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09/07/2024 | FRANCE | N°23/03886

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, Ppp contentieux général, 09 juillet 2024, 23/03886


Du 09 juillet 2024


53B


SCI/DC


PPP Contentieux général

N° RG 23/03886 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YP6D



Société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE

C/

[C] [H]




Expéditions délivrées à :
Me LAURENCE

FE délivrée à :
Me LAURENCE


Le 09/07/2024





TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 2]

JUGEMENT EN DATE DU 09 juillet 2024



JUGE : Madame Bérengère LARNAUDIE, Vice PrÃ

©sidente

GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE

En présence de Mesdames [G] [W] [I] et [U] [Y], auditrices de justice

DEMANDERESSE :

Société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE - RCS PARIS 326127784 - [Adre...

Du 09 juillet 2024

53B

SCI/DC

PPP Contentieux général

N° RG 23/03886 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YP6D

Société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE

C/

[C] [H]

Expéditions délivrées à :
Me LAURENCE

FE délivrée à :
Me LAURENCE

Le 09/07/2024

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Pôle protection et proximité
[Adresse 2]

JUGEMENT EN DATE DU 09 juillet 2024

JUGE : Madame Bérengère LARNAUDIE, Vice Présidente

GREFFIER : Madame Dominique CHATTERJEE

En présence de Mesdames [G] [W] [I] et [U] [Y], auditrices de justice

DEMANDERESSE :

Société BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE - RCS PARIS 326127784 - [Adresse 4]

Représentée par Me Anne-bérangère LAURENCE, avocat au barreau de Bordeaux loco Me Juliette LASSARA-MAILLARD, avocat au barreau de Paris

DEFENDEUR :

Monsieur [C] [H] né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]

Ni présent, ni représenté

DÉBATS :

Audience publique en date du 14 mai 2024

PROCÉDURE :

Articles 480 et suivants du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée par signature életronique le 23 décembre 2021, la Société Anonyme (SA) BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a consenti à Monsieur [C] [H] un crédit personnel d'un montant en capital de 10.000 € remboursable au taux nominal de 3,30 % (soit un TAEG de 3,35%) en quarante deux mensualités de 255,44 € avec assurance.

Les échéances étant demeurées impayées, la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a fait assigner Monsieur [C] [H] devant le juge des contentieux de la protection, par acte de commissaire de justice en date du 9 novembre 2023, aux fins de le voir condamner sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement des sommes suivantes :

▸ 10.279,18 €, représentant le solde restant dû au titre du prêt du 23 décembre 2021, avec intérêts contractuels au taux de 3,30 % l'an à compter du 27 décembre 2022 jusqu'à parfait paiement,
▸ 617,80 € au titre de l'indemnité légale de 8 %, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2022 jusqu'à parfait paiement,
▸ ordonner la capitalisation des intérêts,
▸ 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de sa demande, la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 27 décembre 2022, rendant la totalité de la dette exigible. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 5 mars 2022 et qu'une mise en demeure a été adressée par courrier recommandé avec accusé de réception le 30 novembre 2022.

Appelée à l'audience du 19 décembre 2023, l'affaire a fait l'objet de deux renvois pour être finalement retenue à l'audience du 14 mai 2024.

A l'audience, la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance. La forclusion et la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d'assurance, FICP, vérification solvabilité) ont été mis dans le débat d'office, sans que la demanderesse n'ait formulé d'observations.

Bien que régulièrement assigné par procès-verbal de recherches infructueuses conformément à l'article 659 du code de procédure civile, Monsieur [C] [H] n'a pas comparu et ne s'est pas fait

représenter. Conformément à l'article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 9 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande en paiement :

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

L'article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire.

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l'absence de cause de nullité du contrat, de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la signature du contrat :

Aux termes de l'article 1366 du code civil, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. L'article 1367 du même code ajoute que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache.

Il en résulte qu'il existe deux types de signatures dites électroniques, la différence se situant au niveau de la charge de la preuve :
▸ la signature électronique « qualifiée », répondant aux conditions de l'article 1367 du code civil et obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 (auquel s'est substitué le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 lequel renvoie au règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014), laquelle repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée,
▸ la signature électronique « simple » ne répondant pas à ces conditions (signature accompagnée d'un certificat électronique qui n'est pas qualifié ou sans vérifications de l'identité du signataire) et qui n'est pas dépourvue de toute valeur, mais pour laquelle il appartient à la banque de justifier en outre que les exigences de fiabilité de l'article 1367 du code civil sont respectées, à savoir l'identification de l'auteur et l'intégrité de l'acte, pour la vérification desquels sont examinés les éléments extérieurs suivants : production de la copie de la pièce d'identité, absence de dénégation d'écriture, paiement de nombreuses mensualités, échéancier de mensualités, existence de relations contractuelles antérieures entre le signataire désigné et son cocontractant etc.

