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04/07/2024 | FRANCE | N°22/01480

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 04 juillet 2024, 22/01480


N° RG : N° RG 22/01480 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTA
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






30Z

N° RG : N° RG 22/01480 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTA

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A.R.L. PHARMACIE MARBOTIN

C/

S.C.I. VOLTAIRE











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL ART LEYES
Me Nicolas NAVARRI



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024


COMPOSITION DU TRIBUN

AL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Juge

Pascale BUSATO, greffier lors des débats et Isabelle SANCHEZ, greffier lors du délibéré


DÉBA...

N° RG : N° RG 22/01480 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTA
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

30Z

N° RG : N° RG 22/01480 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTA

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A.R.L. PHARMACIE MARBOTIN

C/

S.C.I. VOLTAIRE

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL ART LEYES
Me Nicolas NAVARRI

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Juge

Pascale BUSATO, greffier lors des débats et Isabelle SANCHEZ, greffier lors du délibéré

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Mai 2024, tenue en rapporteur
Délibéré au 4 juillet 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. PHARMACIE MARBOTIN
RCS Bordeaux 751 358 920
Ccal du Parc Marbotin, Avenue de Belfort
33700 MERIGNAC

représentée par Maître Alain LAWLESS de la SELARL ART LEYES, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE :

S.C.I. VOLTAIRE
RCS Bordeaux 351 678 073
18 rue Voltaire
33000 BORDEAUX

N° RG : N° RG 22/01480 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTA

représentée par Me Nicolas NAVARRI, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants :

Par acte sous seing privé en date du 30 avril 1999, la SCI VOLTAIRE a donné à bail commercial à la société PHARMACIE LASSERRE FLEURY les locaux à MERIGNAC (33700), pour une durée de neuf années entières et consécutives du 1er mai 1999 au 30 avril 2008, pour un loyer annuel de 156.000 Francs hors TVA, soit 13.000 Francs hors TVA par mois.

A la suite de différents actes sous seing privé, ledit bail a été renouvelé entre la Société VOLTAIRE et le preneur devenu SARL PHARMACIE MARBOTIN, en avant dernier lieu, du 1er mai 2008 au 30 avril 2017, moyennant un loyer annuel de 33.645,12 € hors TVA, soit 2.803,76 € mensuels.

Puis, par deux avenants, tous deux en date du 1er mai 2017, le bail commercial a de nouveau été renouvelé pour une durée de neuf années portant cette fois au 30 avril 2026 le terme du bail:

- le premier avenant a prévu une augmentation du loyer commercial en le portant à la somme de 36.045,12 € annuels, soit 3.003,76 € mensuels.

- le second avenant, litigieux, a prévu un loyer annuel de 39.582,84 euros, soit 3.298,57 euros mensuels.

Les parties se sont opposées sur les raisons et modalités de signature de ce deuxième avenant en date du 1/05/2017.

Le preneur a contesté ce second avenant au motif qu’il aurait été trompé à l’occasion de sa signature, puis il a refusé catégoriquement de payer l’augmentation du loyer prévue au second avenant, tout en payant le loyer sur la base du montant fixé au premier avenant.

De sorte que les sommes correspondant au différentiel ainsi que de l’indexation conventionnelle ont causé les procédures judiciaires.

Dans un premier temps la SARL PHARMACIE MARBOTIN a saisi le Juge des Loyers Commerciaux du Tribunal de Bordeaux aux fins de fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er mai 2017 au montant de la valeur locative pour lesdits locaux.

Par jugement rendu le 18 novembre 2020, le Juge des Loyers Commerciaux a considéré ne pas être compétent pour statuer sur la valeur locative des locaux eu égard au litige contractuel opposant les parties, lequel relève du juge du fond.

Dans un deuxième temps, la SARL PHARMACIE MARBOTIN a assigné en référé la SCI VOLTAIRE sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire pour déterminer la valeur locative, et ce, avant d'engager une procédure au fond.
Par une Ordonnance en date du 13 juin 2022, le Juge des référés a rejeté la demande formée en estimant “que toute action en ce sens serait vouée à l’échec”.

