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04/07/2024 | FRANCE | N°20/01519

France | France, Tribunal judiciaire de Bordeaux, 5ème chambre civile, 04 juillet 2024, 20/01519


N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND






53J

N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT

Minute n° 2024/00



AFFAIRE :


S.A. CREDIT LOGEMENT

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’AQUIT AINE, [X] [Y], [G] [W], [B] [W] divorcée [W]











Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL AQUI’LEX
la SELAS ELIGE BORDEAUX
la SELARL FRANÇOIS-XAVIER ZOUMENOU
la SCP JOLY

CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS
Me Cécile RIDE
N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT

Me Christine VIEILLEMARINGE



TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE


JUGE...

N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT
5EME CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND

53J

N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT

Minute n° 2024/00

AFFAIRE :

S.A. CREDIT LOGEMENT

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’AQUIT AINE, [X] [Y], [G] [W], [B] [W] divorcée [W]

Grosses délivrées
le

à
Avocats :
la SELARL AQUI’LEX
la SELAS ELIGE BORDEAUX
la SELARL FRANÇOIS-XAVIER ZOUMENOU
la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS
Me Cécile RIDE
N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT

Me Christine VIEILLEMARINGE

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 04 JUILLET 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors du délibéré

Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Mme Angélique QUESNEL, Juge

Pascale BUSATO Greffier, lors des débats et Isabelle SANCHEZ Greffier lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Mai 2024,
Délibéré au 04 juillet 2024
Sur rapport aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile

JUGEMENT:

Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

DEMANDERESSE :

S.A. CREDIT LOGEMENT
50 Boulevard de Sébastopol
75155 PARIS CEDEX 03

représentée par Maître Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY CUTURI WOJAS REYNET- DYNAMIS AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant

DEFENDEURS :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL D’AQUITAINE S.A. coopérative à capital variable dont le siège social est SERVICE CONTENTIEUX 106 quai de Bacalan 33300 BORDEAUX
304 boulevard du Président Wilson
33076 BORDEAUX CEDEX

représentée par Maître Guillaume FRANCOIS de la SELARL AQUI’LEX, avocats au barreau de MONT-DE-MARSAN, avocats plaidant, Me Cécile RIDE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant

Monsieur [X] [Y], [G] [W]
né le 16 Janvier 1976 à NIORT
de nationalité Française
Résidence La Chanterie
Rue des Douves
86000 POITIERS

représenté par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats postulant, Maître Djidjoho François ZOUMENOU de la SELARL FRANÇOIS-XAVIER ZOUMENOU, avocats au barreau de POITIERS, avocats plaidant

Madame [B] [W] divorcée [W]
née le 22 Novembre 1968 à POINTE A PITRE
de nationalité Française
1 Lieu Dit Paysan
33190 GIRONDE SUR DROPT

représentée par Me Christine VIEILLEMARINGE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

******

EXPOSE DES FAITS

Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z], ex-épouse [W] (ci-après les emprunteurs) ont souscrit un prêt immobilier en date du 24 janvier 2011 auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine d'un montant de 278 304€ pour une durée de 300 mois, moyennant intérêts au taux fixe de 3,56% l’an.
Le 16 décembre 2010, la société crédit logement s’est portée caution de cet emprunt.

Le 10 février 2017, Monsieur [X] [W] a déposé un dossier de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers de la Vienne.
Le 13 mars 2017, la commission de la Banque de France a orienté le dossier vers un réaménagement de dettes afin que Monsieur [X] [W] bénéficie d’un plan de 24 mois. Le 14 mars 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a déclaré sa créance pour un montant de 249 280,41€.
Au moment de l’établissement du projet de plan, la dette de la banque s’élève à la somme de 248 975,07€. Le plan prévoit deux mensualités à 328,10€ puis des mensualités de 828,10€ à compter du 3ème mois jusqu’à l’expiration du délai de 24 mois.

Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] ont divorcé suivant jugement définitif du 14 avril 2017. Le domicile conjugal financé par le prêt immobilier souscrit auprès de la banque Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a été attribué à Monsieur [X] [W]. Ce dernier devait dès l’ordonnance du juge aux affaires familiales du 27 juin 2014, rembourser le crédit immobilier le temps de la procédure jusqu’à la vente du bien immobilier.

Par courrier recommandé du 1er juin 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure Madame [B] [Z], ex-épouse [W] de régulariser la situation sous quinze jours. Faute de remboursement dans les délais prévus, la déchéance du terme s’est ainsi trouvée de plein droit acquise le 28 juillet 2017.

Le 29 août 2017, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a actionné le cautionnement de la société Crédit Logement.

Le 22 juillet 2019, Monsieur [X] [W] a déposé un deuxième dossier de surendettement qui a été déclaré recevable.

La société Crédit Logement s’est rapprochée de Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] et les a avisé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 octobre 2019, de la mise en jeu de son engagement de caution solidaire.

La société Crédit Logement a réglé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine la somme de 253 069,75€, ce règlement ayant fait l'objet d'une quittance en date du 21 octobre 2019.

