N° RG : N° RG 21/06122 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VXWF
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
55B
N° RG : N° RG 21/06122 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VXWF
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.A.R.L. XO SECURITE
C/
S.A.S. BENITO, S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, S.A.R.L. MCM TRANSPORT PLUS, S.A. AVIVA ASSURANCES, S.A. AXA FRANCE IARD, S.A. DESCUDET ET CIE
Grosses délivrées
le
à
Avocats :
Me Margaux ALBIAC
la SCP BAYLE - JOLY
la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE
Me Diane DUPEYRON
la SELARL LEROY AVOCATS
Me Marin RIVIERE
N° RG : N° RG 21/06122 - N° Portalis DBX6-W-B7F-VXWF
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré
Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Juge
Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHEZ Greffier lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Mai 2024,
Délibéré au 04 juillet 2024
Sur rapport aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile
DEMANDERESSE :
S.A.R.L. XO SECURITE
1-3 Avenue Jean Alfonsea - ZAC Quais de Floirac
33270 FLOIRAC
représentée par Maître Bénédicte DE BOUSSAC DI PACE de la SELARL BENEDICTE DE BOUSSAC DI PACE, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
DEFENDERESSES :
S.A.S. BENITO
PEP DU BOS PLAN-Lotissement LE FILEUR
33750 BEYCHAC ET CAILLAU
représentée par Maître Sylvain LEROY de la SELARL LEROY AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Me Diane DUPEYRON, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
14 Boulevard Marie et Alexandre Oyon
72030 le mans/france
représentée par Maître Sylvain LEROY de la SELARL LEROY AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Me Diane DUPEYRON, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant
S.A.R.L. MCM TRANSPORT PLUS
38 Rue du séminaire centra 351
94616 RUNGIS CEDEX
représentée par Me Margaux ALBIAC, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A. AVIVA ASSURANCES
13 Rue du Moulin Bailly
92271 BOIS COLOMBES CEDEX
représentée par Me Margaux ALBIAC, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A. AXA FRANCE IARD
313 Terrasses de l’Arche
92000 NANTERRE
représentée par Me Marin RIVIERE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A. DESCUDET ET CIE
6-8 Rue Vauban
33000 BORDEAUX
représentée par Maître Christophe BAYLE de la SCP BAYLE - JOLY, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
******
FAITS ET PROCEDURE
La SARL XO SECURITE est une société exerçant une activité de commerce en équipements de protection individuelle et de sécurité, assurée au titre d’une police d’assurance multirisque de l’entreprise souscrite auprès de la SA AXA France IARD par l’intermédiaire de la SA DESCUDET & CIE, courtier en assurances.
Au mois de juillet 2020, une personne se présentant comme responsable des achats de la société AFFIKI, société holding de KIABI EUROPE, a contacté un commercial de la société XO SECURITE pour une commande de tee-shirts.
Deux offres de prix éditées par la société XO SECURITE ont été signées le 22 juillet 2020 et le 27 juillet par la direction des achats de la société AFFIKI pour une commande de 31 160 tee- shirts en tout, pour un montant global de 58 452,40 euros HT.
La société XO SECURITE a confié la livraison de la marchandise (16 palettes pour un poids de 1,6T) à la SAS BENITO, laquelle a sous-traité la livraison à la société MCM TRANSPORT.
La livraison a été effectuée le 7 août 2020.
Après avoir contacté la Société AFFIKI, qui n’avait pas payé la marchandise livrée, la société XO SECURITE a compris qu’elle avait été victime d’une escroquerie, la société lui ayant indiqué n’avoir jamais passé cette commande.
Reprochant à la société BENITO d’avoir commis des fautes lors de la livraison, elle l’a mise en demeure de déclarer le sinistre à son assureur.
Une réunion d’expertise a eu lieu sur le lieu de la livraison, en présence des parties, du donneur d’ordre, des deux sociétés de transport et de leurs assureurs.
Aucun accord n’ayant pu être trouvé quant aux responsabilités, la société XO a, par exploits d’huissier de justice délivrés les 28 et 29 juillet 2021, assigné la société BENITO et son assureur, la SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (ci-après la société MMA), la SARL MCM TRANSPORT et son assureur, la SA AVIVA ASURANCES, devenue la société ABEILLE IARD& santé (ci-après la société ABEILLE), son propre assureur, la SA AXA France (ci-après la société AXA) et la SA DESCUDET & CIE (ci-après la société DESCUDET), son courtier d’assurance, devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Par exploit d’huissier de justice délivré le 25 août 2021, la SA MMA et la société BENITO ont assigné devant ce tribunal la société MCM TRANSPORT et la SA AVIVA aux fins de les voir condamner à les garantir de l’ensemble des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre.