Entre temps, le 24 janvier 2022, la SCI VOLTAIRE a fait signifier à la SARL PHARMACIE MARBOTIN un commandement de payer les loyers, soit la somme de 22.280,14 euros, en visant la clause résolutoire insérée au bail.

Procédure :

Par assignation délivrée le 24/02/2022, la SARL PHARMACIE MARBOTIN a assigné la SCI VOLTAIRE devant le tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins d’opposition au commandement de payer du 24/01/2022, visant la clause résolutoire, révision du montant du loyer et annulation de l’avenant du contrat de bail daté du 1/05/2017 portant le loyer à 39.582,84€ annuel.

L'ordonnance de clôture est en date du 8/01/2024.

PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le preneur, la SARL PHARMACIE MARBOTIN:

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16/10/2023, le demandeur sollicite du tribunal de :

RECEVOIR l'intégralité des moyens et prétentions de la société PHARMACIE MARBOTIN;
- FAIRE DROIT à l'opposition formée par la société PHARMACIE MARBOTIN au commandement de payer les loyers initié par la SCI VOLTAIRE et signifiée par Maître [Z], huissier de justice, en date du 24 janvier 2022 ;

En conséquence,

DIRE comme sans effet le commandement de payer en date du 24 janvier 2022 ainsi que toute action qui en serait la suite telle que l'action en acquisition de la clause résolutoire inscrite au bail commercial ;

A titre principal,

CONSTATER qu'un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion de l'avenant au bail commercial a rendu son exécution excessivement onéreuse pour société PHARMACIE MARBOTIN ;

En conséquence,

- REVISER le contrat de bail commercial conclu entre la société PHARMACIE MARBOTIN et la SCI VOLTAIRE en fixant le nouveau loyer à la valeur locative réelle des locaux ;

A titre subsidiaire,

CONSTATER l'état de dépendance dans lequel se trouve la société PHARMACIE MARBOTIN à l'égard de la SCI VOLTAIRE ;

CONSTATER la violence exercée par la SCI VOLTAIRE à l'encontre de la société PHARMACIE MARBOTIN et ainsi l'avantage manifestement excessif obtenu en présence d'un tel état de dépendance ;

En conséquence,

- ANNULER l'avenant au contrat de bail en date du 1er mai 2017 prévoyant une augmentation de loyer significative à 39.582,84 euros annuel ;

En tout état de cause,

- REJETER toutes prétentions, demandes formulées par la SCI VOLTAIRE

- ECARTER l'exécution provisoire de droit ;

- CONDAMNER la SCI VOLTAIRE au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR, le bailleur, la SCI VOLTAIRE :

Dans ses dernières conclusions en date du 7/11/2022 le défendeur demande au tribunal de :

- DEBOUTER la S.A.R.L. PHARMACIE MARBOTIN de toutes ses demandes, fins et prétentions principales et subsidiaires,

A titre reconventionnel, sur l'acquisition de la clause résolutoire, RECEVOIR la S.C.I. VOLTAIRE en son action reconventionnelle et l'y déclarer aussi recevable que bien fondée,

- CONSTATER l'acquisition de plein droit à la date du 25 février 2022, du jeu de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 30 avril 1999 renouvelé à effet du 1er mai 2017 liant la SCI VOLTAIRE à la Société LASSERRE-FLEURY, à laquelle est venue aux droits la société DUFRENNE-THIBAULT et à laquelle vient aux droits la société PHARMACIE MARBOTIN,

- ORDONNER l'expulsion de la S.A.R.L. PHARMACIE MARBOTIN et de tous occupants et biens de son chef des locaux sis Centre Commercial du Parc Marbotin, 26 avenue de Belfort à 33700 Mérignac, avec, si besoin le concours d'un serrurier et de la force publique,

- CONDAMNER la S.A.R.L. PHARMACIE MARBOTIN à payer à la SCI VOLTAIRE une indemnité d'occupation provisionnelle pour une somme équivalente au montant mensuel total des loyers en vigueur soit 3.298,57 € HT soit 3.958,28 € TTC ce à compter de la résiliation du bail, constatée au 25 février 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux et remise des clés,