La société Crédit Logement a fait assigner les 17 et 20 février 2020 Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z], ex-épouse [W] en paiement devant le tribunal judiciaire de BORDEAUX .
Monsieur [X] [W] a assigné le 24 novembre 2021 la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine.

Le 5 janvier 2022, les deux instances ont été jointes et l’instruction à l’égard de Madame [B] [Z] a été clôturée.

La mise en état a été clôturée par ordonnance en date du 8 janvier 2024 et l’affaire fixée à plaider à l’audience du 2 mai 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Au termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 20 juin 2023, par voie électronique, la société Crédit Logement demande sur le fondement des articles 1134 devenus 1103 et 1104, puis 1342, 1343-2 et 2305 et 2306 du code civil au tribunal de :
La déclarer recevable et bien fondée dans l’intégralité de ses demandes, Débouter Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,Condamner solidairement Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] à lui payer la somme de 253 865,36€, arrêtée au 15 décembre 2022 outre intérêts au taux légal à compter de cette date et jusqu’au règlement définitif, Sile Tribunal accordait à l’un ou à l’autre des défendeurs des délais de paiement:
Fixer le montant de l’échéance qui sera due pendant le délai accordé,Ordonner que l’absence ou le retard de paiement d’une seule de ces échéances entraînera l’exigibilité immédiate de l’intégralité de la créance du Crédit Logement, sans mise en demeure ni autre démarche préalable,En tout état de cause :
Débouter Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] de toutes leurs demandes, fins et prétentions, Ordonner la capitalisation des intérêts,Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,Condamner solidairement Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] au paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance y compris ceux de la procédure d’exécution (article 695 du CPC) les frais occasionnés par les mesures conservatoires restant à la charge du ou des débiteurs conformément aux dispositions de l’article L512-2 du CPCE.
A l’appui de ses prétentions, la société Crédit Logement fait valoir à titre principal, qu’elle a agi au titre de son recours personnel prévu à l'article 2305 du code civil pour avoir payé la dette des débiteurs. Elle rappelle qu'elle s'est portée caution et a honoré le paiement de la somme de 253 069,75€ au lieu et place des époux [W]. Ce recours est un droit propre de la caution contre le débiteur principal, indépendant du droit du créancier contre ce même débiteur.
Elle conteste l’argumentaire de Monsieur [X] [W] selon lequel la déchéance du terme a été prononcée en fraude de la procédure de surendettement, faisant valoir que cette procédure est personnelle et qu’elle ne fait pas obstacle à la prononciation de la déchéance du terme, celle-ci ne constituant pas une voie d’exécution. Elle rappelle une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle “l’absence de déchéance du terme à l’égard de l’un des débiteurs solidaires ne prive pas la caution de son droit d’exercer à son encontre son recours personnel”. Par ailleurs, elle précise qu’elle n’a pas le pouvoir de prononcer la déchéance du terme puisqu’elle n’a pas la qualité de prêteur mais la qualité de caution exerçant un recours personnel. Ainsi, le débiteur ne peut lui opposer des exceptions telles que la régularité de la déchéance du terme ou la non production d’un tableau des sommes restant dues avec imputation mois par mois des paiements intervenus.
Elle ajoute que la lettre de déchéance du terme adressée à Madame [Z] est revenue “pli avisé et non réclamé” ; elle souligne que son destinataire n’a pas dénié réceptionner la lettre et que cette dernière n’a pas justifié du changement d’adresse. La société de Crédit Logement rappelle qu’il appartient à l’emprunteur, en cas de changement d’adresse d’en informer ses créanciers.

