N° RG 19/11594 - N° Portalis DBX6-W-B7D-T6Q4
PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE
74A
N° RG 19/11594 - N° Portalis DBX6-W-B7D-T6Q4
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[K] [I], [D] [X] épouse [I]
C/
[Z] [R], [G] [Y], [O] [B], [A] [P]
Exécutoires délivrées
le
à
Avocats : Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL
Maître Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON
Maître Clotilde CAZAMAJOUR de la SELARL URBANLAW AVOCATS
N° RG 19/11594 - N° Portalis DBX6-W-B7D-T6Q4
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 02 JUILLET 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente,
Madame Patricia COLOMBET, Vice-Présidente,
Madame Delphine DUPUIS-DOMINGUEZ, Juge,
Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 21 Mai 2024 sur rapport de Patricia COLOMBET, Vice-Présidente, conformément aux dispositions de l’article 785 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort,
Par mise à disposition au greffe,
DEMANDEURS :
Monsieur [K] [I]
né le 02 Mars 1946 à CAUDÉRAN (33200)
5 rue Corneillan
33460 MARGAUX
représenté par Maître Clotilde CAZAMAJOUR de la SELARL URBANLAW AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
Madame [D] [X] épouse [I]
née le 12 Décembre 1950 à BORDEAUX (33000)
5 rue Corneillan
33460 MARGAUX
représentée par Maître Clotilde CAZAMAJOUR de la SELARL URBANLAW AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
DEFENDEURS :
Monsieur [Z] [R]
né le 12 Novembre 1971 à BORDEAUX (33000)
11 rue Corneillan
33460 MARGAUX
représenté par Maître Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
Madame [G] [Y] épouse [R]
née le 16 Novembre 1964 à LE MANS (72000)
11 rue Corneillan
33460 MARGAUX
représentée par Maître Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocats au barreau de BORDEAUX, avocats plaidant
Monsieur [O] [B]
né le 01 Novembre 1973 à CENON (33150)
9 rue Corneillan
33460 MARGAUX
représenté par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Madame [A] [P]
née le 13 Mai 1977 à LE MANS (72000)
11 rue Corneillan
33460 MARGAUX
représentée par Me Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [I] et Mme [D] [X] épouse [K] sont propriétaires de plusieurs parcelles sur la commune de Margaux (33) séparées de la parcelle des époux [Z] [R] -[G] [Y] contiguë à celle de M. [O] [B] et Mme [H] [P], par un chemin de4 mètres de large débouchant sur la voie publique rue de Corneillan sur lequel M. [C] [S] propriétaire de parcelles au nord de ce chemin, bénéficiait d’une servitude de passage légale pour cause d’enclave.
Par jugement définitif en date du 8 octobre 2009, le tribunal de grande instance de Bordeaux a constaté l’extinction de cette servitude de passage du fait du désenclavement des parcelles de M. [S] par suite de la création d’un autre chemin d’accès à la voie publique et a dit que celui-ci ne pouvait donc plus faire usage de la servitude lui donnant accès à la rue Corneillan.
Considérant que l’extinction de la servitude de passage rend désormais inutile le maintien du chemin séparant leurs fonds de ceux des consorts [R] et [B] - [P], les époux [I] souhaitant récupérer dans un premier temps pour partie, ledit chemin dont ils revendiquent la propriété ont saisi le tribunal d’instance de Bordeaux d’une action en bornage judiciaire, laquelle a été rejetée par jugement définitif du 23 novembre 2018.
Puis par actes distincts en date du 19 décembre 2019, les époux [I] ont assigné devant la présente juridiction les époux [R], M. [O] [B] et Mme [A] [P] aux fins d’obtenir restitution de l’assiette du chemin, voir fixer la limite séparative de leurs fonds au droit des murs de clôture des défendeurs et interdire à ceux-ci l’accès audit chemin.
