/10/2020, le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE 12, QUAI LOUIS XVIII à BORDEAUX qui comprend également l'immeuble situé 7 allées de chartres, afin de paiement “in solidum” des mêmes sommes.

La jonction des deux dossiers est intervenue le 9/10/2020 par mention au dossier.

L'ordonnance de clôture est en date du 8/01/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le prestataire, SUEZ :

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13/09/2023 et reprises à l'audience, le demandeur sollicite du Tribunal de :

ORDONNER la jonction avec l'affaire principale distribuée à la 5ème chambre civile du Tribunal judiciaire de Bordeaux sous le numéro RG 20/06975 ;

DECLARER recevable et bien fondée la société SUEZ EAU France ;

CONDAMNER in solidum le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE 12, QUAI LOUIS XVIII à BORDEAUX, représenté par son syndic en exercice et la SCI TIVOCO et la SCI AMALGUS au paiement de la somme de 184.728,14 € ;

CONDAMNER in solidum LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE 12, QUAI LOUIS XVIII à BORDEAUX, représenté par son syndic en exercice avec la SCI TIVOCO et la SCI ALMAGUS au paiement de la somme de 17.548,71 € au titre de la majoration de la redevance d'assainissement, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

DEBOUTER le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE 12, QUAI LOUIS XVIII à BORDEAUX, représenté par son syndic en exercice et la SCI TIVOCO et la SCI AMALGUS de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

CONDAMNER in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 12, quai Louis XVIII à 33000 Bordeaux, représenté par son syndic en exercice avec la SCI TIVOCO et la SCI AMALGUS à payer à la société SUEZ EAU FRANCE la somme de 2.000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le prestataire fait savoir qu'il agit en qualité de délégataire d'un service public industriel et commercial, que l'obligation au paiement de la consommation enregistrée par le système de comptage étalonné peut découler notamment de la pose du branchement et de sa consommation, qu'ainsi aucun contrat écrit n'est exigé car la qualité d'usager du service de distribution de l'eau ne serait pas subordonnée à l'existence d'un contrat écrit lequel résulterait du branchement au réseau de la consommation d'eau et du règlement des factures par l'abonné.

La qualité d'usager serait reconnue à toute personne qui bénéficierait directement des prestations afférentes au service, ce indépendamment de l'existence d'un contrat écrit. Le prestataire soutient que les parties en défense tendent à se dédouaner chacune au détriment de l'autre afin de ne pas être considérée comme redevable des sommes sollicitées. Il n'entend pas trancher ce débat et demande la condamnation in solidim des deux SCI ainsi que du syndicat des copropriétaires.

Il soutient par ailleurs que l'existence dans les bâtiments desservis par son compteur de compteurs individuels n'aurait aucune incidence car l'existence de sous compteurs privatifs n'empêcherait pas le prestataire de devoir facturer sur la base du compteur de première prise la consommation d'eau qui serait relevée, ou estimée, sur ce premier compteur.

Le prestataire fait valoir que des factures postérieures à la facture litigieuse, ne faisant pas partie de sa demande, aurait pourtant été réglé par le syndicat des copropriétaires ; à ce titre il produit 3 facturations qui auraient fait l'objet de virements par le syndicat des copropriétaires allée des Chartres.

Aussi, le syndicat des copropriétaires qui aurait réglé des factures fondées sur sa consommation d'eau aurait reconnu sa qualité de débiteur à l'égard du prestataire ; alors qu'en ce qui concerne les deux SCI leur qualité d'usagers devrait être également retenues, le fait qu'elles aient des locataires serait indifférent car il leur appartiendrait de solliciter le paiement des consommations à leurs locataires.

De plus, le prestataire précise que ces prestations relèveraient du règlement du service de l'eau potable qui fixe les obligations réciproque de l'abonné et du distributeur d'eau.

S'agissant de sa demande de paiement de la facture émise il affirme qu'un fournisseur d'eau prouverait le montant de sa créance en produisant les relevés des compteurs d'eau qui serait présumés correspondre à la consommation réelle de l'abonné.

Il affirme que le compteur litigieux a été installé le 31 mars 2004, mais n'aurait fait l'objet d'aucune souscription de la part du bénéficiaire et que c'est donc légitimement qu'il aurait émis une facture de rattrapage de consommation en facturant 51.1181 M cubes d'eau tel que cela ressortirait du relevé de compteur réalisé sur place. Il demande donc la condamnation insolidum des deux SCI et du syndicat des copropriétaires à la somme de 184.728€, à charge pour eux d'opérer une ventilation compte tenu de l'existence d'un compteur unique.