Elle énonce par ailleurs, que dans ses dernières conclusions Monsieur [X] [W] reconnaît expressément sa dette envers le crédit agricole au moins pour un montant de 209 393,17€, se référant au jugement de vérification de créances rendu par le juge des contentieux et de la protection en date du 14 avril 2022. Cependant, la caution souligne, que selon la jurisprudence bien établie, les jugements de vérification de créance n’ont pas autorité de la chose jugée. Ainsi, elle fait observer que sa créance d’un montant de 253 347,23€ correspond aux sommes versées au préteur comme en témoigne la quittance.
Elle fait remarquer également que les décomptes versés aux débats démontrent que les paiements effectués par Monsieur [X] [W] ont été pris en compte. Si ce dernier prétend avoir effectué des paiements directement entre les mains du prêteur, il lui incombe de se retourner contre la partie concernée le cas échéant. En conséquence, le crédit logement est fondé à solliciter la condamnation des deux emprunteurs à la somme de 253 865,36€, actualisée au 15 décembre 2022.
Elle ajoute que l’existence d’une procédure de surendettement à l’égard de Monsieur [W] ne saurait avoir d’incidence sur la présente procédure. En effet, l’article L722-2 du code de la consommation invoqué par ce dernier, ne concerne que les procédures d’exécution. Par conséquent, l’action du crédit logement est recevable pour obtenir un titre exécutoire, indépendamment de la situation de surendettement de Monsieur [X] [W], distinct de toute procédure de surendettement, afin de garantir le recouvrement des sommes dues.
Elle rappelle que tout débiteur bénéficiant d’une procédure de surendettement peut être déchu d’une telle procédure, ou voir les mesures adoptées caduques en cas de mauvaise foi ou d’absence de respect des mesures. Elle soutient qu’elle n’exécutera pas la décision pendant la procédure de surendettement dont bénéficierait Monsieur [X] [W].
Elle fait valoir que sur le volet des demandes de délai de paiement, Monsieur [X] [W] ne peut bénéficier d’un tel délai étant donné qu’il est actuellement engagé dans une procédure de surendettement. Elle rappelle que le bénéfice d’un délai de paiement est souvent conditionné par l’absence de toute autre procédure en cours qui pourrait impacter les obligations financières de la partie concernée.
Quant à la demande de Madame [B] [Z], bien qu’elle affirme prendre toutes les mesures nécessaires pour favoriser la vente amiable de l’immeuble, il est regrettable de constater qu’elle n’a fourni aucune justification tangible quant aux démarches entreprises en ce sens. La simple affirmation de prendre des mesures favorables à la vente ne suffit pas à démontrer sa capacité à régler sa dette à l’issu du délai sollicité. Elle soutient enfin qu’il n’y a pas lieu à écarter l’exécution provisoire, sachant que Madame [B] [Z] sollicite une demande de délai de paiement.

Suivant les dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2023 par voie électronique, Monsieur [X] [W] demande au tribunal de :

Débouter la société Crédit Logement de sa demande de condamner solidairement Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] divorcée [W] à lui payer la somme de 253 347,23€, prétendument arrêtée le 6 décembre 2019, qui est contraire à la quittance que lui a délivrée le Crédit Logement le 21 octobre 2019, Débouter la SA Crédit Logement de sa demande de capitalisation des intérêts qui n’a jamais été convenue, La débouter, comme inéquitable de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, Condamner la SA Crédit Logement en tous les dépens de l’instance avec toutes les conséquences de droit,

La condamner à payer aux défendeurs la somme de 3 000€ par application de l’article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, il fait valoir qu’il a scrupuleusement respecté ses engagements envers la banque, notamment en ce qui concerne le paiement régulier et en temps voulu des échéances convenues. Il fait observer qu’il a agi de manière proactive en saisissant à deux reprises la commission de surendettement avant tout impayé. Ainsi, il s’étonne que la banque se soit retournée contre son ex-épouse alors qu’il a toujours payé les échéances pour le compte de l’indivision.
Il souligne que le crédit agricole n’a jamais prononcé la déchéance du terme envers lui, de sorte que ce contrat doit encore s’appliquer aujourd’hui. Il rappelle que la société crédit Logement n’a pas compétence pour prononcer la déchéance du terme. Il souligne que la caution doit se soumettre aux conditions de remboursement définies par la commission de surendettement. En outre, il fait remarquer que la déchéance du terme prononcée et adressée à Madame [B] [Z] est inopérante. Il soutient qu’elle a été adressée en fraude des dispositions contractuelles puisqu’il a toujours payé les échéances du prêt selon le tableau prévu par la commission de la banque de France. Il fait remarquer que son ex-épouse n’a jamais reçu ce courrier puisqu’elle avait déménagé depuis plusieurs années. Il souligne que le crédit agricole n’a pas effectué les démarches à minima pour lui faire parvenir un tel courrier. Il en résulte que la déchéance du terme ne lui est pas non plus opposable.
Par ailleurs, que la somme de 253 347,23€ réclamée par la société Crédit Logement ne correspond pas au détail des dettes figurant au tableau d’amortissement de la banque. Il fait observer que l’analyse révèle une discordance significative puisque l’état établi au 31 août 2017 présente un montant de 230 100€, soit une différence de 23 000€. C’est pourquoi, il conteste le montant des sommes réclamées. Il rappelle que la société Crédit Logement ne peut exiger plus que ce qui est légitimement dû, surtout si elle agit en vertu de son recours personnel. En effet, il rappelle qu’elle ne détient aucun droit distinct de celui du créancier initial. En conséquence, la créance que peut recouvrer la caution est rigoureusement identique à celle dont disposait le créancier initial. Il ajoute que le crédit logement ne rapporte aucune preuve du montant de ce qui reste dû au crédit agricole. La caution ne produit aucun document en ce sens.
Par ailleurs, il fait observer que la banque n’a jamais respecté le plan conventionnel établi par la commission de la banque de France. Il rappelle qu’il devait payer la somme de 828,10€ par mois sur une période de 24 mois à compter du 31 août 2017. Toutefois, dès septembre 2017, elle a continué à prélever en plus du montant de 828,10€ la somme de 328,10€, les 15 septembre, 10 octobre et 1er novembre 2017. Il souligne qu’en octobre 2019, le crédit agricole a prélevé la somme totale de 20 614,03€ au lieu de 11 593,40€. Par conséquent, la créance du crédit logement s’élevait à la somme de 230 744,11€. Il ajoute que dans la quittance du crédit agricole les sommes suivantes de 12 212,33€ et 1 183,68€ sont dues au titre des pénalités de retard, mais il rappelle que la déchéance du terme n’a jamais été prononcée et donc ces deux sommes ne sont pas dues.
Il fait valoir que la procédure de surendettement est opposable à l’ensemble des parties. Il rappelle que lors d’une période de surendettement, il est interdit de procéder à des voies d’exécution et donc de prononcer la déchéance du terme. Il ajoute que la caution ne peut ignorer que la recevabilité d’une demande de surendettement lui interdit de désintéresser les cautions qui auraient payé le créancier principal après l’ouverture de la procédure. Il indique que la procédure est abusive en ce sens. Enfin, il fait valoir la décision du tribunal judiciaire de Poitiers en date du 14 avril 2022 qui a fixé le montant de la créance du Crédit logement en qualité de caution à la somme de 209 393,17€, compte-tenu des sommes déjà payées entre novembre 2019 et novembre 2021.