Cette procédure a été jointe à la procédure initiale le 24 septembre 2021, pour se poursuivre sous le n° 21/6122.
Par ordonnance du 21 juin 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande formée par la société AXA au titre d’une action récursoire à l’encontre de la société BENITO et de la société MCM et de leurs assureurs.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 mars 2023, la société XO SECURITE demande au tribunal, sur le fondement des articles 1103, 1190, 1231-1 et 1784 du code civil et des article L. 132-5 et L. 133-1 du code de commerce :
à titre principal, de condamner in solidum la société BENITO et son assureur, la société MMA, la société MCM TRANSPORT et son assureur, la SA AVIVA ASURANCES (devenue ABEILLE IARD &santé) à lui verser la somme de 35 914,56 euros correspondant au prix d’achat hors taxe de la marchandise perdue,
à titre subsidiaire, de condamner son propre assureur, la SA AXA à lui verser une somme correspondant au solde de son préjudice, hors taxes si celui-ci n’était pas intégralement indemnisé par les défendeurs cités plus haut,
à titre infiniment subsidiaire condamner la société DESCUDET&CIE à lui verser une somme correspondant au solde de son préjudice hors taxes si celui-ci n’était pas indemnisé intégralement par les autres défendeurs,
en tout état de cause, condamner les défendeurs « solidairement si nécessaire » à verser une somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la société XO SECURITE expose qu’en application des articles 1784 du code civil et L. 132-5 et L. 133-1 du code de commerce, le transporteur terrestre, qu’il agisse comme commissionnaire de transport, organisateur et intermédiaire, ou de voiturier (transporteur livreur) est garant de la perte des objets à transporter, sauf si la perte résulte d’un cas de force majeure, étant précisé que la jurisprudence ne considère pas le vol comme un cas de force majeure. Elle rappelle que le voiturier commet une faute lourde s’il n’effectue pas la livraison à la personne indiquée comme destinataire sur la lettre de voiture, sans avoir vérifié si le tiers avait mandat pour réceptionner la marchandise et qu’en l’espèce, la société BENITO, en qualité de commissionnaire, et la société MCM, en sa qualité de voiturier ont commis des fautes lourdes en livrant la marchandises à une adresse qui ne correspondait pas à celle mentionnée sur la lettre de voiture et qui ne correspondait manifestement pas à un entrepôt commercial. Elle rejette pour sa part avoir été négligente dans la mesure où il ne lui incombait aucune vérification particulière pour vérifier l’identité de la personne qui a effectué la commande des tee-shirt et qui a usurpé de l’identité de la société AFFIKI, alors qu’il incombe au transporteur de vérifier l’identité et la qualité de la personne à qui il a remis la marchandise. Elle en déduit que l’exonération de responsabilité pour cause de force majeure ne peut être retenue dès lors que de simples vérifications de la part du livreur auraient évité cette livraison et la réalisation du dommage
En réponse aux sociétés BENITO, MCM et leurs assureurs, elle conteste l’application d’un plafond d’indemnisation de 1000 euros par colis perdu, soit en l’espèce 16000 euros, dès lors que l’article 22.1 du décret n°2017-461 du 31 mars 2017 qui prévoit que la limitation du montant de l’indemnisation n’est pas opposable au donneur d’ordre dans l’hypothèse d’une faute inexcusable du transporteur, telle que définie à l’article L. 133-8 du code de commerce et que tel est le cas en l’espèce,
A titre subsidiaire, au soutien de sa demande de condamnation de son assureur, la société AXA, elle indique avoir effectué une déclaration de sinistre le 11 août 2020 mais que par l’intermédiaire de la société DESCUDET, il lui a été indiqué le 21 décembre 2020 que la garantie était refusée au motif qu’elle n’avait pas souscrit de contrat d’assurance Marchandises transportées. Elle soutient néanmoins que le contrat d’assurance multirisques qu’elle a souscrit couvre le dommage de vol de marchandise déclaré dès lors que l’exclusion visée par AXA pour refuser l’application de sa garantie lorsque le vol intervient en dehors des locaux de l’entreprise est prévue aux conditions spéciales du contrat, non pas aux conditions particulières. Or, les conditions spéciales ne prévalent pas sur les conditions générales avec lesquelles elles sont en contradiction. Elle se fonde sur les dispositions des article L. 112-3 du code des assurances pour rappeler qu’il appartient au juge d’interpréter les clauses enchevêtrées qui seraient ambiguës et souligne qu’en application de l’article L. 211-1 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées de façon claire et compréhensives et qu’en cas de doute elles s’interprètent dans le sens le plus favorable au consommateur. Elle en déduit qu’ici, au regard de la contradiction entre les conditions générales du contrat et l’exclusion prévue aux conditions spéciales, le tribunal doit écarter les conditions spéciales.