Par ordonnance en date du 4 septembre 2023, le juge de la mise en état statuant sur conclusions d’incident a rejeté la demande de production de pièces sous astreinte formulée par les requérants
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 31 octobre 2023 auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, M. [K] [I] et Mme [D] [X] épouse [I] demandent au tribunal au visa des articles 544, 685-1 et 1240 du code civil de :
-ordonner le rétablissement des propriétés immobilières en fonction des titres détenus par les parties,
-fixer la limite séparative entre les fonds [B] - [P]/ [R] [Y] et [I] selon les plans de bornage existants,
-interdire aux défendeurs l’accès à la servitude créée au seul bénéfice de M. [S] pour desservir son fonds enclavé, depuis le jugement du 8 octobre 2009,
-condamner les défendeurs à clôturer leurs propriétés selon les plans de bornage annexés à leur acte de vente notamment les sorties qu’ils se sont aménagés sans droit, et ce, sous astreinte de 300 euros par jour de retard 2 mois après la signification de la décision à intervenir,
-rejeter l’intégralité des prétentions des défendeurs,
-condamner solidairement les défendeurs au paiement d’une indemnité de 4500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens conformément à l’article 699 du même code,
-ordonner l’exécution provisoire de la décision conformément à l’article 515 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 4 mai 2022 auxquelles il convient également de renvoyer pour l’exposé de l’argumentaire, M. [O] [B] et Mme [A] [P] entendent voir sur le fondement des articles 544 et 1240 du code civil :
à titre principal
-rejeter l’intégralité des demandes des époux [I] formulées à leur encontre,
à titre reconventionnel
-condamner in solidum les époux [I] à leur payer la somme de 6.004,25 euros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice financier,
en tout état de cause
-condamner in solidum les requérants à leur payer la somme de 4500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-rejeter toutes autres demandes plus amples et contraires dirigées à leur encontre,
-condamner les époux [I] aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de leurs conclusions notifiées par RPVA le 25 janvier 2024 et auxquelles il convient de renvoyer pour l’exposé des moyens, M. [Z] [R] et Mme [G] [Y] épouse [R] demandent au tribunal au visa des articles 9 et 32-1 du code de procédure civile ainsi que 1353 du code civil de :
à titre liminaire et principal
-rejeter l’action judiciaire des époux [I] comme irrecevable et/ou nulle
à titre subsidiaire et surabondant
-rejeter l’action et les prétentions des époux [I],
en tout état de cause
-condamner les époux [I] à leur payer la somme de 5000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile sans préjudice de l’amende civile qu’il plaira,
- condamner les requérants à leur payer la somme de 8000 euros d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner les époux [I] aux entiers dépens,
-dire en tant que de besoin y avoir lieu à exécution provisoire à leur encontre pour ce qui précède,
- dire en tant que de besoin n’y avoir lieu à exécution provisoire au profit des époux [I],
L’ordonnance de clôture a été établie le 11 avril 2024.
Lors de l’audience, le tribunal a mis dans le débat l’irrecevabilité de l’exception de procédure soulevée par les époux [R] et a invité les parties à faire parvenir si elles le souhaitaient leurs observations sur ce moyen soulevé d’office sous 8 jours.
MOTIVATION
1-SUR LES MOYENS DE PROCEDURE SOULEVÉS IN LIMINE LITIS PAR LES EPOUX [R]
A titre principal, les époux [R] soulèvent d’abord l’irrecevabilité de l’action des époux [I] au motif que ceux-ci ne justifient pas de leur qualité, de propriétaires des parcelles n° 327, 331, 333, 335, 337, 339, 341 et 347 qui confrontent le chemin litigieux côté Est ni d’un intérêt et pouvoir à agir. Ensuite, au visa de l’article 56 ancien du code de procédure civile ils invoquent la nullité de l’assignation faute de tentative de règlement amiable préalable laquelle constitue une exception de procédure.
A- sur la fin de non recevoir pour défaut de qualité à agir
L’article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 789-6° du code de procédure civile qui confère au juge de la mise en état une compétence exclusive pour statuer sur les fins de non recevoir, ne s’applique qu’aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020. La présente instance ayant été introduite par actes du 19 décembre 2019, la présente juridiction du fond est compétente pour statuer sur la fin de non recevoir soulevée par les époux [R].
Il convient de rappeler qu’en application de l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu’il n’en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. Il s’ensuit que le fait que les époux [R] n’aient pas soulevé en octobre 2018 à l’occasion de l’action en bornage devant le tribunal d’instance de Bordeaux la moindre difficulté concernant la qualité de propriétaires des époux [I], concernant les parcelles contiguës au chemin litigieux, ainsi que souligné par les requérants, ne les prive pas de la faculté d’ opposer cette fin de non recevoir dans le cadre de la présente instance.
Toutefois, il convient de préciser que la présente juridiction est saisie par les époux [I] d’une action en revendication de la propriété du chemin assiette de la servitude de passage éteinte .