En réplique, le prestataire affirme n'avoir commis aucun manquement. Il précise que le numéro de série du compteur installé ferait ressortir son année d'installation à savoir 2004 alors qu’aucune consommation n'a été facturé depuis cette date. Il prétend que les propriétaires ou encore le gestionnaire de l'immeuble auraient fait preuve d'une inertie qui serait la cause du rattrapage de facturation, étant précisé que selon lui le compteur n'était pas accessible car placé dans un garage ; qu'ainsi l'absence de facturation entre son installation et 2019 ne pourrait lui être imputée, à ce titre il fait valoir que l'article 16 du règlement invoqué par les défendeurs disposant que le relevé de consommation doit intervenir au moins une fois par an ne serait assorti d'aucune sanction en cas de non réalisation, alors que selon la jurisprudence l'absence de relevés de compteur ne serait pas constitutive d'une faute de la part du prestataire.

S’agissant de la prescription invoquée en défense il la récuse en faisant valoir que l'article L.210 8-2 du code de la consommation qui institue une prescription biennale ne s'applique qu’au codébiteur ayant la qualité de consommateur, ce que ne seraient ni les deux SCI, ni le syndicat de copropriétaire.
Par ailleurs il justifie la majoration de la redevance d'assainissement par application de l'article R 2224- 10 9-9 du code général des collectivités territoriales qui dispose qu’à défaut de paiement dans un délai de 3 mois après mise en demeure, la redevance serait majorée de 25% alors que l'assignation qu'il a fait délivrer vaudrait mise en demeure.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, les SCI propriétaires :

Dans ses dernières conclusions en date du 20/01/2023 le défendeur demande au tribunal de :

DÉBOUTER la société SUEZ EAU FRANCE de l'intégralité de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SCI ALMAGUS et de la SCI TIVOCO ;

A titre subsidiaire,

LIMITER toute condamnation susceptible d'être prononcée à l'encontre de la SCI ALMAGUS et de la SCI TIVOCO au paiement de la consommation d'eau potable estimée pour les deux années qui précèdent le relevé du 4 décembre 2019 ;

DIRE ET JUGER que la société SUEZ EAU FRANCE est à l'origine de son propre préjudice et conservera, par conséquent, à sa charge au moins 50 % du montant de la consommation d'eau potable facturable ;

En tout état de cause,

RAMENER à de plus justes proportions les sommes sollicitées par la société SUEZ EAU FRANCE ;

CONDAMNER le SDC DE L'IMMEUBLE DU 12 QUAI LOUIS XVIII ET 7 ALLÉE DE CHARTRES à relever et garantir la SCI ALMAGUS et à la SCI TIVOCO de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre

CONDAMNER la SUEZ EAU France, ou tout succombant, à verser à la SCI ALMAGUS et à la SCI TIVOCO une indemnité de 2.000 euros, chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La SCI ALMAGUS et la SCI TIVOCO soutiennent qu'elles ne sont pas débitrices de la facture litigieuse, en ce que le compteur invoqué par le prestataire desservirait l'immeuble allée de Chartres lequel relève du statut de la copropriété, qu’ainsi le prestataire ne serait pas fondé à établir une facture en l'encontre des deux SCI à défaut de pouvoir démontrer de la qualité d'usagers des dites sociétés, alors qu'elles affirment toutes deux ne pas avoir cette qualité d'usager car en présence d'un compteur individuel seul le syndicat des copropriétaires serait débiteur direct et alors que n'étant que propriétaire non occupant des locaux dans cet immeuble elles ne peuvent être regardées comme usager, seuls les locataires étant les utilisateurs.

Les SCI soutiennent que le prestataire aurait participé à la survenance de son propre préjudice. Elles font valoir que le prestataire soutient avoir installé le compteur d'eau le 31 mars 2004 sans pour autant en apporter la preuve, étant rappelé qu'aucun contrat n’est souscrit avec quiconque et que le prestataire n'aurait pas souscrit à la sommation qui lui a été faite par le syndicat des copropriétaires lui faisant obligation de produire la copie de la demande d'installation du compteur ainsi que la sa facture d'installation.