Suivant les dernières conclusions notifiées le 23 octobre 2020 par voie électronique, Madame [B] [Z] demande sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil au tribunal de:
Déclarer recevable et bien fondée ses demandes, Débouter la société Crédit Logement de sa demande de condamnation solidaire de Madame [B] [Z] et de Monsieur [X] [W] au paiement d’une somme de 253 347,23€, arrêté le 6 décembre 2019, Ordonner que la créance de la société Crédit Logement soit fixée à la même somme que celle du Crédit Agricole Mutuel d’Aquitaine d’un montant de 230 100,67€, Débouter la société Crédit Logement de sa demande de capitalisation des intérêts, Ordonner qu’au regard de la situation de la concluante et en considération des besoins du créancier, le paiement des sommes dues soit reporté dans la limite de deux années, Ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées portent intérêts au taux d’intérêt légal, Ecarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir, Débouter la société Crédit Logement de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que de sa demande de condamnation aux entiers dépens des défendeurs, Ordonner que chacune des parties conserve la charge de ses dépens.
A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir que la jouissance du domicile conjugal a été attribuée à Monsieur [X] [W] et qu’il était tenu de rembourser l’emprunt immobilier avec reddition des comptes. Elle fait remarquer que la situation des parties est différente puisqu’elle dispose d’un salaire net de 1 515,54€. Elle ajoute qu’elle a toujours à charge ses deux fils majeurs et qu’elle assume seule toutes les charges de la vie courante.
Elle reprend à son compte les contestations formées par Monsieur [X] [W] selon lesquelles la créance du crédit agricole s’élève à la somme de 230 100,67€ et non à la somme de 253 347,23€.
Eu égard à sa situation personnelle, elle sollicite sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil un report de la dette dans la limite de deux années. Elle fait observer qu’elle prend toutes les mesures nécessaires pour procéder à la vente de ce bien. Elle estime enfin que le tribunal doit écarter l’exécution provisoire de droit en raison de la nature de l’affaire.

Suivant les dernières conclusions notifiées le 4 avril 2023 par voie électronique, la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine demande sur le fondement des articles 1103 et 1104 du code civil au tribunal de :
Débouter purement et simplement Monsieur [X] [W] de l’intégralité de ses demandes, Condamner Monsieur [X] [W] au paiement d’une indemnité de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Condamner Monsieur [X] [W] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir , sur le fondement des articles 4 et 768 du code de procédure civile que Monsieur [X] [W] ne saisit la juridiction d’aucune demande à son encontre. En effet, ce dernier demande au tribunal de “constater”, or ces demandes ne constituent pas des prétentions au sens juridique du terme mais simplement des moyens soulevés. De plus, les prétentions initialement formulées dans l’assignation à son encontre ne sont pas reprises dans le dispositif des dernières conclusions, de sorte qu’elles doivent être considérées comme abandonnées.