L’action en revendication de la propriété immobilière appartient à celui qui se prétend propriétaire. L’existence du droit invoqué par les demandeurs n’est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès. Ainsi celui qui se prétend propriétaire d’un bien immobilier a nécessairement qualité à agir en revendication de la propriété de celui-ci peu important qu’il soit ou non propriétaire des parcelles contiguës au bien revendiqué, en l’espèce le chemin litigieux.
Dès lors que les époux [I] se prétendent propriétaires du chemin revendiqué ils ont qualité à agir en revendication ce qui rend leur action recevable.
B-sur l’exception de procédure pour nullité de l’assignation
Ainsi qu’il a été mis dans le débat, l’article 771 du code de procédure civile dans sa version en vigueur à la date de l’assignation du 19 décembre 2019, repris à l’actuel article 789 du même code disposait que :
“Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation le juge de la mise en état est jusqu’à son dessaisissement seul compétent à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour :
1- statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties, ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incident ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.
[...]”
En l’espèce, l’exception de procédure relative à la nullité de l’assignation pour absence d’indication des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige tel qu’exigé par l’article 56 du code de procédure civile dans sa version applicable à l’espèce, n’est pas survenue ni n’a été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état de sorte qu’elle devait être soulevée devant ce magistrat et les consorts [R] ne sont plus recevables à se prévaloir de la nullité de l’assignation devant la présente juridiction du fond .
2- SUR LA REVENDICATION DE LA PROPRIETE DU CHEMIN
Dans leur argumentaire, qui vient préciser les prétentions visées au dispositif de leurs conclusions, les époux [I] se considèrent pleinement propriétaire du chemin assiette de la servitude de passage éteinte qu’il qualifient de sentier et entendent donc voir fixée la limite séparative entre les fonds aux droit des murs clôturés existant des consorts [B]-[P] et [R]. Ils exposent que la servitude de passage portait sur une bande menant à la voie publique, d’une largeur de 4 mètres dont l’assiette devait être prise pour moitié sur leurs parcelles n° 327, 331, 333, 335, 337, 339, 341 et 347 et pour moitié sur les parcelles appartenant actuellement aux consorts [B] [P] (1178) et [R] (918) et faisant partie du lotissement Brunet, ainsi que rappelé sur les titres de propriété de ceux-ci et plan de bornage dudit lotissement. Or, les époux [I] soutiennent que les défendeurs ont édifié leurs clôtures côté Est en limite de leur propriétés respectives et n’ont pas laissé libre le passage de deux mètres en retrait sur leur fonds comme exigé par leurs titres de propriété , de sorte que l’assiette de la servitude de passage a été décalée sur les parcelles n° 327, 331, 333, 335, 337, 339, 341 et 347 des époux [I], seuls fonds assujettis à la servitude . Du fait de l’extinction de la servitude de passage, ils entendent donc, sur le fondement des articles 544 et 685-1 du code civil obtenir restitution du passage exclusivement pris sur leur propriété et en interdire l’accès aux consorts [B]-[P] et aux époux [R].
Les défendeurs s’opposent à ces demandes. Ils font valoir que le chemin assiette de l’ancienne servitude de passage, n’est pas la propriété des seuls époux [I], s’agissant d’un chemin mitoyen sur lequel les propriétaires des fonds contigus à celui-ci ont un droit de propriété indivis de sortent qu’il peuvent légitiment l’utiliser.
Les consorts [B]-[P] soulignent que les allégations des requérants selon lesquelles il se seraient appropriés une partie du chemin mitoyen, et qu’ils contestent ne sont au surplus corroborées par aucun élément probant. Ils indiquent s’être conformés au plan de bornage et avoir implanté leur mur de clôture en retrait de 2 mètres de leur limite séparative précisant que la largeur de 19,55 mètres n’inclut pas l’emprise du chemin.
Les époux [R] rappellent que le passage mitoyen propriété commune indivise des parties ne peut être supprimé qu’avec l’accord de tous et font valoir qu’en réserver l’accès aux seuls époux [I] serait discriminatoire. Ils considèrent également non établies ni fondées le décalage du chemin mitoyen allégué par les requérants, rappelant que lors de la tentative de bornage M. [I] avait sollicité la remise en place des bornes dans la partie centrale du sentier mitoyen et qu’ils ont déjà déplacé leur clôture au milieu de celui-ci.