A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que son courtier a manqué à son devoir de conseil qui ne lui a pas proposé de souscrire un contrat d’assurance marchandises transportées, alors qu’il connaissait son activité. Elle soutient que si le préjudice équivaut à une perte de chance, cette perte de chance ne peut être nulle et doit être évaluée à un pourcentage de 90% en ce que si elle avait eu connaissance de l’existence de ce type de contrat, elle l’aurait très probablement souscrit et aurait être indemnisée des préjudices subis.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2022, la société BENITO et la société MMA demandent au tribunal de débouter la société XO SECURITE de ses demandes, à titre subsidiaire, ordonner un partage de responsabilité à hauteur de ¾ pour la société XO SECURITE et ¼ pour la société BENITO et la société MCM, dans tous les cas, limiter le montant de l’indemnité à 16 000 euros, condamner in solidum la société MCM et son assureur à les relever et garantir de leurs condamnations, condamner tout succombant à leur verser une somme de 3000 euros à titre de frais irrépétibles, et condamner tout succombant aux dépens
Au soutien de leur défense, la société BENITO et son assureur la société MMA exposent qu’en application de l’article L. 132-16 du code de commerce, le commissionnaire répond de ses substitués et en pareil cas, sa responsabilité est appréciée au regard de l’article L. 133-1 du code de commerce, qui prévoit que le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors force majeure ou des vices propres de la chose. Elles ajoutent que la jurisprudence a ajouté à ces deux causes d’exonération de responsabilité la faute du donneur d’ordre ; en l’espèce, la société XO SECURITE a fait preuve de légèreté et d’imprudence.
Elles ajoutent qu’il incombe seulement au transporteur de s’assurer que la marchandise est livrée à l’adresse indiquée et au destinataire, ce qui est le cas car la livraison a été faite à l’adresse indiquée après contact téléphonique au numéro fourni pas la société XO SECURITE, la personne contactée indiquant qu’elle envoyait des personnes pour réceptionner la marchandise et il ne saurait être reproché au livreur d’avoir livré la marchandise à une adresse où il n’y a pas d’entrepôt.
Sur la force majeure, elles soutiennent, au visa de l’article 1218 du code civil, que la société MCM a été victime d’un stratagème et qu’elle a strictement respecté le contrat,
Subsidiairement, elles estiment au vu des circonstances de l’espèce qu’un partage de responsabilité est fondé,
Sur le montant du préjudice, elles soutiennent que les relations des parties sont régies par le contrat type général applicable de plein droit issu du décret du 31 mars 2017 et qu’en application de l’article 22 de ce contrat type, pour les envois inférieurs à 3 tonnes, l’indemnité ne peut excéder 33 euros par kg de marchandise perdue, sans pouvoir excéder 1000 euros par colis perdu. En application de l’article 2.1 de ce texte, c’est le nombre de palettes qui doit être comptabilisé, de sorte que l’indemnité ne peut dépasser 16x1000 euros. Elles soulignent que cette limitation ne peut céder que devant la faute inexcusable dont la charge de la preuve incombe à celui qui s’en prévaut. Elles soulignent que la faute inexcusable est définie à L. 133-8 du code de commerce, et que preuve de la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, n’est pas rapportée ici.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, la société MCM et la société ABEILLE (anciennement AVIVA Assurances) demandent au tribunal de débouter la société XO SECURITE de ses demandes, de débouter les sociétés BENITO, AXA et MMA de leur appel en garantie, à titre subsidiaire, d’ordonner le partage de responsabilité en laissant à la charge de la société XO SECURITE la plus grosse part de responsabilité, très subsidiairement, de fixer à la somme de 16000 euros l’indemnité susceptible d’être mise à la charge de la société MCM, de déclarer opposable la franchise contractuelle de 300 euros prévue par les conditions particulières de la police d’assurance souscrite auprès de la société ABEILLE, de condamner toute partie succombant à leur verser une somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Au soutien de leur défense, les société MCM et ABEILLE exposent que la société XO SECURITE a commis des fautes de nature à exonérer MCM de sa responsabilité dès lors qu’elle a accepté de vendre sa marchandise à un acheteur sans avoir pris les précautions élémentaires, qu’il y avait un faisceau d’indices qui aurait du l’alerter sur l’escroquerie. Elles estiment qu’il existe une présomption de livraison conforme dès lors que la société MCM a respecté les instructions sommaires qui lui avaient été données, de sorte que la marchandise est réputée avoir été livrée. Subsidiairement, elles demandent un partage de responsabilité et de faire application de l’article 22 du contrat type prévoyant une limitation du montant de l’indemnité et reprennent à cet égard les mêmes arguments que ceux développés par la société BENITO et son assureur.