Les deux SCI font valoir les dispositions de l'article 16 du règlement du service public d'eau potable de Bordeaux qui stipule que le relevé de consommation doit être effectué au moins une fois par an. Elles en déduisent que si le prestataire avait procédé à ces relevés, il aurait alors pris connaissance qu’il n'existait aucun abonnement souscrit, ce qui se serait produit lorsque le gestionnaire a prix contact avec le prestataire. Ils en concluent que le prestataire serait à l'origine de son propre préjudice.

A titre subsidiaire ils font valoir la prescription de l'article L. 218-2 du code de la consommation qui dispose que l'action des professionnels pour les biens ou services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par 2 ans.

Elles relèvent une incohérence dans le calcul fait par le prestataire qui prend pour base de calcul une consommation d'eau estimée à 56.181 M cubes qui remonterait à la pose du compteur en 2004 alors que son calcul serait réalisé sur une période allant du 1 janvier 2013 au 31 décembre 2019.

Elles demandent également à ce que le tribunal mette à la charge du prestataire au moins 50% du montant de la consommation d'eau potable facturable en raison de sa faute.

Les deux SCI demandent également que le syndicat des copropriétaires soit condamné à les relever indemnes de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre en ce que seul le syndicat des copropriétaires serait le débiteur de la consommation d'eau de l'immeuble. Elles relèvent que le procès-verbal produit par le syndicat des copropriétaires qui ferait état de ce que plusieurs compteurs individuels seraient installés dans l'immeuble porterait en fait sur l'immeuble 7 allées de Chartres et non sur l'immeuble au 12 quai Louis 18, ce dernier étant celui qui est facturé.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble:

Dans ses dernières conclusions en date du 16/01/2024 le défendeur demande au tribunal de :

DECLARER la société SUEZ irrecevable en ses demandes.

Subsidiairement,

DEBOUTER la SAS SUEZ de toutes ses demandes et ORDONNER la mise hors de cause du syndicat des copropriétaires.

A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE

DIRE ET JUGER que la prescription limite l'action de la SAS SUEZ à la période comprise entre le 3 février 2018 au 2 février 2020.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

Dire et juger que la prescription limite l'action de la SAS SUEZ à la période comprise entre février 2015 et février 2020

En tout état de cause,

JUGER que les SCI ALMAGUS et TIVOCO seront condamnées à relever indemne le syndicat des copropriétaires de toutes condamnation prononcée à son encontre dans cette limite

DEBOUTER la SAS SUEZ de sa demande de majoration de la redevance d'assainissement

ECARTER au visa de l'article 514-1 du Code de Commerce l'exécution provisoire.

CONDAMNER la SAS SUEZ au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC

CONDAMNER la SAS SUEZ aux entiers dépens

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 12 quai Louis 18 fait tout d'abord valoir que le prestataire serait irrecevable en ce que l'identification du supposé débiteur serait impossible au regard des conclusions du demandeur. Il fait valoir que le prestataire ne peut se contenter d'éditer une facture pour une consommation qui remonterait à une quinzaine d'années en laissant au Juge le soin d'identifier le destinataire consommateur. Il fait valoir que l'assignation est dirigé contre 3 personnes les SCI ALMAGUS, TIVOCO et la société Petges&Dufranc, puis d'avoir été assigné le 5 octobre 2020 sans avoir fait au préalable l'objet d'une quelconque facturation. Le syndicat affirme qu'il appartient d'abord à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. À ce titre il relève que le prestataire n'a jamais satisfait à la sommation de communiquer qui lui a été faite s'agissant de la copie de la demande d'installation du compteur pour le 12 quai Louis 18 ainsi que la facture d'installation de ce compteur.

Le syndicat fait valoir que le débiteur éventuel serait celui qui aurait effectivement consommé l'eau et ne l'aurait pas payé. Il fait remarquer les absences : d'un contrat, de relevés de consommation, de facturations intermédiaires, alors que la facture récapitulative serait adressée à trois personnes morales différentes et le tribunal ne pourrait condamner au hasard ni déterminer à la place du demandeur l'identité de la partie qui est le véritable débiteur.

Au surplus le syndicat demande sa mise hors de cause compte tenu de la présence de compteurs séparés dans l'immeuble. Il produit un constat d'huissier qui prouverait que les locaux situés au 7 allée de Chartres sont tous équipés de compteurs individuels et qu'ainsi le compteur installé au 12 quai Louis 18 ne concernerait pas les lots sous la gestion du syndic immo de France et que ce compteur ne concernerait en réalité que les lots des deux SCI en cause.