Sur la validité de la déchéance du terme, elle soutient que les époux [W] ont souscrit ensemble en qualité de co-emprunteurs, un crédit immobilier auprès de la Caisse Régionale de crédit Agricole mutuel d’Aquitaine. Le contrat précise “toutes les obligations résultant du présent contrat à la charge de l’emprunteur engageront solidairement toutes les personnes désignées sous cette entité”. Elle fait observer que Monsieur [X] [W] a déposé un dossier de surendettement en février 2017 et qui a été accepté le 13 mars 2017. Elle rappelle que la procédure de surendettement est une procédure personnelle qui concerne le seul débiteur ayant déposé un dossier déclaré recevable. Ainsi, les mesures mises en place au bénéfice de Monsieur [X] [W] ne saurait s’étendre à Madame [B] [Z]. Si Monsieur [X] [W] bénéficie d’un plan de surendettement, il n’en reste pas moins qu’en sa qualité d’emprunteur solidaire, Madame [B] [Z] est tenue au paiement des échéances. Les dispositions contractuelles sont incontestables comme le démontre le paragraphe relatif à la déchéance du terme et exigibilité du présent prêt.
Elle fait valoir que les conditions du prononcé de la déchéance du terme ont été parfaitement respectées. Elle rappelle qu’elle a mis en demeure Madame [B] [Z] de régulariser la situation et faute de réponse de sa part dans les 15 jours, la déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée en date du 28 juillet 2017. Il ne saurait être soutenu que la déchéance du terme n’a pas été valablement prononcée en raison de son départ du domicile. En effet, selon la jurisprudence, le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité. C’était à cette dernière de l’informer de son changement d’adresse.
Sur le montant réclamé, elle souligne que les accords intervenus entre emprunteurs solidaires ne sont pas opposables à l’établissement bancaire, sauf accord express de ce dernier ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Madame [B] [Z] était tenue en tant qu’emprunteur solidaire de s’assurer que la banque percevait l’intégralité des mensualités et de s’acquitter des sommes restant dues. C’est la raison pour laquelle la banque a continué de prélever, tant que le solde du compte le permettait, le montant des échéances sur le compte commun de Monsieur [X] [W] et de Madame [B] [Z] postérieurement à la mise en place du plan de 2017. Elle rappelle que seul le déposant bénéficie des mesures de surendettement.
En réplique aux conclusions de Monsieur [X] [W], elle fait valoir que le montant de sa créance s’élevait à la somme de 253 069,75€ au moment de l’action de la caution. Le calcul repris par Monsieur [X] [W] est faux, puisque la somme de 230 100,67€ figurant dans le plan de 2017 de la banque de France est calculée sur un taux de 0%. Si ce taux peut s’appliquer à lui, il n’en va pas de même à l’encontre de son ex-épouse, qui n’a pas déposé de dossier et qui ne peut donc prétendre à l’application des mesures de surendettement. Ainsi, le décompte des sommes dues établi par l’organisme bancaire est parfaitement cohérent. Le crédit Logement a versé la somme de 253 069,75€ à l’organisme bancaire, comme demandé par le décompte.
Enfin, Monsieur [X] [W] ne peut valablement soutenir qu’il ignorait toutes les modalités de calcul des sommes dues à la banque pour se dédouaner de ses responsabilités.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Le tribunal rappelle à titre liminaire qu'il n'a pas à statuer sur les demandes de « dire et juger » ou «constater» qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d'une prétention dans la partie « discussion » des conclusions.

1 - Sur la demande principale de la société Crédit Logement en paiement :

1.1- Sur la régularité de la déchéance du terme :

Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise; elles doivent être exécutées de bonne foi.
L’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Conformément à l’ancien article 1139 du code civil, dans sa version applicable au litige, la mise en demeure du débiteur est constituée d’une sommation ou d’un acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante.

Il résulte de ces textes que la mise en demeure, préalable au prononcé par le prêteur de la déchéance du terme conformément à la clause de résiliation prévue à un contrat de prêt, ne comporte une interpellation suffisante de l’emprunteur qu’à la condition d’indiquer qu’en cas de défaut de paiement, dans un certain délai, des échéances échues impayées, le prêteur pourra se prévaloir de la déchéance du terme du prêt.
Par ailleurs, il est constant que la mise en demeure qui est adressée par le créancier au débiteur en cas d’inexécution contractuelle est effectuée par lettre recommandée, le défaut de réception effective de celle-ci n'affecte pas sa validité.
Il ressort également des articles 1200, 1203 et 1204 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016, que la mise en demeure adressée à l'un des débiteurs solidaires produit effet à l'égard des codébiteurs solidaires.

En l’espèce, il est relevé de l’instruction du dossier que Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] ont souscrit un prêt immobilier le 24 janvier 2011 auprès de la banque “ Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine” pour un montant de 278 304€.
Le contrat de prêt stipule aux paragraphes suivants :
- “SOLIDARITÉ ET INDIVISIBILITÉ” : toutes les obligations résultant du présent contrat à la charge de l’emprunteur engageront solidairement toutes les personnes désignées sous cette entité,
- “DÉCHÉANCE DU TERME- Exigibilité du prêt” : en cas de survenance de l’un quelconque des cas de déchéance du terme visés ci-après, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt, en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours : en cas de défaillance dans le remboursement des sommes dues en vertu du prêt financé.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine a mis en demeure le 1er juin 2017 Madame [B] [Z] de régulariser la situation sous quinze jours en lui précisant qu’à défaut de règlement dans le délai imparti, elle prononcerait la déchéance du terme. Cependant, faute de remboursement dans les délais prévus, l’organisme bancaire a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 28 juillet 2017.