- CONDAMNER la société PHARMACIE MARBOTIN à payer à la SCI VOLTAIRE la somme provisionnelle de 22.066,50 € € TTC à titre principal, arrêtée au 1er janvier 2022 à parfaire au jour de la décision à intervenir et majoré de l'intérêt au taux légal à compter du 1er janvier 2022, à parfaire au jour de la décision à intervenir et majorée de l'intérêt au taux légal à compter du commandement de payer du 13 juillet 2020,

En tout état de cause,

- CONDAMNER la SARL PHARMACIE MARBOTIN à payer à la SCI VOLTAIRE la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER la SARL PHARMACIE MARBOTIN aux entiers dépens de l'instance, ce y compris les coûts de commandements délivrés et les frais d'exécution à intervenir,

L'exposé des moyens des parties sera évoqué par le tribunal lors de sa motivation et pour le surplus, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révision du montant du loyer

Le preneur fonde sa demande sur l’existence d’une circonstance imprévisible, telle que visée à l'article 1195 du code civil et l’application combinée des dispositions de L. 145-33 du code de commerce définissant le montant du loyer révisé au regard de la valeur locative.

Il affirme que la crise sanitaire Covid 19 a eu des répercussions négatives sur son activité tant économiques qu’humaines sur son personnel, alors que selon l’étude d’un cabinet comptable le taux moyen de loyer rapporté au chiffre d’affaire des officines de plus de 2.000.000€ de chiffre d’affaires devrait se situer à 1,29%, alors que son taux, une fois le chiffre d’affaires retraité (réduit des vente de médicaments sans marge suffisante) serait voisin de 2,45%, cette discordance économique le mettrait dans l’impossibilité de faire face à l’augmentation stipulée au second avenant depuis la survenance de la crise sanitaire, laquelle conduirait à un loyer qui excéderait démesurément la valeur locative des locaux loués. A ce titre il ne s’oppose pas à la désignation, le cas échéant, d’un expert aux fins de déterminer la valeur locative des locaux.

Le bailleur fait valoir que le preneur ne fournirait aucun justificatif de sa situation financière et ne produirait qu’une statistique de sa chambre syndicale, il ne fournirait aucun élément sur la valeur locative supposée

Réponse du Tribunal:

En droit, selon l'article 1195 du code civil :

" Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe ".

Il résulte donc de cette nouvelle disposition applicable aux contrats conclus après le 1/10/2016 que le juge peut être saisi par l’une des deux parties au contrat litigieux pour en demander la révision des conditions financières dés lors que dans un premier temps la partie intéressée ait demandé à son cocontractant une renégociation du dit contrat, tout en continuant à l’exécuter durant celle-ci, puis dans un second temps, que les parties aient finalement échoué à se mettre d’accord sur l’issue de celle-ci au moyen d’une modification consensuelle, ou d’une résolution amiable, ou encore par une saisine commune du juge pour adaptation du contrat. Ce n’est qu’à l’issue de ce parcours obligatoire que le juge peut être valablement saisi.

En l’espèce, force est de constater que le preneur ne justifie nullement avoir demandé à son bailleur une renégociation du second avenant qu’il prétend avoir signé par mégarde et dont les termes ne lui convenaient pas ; il s’est contenté de contester systématiquement la portée obligatoire de cet avenant et il reconnaît, voire revendique, de ne pas avoir exécuté ce second avenant en persistant, malgré les rappels du bailleur, de ne payer que le montant du loyer figurant sur le premier avenant.

De sorte qu’en l’absence de justification d’avoir respecté cette première phase, il ne peut valablement revendiquer la troisième, à savoir demander au juge de réviser le montant du loyer, à supposer même que le Juge des loyers ne soit pas le seul compétent pour en connaître.
Le preneur sera débouté de sa demande de révision du loyer.

Sur la demande subsidiaire d’annulation du second avenant

Le preneur aux visas des articles 1130, 1131, 1140 et 1143 du code civil prétend que le bailleur aurait délibérément usé à son encontre d’un abus de son état de dépendance à son égard lorsqu’il lui aurait imposé la signature du second avenant, aux fins d'en tirer un avantage excessif tout en sachant que son preneur n'avait pas de réelle solution alternative aux locaux loués, avec la crainte de la perte des locaux en cas le refus de signer le second avenant.