Le syndicat affirme qu'aucune preuve ne serait produite de ce qu’il aurait payé des factures ultérieures émises par le prestataire.

Enfin le syndicat soutient que le prestataire serait à l'origine exclusive de la survenance de son préjudice. Il invoque en ce sens l'article 16 du règlement du service d'eau potable de Bordeaux qui impose un relevé de consommation d'eau à effectuer au moins une fois par an, ainsi que la disposition valant sanction selon laquelle si le compteur n'a toujours pas pu être relevé, l'alimentation en eau pourra être interrompue, ce que le prestataire n'aurait pas entrepris.

Le syndicat fait également valoir que le numéro de série du compteur indiquerait l'année de sa fabrication et non pas de son installation ; alors que le prestataire ne démontre pas à quelle date exacte il a installé ce compteur.

Il rappelle que le prestataire n'a pas effectué de relevés depuis 15 ans, aucun avis de passage aucun courrier recommandé et aucune coupure du compteur en 15 ans qu'ainsi le prestataire aurait failli à ses obligations légales alors que le défaut de relevé du compteur constituerait également un manquement à son obligation d'information, ce manquement étant à l'origine exclusive du préjudice que constitue sa facturation.

Le syndicat, à titre subsidiaire invoque la prescription biennale de l'article L.21 8-2 du code de la consommation, et à titre plus subsidiaire, la prescription quinquennale ; étant soutenu que dans la mesure où sa qualité de consommateur ne serait pas retenue s'agissant alors d'un non-consommateur, le point de départ de la prescription serait la date d'exécution de la prestation et non pas celle de l'émission de la facture.

À son tour, s'il devait être condamné, il demande au tribunal de condamner les deux SCI à le relever indemne de toute condamnation.

S'agissant de la majoration de la redevance d'assainissement il affirme qu'une mise en demeure erronée comme le serait l'assignation en cause ne saurait servir de base à l'application d'une majoration de la redevance.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que la jonction ayant déjà été ordonnée, la demande formée de ce chef par la société SUEZ est sans objet.

Par ailleurs, les parties ayant demandé, lors de l’audience, la révocation de l’ordonannce de clôture et son report à l’audience de plaidoiries, il sera fait droit à leur demande.

Sur la recevabilité des fin de non recevoir soulevées devant le tribunal

Il résulte de l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, que le juge de la mise en état, de sa désignation à son dessaisissement, a le pouvoir exclusif pour statuer sur les fin de non-recevoir ; cette rédaction s'applique, selon l'article 55, II, du décret, aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 01 janvier 2020.

Par ailleurs, il est constant que lorsque la demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance s'entend de la date de délivrance de l'assignation.

En l'occurrence, l'instance a été introduite par assignation délivrée le 08 septembre 2020, de sorte que seul le juge de la mise en état devait connaître des fins de non-recevoir soulevées par les parties.

En conséquence, les fins de non-recevoir soulevées devant le tribunal, même à titre subsidiaire, par les défendeurs au titre d'un défaut de qualité à défendre et de la prescription doivent être déclarées irrecevables.

Sur la demande du prestataire de condamnation in solidum des défendeurs au paiement d’un montant de 184.728,14€ au titre d’une régularisation d’un compteur d’eau

En droit, selon l'article 1103 du code civil :

"Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits".

Il a été jugé, s’agissant de la prestation de distribution de l’eau potable par une société délégataire d’un service public, que l'obligation au paiement de la consommation enregistrée par le système de comptage étalonné, peut découler de la pose, du branchement et de sa consommation constatée au compteur ; qu’aucun contrat écrit n'est exigé, le contrat non-écrit restant toutefois subordonné à la démonstration d’un branchement au réseau, de la constatation de la consommation d'eau sur ce branchement et, le cas échéant, du règlement des factures par l'abonné.

Aussi, le principe de la dette peut, comme ici, résulter de la constatation par le juge d’un contrat non-écrit.

N° RG : N° RG 20/06975 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UWKS

Toutefois, s’agissant du montant de la créance invoquée par le prestataire de distribution d’eau, le droit commun de la preuve s’applique.

Ainsi, selon l'article 9 du Code de procédure civile :

"Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention."

Alors que - en matière contractuelle - l'article 1353 du Code civil dispose que :

"Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation."

Toutefois il peut y être dérogé en application de l'article 1354 qui énonce que :

"La présomption que la loi attache à certains actes ou à certains faits en les tenant pour certains dispense celui au profit duquel elle existe d'en rapporter la preuve (...)”