Il ressort également des accusés de réception des deux courriers, la mention “pli avisé, non réclamé”. Si Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] contestent la régularité de la déchéance du terme, arguant que la lettre de mise en demeure est restée vaine, force est de constater que ce courrier a été notifié à la seule adresse connue de la Banque.
La non réception effective par Madame [B] [Z] ne remet pas en cause la validité de la déchéance du terme prononcée le 28 juillet 2017, dès lors que cette dernière a été avisée des démarches.
Par ailleurs, il est rappelé que le principe de la solidarité des débiteurs implique que chaque co-débiteur solidaire est tenu du paiement de l’intégralité de la dette. En vertu de ce principe, la mise en demeure adressée à l’un des co-débiteurs solidaires produit effet à l’égard de tous les codébiteurs solidaires, y compris ceux qui n’ont pas été directement notifiés. Ainsi, la mise en demeure du 1er juin et la déchéance du terme du 28 juillet 2017, même adressées uniquement à Madame, ont produit leur effet à l’égard de Monsieur [X] [W] en sa qualité de co-débiteur solidaire. Ainsi, les moyens invoqués en ce sens de Monsieur [X] [W] sont inopérants..
En conséquence, les deux courriers de la banque produisent plein effet à l’égard de Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z]. Les moyens d’irrégularité de la déchéance du terme soulevés par les ex epoux [W] ne sont donc pas fondés.

1.2 - Sur la somme réclamée par la société de Crédit Logement :
L’article 1103 du Code Civil, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Si le créancier, faute d’avoir été payé par le débiteur principal, a fait appel au garant, celui-ci, qui aura payé une dette qui n’est pas la sienne, est en droit de réclamer au débiteur le remboursement de ce qu’il a payé.
L’article 2305 du Code civil dispose que :
- la caution qui a payé son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur ;
- ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins, la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites engagées contre elle ;
- elle aussi recours pour les dommages et intérêts s’il y a lieu.

Cet article reconnaît à la caution une action personnelle, découlant de sa qualité de caution, et lui permet d’obtenir l’indemnisation la plus large. Le débiteur lui doit en effet non seulement la somme qu’elle aura payée au créancier, mais aussi les intérêts de cette somme, qui courent de plein droit, et tous dommages et intérêts pour des préjudices distincts de l’avance de fonds à laquelle elle aura été contrainte.

En l'espèce il ressort des pièces produites par la société Crédit Logement, les éléments suivants:
- le contrat accordant le prêt n°00076155642 ;
- le tableau d’amortissement du prêt ;
- l'acte de cautionnement ;
- la lettre de mise en demeure de la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine en date du 1 juin 2017 et celle prononçant la déchéance du terme du contrat suivant courrier recommandé en date du 28 juillet 2017 ;
- la quittance subrogative du 21 octobre 2019, attestant du montant des sommes acquittées par la société Crédit Logement en lieu et place des débiteurs principaux en sa qualité de caution ;
- la mise en demeure préalable à l’assignation adressée par la société Crédit Logement;

- le jugement du tribunal judiciaire de Poitiers du 14 avril 2022, fixant la créance de la société Crédit logement à la somme de 209 393,17€.
- le décompte de créance établi le 15 décembre 2022, pour un total de 235 865,36€ dont 227 772,78€ en principal, 168,18€ en intérêts et 7 924,40€ en accessoires.
La société Crédit Logement justifie s’être portée caution solidaire en garantie du remboursement du prêt immobilier n°00076155642 du 24 janvier 2011 souscrit par Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z]. Elle prouve par la production de la quittance subrogative du 21 octobre 2019 avoir réglé à la Caisse Régionale de Crédit Agricole mutuel d’Aquitaine la somme de 253 069,75€.
Ainsi, la société Crédit logement fait valoir que son action trouve son fondement non pas dans le contrat qui liait les débiteurs à la Caisse Agricole mais dans le lien de droit qui la lie personnellement aux ex-époux [W].
Sur le sort de la demande de la caution à l’encontre de Monsieur [X] [W] : Aux termes de l’article L. 722-2 du code de la consommation, la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires.
Il est de jurisprudence constante que l’ouverture d’une procédure de surendettement et la force exécutoire attachée aux mesures préconisées par la commission de surendettement ne font pas obstacle à l’action en justice initiée par un créancier et visant à l’obtention d’un titre exécutoire sur les principes et quantum des sommes dues, lequel est susceptible d’être invoqué ultérieurement en cas d’échec du plan.
En l’espèce, contrairement à ce que soutient Monsieur [X] [W] sur ce point, l’existence d’une procédure de surendettement n’est pas de nature à faire obstacle à sa condamnation au paiement des sommes dues mais seulement à l’exécution forcée de la présente décision ni à suspendre le cours des intérêts et des pénalités échus dus à la caution en vertu de son recours personnel.
Dans ces conditions, la société crédit logement peut valablement, comme elle le fait par la présente instance solliciter un titre à l’encontre de Monsieur [X] [W].
Par ailleurs, n’ayant rien eu à exiger immédiatement de Monsieur [X] [W], lequel respectait scrupuleusement le plan, il est logique qu’aucune mise en demeure (d’avoir à payer ou à faire) ait été émise par la caution à son encontre, de sorte qu’aucun reproche en ce sens n’est pertinent.
Ainsi, il y a lieu de faire droit à la demande de condamnation en principal, étant précisé que le tribunal rappellera à la caution que conformément à la loi aucune mesure d’exécution de cette condamnation ne pourra intervenir tant que Monsieur [X] [W] respectera le plan qui lui a été fixé par la commission.