Le bailleur argue de ce que le preneur ne justifierait pas d’un comportement déloyal de sa part, ni de sa supposée position dominante, un loyer de renouvellement aurait été faiblement augmenté, proposé et accepté par le preneur qui reviendrait ainsi sur son engagement. Il cite la motivation du juge des référés qui indiquait que le preneur ne développerait aucun fondement juridique sérieux permettant de remettre en cause l’accord qu’il a donné, exposant simplement avoir signé le second avenant sans prendre connaissance de ses termes.

Réponse du Tribunal:

En droit, selon l'article 1130 du code civil :

" L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ".

L'article 1131 du code civil sanctionne les vices du consentement par la nullité relative du contrat.
Alors que l'article 1140 du code civil précise que :

" Il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable ".

Et que l'article 1143 du code civil dispose que :

" Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ".

Ainsi l’abus par l’une des parties au contrat de la situation de dépendance de son cocontractant pour obtenir par cette contrainte un avantage manifestement excessif peut entraîner la nullité de cet engagement.

En l’espèce, le fait qu’une pharmacie soit implantée dans les mêmes locaux depuis de nombreuses années, après y avoir effectué des investissements aux fins de développer sa clientèle et que la perte éventuelle de cet emplacement suite à son éventuel refus de signer le second avenant, aurait pu avoir des conséquences financières et humaines sur elle, alors même que le renouvellement du bail serait une condition à l'arrivée de la nouvelle associée, ne caractérise nullement ni une situation de dépendance, le droit au bail commercial étant un élément du fonds de commerce particulièrement protégé par la loi, ni un abus du bailleur, les éléments présentés par le preneur comme constitutifs ne relevant que du preneur ; alors qu’un éventuel refus de signer le second avenant ne pouvait avoir pour effet de remettre en question, à bref délai, sa “propriété commerciale” dans le cadre d’une nouvelle association.
Le preneur sera donc également débouté de cette demande.

Sur la demande de “faire droit à l’opposition au commandement de payer”

Sans autre argument que celui de d’affirmer que le second avenant augmentant de 3.537,72 euros le loyer aurait été fixé par le bailleur unilatéralement sans en avoir informé, ni discuté au préalable avec le preneur, alors qu'un premier avenant avait déjà été signé par les parties, il est demandé de faire droit à l’opposition.

Le bailleur ne développe aucun argument sur cette demande.

Réponse du Tribunal :

La validité du second avenant n’étant pas sérieusement mise en cause, l’opposition au commandement de payer visant la clause résolutoire pour non paiement des loyers sur la base du second avenant ne pourra prospérer.

Sur les demandes reconventionnelles du bailleur

Le bailleur prend appui sur une mise en demeure en date du 11/09/2017, un premier commandement en date du 1/12/2017, suivi d’un second en date du 24/01/2022, visant la clause résolutoire figurant au bail et reproduite, sans que le délai d’un mois n’ait conduit le preneur à régler la somme due à hauteur de 22.066,50€ TTC selon décompte, pour demander au tribunal de constater l’acquisition de la clause résolutoire à la date du 25/02/2022, ordonner l’expulsion, fixer l’indemnité d’occupation au montant du loyer en vigueur, outre la condamnation au paiement de la somme due.

Le preneur s’oppose au paiement du loyer augmenté par l’effet du second avenant qu’il conteste, il fait valoir que ces mesures seraient donc injustifiées et auraient pour conséquence l'arrêt définitif de l'exploitation de son activité de pharmacie d'officine dans le secteur de MERIGNAC, en ce que la réinstallation d'une officine dans de nouveaux locaux obéit à de nombreuses contraintes sanitaires et réglementaires, notamment, vis-à-vis de l'Agence Régionale de Santé et qu’il serait quasiment impossible pour lui de se réinstaller à bref délai ; en outre son expulsion des locaux viendrait à méconnaître l'intérêt général au profit de l'intérêt individuel du bailleur.

A ce titre il forme une demande d’écarter l’exécution provisoire à tout le moins sur la décision négative qui découlerait cette demande reconventionnelle en raison des lourdes conséquences.

Réponse du Tribunal :

En droit, selon l’article 1103 du code civil “Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.

Dans un bail commercial, l’obligation première du preneur est de payer à son bailleur, en date et en montant, le loyer convenu.