Il incombe aux époux [I] qui revendiquent la propriété exclusive de la bande de terrain de 4 mètres de large assiette de la servitude légale de passage éteinte, d’en rapporter la preuve.
Le droit de propriété défini à l’article 544 du code civil se prouve par tous moyens. A défaut de titre légal de propriété, spécialement de l’établissement du droit par prescription acquisitive, celui-ci peut être prouvé par la production d’un titre d’acquisition (vente, donation, testament notamment), ou par tout autre indice, dont, en particulier, la possession, mais encore les mentions cadastrales, sans que le cadastre constitue un titre de propriété, ou des attestations.
Les titres de propriété invoqués à leur profit par les époux [I] concernant les parcelles n° 327, 331, 333, 335, 337, 339, 341 et 347 sises sur la commune de Margaux et d’une superficie totale de 3227 m2 , à savoir les donations consenties les 3 février 1972 et 20 octobre 1974 par M. [V] [I] et son épouse Mme [N] [J] à leur fils [K] [I] ne comportent aucune mentions relative à l’assujettissement desdites parcelles à une quelconque servitude de passage .
Ainsi que rappelé par le tribunal d’instance de Bordeaux dans son jugement du 23 novembre 2018, ces titres de propriété mentionnent uniquement que ces parcelles confrontent au couchant (à l’ouest) un sentier mitoyen à Brunet et Hammés. L’existence de ce chemin mitoyen est confirmé par les titres de propriété des époux [R] du 21 août 2015 et des consorts [B]-[P] du 16 février 2016 qui précisent chacun que le lot vendu confronte à l’Est partie d’un passage mitoyen entre la propriété Brunet et la propriété [I] et imposaient aux acquéreurs de se clore de manière à laisser libre la partie du terrain servant audit passage. Il est encore établi par le procès-verbal de carence dressé le 20 octobre 2015 par M. [E] géomètre expert et communiqué par les requérants, l’existence du sentier mitoyen côté ouest de la propriété [I] sur le plan de masse et le plan d’arpentage de cette propriété réalisés en octobre 1971.
Ce chemin/sentier mitoyen correspond bien à celui litigieux assiette de la servitude de passage dont bénéficiait M. [S] ainsi qu’il résulte des plans cadastraux communiqués et de l’analyse par M. [E] des plans de bornage réalisés par M. [S] géomètre expert concernant la limite nord et nord ouest de la propriété [I] et du plan de bornage du lot n° 3 ([R]) du lotissement BRUNET.
Il n’est pas discuté que le chemin litigieux a une largeur de 4 mètres ce qui est par ailleurs confirmé par le plan de bornage du lot 3 (actuelle propriété des consorts [B]-[P]) annexé à l’acte d’achat de leur auteur, Mme [W] du 17 février 2006.
Les plans de bornage des parcelles des défendeurs mentionnent la ligne de retrait de deux mètres devant être respectée pour clore leurs fonds afin de laisser libre la partie du terrain servant audit passage et précisent, ainsi que leurs titres de propriété, que la superficie réelle de la parcelle 918 des époux [R] est de 1195 m2 en ce compris l’emprise de partie du chemin mitoyen et s’agissant de la parcelle 1178 des consorts [B]-[P] est de 882 m2 en ce compris l’emprise du chemin mitoyen.
Il résulte de l’ensemble de ces pièces la création d’un chemin mitoyen donc propriété commune de M. [I], des époux [R] et des consorts [B]-[P], pris sur une largeur de 2 mètres sur les parcelles de M. [I] et de 2 mètres sur chacune des parcelles des défendeurs qui constituait l’assiette de la servitude de passage au profit du fonds au Nord de M. [S]. Ainsi que souligné par les époux [R], les époux [I] ne peuvent soutenir qu’avant la création du chemin mitoyen celui-ci leur appartenait en intégralité alors qu’ils ont sollicité de M. [E] expert géomètre, le rétablissement des bornes telles qu’existant en 1971 soit dans la partie centrale du sentier mitoyen.
Par ailleurs, les requérants ne versent au débat aucune pièce de nature à établir que l’assiette actuelle du chemin mitoyen ne correspond pas à celle fixée par les titres de propriété, plans cadastraux et de bornage, ni que les consorts [B]-[P] et les époux [R] n’ont pas laissé libre la partie de leur terrain servant au passage, de sorte que l’emprise aurait été déplacée en intégralité sur les parcelles [I] leur conférant la propriété exclusive du passage.
Ils ne justifient donc pas de ce que le chemin revendiqué est leur propriété exclusive .
La nature mitoyenne du chemin implique une copropriété de son assiette entre les propriétaires des parcelles qui le confrontent leur conférant des droits communs et égaux, notamment quant à l’utilisation dudit chemin et qui ne se perd pas par un non usage ; la mitoyenneté n’étant pas une servitude.
Il ne peut donc être interdit aux défendeurs d’utiliser le chemin commun, car si leurs titres de propriété rappellent qu’ils ne doivent pas entraver le passage à l’occasion de la clôture de leur terrain, ils ne leur interdisent en rien d’utiliser ledit passage.
Les époux [I] seront donc déboutés de leurs demandes tendant à voir interdire aux défendeurs l’accès et l’utilisation du chemin mitoyen et de déplacer leur clôture coté Est à l’intérieur de leurs propriétés respectives sur 2 mètres.
3-SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES
A- la demande indemnitaire des époux [R]
Sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile les époux [R] considérant abusive l’action des requérants sollicitent à titre reconventionnel leur condamnation à leur payer la somme de 5000 euros d’indemnité en réparation du préjudice moral et d’atteinte à leur jouissance paisible sans préjudice de l’amende civile qu’il plaira. Ils invoquent l’obstination des époux [I] à remettre en cause le passage mitoyen malgré le jugement définitivement rendu par le tribunal d’instance du 23 novembre 2018 , les actes et justificatifs produits, quitte à se contredire et sans apporter le moindre élément sérieux.
Les époux [I] concluent au rejet de cette prétention sans développer le moindre argumentaire.
L’article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.
A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il n'appartient pas à une partie de solliciter le prononcé de l’ amende civile prévue à l’article 32-1 précité, lequel relève du pouvoir discrétionnaire du juge.
S'agissant de la demande de dommages et intérêts, l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus qu'en cas de mauvaise foi , d'erreur grossière de légèreté blâmable ou lorsqu’elle est animée par la seule intention de nuire à son adversaire.
En l’espèce, les époux [I] n’ont pas hésité à saisir la présente juridiction d’une action en revendication de la propriété de l’intégralité dudit chemin, alors que:
-jusqu’alors ils ne s’étaient prévalu que de la qualité de copropriétaire du chemin litigieux ( courrier adressé le 8 décembre 2007 à M. [S] pour lui demander de ne plus utiliser le passage) ou de propriétaire de la moitié du chemin uniquement (demande à M. [E] de poser des bornes dans la partie centrale du chemin)
- ils n’ont versé au débat aucune pièce probante étayant leurs dernières réclamations,
- que le caractère mitoyen du chemin avait été déjà retenu par le tribunal d’instance de Bordeaux dans son jugement du 23 novembre 2018, dont ils n’ont pas fait appel et qui était définitif à la date de l’introduction de la présente instance. Le tribunal ayant en effet rejeté l’action en bornage engagée par les époux [I] à l’encontre des consorts [B]-[P] et des époux [R] au motif que les propriétés des requérants et des défendeurs n’étaient pas contiguës entre elles mais contiguës à un chemin mitoyen, sur lesquels les propriétaires qui le confrontent ont un droit indivis.
Leur action est donc manifestement malicieuse et intentée avec une légèreté blamable ce qui constitue un exercice fautif du droit d’ester en justice.
Toutefois, les époux [R] ne justifient pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité d'assurer la défense de leurs intérêts dans le cadre de la présente instance, lequel sera réparé par la prise en charge des dépens et l'indemnité allouée au titre des frais irrépétibles .
B-la demande indemnitaire des consorts [B]-[P]
Au visa de l’article 1240 du code civil, les consorts [B]-[P] sollicitent la condamnation in solidum des époux [I] à leur payer la somme de 6.004,25 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier causé par la procédure abusivement diligentée à leur encontre par les époux [I]. Ils exposent que la procédure engagée sans fondement par les époux [I] a fait obstacle à la vente de leur propriété mise sur le marché en décembre 2019 suite au déménagement du couple sur Clermont Ferrand après que Mme [P] ait trouvé un emploi dans cette ville . Dans l’attente de l’issue du litige, ils ont mis en location leur maison à compter du 1er juin 2020 ne pouvant supporter les charges de celles-ci en plus de celle de leur nouvelle habitation. Le préjudice financier correspondant au montant des charges afférentes à la maison de Margaux de janvier 2020 au 1er juin 2020 soit 1200,85 euros x 5 mois. Ils contestent toute contradiction dans leurs positionnement sur le présent litige.