En l'espèce, il y a lieu de constater que la signature électronique du contrat repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE), notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée.

Dans ces conditions, et en l'absence de toute contestation du défendeur, la régularité de la signature sera reconnue.

Sur la recevabilité de l'action en paiement :

L'article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé notamment par le non paiement des sommes dues à la suite du premier incident de paiement non régularisé.

En l'espèce, le premier impayé non régularisé est en date du 5 mars 2022, de sorte que l'action introduite le 9 novembre 2023 est recevable.

Sur la déchéance du terme :

En vertu des dispositions de l'article L.312-39 du code de la consommation, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet.

En l'espèce, compte tenu de la défaillance de l'emprunteur, la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a régulièrement prononcé la déchéance du terme le 27 décembre 2022 après mise en demeure par lettre adressée le 16 décembre 2022 en recommandé avec avis de réception retournée à l'expéditeur.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels :

Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
• la fiche d'information précontractuelle -FIPEN-
• la notice d'assurance et la fiche conseil assurance
• la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP-
• la justification de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur et la fiche de dialogue
• la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière.

En l'espèce, si la banque démontre s'être acquittée de ses obligations précontractuelles, elle ne justifie de la consultation du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) qu'à la date du 11 janvier 2022, soit 19 jours après l'octroi du crédit, alors que le contrat mentionnait que les fonds étaient débloqués dès le huitième jour après la signature du contrat.
En conséquence, il convient de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts à compter de la date de conclusion du contrat.

Dès lors, il y a lieu de ramener la créance de la banque à la somme de 10.030 €, correspondant à la somme prêtée, soit 10.000 €, augmentée des cotisations d'assurance, soit 30 €, aucune mensualité n'ayant été honorée par l'emprunteur avant la déchéance du terme (ni postérieurement, au demeurant).

Par conséquent, il y a lieu de condamner Monsieur [C] [H] à payer à la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE la somme de 10.030 € avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2022.

Afin d'assurer l'effectivité de la directive communautaire n°2008/48 et notamment de son article 23, s'agissant du caractère effectif et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, il convient de ne pas faire application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, en prévoyant que la somme restant due produira intérêt au taux légal, mais ne sera pas majorée de cinq points.

Il résulte de l'article 1231-5 du code civil que l'indemnité contractuelle de 8 % du capital restant dû, qui a la nature d'une clause pénale, est soumise au pouvoir modérateur du juge qui peut constater son caractère manifestement excessif.

En l'espèce, il convient de faire droit à la demande, Monsieur [C] [H] sera tenu au paiement de la somme de 617,80 € réclamée, celle-ci n'étant pas manifestement excessive compte tenu de l'absence de tout paiement de l'emprunteur.

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement s'agissant d'une créance indemnitaire conformément à l'article 1231-7 du code civil.

Sur la capitalisation des intérêts :

L'article L.312-38 du code de la consommation interdit de mettre tout autre "indemnité ou coût" à la charge de l'emprunteur défaillant sous réserve des frais taxables justifiés occasionnés par la défaillance de l'emprunteur. La demande de capitalisation des intérêts sera donc rejetée, les dispositions du code de la consommation étant dérogatoires aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Au surplus, l'effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts s'oppose au bénéfice pour le créancier de la capitalisation des intérêts.

Sur les demandes accessoires :

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 500 € lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DÉCLARE l'action de la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE recevable ;

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;

CONDAMNE Monsieur [C] [H] à payer à la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE la somme de 10.030€ avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2022 ;

CONDAMNE Monsieur [C] [H] à payer à la SA BANQUE FRANCAISE la somme de 617,80€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, au titre de l'indemnité de résiliation ;

ECARTE la majoration de 5 points prévue par l'article L.313-3 du code monétaire et financier;

DEBOUTE la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE de sa demande de capitalisation des intérêts ;

CONDAMNE Monsieur [C] [H] aux dépens de la procédure, et à payer à la SA BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE une somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et mis à disposition, les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERE LA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : Ppp contentieux général
Numéro d'arrêt : 23/03886
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;23.03886 ?
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