S’agissant de la franchise, elles soulignent que la société MCM a souscrit une assurance responsabilité contractuelle auprès de la société ABEILLE, qu’une franchise de 300 euros est prévue et qu’elle devra être déclarée opposable à la société XO SECURITE.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 octobre 2023, la société AXA demande au tribunal de débouter « toute partie » de leurs demandes formées à son encontre, à titre subsidiaire, dire qu’elle est fondée à opposer à son assuré sa franchise contractuelle de 560 euros en cas de mobilisation de la garantie vol, en tout état de cause, condamner toute partie succombante in solidum à lui verser une somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
Elle soutient que s’agissant d’un vol, il y a lieu de se référer à la convention spéciale vol du chapitre 5 du contrat d’assurance multirisque qui fixe les conditions d’application de cette garantie. Elle soutient que si les conditions générales du contrat prévoient en page 2 du chapitre 4, dans la parties « définition des garanties communes à l’ensemble des risques » que sont couverts les biens mobiliers et les marchandises partout où besoin et notamment en cours de transport ou chez un tiers quel qu’il soit, les conventions spéciales du chapitre 5 ne couvrent que les vols commis exclusivement à l’intérieur des locaux dans certaines circonstances ; elle soutient qu’il n’y a aucune contradiction entre les conditions générales, qui renvoient à l’étendue géographique de la police, et les conditions spéciales du contrat qui précisent clairement le champ géographique de chaque garantie et notamment celui de la garantie vol. Estimant que ces clauses sont claires, elle ne doivent pas être interprétées sous peine de dénaturation. En tout état de cause, si le tribunal devait considérer que ces clauses ne sont pas claires, les clauses particulières devraient prévaloir sur les conditions générales. Il en va de même des conditions spéciales de la police qui prévalent sur les conditions générales. Elle ajoute que la garantie détournement qui figure dans la garantie vol ne s’applique qu’au détournement de biens ou des valeurs commis au préjudice de l’assuré par le personnel, des représentants ou des VRP ayant au moins 12 ans d’ancienneté au sein de l’entreprise assurée et que tel n’est pas le cas de l’espèce. Elle aoute que si la garantie devait être mobilisée, il y aurait lieu de faire application de la franchise contractuelle de 560 euros.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique que 20 février 2023, la société DESCUDET &CIE demande au tribunal de débouter la société XO SECURITE de ses demandes de condamnation formées à titre infiniment subsidiaire à son encontre et la condamner 3000 euros au titre de l’article 700 et à supporter les dépens.
Elle expose que la mise en œuvre de sa responsabilité en qualité de courtier ne peut être que subsidiaire par rapport à la recherche par l’assuré de la garantie contractuelle de l’assureur. Elle en déduit que si le tribunal considère que la garantie du sinistre est due par l’une des compagnies d’assurance mise en cause, l’assuré n’aura plus aucun préjudice à faire valoir et tout réclamation formulée à l’encontre de son courtier sera devenue sans objet, de sorte que le tribunal n’aura à examiner la question de la responsabilité du courtier d’assurance que s’il écarte au préalable toutes les garanties des compagnies d’assurance mises en cause. Elle ajoute que c’est uniquement si le défaut de garantie résulte d’une faute de sa part dans l’exécution de contrat de mandat que sa responsabilité pourra être recherchée.
A titre subsidiaire, elle soutient qu’elle n’a commis aucun manquement à son obligation de conseil, estimant qu’en l’espèce, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir délivré une information à son client qui, en raison de son exercice professionnel avait nécessairement connaissance de cette information. Elle souligne qu’il n’appartient pas au courtier de devancer les besoins du client qui est le mieux à même de déterminer les risques auxquels son entreprise est exposée et soutient qu’en l’occurrence, aucun besoin particulier n’a été exprimé : la société XO n’a jamais mentionné avoir besoin d’une police « transport de marchandise ». De plus, chaque année, une attestation d’assurance est transmise à la société XO et la garantie « marchandises transportées » n’est pas mentionnée. Elle en déduit que la société était informée du fait qu’elle n’était pas couverte pour ce risque.