Sur le sort de la demande de la caution à l’encontre de Madame [B] [Z], ex-épouse [W] :
En l’espèce, Madame [B] [Z] fait état d’une décision du juge aux affaires familiales en date du 14 avril 2017 attribuant la jouissance du domicile conjugal à Monsieur [X] [W] et disant qu’il doit assumer seul la charge du crédit immobilier commun pour ne pas se voir opposer l’action de la caution.

Il y a lieu de rappeler que les décisions du juge aux affaire familiales ne sont pas opposables aux créanciers du couple, et particulièrement à la société Crédit Logement dont il n’est pas discuté qu’elle est créancière de Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] pour avoir réglé à leur place, en sa qualité de caution solidaire, le montant des échéances impayées du prêt qui avait été souscrit par ceux-ci auprès du crédit agricole.
Dans ces conditions, la créance de la société Crédit Logement n’est que la conséquence de l’emprunt auprès de la banque, moyennant quoi nonobstant leur divorce ils continuent d’être tenus solidairement à l’égard de la caution. Il est rappelé que la question de leurs intérêts personnels l’un à l’égard de l’autre devant être réglée dans le cadre de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux après divorce.
Par ailleurs, il est rappelé que le plan de surendettement de Monsieur [X] [W] ne peut bénéficier à Madame [B] [Z]. En effet, en sa qualité de co-emprunteur solidaire elle restait tenue pour le tout de la dette, dont la caution exige au titre d’un recours personnel le remboursement.
Ainsi, la demande de condamnation de Madame [B] [Z] au paiement en principal sera accordée à la société Crédit Logement.
Sur le montant de la créance exigible :Le second alinéa de l’article 2305 du code civil (recours personnel de la caution) ouvre à la caution le recours institué par le premier alinéa “tant pour le principal que pour les intérêts”.
Il y a lieu de préciser que par principal, il faut entendre, au sens du second alinéa de l’article 2305 du code civil, non seulement le principal de la dette garantie, tel qu’il résulte du lien d’obligation entre le créancier et le débiteur, mais la somme de tout ce que la caution a été contrainte de payer au créancier, comprenant le capital de la dette, les intérêts conventionnels ou légaux dus au créancier, les frais engagés par ce dernier dans la mesure où il sont répétibles contre la caution, et d’éventuels dommages et intérêts ou d’autres accessoires de la dette garantie.
Par ailleurs, il est souligné que le jugement de vérification des créances, n’a qu’une autorité relative. Rien n’interdit au créancier d’agir au fond pour obtenir un titre, dont le montant pourra être différent de celui fixé par le juge dans le cadre de la vérification de la créance.

En l’espèce, Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] font encore grief à la société Crédit logement de ne pas justifier du montant de 235 865,36€ qu’elle réclame. Ils invoquent la décision du tribunal judiciaire du 14 avril 2022 qui fixe la créance de la société crédit logement à la somme de 230 100,67€.
En premier lieu, il est établi que le jugement du tribunal judiciaire de Poitiers du 14 avril 2022 invoqué par les emprunteurs ne peut être valablement opposé à la caution. En effet, il est rappelé que la créance n’est vérifiée que dans le cadre de la procédure, c’est-à-dire que pour l’établissement du plan ou des mesures recommandées. Ce jugement n’a de ce fait qu’une qu’une autorité relative et ne peut être utilisé pour établir le montant de la créance du Crédit Logement.
Ensuite, la société Crédit logement établit sa créance par la production de la quittance subrogative du 21 octobre 2019 que la banque lui a délivré et rapporte la preuve qu’elle a payé la somme de 253 069,75€. Cette somme comprend selon la quittance subrogative et le décompte produit par la société Crédit Logement:
- dont capital restant dû : 239 764,74€,
- dont pénalités de retard : 12 121,33€,
- dont frais prêteur : 1 183,68€.
- Intérêts de retard au taux légal jusqu’à parfait paiement.

La société Crédit Logement produit également un décompte de créance daté du 15 décembre 2022 pour un montant de 235 865,36€ prenant en compte les versements opérés par Monsieur [X] [W] depuis la délivrance de la quittance par le crédit agricole. Cette somme se décompose de la manière suivante :
- dont capital restant dû : 227 772,78€,
- dont intérêts : 168,18€,
- Accessoires : 7 924,40€.
Dans ces conditions, la créance de 235 865,36€ dont se prévaut la société Crédit logement est démontrée.
En conséquence, Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z] seront condamnés solidairement à verser à la société crédit logement la somme de 235 865,36€ correspondant au montant de sa créance au 15 décembre 2022.

