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04/07/2024 | FRANCE | N°22/04279

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 1ère chambre civile, 04 juillet 2024, 22/04279


N° RG 22/04279 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WXCN
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE







63B

N° RG 22/04279 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WXCN

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.C.I. LES CASERNES

C/

Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, [I] [B], Compagnie d’assurance MMA IARD







Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL AQUI’LEX
Me Mélanie CHANFREAU-DULINGE
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEA

U
Me Anne LEFORT


N° RG 22/04279 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WXCN


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors...

N° RG 22/04279 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WXCN
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE

63B

N° RG 22/04279 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WXCN

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.C.I. LES CASERNES

C/

Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, [I] [B], Compagnie d’assurance MMA IARD

Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : la SELARL AQUI’LEX
Me Mélanie CHANFREAU-DULINGE
l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES
la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU
Me Anne LEFORT

N° RG 22/04279 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WXCN

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré :

Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Monsieur Ollivier JOULIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 23 Mai 2024 conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

Ollivier JOULIN, magistrat chargée du rapport, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés, et en a rendu compte dans son délibéré.

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,

DEMANDERESSE :

S.C.I. LES CASERNES
12 Place de l’Eglise
34590 MARSILLARGUES

représentée par Maître Maxime GRAVELLIER de l’AARPI GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEURS :

Compagnie d’assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
14 boulevard Marie et Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 9

représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Maître Guillaume FRANCOIS de la SELARL AQUI’LEX, avocats au barreau de MONT-DE-MARSAN, avocats plaidant

Maître [I] [B]
421 Avenue de Nonères
BP 614
40000 MONT DE MARSAN

représenté par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Maître Guillaume FRANCOIS de la SELARL AQUI’LEX, avocats au barreau de MONT-DE-MARSAN, avocats plaidant

Compagnie d’assurance MMA IARD
14, Boulevard Marie et Alexandre Oyon
72030 LE MANS

représentée par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Maître Guillaume FRANCOIS de la SELARL AQUI’LEX, avocats au barreau de MONT-DE-MARSAN, avocats plaidant

***
EXPOSE DU LITIGE

La SCI LES CASERNES était propriétaire d'un immeuble sis 508 et 512 avenue du Maréchal Foch à MONT DE MARSAN, assuré auprès d’une compagnie suivant contrat multirisques, depuis 1993. L’immeuble a été vandalisé en octobre 2014 et une déclaration de sinistre a été opérée, l’assureur a refusé de garantir partiellement le dommage et une procédure a été engagée au terme de laquelle par jugement du 22 mai 2019 la Tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a débouté la SCI LES CASERNES de ses demandes. L’immeuble a été vendu en cours d’instance le 11 janvier 2018.

La SCI LES CASERNES a demandé à son conseil de faire appel de la décision. Néanmoins une ordonnance de caducité a mis fin à l’instance par ordonnance du 3 décembre 2019.

La SCI LES CASERNES a sollicité des explications à son conseil et n’en a pas reçu, elle a fait assigner celui-ci afin qu’il réponde de la perte de chance de voir sa cliente obtenir gain de cause en appel.

***

Au terme de ses dernières conclusions déposées le 9 août 2023 la SCI LES CASERNES, société civile immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le numéro 392 659 082, dont le siège social est 12 Place de l’Eglise 34590 MARSILLARGUES sollicite de voir :

- CONSTATER que la caducité de la déclaration d’appel et l’absence de déféré de cette
caducité est due à un défaut de diligences professionnelles de Maître [I] [B]
[B].

- CONSTATER que Maître [I] [B] et ses assureurs reconnaissent la faute commise ce qui constitue un aveu judiciaire au sens de l’article 1383-2 du Code civil.

- JUGER que Maître [I] [B] a engagé sa responsabilité professionnelle,
et que la carence et les manquements de Maître [I] [B] sont à l’origine
du préjudice financier subi par la SCI LES CASERNES.

EN CONSÉQUENCE,

- CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés MMA IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles, en leurs qualités d’assureur et Maître [I] [B] à régler à la SCI LES CASERNES la somme de 301 053,21 euros.

- CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés MMA IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles, en leurs qualités d’assureur et Maître [I] [B] à verser à la SCI LES CASERNES la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces manquements, en raison du temps qu’elle doit consacrer à ce dossier, et du préjudice moral ;

- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés MMA IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles, en leur qualités d’assureur et Maître [I] [B] à verser à la SCI LES CASERNES la somme de 6.000 euros par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNER IN SOLIDUM les sociétés MMA IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles, en leurs qualités d’assureur et Maître [I] [B] aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes elle observe que la faute est reconnue, de sorte qu’elle est fondée à réclamer l’indemnisation du préjudice qui en résulte.