Elle souligne enfin, que le seul préjudice dont la société XO SECURITE pourrait lui demander réparation est la perte de chance d’être indemnisée de ses préjudices. Or, la perte de chance ne peut être indemnisée à un montant équivalent au montant de la perte subie. En l’espèce, elle estime que faute d’apporter des indices suffisants pour permettre au tribunal d’appréhender la réalité de cette perte de chance, elle ne justifie d’aucun quantum. De plus, la perte de chance est nécessairement nulle car il n’est pas démontré qu’elle avait réellement l’intention de souscrire une telle garantie. Subsidiairement, il appartiendrait au tribunal d’appliquer un coefficient réducteur.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la demande principale de condamnation in solidum aux fins d’indemnisation formée à l’encontre des sociétés BENITO MMA IARD, MCM TRANSPORT PLUS et ABEILLE IARD & SANTE
1.1Sur l’obligation de garantie incombant au commissionnaire et au transporteur
En application des articles 1784 du code civil ainsi que L. 132-5 et L. 133-1 du code de commerce, les voiturier, commissionnaire de transport et transporteur sont garants de la perte des objets à transporter sauf, notamment, cas de force majeure. La faute du donneur d’ordre peut également exonérer le transporteur de toute ou une partie de responsabilité.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société BENITO a agi en qualité de commissionnaire de transport et que la société MCM TRANSPORT PLUS a agi en qualité de transporteur terrestre et voiturier (transporteur livreur), de sorte que l’un comme l’autre sont tenus de l’obligation de garantie susvisée et présumés responsables de la perte des marchandises, sauf à reconnaître l’existence d’une cause exonératoire.
1.2Sur les causes exonératoires
Il incombe au commissionnaire et au transporteur, afin de renverser la présomption de responsabilité rappelée ci-avant, de prouver, d’une part, la faute du cocontractant de manière positive et précise et, d’autre part, son lien causal avec le dommage. À cet égard, conformément au droit commun de la responsabilité, si la faute de la victime revêt les caractères de la force majeure ou bien si elle joue un rôle exclusif dans la production du dommage, le transporteur, et en conséquence le commissionnaire, est totalement exonéré de responsabilité. En revanche, si la faute de la victime est l’une seulement des causes du dommage, elle aboutit au prononcé d’un partage de responsabilité.
En l’espèce, le donneur d’ordre était tenu d’une obligation d’information à l’égard du commissionnaire et transporteur des éléments essentiels pour permettre le bon déplacement de la marchandise en fonction de ses caractéristiques et de réaliser ainsi la livraison convenue. À cet égard, la société XO SECURITE a fourni le nom du destinataire ayant commandé la marchandise (la SNC AFFIKI), l’adresse à laquelle la livraison devait avoir lieu (au 171 boulevard Jean Mermoz à PIERREFITTE SUR SEINE où un « dépôt AFFIKI » devait se trouver) ainsi que le numéro de portable de la personne à joindre pour réceptionner la livraison.
Ces informations étaient suffisantes pour permettre au commissionnaire et au transporteur de procéder à la livraison et le donneur d’ordre, faisant appel à des prestataires externes pour faire livrer la marchandise, n’était pas tenu de procéder lui-même à des vérifications sur internet sur le lieu de livraison.
L’existence d’un stratagème mis en place par des soi-disant représentants de la société AFFIKI, holding du groupe KIABI n’est pas contestée par les parties et la société XO SECURITE a reconnu, lors de la première réunion d’expertise amiable, des « défaillances internes concernant les procédures de contrôle, accentuées par la période estivale (moins d’effectif qualifié sur place) et la Covid (besoin de faire entrer du chiffre d’affaires rapidement) ».
À cet égard, la société XO SECURITE a accepté deux commandes de la part de la SNC AFFIKI, nouveau client, sans vérifier sa solvabilité et sans solliciter, conformément à ses conditions générales, un paiement intégral avant la livraison. Au surplus, elle aurait dû être alertée par le fait que son interlocuteur et le tampon commercial du supposé client mentionnaient une « SNC AFFIKI » tandis que l’extrait Kbis fourni visait une « SAS AFFIKI », ainsi que par la teneur des échanges écrits comme téléphoniques avec les interlocuteurs de la SNC AFFIKI qui rendaient vraisemblable le risque d’usurpation d’identité et d’escroquerie.
Il sera donc retenu que la société XO SECURITE a commis des fautes de négligence en acceptant la commande dans de telles circonstances, ce qui a contribué à la réalisation de son préjudice.
Cela étant, le commissionnaire de transport (la société SAS BENITO) et son sous-traitant transporteur (la société SARL MCM TRANSPORT PLUS) ont également commis des fautes de négligences ayant contribué à la survenance du dommage dont les négligences de la société XO SECURITE n’ont donc pas été la seule cause. Ainsi :
les marchandises ont été déchargées sans plus de vérification au lieu de livraison, indiqué au n° 170 du boulevard Jean Mermoz à PIERREFITTE SUR SEINE sur la confirmation d’affrêtement de la société SARL MCM TRANSPORT PLUS alors que la lettre de voiture stipulait le n° 171 de ce boulevard comme indiqué par la société XO SECURITE), ne figurait aucun indice de la présence d’un « dépôt AFFIKI » tandis que cette précision figurait sur la lettre de voiture,la configuration particulière des lieux concernés (parking en bordure de route) aurait dû inciter le dirigeant de la société SARL MCM TRANSPORT PLUS, professionnel de la livraison, à plus de prudence pour décharger une marchandise représentant 16 palettes et 1,6 tonne,compte tenu de ces premiers indices, le fait qu’une personne ait répondu au numéro de téléphone portable fourni, sans confirmer néanmoins qu’il s’agissait de « Monsieur [P] » dont le nom avait été fourni par la société XO SECURITE, aurait dû inciter le voiturier à faire confirmer à la personne présente à la réception son identité exacte, sa qualité et son mandat pour représenter le destinataire, ainsi que lui demander, comme il est d’usage, d’apposer, sur la lettre de voiture, le tampon de la société SNC AFFIKI destinataire.L’article 1218 du code civil définit la force majeure comme un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, cet événement empêchant alors l’exécution de son obligation par le débiteur.