Par ailleurs, il n’est pas contesté que le bail commercial du 30 avril 1999, renouvelé le 1er mai 2017 comporte une clause résolutoire en cas de non paiement de tout ou partie des loyers.

En l’espèce, il n’est pas contesté par le preneur qu’il a depuis la première échéance refusé de s’acquitter du loyer au montant stipulé au second avenant, persistant à payer un loyer moins élevé.

Il est établi et non contesté par le preneur que le bailleur a procédé à son encontre à une première mise en demeure adressée par Lettre RAR le 11 septembre 2017, demeurée sans effet, puis un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 1er décembre 2017, suivi d’un second commandement de payer visant la clause résolutoire délivré quant à lui le 24 janvier 2022 ; le montant des loyers impayés s'élevait alors à titre principal à la somme de 22.066,50 € T.T.C, dont le décompte précis était indiqué au commandement.

Il n’est pas plus contesté par le preneur que ce dernier ne s’est pas acquité de ces sommes dans le délai d’un mois, ni par ailleurs, par la suite au cours des procédures judiciaires qui en ont découlé.

De sorte que - à défaut pour le preneur d’avoir demandé des délais de paiement visés à l’article l'article 1244-1 du code civil, devenu 1343-5 ainsi que la suspension à titre rétroactif de la dite clause résolutoire - le Tribunal ne peut que constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail à la date du 25/02/2022, en application de ce dernier, ainsi qu’ordonner l'expulsion, fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer en vigueur, et condamner le preneur au paiement de la somme due, dont il ne conteste pas le décompte précis fourni par le bailleur.

Sur les autres demandes :

- sur les dépens,
N° RG : N° RG 22/01480 - N° Portalis DBX6-W-B7G-WLTA

Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l'article 696 du code de procédure civile, ici le preneur.

- sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.

Le preneur sera condamné à verser à ce titre 2.000€ au bailleur.

- sur l’exécution provisoire,

L’exécution provisoire de la décision à venir doit être écartée en ce que les circonstances particulières de l’affaire sont incompatibles avec celle-ci.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

- REJETTE la demande de la SARL PHARMACIE MARBOTION de révision du bail tel qu’il résulte du second avenant du contrat de bail, daté du 1/05/2017 et portant le loyer à 39.582,84€ annuel ;

- REJETTE la demande d’annulation de cet avenant ;

- DIT que le commandement de payer les loyers initié par la SCI VOLTAIRE et signifiée par Maître [Z], huissier de justice, en date du 24 janvier 2022 est valable ;

- CONSTATE l'acquisition de plein droit à la date du 25 février 2022, de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 30 avril 1999 renouvelé à effet du 1er mai 2017 liant la SCI VOLTAIRE à la Société LASSERRE-FLEURY, à laquelle est venue aux droits la société DUFRENNE-THIBAULT et à laquelle vient aux droits la SARL PHARMACIE MARBOTIN;

- ORDONNE l'expulsion de la SARL PHARMACIE MARBOTIN et de tous occupants et biens de son chef des locaux sis Centre Commercial du Parc Marbotin, 26 avenue de Belfort à 33700 Mérignac, avec, si besoin le concours d'un serrurier et de la force publique ;

- CONDAMNE la SARL PHARMACIE MARBOTIN à payer à la SCI VOLTAIRE la somme de 22.066,50 € TTC à titre principal, arrêtée au 1er janvier 2022, outre l'intérêt au taux légal à compter du commandement de payer du 13 juillet 2020 ;

- CONDAMNE la SARL PHARMACIE MARBOTIN à payer à la SCI VOLTAIRE une indemnité d'occupation équivalente au montant mensuel total des loyers en vigueur soit 3.298,57 € HT et 3.958,28 € TTC, ce à compter de la résiliation du bail constatée au 25 février 2022 et ce jusqu'à la libération effective des lieux et remise des clés ;

- CONDAMNE la SARL PHARMACIE MARBOTIN aux entiers dépens ;

- CONDAMNE la SARL PHARMACIE MARBOTIN à payer à la SCI VOLTAIRE la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ECARTE l'exécution provisoire de droit ;

- REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties ;

Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/01480
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;22.01480 ?
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