En l’espèce, le prestataire a émis une facture de régularisation sur la base d’une consommation (ou pour le moins de distribution) de 56.181 m3, constatée en 2019 lors de son intervention sur le compteur effectuée à la demande du gestionnaire de l’immeuble en question, puis facturée, selon son évaluation, sur la variation des tarifs de 2013 à 2019, ce pour un montant total de 179.085,59€ (pièce 1).

A cette facture, il ajoute une facture complémentaire (pièce 2) sans consommation facturée, outre une troisième facture d’un montant de 6.927,47€ sur la base d’une consommation estimée à 2.114 m3, sans relevé effectué (pièce 12), pour former au final une demande de condamnation à hauteur globale de 184.728,14€.

Or, la facturation de la consommation par l’usager de fluides fournis par un prestataire (eau, mais aussi électricité ou gaz) doit reposer sur la mesure exacte effectuée par un compteur étalonné et sur la base impérative d’un index de début de période et d’un index de fin de période (de facturation).

Aussi, force est de constater qu’au cas présent, nonobstant la sommation faite par le syndicat des copropriétaire au prestataire de lui communiquer, tant la fiche d’installation, laquelle ferait apparaître l’index de début, que la facture d’installation du dit compteur, le prestataire ne produit aucune de ces pièces. Dès lors le Tribunal ne peut que constater que le prestataire défaille dans son obligation de démontrer que le compteur installé, d’une part, a bien été installé en 2004 et non pas ultérieurement, le numéro de série “04" présumant certes de son année de fabrication, mais aucunement de son année de vente au prestataire et encore moins de son installation chez l’usager, et d’autre part, et surtout, de son index exact au moment où il a été installé chez l’usager car rien de permet d’exclure l’hypothèse d’un compteur déjà utilisé ailleurs avant d’être installé au 12 quai Louis XVIII à Bordeaux.

De même sa facture émise le 26/11/2020 pour une période de juin 2020 à novembre 2020, qui annonce une consommation de 2.114 m3, repose sur une consommation basée sur un nouvel index à 58.295 m3 ”estimé le 23/11/2020", (sa pièce 12), donc sans qu’aucun nouveau relevé soit intervenu ; ce alors même que les parties étaient en désaccord sur la précédente facture ; de sorte, qu’y compris sur cette dernière période, la consommation réelle de l’usager n’est pas démontrée par le prestataire.
Ainsi, le volume et par la même le montant de la consommation facturée ne repose que sur le postulat du prestataire selon lequel le compteur aurait été installé le 31/03/2004 avec un index de 0.

A défaut pour le prestataire d’apporter ces éléments, sa demande de consamnation in solidum ne saurait prospérer.

En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande au titre de la majoration de la redevance d’assainissement ni sur les demandes de relever indemne formées par les déféndeurs.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,

Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile, ici le prestataire.

- sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense. Le prestataire sera condamné à verser 2.000€ au syndicat des copropriétaires à ce titre.
S’agissant de la demande des deux SCI, propriétaires de locaux, lesquelles ont bénéficié de la distribution d’eau bien que le prestataire ne soit pas en mesure de démontrer pour quelle quantité, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de celles-ci les frais non compris dans les dépens qu’elles ont engagé pour faire valoir leurs droits et assurer correctement leur défense.

- sur l’exécution provisoire,

L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit et il n’y a pas lieu à l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

- RÉVOQUE l’ordonnance de clôture;

- ORDONNE la clôture à la date d’audience des plaidoiries ;

- DECLARE IRRECEVABLES les fins de non recevoir soulevées à titre subsidiaire par les défendeurs ;

- DÉBOUTE la SAS SUEZ EAU FRANCE de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE 12, QUAI LOUIS XVIII à BORDEAUX
, représenté par son syndic en exercice, de la SCI TIVOCO et de la SCI ALMAGUS ;

- CONDAMNE la SAS SUEZ EAU FRANCE aux entiers dépens ;

- CONDAMNE la SAS SUEZ EAU FRANCE à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE 12, QUAI LOUIS XVIII à BORDEAUX, représenté par son syndic en exercice, la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile ;

- DIT n'y avoir lieu à condamnation de la SAS EAU FRANCE, au profit de la SCI TIVOCO et de la SCI ALMAGUS, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- REJETTE la demande tendant à voir écarter l'exécution provisoire.

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;

Le présent jugement a été signé a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/06975
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;20.06975 ?
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