En l’espèce, aucun cas de force majeure n’est caractérisé dans la mesure où, en présence d’un faisceau d’indices de nature à conduire les parties à soupçonner l’usurpation d’identité et l’escroquerie, la survenance du sinistre aurait pu être évitée par de simples vérifications.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la responsabilité de la perte des marchandises litigieuses doit être partagée entre le donneur d’ordre d’une part, la société XO SECURITE, et les transporteur et voiturier d’autre part, les sociétés SA BENITO et SARL MCM TRANSPORT PLUS, le tribunal considérant, au regard des circonstances, qu’un partage par moitié est justifié.
1.3Sur le plafond d’indemnisation
Le décret n° 2017-461 du 31 mars 2017 portant « contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique » (annexe II à la partie 3 réglementaire du code des transports) et plus spécialement son article 22.1 « Indemnisation pour pertes et avaries -Déclaration de valeur » dispose, en l’absence de déclaration de valeur par le donneur d’ordre et s’agissant d’un envoi de moins de trois tonnes, un plafond d’indemnisation à hauteur de « 33 € par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser 1 000 € par colis perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur ». Il est fait exception à ce plafond en cas de dol et de faute inexcusable du transporteur, la faute inexcusable étant définie à l’article L. 133-8 du code de commerce comme « la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ».
Il n’est pas contesté par les parties que la livraison litigieuse, de 1,6 tonne, était soumise à ces dispositions, le plafond unitaire de 1.000 euros devant s’appliquer à une palette, assimilée au « colis » de ce texte.
Les parties sont en revanche en désaccord sur l’exception prévue à cet article en cas de faute inexcusable du transporteur.
En l’espèce, abstraction faite des jurisprudences citées par le demandeur inapplicables en qu’elles reconnaissent l’existence d’une faute lourde du transporteur, et non une faute inexcusable, il apparait que les critères de la faute inexcusable ne sont pas réunis, singulièrement le caractère téméraire du transporteur lorsqu’il a accepté de décharger les marchandises qui lui avaient été confiées sur un parking situé à l’adresse fournie par le donneur d’ordre, et ce même en l’absence d’enseigne indiquant la présence d’un dépôt du destinataire, dans la mesure où une personne avait confirmé la réception des marchandises au numéro de téléphone fourni par le donneur d’ordre, même si cette personne ne s’identifiait pas comme celle dont le nom avait été fourni par le donneur d’ordre (Monsieur [E] signant la lettre de voiture alors que Monsieur [P] devait être à la réception).
Par conséquent, il y a lieu de retenir que l’indemnisation susceptible d’être réclamée par la société XO SECURITE en qualité de donneur d’ordre, à l’encontre des transporteurs, doit être limitée à un maximum de 16.000 euros pour la livraison litigieuse.
1.4Sur le montant de l’indemnisation
Au regard de ce qui précède, les manquements combinés des sociétés SAS BENITO et SARL MCM TRANSPORT PLUS à leur obligation de garantie contre la perte des marchandises transportées ayant concouru au même dommage subi par la société XO SECURITE, ces sociétés ainsi que leurs assureurs seront condamnés, in solidum, à indemniser la société XO SECURITE à hauteur de la moitié du préjudice indemnisable de 16.000 euros, soit la somme de 8.000 euros.
En outre, la franchise stipulée aux termes de la police d’assurance souscrite par la société SARL MCM TRANSPORT PLUS auprès de son assureur la société ABEILLE IARD & SANTE, qui n’est pas contestée, sera déclarée opposable à la société XO SECURITE.
2. Sur la demande en garantie des sociétés BENITO et MMA IARD à l’encontre des sociétés MCM TRANSPORT PLUS et ABEILLE IARD & SANTE
En application de l’article L. 133-1 du code de commerce susvisé, le transporteur est tenu d’une obligation de garantie en cas de perte de la marchandise.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société BENITO a sous-traité à la société MCM TRANSPORT PLUS la réalisation de la livraison litigieuse. Il n’est pas allégué que la société BENITO aurait contribué au dommage subi par la société XO SECURITE autrement qu’en faisant appel à ce sous-traitant qui s’est, lui-même, rendu coupable de diverses négligences rappelées ci-dessus dans la réalisation de sa mission.