Son conseil, en omettant de faire diligences pour formaliser l’appel qu’elle lui avait demandé d’introduire a manqué à ses obligations de diligences : il n’a pas conclu dans les trois mois de la déclaration d’appel alors même qu’il avait reçu provision et tous éléments utiles pour le faire, il n’a pas tenté d’être relevé de la caducité, il n’a pas tenu informé sa cliente ni répondu à ses interrogations.

Elle estime que la perte de chance qui en résulte pour elle est totale puisque le tribunal avait rejeté sa demande au motif essentiel que les conditions particulières du contrat d’assurance n’était pas produit aux débats, les conditions générales étant limités à la couverture des parties communes avec une franchise qui était supérieur au montant du sinistre. Or elle était en mesure de produire en cause d’appel les conditions particulières qui permettent de contester la décision puisque ces conditions prévoient la garantie de l’ensemble du bâtiment, à la seule exception du contenu mobilier des parties privatives.

En conséquence, l’assureur aurait dû être condamné à l’indemniser du sinistre lié à la vandalisation de l’immeuble à l’occasion du vol des câbles électriques, et tuyaux d’adduction, elle a avait toute chance d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 64.196,20 € réclamée.

Son conseil aurait du produire ces conditions particulières, ce qu’il n’a pas fait en estimant qu’elles ne présentaient pas d’intérêt pour le litige, à tort, le tribunal a pu considérer que les parties privatives n’étaient pas garanties alors que selon les conditions particulières il ne s’agissait que du contenu mobilier des parties privatives, la garantie étant due pour les dégradations subies par l’immeuble y compris dans ses parties privatives en application de ces conditions particulières.

En tout état de cause elle pouvait reprocher à son assureur d’avoir manqué à ses obligations de conseil en ne lui proposant pas une police adaptée à sa situation.

Elle détaille le préjudice dont elle devait recevoir l’indemnisation : 64.196,20 € au titre des réparations, outre la perte de la valeur vénale l’immeuble ayant été vendu 110.000 € au lieu de 320.000 €, la perte de revenus locatifs pour 100.800 € et son préjudice moral qu’elle chiffre à 10.000 €.

Elle estime en conséquence qu’elle est fondée à réclamer 301.053,21 € au titre de sa perte de chance d’obtenir une indemnisation de son assureur, demande qu’elle dirige contre son ancien conseil et l’assureur de celui-ci en application de l’article L 124-3 du Code des assurances.

***

Maître Christophe SAINT-LAURENT, avocat, demeurant 421 avenue de Nonères à MONT DE MARSAN (40000) , MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, société d’assurance mutuelle à cotisation fixes, immatriculée au RCS LE MANS sous le numéro 775 652 126, dont le siège social est 14 Boulevard Marie et Alexandre OYON 72030 LE MANS CEDEX,
et MMA IARD, société anonyme immatriculée au RCS LE MANS sous le numéro 440048882, dont le siège social est 14 Boulevard Marie et Alexandre OYON 72030 LE MANS CEDEX, par leurs dernières conclusions déposées le 9 janvier 2024, ne contestent pas l’existence d’un manquement, l’appel n’ayant pas été régularisé, mais dénient l’existence d’un préjudice en l’absence d’une perte de chance d’obtenir la réformation du jugement de première instance.

Ils rappellent la notion de perte de chance et considèrent qu’il appartient à la juridiction saisie de la responsabilité de l’avocat d’apprécier au regard de la probabilité du succès de l’appel, probabilité qui était nulle selon eux.

Ils considèrent notamment que la production des conditions particulières n’aurait pas changé l’analyse qu’a fait la juridiction de première instance puisqu’il en ressort que le bien immobilier garanti correspond à l’ensemble du bâtiment à l’exclusion du contenu des parties privatives, le vandalisme n’est couvert que pour les parties communes selon les conditions générales auxquelles les conditions particulières ne dérogent pas.

Les chances d’obtenir réformation étant nulles, il n’existe pas de perte de chance.

Il ne s’agit pas de faire application de la jurisprudence rigoriste en matière de clause d’exclusion puisqu’en l’espèce il s’agit de la définition du domaine de la garantie et que la clause est particulièrement claire.

De même, le moyen tiré d’un manquement de l’assureur à son obligation de conseil a été évoqué en première instance et a été rejeté au motif que le changement de situation de l’assuré devait être porté à la connaissance de l’assureur pour qu’il puisse donner les conseils utiles, ce qui n’avait pas été fait en l’espèce.

Ils considèrent que la SCI ne justifie nullement avoir subi un “préjudice moral” et s’oppose en cas de condamnation à l’exécution provisoire de la décision.

DISCUSSION

Le manquement au devoir de diligence est caractérisé en ce que le conseil de la demanderesse, qui avait reçu provision et instructions utiles a omis de conclure dans les trois mois de l’appel de la décision que sa cliente lui demandait de contester, ce qui a entraîné la caducité de l’appel et en conséquence a fait perdre à la SCI toute chance de voir examiner à nouveau le litige l’opposant à sa compagnie d’assurance.

A ce stade, le tribunal doit examiner cette perte de chance, ce qui impose d’apprécier des possibilités de succès de l’instance éteinte par la caducité puisqu’il appartient aux juges du fond de reconstituer la discussion qui n'a pu s'instaurer devant la juridiction de second degré, le préjudice du client devant alors s'analyser en une perte de chance d'obtenir gain de cause en justice

A ce titre il est exposé que le jugement de première instance avait, à défaut de production des conditions particulières d’assurance, considéré au vu des seules conditions générales que la garantie de vandalisme était exclue dans pour les désordres survenus dans les parties privatives.

Les conditions générales prévoient la garantie des dommages aux biens par vandalisme lorsqu’elles concernent les parties communes (dommage immobilier) ou lorsqu’ils sont contenus dans les parties communes et propriété de la SCI (dommages mobiliers).

Les conditions particulières sont désormais produites aux débats (pièce 2 demanderesse) elles indiquent que “les biens assurés représentent une superficie totale de 652 m² et qu’est garanti le risque “vandalisme”, à l’exclusion du contenu dans les parties privatives.

Le contrat s’entend ainsi comme destiné à couvrir le risque pour SCI en cas de dommages à son bien, y compris par actes de vandalisme, étant précisé que les locaux privatifs sont destinés à être assurés par les occupants de ces lieux, sauf en ce qui concerne les meubles mis à disposition des occupants par la SCI lorsque ces biens sont sa propriété, le contenu des parties privatives n’est pas couvert par l’assurance souscrite.

Il n’existait ainsi aucune chance de faire prospérer l’action puisque l’assuré demandait réparation des désordres liés au vandalisme concernaient les installations électriques et de plomberie des lots privatifs.

Autrement dit la SCI ne pouvait être couverte par la garantie que pour ce qui concerne les parties communes ou les biens mobiliers dont elle était propriétaire et qu’elle avait laissé à la disposition des occupants des parties privatives. Il appartenait aux occupants des parties privatives de couvrir leur risque propre, à savoir leur mobilier et éléments d’équipement (électricité plomberie) de leurs lots.

En définitive, le risque est survenu alors que l’immeuble n’était plus occupé et sans que la SCI ne veille à faire étendre les garanties souscrites. L’absence d’occupation n’est pas une cause d’exclusion de la garantie dès lors que celle-ci ne portait pas sur les lieux supposés loués mais sur les parties communes.

Cette situation de non occupation aurait pu être portée à la connaissance de l’assureur lequel aurait été à même de vérifier l’adéquation du contrat avec les conditions d’occupation de l’immeuble, la SCI ne justifie nullement avoir avisé son assureur de cette modification du risque, elle ne peut en conséquence pas lui reprocher un manquement à ses obligations de conseil ;

Le fait que l’assureur dispose de locaux proches et qu’il ait été l’assureur de certains locataires ne permet pas de conclure à un défaut de conseil puisque l’assureur n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son assurée et que l’éventuelle résiliation de contrats conclus auprès de locataires ne signifiait pas nécessairement que les locaux privatifs n’étaient plus assurés : il pouvaient l’être par un autre assureur. En tout état de cause, les garanties étaient adaptées à un immeuble donné en location et l’assureur n’a pas manqué à ses obligations de conseil lors de la souscription du contrat.

En conséquence la SCI n’avait aucune chance de voir la décision de première instance réformée et ne justifie donc pas qu’elle subit un préjudice en lien avec le manquement de diligences de son avocat, le préjudice dont elle réclame réparation étant lié à un défaut de couverture d’assurance pour le sinistre “vandalisme” dans les parties privatives. Il y a lieu de la débouter de sa demande.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

STATUANT par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort.

DÉBOUTE la SCI LES CASERNES de ses demandes.

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du ode de procédure civile.

LAISSE les dépens à la charge de la SCI LES CASERNES.

La présente décision est signée par Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04279
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;22.04279 ?
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