1.3 Sur la demande de condamnation du taux légal depuis le 15 décembre 2022 :
Il ressort de la lecture combinée des articles 1153 et 1153-1 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et de l’article 2305 du Code civil que le recours de la caution à l’encontre du débiteur principal a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais, et que les intérêts courent de plein droit à compter du paiement par la caution.
Par ailleurs, l’article 1154 ancien du code civil applicable au litige dispose que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus pour une année entière.

A l’égard de Monsieur [X] [W] : En l’espèce, compte-tenu de la procédure de surendettement en cours, il y a lieu de dire que les intérêts seront dus sur le principal au taux légal qu’à compter de la fin de la mise en oeuvre du plan de surendettement et tant que Monsieur [X] [W] respecte les échéances fixées par la commission de la banque de France.

A l’égard de Madame [B] [Z] : En l’espèce, il y a lieu de dire que Madame [B] [Z] sera condamnée au paiement principal assorti d’intérêts aux taux légal à compter du 15 décembre 2022, date de la dernière mise à jour des créances.

1.4 - Sur la demande de capitalisation des intérêts :
Aux termes de l'article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, applicable au litige, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du même code peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à une capitalisation des intérêts dus par l'emprunteur et par extension par la caution.
En l’espèce, il y a lieu de rejeter la demande de capitalisation des intérêts de la société Crédit Logement.

2 - Sur la demande des délais de paiement de Madame [B] [Z] :
Aux termes de l’article 768 alinéa 2 du code de procédure civile, le tribunal ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examinera les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
L’article 1343-5 du code civil dispose dans son premier alinéa que : “le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues”.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts au taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
Néanmoins cet aménagement n'est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s'en acquitter dans le respect des droits du créancier.
Aussi, l'octroi de délais de paiement n'est pas de plein droit et cette mesure en faveur ne peut bénéficier qu'au débiteur de bonne foi.
En l’espèce, Madame [B] [Z] sollicite un report dans la limite de deux ans le paiement des sommes dues.
La société Crédit logement s’y oppose. Si Madame [B] [Z] ne justifie pas des démarches afin d’obtenir la mise en vente du bien immobilier indivis, il est relevé de ses écritures qu’elle entend tout mettre en oeuvre pour régler la situation au plus vite.
Ainsi, dans l’attente de cette vente, la situation de cette dernière justifie d’accorder à Madame [B] [Z] un moratoire d’une durée maximale de 24 mois à compter de la signification du présent jugement.
Passé ce délai, sa dette à l’égard de la société Crédit logement redeviendra immédiatement exigible, dans les conditions rappelées dans le dispositif du présent jugement.

3 - Sur les autres demandes :
3.1 Sur les dépens :
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l’espèce, Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z], parties perdantes, seront condamnés aux dépens de la présente procédure y compris ceux de la procédure d’exécution (article 695 du CPC) étant rappelé que les frais occasionnés par les mesures conservatoires restent à la charge du ou des débiteurs conformément aux dispositions de l’article L. 512-2 du CPCE.

3.2 Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
N° RG : N° RG 20/01519 - N° Portalis DBX6-W-B7E-UFAT

En l’espèce, il apparaît équitable de ne pas condamner Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z], ex-épouse [W] au paiement d’une indemnité procédurale. Chacune des parties est donc déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

3.3 Sur l'exécution provisoire :
L'article 515 du code de procédure civile autorise le juge à ordonner l'exécution par provision de sa décision chaque fois qu'il l'estime nécessaire et que cette mesure est compatible avec la nature de l'affaire et autorisée par la loi.
En l'espèce, aucun motif ne conduit à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Condamne solidairement Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z], ex-épouse [W] à payer à la société Crédit Logement, la somme de 235 865,36 euros, outre intérêts au taux légal à compter :
- de la fin de la mise en oeuvre du plan de surendettement pour Monsieur [X] [W]
- du 15 décembre 2022, pour Madame [B] [Z],
Rappelle que les voies d’exécution résultant du titre obtenu par le Crédit Logement sont suspendues tant que le plan de surendettement dont bénéficie Monsieur [X] [W] est respecté,
Dit que Madame [B] [Z] pourra se libérer de ladite somme à l’issue d’un délai de deux ans (délai maximum) à compter de la signification de la présente décision,
Dit qu’à l’expiration de ce délai, la dette sera immédiatement exigible, sans nécessité d’une mise en demeure,
Rappelle que l’application de l’article 1343-5 du code civil suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant les délais accordés,
Rejette la demande de capitalisation des intérêts,
Condamne Monsieur [X] [W] et Madame [B] [Z], ex-épouse [W] aux entiers dépens de la présente instance, y compris ceux de la procédure d’exécution (article 695 du CPC) et rappelle que les frais occasionnés par les mesures conservatoires restent à la charge du ou des débiteurs conformément aux dispositions de l’article L512-2 du CPCE,
Déboute les parties de toutes leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.
Le présent jugement a été signé par Madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Bordeaux
Formation : 5ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01519
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;20.01519 ?
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