En conséquence, la société MCM TRANSPORT PLUS et son assureur, la société ABEILLE IARD & SANTE, seront condamnées à garantir la société BENITO et son assureur, la société MMA IARD, de la condamnation in solidum ci-dessus.
En outre, la franchise stipulée aux termes de la police d’assurance souscrite par la société MCM TRANSPORT PLUS auprès de son assureur la société ABEILLE IARD & SANTE, qui n’est pas contestée, leur sera déclarée opposable, de sorte que le recours des sociétés BENITO et SA MMA IARD sera réduit à due concurrence de cette franchise dans l’hypothèse où cette franchise n’aurait pas déjà été déduite.
3. Sur la demande subsidiaire à l’encontre de la société SA AXA FRANCE IARD
En application de l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En outre, en application de la règle « specialia generalibus derogant », en présence de clauses contradictoires, les stipulations particulières dérogent aux stipulations plus générales.
En l’espèce, la société XO SECURITE ne peut se fonder sur l’article « SITUATION des RISQUES » du chapitre 1 des conditions particulières de la police d’assurance litigieuse souscrite auprès de la société AXA FRANCE IARD dans la mesure où n’y sont visées que les « marchandises appartenant à l’Assuré », de sorte que les marchandises transportées ayant d’ores et déjà été vendues à la société SNC AFFIKI ne peuvent être couvertes.
En revanche, le chapitre 4 des conditions particulières visent, parmi les « BIENS MOBILIERS » assurés, ceux dont l’assuré est propriétaire mais également ceux « qui appartiennent à des tiers et qui sont sous sa garde » dont leur localisation serait « partout où besoin est » et notamment « en cours de transport » ou « chez un tiers quel qu’il soit ».
Cela étant, la convention spéciale relative au « VOL » contenue au chapitre 5 de la police litigieuse, qui déroge aux conditions particulières susvisées s’agissant de faits de vol, sans que cela crée une ambigüité à raison de clauses enchevêtrées irréconciliables entre elles ou nécessite une interprétation par le juge, limite la couverture de l’assurance aux seules disparitions de biens résultant de vol ou tentative de vol commis exclusivement à l’intérieur de locaux. Ce n’est pas le cas des marchandises disparues qui ont été livrées le 7 août 2020 à l’extérieur. De même, la garantie « DÉTOURNEMENT » incluse dans cette même convention spéciale relative au « VOL » n’est pas applicable dans la mesure où le détournement subi serait le fait de personnes extérieures à l’entreprise assurée.
Enfin, la convention spéciale relative à la garantie « TOUS RISQUES SAUF », également contenue au chapitre 5 de la police litigieuse, exclue expressément les dommages ou pertes résultant d’un détournement ou d’une escroquerie, de sorte que la perte subie par la société XO SECURITE n’est pas davantage couverte à ce titre.
En conséquence, en l’absence de garantie spécifiquement souscrite et relative aux « Marchandises Transportées », la demande subsidiaire en indemnisation de la société SO XECURITE à l’encontre de la société AXA FRANCE IARD sera rejetée, sans qu’il soit besoin de statuer sur la demande subsidiaire en réponse de la société AXA FRANCE IARD relative à l’opposabilité de sa franchise contractuelle.
4. Sur la demande infiniment subsidiaire à l’encontre de la société SA DESCUDET & CIE
En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Le courtier en assurance, mandataire de l’assuré, est tenu, à l’égard de ce dernier, d’un devoir d'information et de conseil devant être apprécié in concreto au regard des aptitudes et qualités de l’assuré, tout manquement étant susceptible de donner lieu à indemnisation du mandant dans les conditions de l’article 1231-1 du code civil.
En outre, la responsabilité du courtier sur ce fondement ne peut être recherchée qu’à titre subsidiaire à défaut de prise en charge du sinistre par les assurances.
En l’espèce, compte tenu de l’absence d’indemnisation intégrale du demandeur par les assurances des transporteurs mises en cause et de l’absence de couverture aux termes de la police d’assurance souscrite par le demandeur auprès de la société SA AXA FRANCE IARD, la société XO SECURITE n’est pas indemnisée en totalité du préjudice subi, un reliquat de 27.914,56 euros ne faisant l’objet d’aucune indemnisation assurantielle. Il y a donc lieu de s’interroger, de manière subsidiaire, sur la responsabilité de la société SA DESCUDET & CIE en qualité de courtier en assurance.