Les époux [I] concluent au rejet de cette demande indemnitaire. Il font valoir que M. [B] est mal venu à considérer abusive et préjudiciable l’assignation qui lui a été délivré alors qu’il était initialement d’accord avec leurs demandes sauf à se contredire ce qui est caractérise l’estoppel. Ils soutiennent par ailleurs que la présente procédure n’empêchait en rien la vente du bien immobilier de Margaux des consorts [B]-[P], de sorte que M. [B] dit assumer les conséquences de son choix de ne pas procéder à la vente du bien.
A titre liminaire, il convient de rappeler que l’estoppel s’entendant de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui, constitue une fin de non recevoir. Or, force est de constater, que les consorts [I] n’ont formulé dans le dispositif de leurs conclusions qui lie seul le tribunal aucune fin de non recevoir fondée sur l’estoppel à l’encontre des demandes reconventionnelles des consorts [B]-[P].
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il incombe à celui qui sollicite réparation sur ce fondement de rapporter la preuve de la faute reprochée, du préjudice subi et du lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Il est établi par les pièces communiquées par les consorts [B]-[P] (contrat de travail et relevé de compte de dépot du mois de mai 2020) que Mme [P] a été embauchée sous contrat à durée indéterminée par le CHU de Clermont Ferrand (63) à compter du 16 décembre 2019, et qu’au mois de mai 2020 les charges acquittées par M. [B] et Mme [P] afférentes à la maison du 9 rue Corneillan à Margaux s’élevaient à 1200,85 euros ( factures et mensualités EDF,ENGIE, SUEZ EAU, Taxe Foncière, prêt immobilier et assurance habitation).
En revanche, il n’est en rien justifié de la mise en vente de la maison de Corneillan, qui ne saurait résulter de la seule estimation le 23 août 2019 par LA LUCARNE DE L’IMMOBILIER agence située à Nanterre, du prix auquel le bien immobilier au demeurant non identifié, était susceptible d’être vendu. De même qu’il n’est produit aucun élément justifiant du nouveau domicile sur Clermont Ferrand du couple [B]-[P], ni permettant de confirmer l’impossibilité de vendre le bien de Corneillan du fait du litige en cours. En toute hypothèse, le lien de causalité entre le préjudice invoqué soit l’obligation de payer les charges de la maison de Margaux et la faute reprochée , à savoir le caractère abusif de la procédure engagée n’est pas établi, ce qui conduit au rejet de la demande indemnitaire.
4-SUR LES DEMANDES ANNEXES
En application de l’article 696 du code de procédure civile les époux [I] ayant principalement succombé supporteront in solidum la charge des entiers dépens de l’instance.
L’équité conduit à les condamner in solidum à payer aux consorts [B]-[P] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile , et sans solidarité, laquelle n’est pas demandée dans le dispositif des conclusions, la somme de 4000 euros aux époux [R] sur le même fondement.
L’ancienneté du litige justifie d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire en application de l’article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable aux instances introduites avant le 1er janvier 2020.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
REJETTE la fin de non recevoir soulevée par M. [Z] [R] et Mme [G] [Y] épouse [R], pour défaut de qualité et intérêt à agir des requérants,
DECLARE irrecevable devant la présente juridiction l’exception de procédure relative à la nullité de l’assignation soulevée par M. [Z] [R] et Mme [G] [Y] épouse [R],
DEBOUTE M. [K] [I] et Mme [D] [X] épouse [I] de l’ensemble de leurs demandes,
DEBOUTE M. [Z] [R] et Mme [G] [Y] épouse [R], de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
DEBOUTE M. [O] [B] et Mme [A] [P], de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts,
CONDAMNE M. [K] [I] et Mme [D] [X] épouse [I] à payer à M. [Z] [R] et Mme [G] [Y] épouse [R] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [K] [I] et Mme [D] [X] épouse [I] à payer à M. [O] [B] et Mme [A] [P] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum M. [K] [I] et Mme [D] [X] épouse [I] aux entiers dépens de l’instance,
ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.
La présente décision est signée par Madame Caroline RAFFRAY, Vice-Présidente, et Madame Hassna AHMAR-ERRAS, Adjoint administratif faisant fonction de greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT