TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
30G
Minute n° 24/
N° RG 23/02066 - N° Portalis DBX6-W-B7H-YJYY
3 copies
GROSSE délivrée
le 08/07/2024
à la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES
la SCP D’AVOCATS INTER-BARREAUX MAUBARET
COPIE délivrée
le 08/07/2024
à
Rendue le HUIT JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
Après débats à l’audience publique du 10 Juin 2024
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Charlène PALISSE, Greffier.
DEMANDERESSE
La SAS AIDE A LOGEMENT MODERE (ALM)
Dont le siège social est :
[Adresse 2]
[Localité 4]
Prise en la personne de son(ses) représentant(s) légal(aux) domicilié(s) en cette qualité au dit siège
Représentée par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE - MAILLOT - BLATT ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX
DÉFENDERESSES
Madame [L] [K] épouse [D]
née le 15 Octobre 1961 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [V] [B]
née le 18 Janvier 1991 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Toutes deux représentées par Maître Clémence LEROY-MAUBARET de la SCP D’AVOCATS INTER-BARREAUX MAUBARET, avocat au barreau de BORDEAUX
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte du 31 janvier 2005, Madame [T] [X], veuve [C] a donné à bail commercial à la SARL COALA des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] pour une durée de 9 ans à usage exclusif d’hôtels.
Le 20 janvier 2019, le bailleur a cédé l’immeuble à Madame [L] [K], épouse [D] et Madame [V] [B].
Le bail a été renouvelé le 29 avril 2015 pour une durée de 9 ans à compter du 1er février 2014.
Suivant acte du 27 juillet 2016, le fonds de commerce a été cédé à la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE (ALM).
Suivant acte de commissaire de justice du 25 mars 2022, les bailleurs ont donné congé à la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE avec offre de renouvellement à compter du 1er février 2023.
Suivant décision du juge des loyers commerciaux du 11 janvier 2023, Monsieur [W] a été nommé avant dire droit pour évaluer la valeur locative des locaux.
Exposant que les opérations d’expertise ont mis en lumière la présence d’humidité dans la cave et un gros oeuvre dégradé, la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE (ALM) a, par actes du 3 octobre 2023 fait assigner Madame [L] [D], née [K] et Madame [V] [B] devant le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire de Bordeaux afin de voir
- Condamner Madame [D] et Madame [B] à entreprendre les travaux visés au devis du 5 mai 2023, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- A défaut, passé un délai de 1 mois, autoriser la SAS ALM à faire procéder aux travaux visés dans le devis SRB du 5 mai 2023, aux frais du bailleurs,
en conséquence,
- condamner solidairement et conjointement Madame [D] et Madame [B] à payer à la SAS ALM la somme provisionnelle de 34.562,28 euros correspondant au coût des travaux, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- les condamner sous la même solidarité à payer au demandeur la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’affaire a été appelée à l’audience du 10 juin 2024, au cours de laquelle la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE (ALM) a maintenu ses demandes et sollicité le rejet de celles présentées par les défenderesses.
Au soutien de ses prétentions, la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE (ALM) expose d’abord avoir, par une erreur de plume, indiqué les articles 808 et 809 du Code de procédure civile en lieu et place des articles 834 et 835 du Code de procédure civile. Elle fait valoir que lorsque les parties se sont rendues à la cave, il a été constaté qu’elle présenait des traces d’humidité et un gros oeuvre localement degradé puisqu’une partie du mur s’effondre. Elle soutient que sur le fondement des articles 1719, 1720, 605 et 606 du Code civil, les travaux nécessaire pour réparer les désordres allégués incombent au bailleur. En effet, elle précise qu’il est nécessaire d’installer une VMC dans la cave en raison de l’humidité s’y trouvant, ce qui constitue, contrairement à ce qu’affirment les défenderesse, une grosse réparation incombant au bailleur et non une simple mise en conformité. Elle tient également à faire remarquer que les clauses du bail stipulant que la mise en conformité est à la charge du locataire n’est pas précise. Par ailleurs, elle fait valoir que le remplacement des pierres résultant de la vétusté est également nécessaire et relève de la responsabilité du bailleur.
En réplique, Madame [D] et Madame [B] ont sollicité de voir :
- A titre principal, débouter la société ALM de ses demandes fins et prétentions pour défaut de fondement légal,
- A titre subsidiaire, débouter la société ALM de ses demandes, fins et prétentiosn du fait de leur caractère infondé et se déclarer incompétent pour contestation sérieuse,
- En toutes hypothèses, condamner la société ALM au paiement d’une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions prévues par l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.
Les consorts [D]/[B] soutiennent d’abord que la société ALM a fondé ses prétentions sur les mauvais articles, et qu’elles doivent ainsi être rejetées. Elles font ensuite valoir à titre subsidiaire que les demandes présentées par la société ALM sont infondées puisque l’installation de la VMC ne constitue pas une grosse réparation prévue par l’article 606 du Code civil mais une mise en conformité, laquelle est d’aileurs mise à la charge du preneur selon une clause du bail signé entre les parties et elles précisent qu’en tout état de cause, il n’est pas inhabituel de relever des traces d’humidité dans une cave. Concernant les travaux en toiture, elles soutiennent que le montant de 1.250 euros de travaux démontre que cette intervention relève manifestement de travaux d’entretien consistant en une reprise partielle des cheneaux existants avec quelques tuiles à changer, ce qui ne peut être qualifié de grosses réparations mis à la charge du bailleur. Concernant les travaux sur les pierres de la cave, elles soutienennt que les descellements de ces dernières ne ressortent pas de la structure de l’immeuble lui même mais de travaux par le preneur lui même sur les évacuations d’eaux usées et constituent par ailleurs des travaux d’entretien qui ne peuvent là encore être mis à la charge du bailleur.
MOTIFS DE LA DECISION
La requérante ayant régularisé les fondements de sa demande dans ses conditions en réponse du 07 juin 2024, la demande formulée à titre principale par Madame [D] et Madame [B] apparait désormais sans objet.
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 11décembre 2019, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s'impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il peut également, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision, ou ordonner l’exécution de l’obligation, même lorsqu’il s’agit d’une obligation de faire.
L’article 606 du Code civil dispose que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien.
Aux termes de l’article R 145-35 du Code de commerce, ne peuvent être imputées au locataire les dépenses de grosses réparations mentionnées à l’article 606 du Code civil, ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux.
La société ALM sollicite la condamnation des défenderesses à faire réaliser les grosses réparations visées au devis du 5 mai 2023. Elle fonde cette demande sur un rapport d’expertise du 5 juillet 2023 ayant notamment fait état de “caves présentant des traces d’humidités et un gros oeuvre localement dégradé”.
En effet, le devis du 5 mai 2023 prévoit au sous-sol des travaux remédiant à la dégradation du gros-oeuvre et consistant à la “reprise de la voute en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” et la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre”.
Si en défense, Madame [D] et Madame [B] impute les désordres allégués à la réalisation de travaux par le preneur, elle n’en démontre pas la réalité.
Par conséquent, l’obligation des bailleresses d’avoir à prendre en charge les travaux constituant les grosses réparations des gros murs et voûtes et en la “reprise de la voûte en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” ainsi que la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre” n’est pas sérieusement contestable.
Cependant, la réalisation de travaux relatifs à la pose d’une VMC ne peut être considérée comme constituant de manière non sérieusement contestable une obligation incombant au bailleur au titre des grosses réparations, d’autant plus que le bail signé entre les parties stipule que “tous les travaux nécessaires pour la mise en conformité des locaux en vue de l’exercice du commerce seront à la charge du preneur”. La demande de la société ALM visant à faire exécuter des travaux relatifs à la mise en place de VMS se heurtant à des contestations sérieuses, elle ne pourra prospérer.
En outre, la société ALM ne démontre pas non plus la nécessité d’effectuer des travaux sur la toiture, le rapport d’expertise qu’elle produit se limitant à dénoncer la présence de désordre au niveau de la cave, étant au surplus observé que la reprise de cheneaux en zinc et le changement de tuiles pour un montant de 1.250 euros ne peut être considéré comme constituant de manière non sérieusement contestable une obligation incombant au bailleur au titre des grosses réparations.
Ainsi, il conviendra de condamner Madame [D] et Madame [B] à entreprendre les travaux visés au devis du 5 mai 2023, seulement en ce qu’ils concernent la “reprise de la voute en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” et la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre” dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance.
A défaut d’avoir entrepris ces travaux dans le délai d’un mois précité, la SAS ALM sera autoriséeà faire procéder aux travaux visés dans le devis du 5 mai 2023, seulement en ce qu’ils concernent la “reprise de la voute en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” et la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre” , aux frais des bailleurs qui seront par conséquent condamnés à verser à la SAS ALM la somme provisionnelle de 3.830 euros correspondant auxdits travaux, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance.
Madame [D] et Madame [B] qui succombent supporteront les dépens de l’instance. Il parait inéquitable de laisser à la charge de la société ALM, contrainte d’ester en justice, le paiement des frais irrépétibles non compris dans les dépens. Madame [D] et Madame [B] seront ainsi solidaireent condamnées à leur payer la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Juge des Référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire, en premier ressort,
CONDAMNE solidairement Madame [D] et Madame [B] à entreprendre les travaux visés au devis du 5 mai 2023, seulement en ce qu’ils concernent la “reprise de la voute en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” et la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre” dans un délai d’un mois à compter de la signification de la présente ordonnance ;
DIT qu’à défaut d’avoir entrepris ces travaux dans ce délai d’un mois, la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE sera autorisée à faire procéder aux travaux visés dans le devis du 5 mai 2023, seulement en ce qu’ils concernent la “reprise de la voute en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” et la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre”, aux frais des bailleurs;
En conséquence, et dans le cas où Madame [D] et Madame [B] n’ont pas entrepris lesdits travaux dans le délai d’un mois, CONDAMNE Madame [D] et Madame [B] à verser à la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE la somme provisionnelle de 3.830 euros correspondant aux travaux de “reprise de la voute en pierre et scellement chimique au tour du siphon EU”, le “renfort de linteau en pierre, pose de cornière métallique comprenant scellement” et la “reprise des entablements en pierre de taille et changement de bloque pierre” , sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance
CONDAMNE Madame [D] et Madame [B] à payer à la SAS AIDE A LOGEMENT MODERE la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [D] et Madame [B] aux entiers dépens de l’instance.
La présente décision a été signée par Jacqueline DESCOUT, Vice-Présidente, et par Charlène PALISSE, Greffier.
Le Greffier, Le Président,