La société SA DESCUDET & CIE, qui ne conteste pas avoir été mandatée par la société XO SECURITE pour l’assister dans la mise en place d’assurances pour ses activités professionnelles BM
Débat : quid de l’exigence de la preuve, par le demandeur, du périmètre dont il a saisi le courtier ?
Cf arrêt Civ 2 17 novembre 2016 : « il appartient au courtier, tenu d’un devoir de conseil sur les caractéristiques des produits d’assurance qu’il propose et sur leur adéquation avec la situation personnelle et les attentes de ses clients, d’administrer la preuve qu’il s’est acquitté de ses obligations préalablement à la signature du contrat »
Et obligations (notamment formalisation par écrit) de l’intermédiaire en assurance de l’article L521-4 I du Code des assurances :
« I.-Avant la conclusion de tout contrat d'assurance, le distributeur mentionné à l'article L. 511-1 précise par écrit, sur la base des informations obtenues auprès du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel, les exigences et les besoins de celui-ci et lui fournit des informations objectives sur le produit d'assurance proposé sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.
Le distributeur conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil. »
et être tenue dans ce cadre d’une obligation d’information et de conseil, ne rapporte pas la preuve qu’elle a sollicité par écrit, auprès de la société XO SECURITE, les éléments nécessaires à la mise en place de la police d’assurance. Le courrier produit du 29 septembre 2016, confirmant la souscription de la police litigieuse auprès de la société SA AXA FRANCE IARD, fait certes référence à des échanges préalablement intervenus avec la société XO SECURITE, au recueil d’éléments ainsi qu’aux « déclarations, besoins et exigences » dont elle aurait fait part à cette occasion via un « document d’information préalable », mais ce dernier n’étant pas produit, le seul courrier du 29 septembre 2016 ne suffit pas à déterminer la teneur des échanges intervenus et si la société SA DESCUDET & CIE s’est, tant à l’occasion de la souscription initiale de la police, qu’à l’occasion de son renouvellement annuel et de l’émission des attestations d’assurance correspondantes produites, conformée à son obligation d’information et de conseil auprès de la société XO SECURITE.
Le fait que la société XO SECURITE soit un professionnel du commerce ayant, par définition, habituellement recours à des opérations de transport de marchandises n’a pas pour effet de décharger la société SA DESCUDET & CIE de son obligation d’information ni de démontrer que la société XO SECURITE a, délibérément et de manière éclairée, choisi de ne pas souscrire d’assurance « Marchandises Transportées ».
Le préjudice de la société XO SECURITE s’analyse comme une perte de chance de souscrire la garantie spécifique « Marchandises Transportées » si elle lui avait été proposée par son mandataire et ainsi obtenir réparation.
Pour être indemnisable, la perte de chance, même faible, doit être certaine. Or, aucun élément n’est produit pour justifier que la garantie “marchandises transportées” aurait permis à la société XO SECURITE d’obtenir réparation dans les circonstances particulières de l’espèce, à savoir après avoir été victime d’une escroquerie.
En conséquence, la demande d’indemnité formée à l’encontre de la société SA DESCUDET & CIE sera rejetée.
5. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Au regard des circonstances de l’espèce, chaque partie conservera la charge des dépens qu’elle a supportés.
Sur les demandes au titre des frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, au regard du partage de responsabilité reconnu par le tribunal, de la qualité d’établissements professionnels de l’assurance des défendeurs à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire, qui ont intégré le coût de leur défense en justice, le cas échéant, dans le prix de leurs prestations, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable à l’espèce, le présent jugement est assorti de l’exécution provisoire de droit sans qu’il n’y ait lieu d’en disposer autrement.
En l’espèce, il ‘y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire, qui est compatible avec la nature de l’affaire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Condamne in solidum les sociétés SAS BENITO, SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, SARL MCM TRANSPORT PLUS et SA ABEILLE IARD & SANTE à payer à la société SARL XO SECURITE la somme de 8.000 euros, déduction faite, s’agissant des sociétés SARL MCM TRANSPORT PLUS et SA ABEILLE IARD & SANTE, de la franchise contractuelle de 300 euros, qui est déclarée opposable à la société SARL XO SECURITE, si elle n’a pas déjà été appliquée,
Condamne les sociétés SARL MCM TRANSPORT PLUS et SA ABEILLE IARD & SANTE à garantir les sociétés SAS BENITO et SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de la condamnation prononcée à leur encontre, déduction faite, si elle n’a pas déjà été appliquée, de la franchise contractuelle de 300 euros qui leur est déclarée opposable ;
Déboute la société SARL XO SECURITE de sa demande d’indemnisation à l’encontre de la SA AXA FRANCE IARD et à l’encontre de la SA DESCUDET & CIE ;
Dit que chaque partie supportera la charge des dépens qu’elle a exposés ;
Déboute toutes les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT